jeudi 1 février 2024

Proactivité et réactivité en gestion de classe : non-conformité, perturbation et irrespect

Proactivité et réactivité en gestion de classe : non-conformité, perturbation et irrespect

(Photographie : Kay Von Aspern)






La vérification de la compréhension comme démarche proactive en gestion de classe


Une démarche préventive particulièrement centrale au niveau de la proactivité correspond aux actions qui portent sur la vérification de la compréhension. Elle permet de soutenir l’attention et d’assurer un engagement signifiant des élèves en matière d’apprentissage. 

La vérification de la compréhension, qui s’adresse à tous les élèves, doit s’accompagner d’une expression de vigilance de la part de l’enseignant. Ce dernier assure un contrôle assidu et visible sur la conformité du comportement enseigné et attendu. 

En matière de proactivité, la vérification de la compréhension et la vigilance s’associent comme étant la matière première du retour sur information de m’enseignant. Celui-ci constitue également l’ingrédient essentiel à la fois pour l’apprentissage et la gestion du comportement, sous la forme d’une rétroaction de l’enseignant vers l’élève.

La rétroaction qui est issue de la vérification de la compréhension, à la fois informe l’élève sur son comportement ou son apprentissage et peut jouer un rôle de renforcement positif. Pour beaucoup d’élèves, le fait de leur fournir fréquemment des commentaires positifs contribue en effet à alimenter leur motivation et leur sentiment d’efficacité personnelle.



Le danger d’une rétroaction essentiellement négative vers les élèves à l’origine de perturbations


Nous avons plus tendance à générer une rétroaction vers l’élève lorsque son comportement n’est pas en conformité avec l’attendu plutôt que lorsqu’il l’est. Cependant, en ce qui concerne la dimension du renforcement positif, l’impact de la rétroaction est régulièrement plus important si une remarque négative est au minimum compensé par trois remarques positives.

Là où la situation s’envenime, c’est avec la plus grande prévalence des interactions négatives entre les enseignants et les élèves qui présentent des comportements problématiques. Elle est elle-même contreproductive pour leur comportement. Elle peut avoir pour effet de promouvoir les comportements inappropriés qu’elle entend plutôt inhiber. 

En général, l’observation directe des interactions en classe révèle que les élèves identifiés comme ayant ou risquant d’avoir des troubles émotionnels ou comportementaux rencontrent des taux élevés d’interactions négatives ou neutres avec leurs enseignants. Ils reçoivent des taux élevés d’ordres de la part de ces derniers.

Ces élèves reçoivent plus d’attention de leurs enseignants à la suite d’un comportement inapproprié et peu d’attention de la part de leurs enseignants pour s’engager dans un comportement approprié

Pour certains de ces élèves, une contingence sociale naturelle, l’attention de l’enseignant, renforce ou augmente probablement un comportement inapproprié. Pour ces élèves, le moyen le plus prévisible d’obtenir l’attention de l’enseignant est de se livrer à un comportement inapproprié plutôt que d’adopter des comportements scolaires appropriés.

Cette action négative ne se limite pas à l’élève, car cela peut conduire également à une diminution des tentatives des enseignants d’engager ces élèves dans des activités pédagogiques en classe. 

Les enseignants, ne sachant plus que faire, peuvent réduire les interactions pédagogiques avec certains élèves pour éviter de déclencher et d’intensifier des comportements perturbateurs en pariant sur une ignorance réciproque. Il est d’ailleurs courant pour certains enseignants de constater qu’en l’absence de ces élèves, l’atmosphère de classe est améliorée et que le cours se passe mieux et est plus efficace.

Les interactions habituelles en classe entre les élèves qui présentent des comportements problématiques et leurs enseignants ne favorisent pas les comportements appropriés. 



Parier sur une rétroaction spécifique positive et proactive pour les élèves à l’origine de perturbations


Les contextes de classe qui se mettent en place par défaut ne vont pas assurer naturellement pour tous les élèves la distribution d’un renforcement positif suffisant pour les élèves qui en auraient le plus besoin. La rectification de cette situation demande une réelle prise de conscience de la part de l’enseignant et une autorégulation de ses pratiques en classe. 

La démarche doit être délibérée de la part de l’enseignant. Elle s’accompagne de l’acquisition d’une palette de pratiques et d’approches à adopter en fonction du contexte. L’enjeu est d’établir délibérément des environnements de classe qui favorisent un comportement approprié grâce à des stratégies préventives. Par défaut, l’enseignant va promouvoir, soutenir, enseigner et maintenir les comportements scolaires et sociaux appropriés des élèves. 

Il a notamment été montré qu’une vérification de la compréhension fréquente accompagnée de renforcement positif sur le comportement constituent des stratégies de base. Il a été mis en évidence que leur utilisation favorise une variété de comportements appropriés des élèves et de compétences scolaires comme :
  • Le suivi et le respect des consignes
  • L’engagement et le comportement dans les tâches d’enseignement
  • Le comportement attendu dans les tâches
  • La précision et l’achèvement du travail
À l’opposé, ils contribuent à diminuer la fréquence de comportements perturbateurs ou inappropriés et conduisent à une augmentation du comportement souhaité. 

La qualité du renforcement positif des enseignants est un déterminant important de leur efficacité à accroître les comportements appropriés des élèves. 

Que la rétroaction porte sur les apprentissages visés où le comportement, elle gagne à spécifier explicitement ce sur quoi elle porte. Elle doit revenir sur les attendus (compétences comportementales, sociales ou liées aux connaissances) et sur l’adéquation et les écarts de ceux-ci. 

Elle doit être distribuée de manière réfléchie pour répondre aux besoins comportementaux de chaque élève. Certains élèves peuvent avoir besoin de rétroaction pour des compétences sociables apparemment triviales, mais indispensables, car ils construisent encore leur répertoire de comportements et de compétences scolaires appropriés. De fait, tous les élèves ne vont pas susciter le même degré d’attention préventive. 

Une prévention efficace implique l’établissement d’environnements prévisibles et positifs qui soutiennent les besoins comportementaux et académiques des élèves.



Quand la prévention ne suffit plus


Après avoir mis en place une série de mesures de soutien proactives et utilisé des pratiques pédagogiques efficaces, certains élèves continuent à exprimer un comportement non conforme, perturbateur ou irrespectueux. 

Toutes les formes de renforcement positif des enseignants ne renforcent pas nécessairement tous les élèves et dans toutes les situations. Certains élèves ont des formes de comportement scolaire plus déviantes, avec de longs antécédents de formes d’attention négatives de la part des adultes à l’école. Ils peuvent réagir de manière négative aux expressions d’approbation occasionnelles des enseignants (Brophy, 2006 ; Wehby et coll., 1995).

L’enseignant va devoir réagir directement aux comportements spécifiques problématiques des élèves concernés. Mais cela ne s’improvise pas, il faudra d’abord prévoir les comportements susceptibles de se produire et de s’aggraver, puis planifier les réponses à ces comportements spécifiques. 



Réagir à la non-conformité aux consignes


On considère comme comportement non conforme, celui d’élèves hors tâche, qui ne suivent pas les règles ou les attentes énoncées. Si nous les sondons, ces élèves disposent souvent d’une longue liste d’excuses pour expliquer pourquoi ils ne suivent pas les consignes. 

Une réponse efficace consiste à rediriger le comportement de manière apaisée vers ce qui est attendu, de manière claire, spécifique et sans émotion, en coupant court toute tentative de justification de l’élève. 

Il s’agit d’être neutre et de ne pas s’écarter du message, quitte à faire usage de la technique du disque rayé s’il y a tentative de protestations.

Il faut coûte que coûte éviter de s’engager dans une discussion qui aura des allures de joute verbale et qui serait susceptible d’entraîner une escalade du comportement. 

Il est utile de fournir un renforcement positif aux élèves lorsqu’ils se conforment aux attentes. Cela peut être un incitatif supplémentaire pour les élèves non conformes. Dès que ceux-ci obtempèrent, nous leur délivrons également un renforcement positif. 

Si l’élève ne fonctionne pas, il est possible d’escalader l’approche et de proposer des alternatives aux élèves entre le choix d’obtempérer ou une proposition moins intéressante.

Une autre stratégie permettant d’augmenter la conformité est l’utilisation de l’élan comportemental.
 


Réagir aux perturbations mineures qui dérangent le cours 


Un élève perturbateur est un élève dont le comportement détourne l’attention de l’enseignant ou des élèves de l’enseignement.

La tâche de l’enseignant est de mettre fin aux perturbations aussi rapidement que possible sans en augmenter la fréquence et l’intensité par inadvertance.

La première étape pour mettre fin à un comportement perturbateur est de reconnaitre les conditions dans lesquelles certains élèves deviennent agités. Quels sont leurs antécédents, quel est le déclencheur qui favorise chez eux l’expression de ce comportement ?

Pouvoir identifier les situations avant qu’elles ne se produisent permet aux enseignants d’intervenir le plus tôt possible lorsque le comportement perturbateur s’annonce ou devient apparent. 

L’enseignant doit à ce moment-là rester calme et donner des indications claires pour rappeler le comportement attendu. Il renforce les élèves dont le comportement est adéquat pour le souligner. 

Si le comportement perturbateur se poursuit, l’enseignant adresse une déclaration corrective à l’élève de manière discrète, sans alerter les autres élèves du comportement. Lors de cette interaction, plutôt que d’être vindicatif, l’enseignant manifeste son inquiétude pour l’élève : 
  • Rappel de la règle : Par exemple, l’enseignant peut lui faire alors comprendre que son comportement l’empêche d’entendre le cours et les directives et qu’il se trouvera en difficulté pour la pratique autonome et l’évaluation formative. Au contraire s’il s’engage dans le comportement attendu, il augmente largement sa probabilité de réussite.
  • Proposition d’un choix : L’enseignant indique que la poursuite du comportement perturbateur aura des conséquences négatives propres sous forme d’une sanction ou d’un rapport d’incident qui aura probablement un impact négatif ultérieur pour l’élève. Le choix appartient à l’élève. 
Lors de ces interactions, l’enseignant décrit clairement à l’élève ce qu’il ou elle doit faire à la place de son mauvais comportement. Il s’agit d’expliquer pourquoi il est important que l’élève suive ces instructions et qu’il sache quelles sont les conséquences positives auxquelles il peut s’attendre pour un comportement approprié et conforme. 

Dès que l’élève modifie son comportement, même partiellement, il faut souligner cette évolution positive et la renforcer. Si la perturbation se poursuit, l’élève se voit attribuer les conséquences prévues et l’enseignant en assure le suivi. Dans tous les cas, l’enseignant évite d’interpeller un élève devant ses camarades ou d’autres adultes, car cela peut aggraver le problème. Il postpose l’explication liée à la sanction en dehors du contexte de classe.

À chaque instant, la situation doit être présentée comme un problème pour l’élève, jamais comme un problème pour l’enseignant. La neutralité de l’enseignant est de mise, sauf en cas de renforcement positif après une évolution du comportement vers plus de conformité. 



Réagir à l’irrespect 


Un élève peut manifester des déclarations grossières, adopter des attitudes impolies ou exprimer une défiance face à l’autorité de l’enseignant. 

La difficulté principale à gérer ce type de comportement vient du fait qu’il s’attaque directement à la personne de l’enseignant et à sa légitimité, ce qui tend à susciter des émotions négatives. 

Il est impératif de ne pas permettre que le comportement irrespectueux d’un élève contrôle ou modifie notre comportement. Nous devons garder notre calme face à un comportement irrespectueux et ne pas devenir émotifs. 

En effet, réagir à l’émotion en essayant d’exercer notre pouvoir sur l’élève conduit généralement à une escalade du comportement et à un comportement irrespectueux plus intense. Ne pas réagir à l’émotion nous permet de conserver notre autorité. Les enseignants sont des professionnels, et une partie de leur travail consiste à donner l’exemple en tout temps d’un comportement approprié.

Il est nécessaire de modifier le comportement des élèves irrespectueux pour créer et maintenir un environnement de classe efficace. La manœuvre peut être difficile et nécessite des démarches responsables. 

Dès qu’un élève fait une intervention irrespectueuse pour l’enseignant, ce dernier en souligne la nature. Il rappelle à l’élève que le comportement respectueux était une règle de classe et une attente de comportement spécifique pour la classe et l’école. Si l’enseignant a une conséquence spécifique prédéterminée pour avoir enfreint une règle de la classe, il peut la donner.

Dans un second temps, il s’agit de s’assurer que l’élève connait le comportement attendu et peut l’exprimer. Cela consiste à enseigner aux élèves ce qu’est un comportement respectueux et à quoi il ressemble. Si nous attendons des élèves qu’ils adoptent un comportement respectueux, nous devons leur enseigner et leur faire pratiquer. Nous ne pouvons supposer que les élèves savent ce qu’est un comportement respectueux ni qu’ils comprennent ce qui est exactement attendu. La nature irrespectueuse de leur comportement peut leur échapper. 

Enseigner un comportement respectueux nous permet également de remplacer un comportement irrespectueux par un comportement plus approprié et plus respectueux. Par ce biais, nous apprenons aux élèves que le comportement respectueux est une règle que la classe doit suivre et qu’il s’agit de l’école dans son ensemble. 

Lorsque l’irrespect d’un élève amène à une conséquence ou à des échanges particuliers, ceux-ci sont énoncés et postposés à la fin du cours. Une discussion privée aura lieu avec l’élève et durant laquelle le comportement peut être enseigné et pratiqué brièvement. 

Toutefois, Uune intervention peut devoir avoir lieu durant un temps de classe. Pour éviter l’escalade et ne pas se trouver en position frontale avec l’élève qui persévère dans un comportement irrespectueux, il est utile de lui assigner une tâche à faire en classe pendant un court moment. Nous mobilisons ce temps pour lui parler calmement et individuellement. 

Régler la situation rapidement et postposer son règlement à la fin du cours sont essentiels car il faut poursuivre l’enseignement avec le groupe classe plutôt que d’en faire des spectateurs. 

Ces démarches réactives doivent s’accompagner plus largement de prévention et de renforcement positif. L’enseignant a également pu reconnaitre et féliciter les élèves qui ont fait preuve d’un comportement approprié en classe, en particulier ceux qui se trouvaient à proximité immédiate de l’élève en question et qu’il peut observer. Au-delà de ces démarches, l’enseignant reconnait, souligne et renforce régulièrement les élèves de la classe qui sont à la tâche et font preuve d’un comportement souhaitable. Il rappelle épisodiquement par ce biais les attentes comportementales précédemment enseignées concernant le respect sans y passer trop de temps. 



Bibliographie


Cooper, J. T., & Scott, T. M. (2016). Research-Based Practices for Managing Students During Instruction: Considering Probabilities for Student Success. Beyond Behavior, 25(3), 10–16. https://doi.org/10.1177/107429561602500303

Brophy, J. (2006). History of research on classroom management. In C. M. Evertson & C. S. Weinstein (Eds.), Handbook of classroom management: Research, practice, and contemporary issues (pp. 17–43). Mahwah, NJ: Erlbaum. 

Wehby, J. H., Symons, F. J., Canale, J. A., & Go, F. J. (1998). Teaching practices in classrooms for students with emotional and behavioral disorders: Discrepancies between recommendations and observations. Behavioral Disorders, 24, 51–56. 

0 comments:

Enregistrer un commentaire