lundi 13 janvier 2020

Agir sur les antécédents en gestion de classe

Franck Ramus l’explique et le développe dans sa conférence « De la perturbation à l’implication : comment faire adhérer les élèves ? ». Une piste, parfois négligée pour anticiper et atténuer la survenue de perturbations en classe, est celle des antécédents.

Voici une synthèse personnelle, enrichie d’autres lectures, de ses explications sur le sujet :

(Photographie : Adam Neese)


La question des antécédents d’un comportement a déjà été abordée dans un article précédent.

Voir article :



L’importance des antécédents pour la prévention en gestion de classe


Privilégier les antécédents


Que nous le voulions ou non, notre propre comportement est en permanence sous l’influence directe d’antécédents. Être accueilli par un bonjour, par un sourire, un élève qui lève le doigt, une sonnerie d’école, un panneau de signalisation, une myriade de stimuli nous parviennent en contenu. Ils influencent ce que nous allons faire l’instant suivant. La plupart du temps, nous n’en sommes même pas conscients.

Une alternative aux punitions est de viser à bien utiliser les antécédents pour influencer, de manière anticipative, le comportement d’un élève perturbateur. Il est important de ne pas négliger l’effet des antécédents et de les utiliser judicieusement. En effet, pour un même comportement, certains antécédents augmentent la probabilité que ce comportement survienne, alors que d’autres la diminuent.

Cela demande de sortir d’un comportement intuitif que nous avons tendance à adopter, parfois par défaut, comme enseignant. Afin d’influencer de manière postérieure le comportement de nos élèves, nous privilégions régulièrement les conséquences, c’est-à-dire les récompenses et les punitions.



L’influence des antécédents 


Souvent, un élève connait le comportement attendu. Il le possède dans son répertoire, il pourrait l’exprimer. Mais à la place, il arrive un moment où il utilise le comportement perturbateur, tout en sachant qu’il est proscrit et que cela va sans doute se retourner contre lui.

Ainsi la connaissance du bon comportement et le fait qu’adopter le comportement perturbateur soit une infraction identifiée peuvent être insuffisants pour que l’élève agisse selon nos attentes.

La responsabilité est à chercher du côté des antécédents qui vont servir de déclencheur. Ils vont souvent court-circuiter les connaissances théoriques de l’élève.

Par notre fonction d’enseignant, nous possédons une certaine marge de manœuvre sur les antécédents. Nous avons intérêt à investir pleinement ce registre également.

Une preuve est que certains élèves vont bien se comporter en classe avec certains enseignants et être perturbateurs avec d’autres enseignants. Cela se passe indifféremment des contenus vus et des règles et routines de classe, qui peuvent être identiques dans les deux cas.

La différence se fait dans la manière préventive, par laquelle certains enseignants exploitent les antécédents des élèves pour les garder dans le droit chemin. D’autres enseignants peuvent se retrouver à appuyer involontairement sur des déclencheurs du comportement perturbateur.

Les antécédents ne sont pas la plupart du temps, de nature très complexe, même si ça peut être le cas pour certains. Nombre d’entre eux peuvent être très facilement gérés par l’enseignant.

Par exemple, le fait de dire bonjour à quelqu’un, de le saluer ou de l’accueillir avec un sourire provoque souvent automatiquement chez la personne qui le reçoit, un comportement en miroir. Autre exemple, le fait d’orienter le regard dans une direction, ou pointer du doigt, sont des actions qui attirent l’attention de notre interlocuteur dans cette même direction.

De manière générale, notre comportement non verbal, comme l’expression de notre visage, s’adapte à celui de notre interlocuteur.

Lorsque le feu passe au rouge et que nous conduisons, nous freinons automatiquement. Lorsqu’une sirène d’ambulance, de police et de pompier se manifeste, nous ralentissons et nous nous rangeons sur le côté.

Certains comportements sont déclenchés par des antécédents de manière automatique, quasi inconsciente, presque comme l’est une réponse réflexe. Ils sont profondément inscrits par l’expérience dans notre comportement social, à un point tel que nous n’y faisons presque plus attention.

De la même manière, divers antécédents sont présents en classe, sans que nous en ayons toujours pleinement conscience. Ils sont parfois négligés ou mal exploités par les enseignants. C’est une erreur.

En effet, en fonction du type d’antécédent que nous utilisons ou déclenchons, nous pouvons augmenter ou diminuer la probabilité du comportement perturbateur d’un élève. Cela a lieu dans une direction qui n’est pas toujours intuitive.



Des antécédents négatifs à éviter en classe


Ce sont des antécédents à éviter ou à anticiper, car ils augmentent le risque de déclenchement de comportements perturbateurs et diminuent la probabilité d’obtenir les comportements désirés.


1) Donner des ordres de manière péremptoire et à brûle-pourpoint


  • Par exemple, les élèves entrent en classe, bavardent et sont encore relativement bruyants, le temps qu’ils s’installent et sortent leurs affaires. Abruptement et sans ménagement, l’enseignant leur demande de se taire. Il avait toléré la situation jusque là, mais maintenant, il estime que ça dépasse son seuil de tolérance et il réagit vivement. 
  • L’erreur vient ici du côté direct de l’ordre, du fait qu’il soit délivré sans avertissements ou sans signes précurseurs dans l’attitude de l’enseignant, de l’absence de prévisibilité de son intervention. 


2) Ne laisser aucun choix à un ou plusieurs élèves, face à une situation particulièrement aversive


  • Lorsqu’un comportement perturbateur se manifeste en classe, l’enseignant assène directement de manière univoque une sanction à l’élève. Celui-ci la juge disproportionnée, sans nuances et sans possibilités de justification. 
  • Autre exemple, l’enseignant fixe sans discussion possible les consignes et les échéances d’un travail ou d’une évaluation particulièrement conséquents pour les élèves. Il ne tient pas compte de facteurs extérieurs à la classe ou propres aux élèves, qui peuvent être légitimes et fonction d’un emploi du temps justifié.
  • L’erreur vient de la non-prise en compte de certains facteurs et de l’absence de nuances dans une réaction. Ces caractéristiques donnent un côté arbitraire et irrévocable à la décision pour son récepteur, qui peut être subjectivement interprétée comme de l’injustice.


3) L’enseignant, crie, s’énerve, s’impatiente. Il perd son calme et toutes nuances

.
  • L’enseignant tente un passage en force pour mettre fin à une perturbation, en agitant des menaces et en passant éventuellement à l’acte (punitions individuelles ou collectives).
  • L’erreur vient du fait que l’enseignant ne se comporte plus comme l’adulte responsable dans la classe. Il fait usage de pratiques coercitives pour éteindre un comportement en utilisant les grands moyens, sans gradation. Or ce type de démonstrations n’est pas bienvenu dans un contexte scolaire qui vise l’opposé, en matière de relations. 


4) L’enseignant recourt à des menaces ou des ultimatums




5) L’enseignant formule des demandes de manière répétée sans obtenir de changement durable, ce qui en accentue le côté aversif


  • Par exemple, dans une classe bruyante, l’enseignant se retrouve à demander le silence une dizaine de fois par heure de façon similaire et machinale. 
  • Ses demandes finissent par n’avoir presque plus aucun effet durable et au contraire tendent à agacer les élèves. Il est poussé à augmenter la gravité des sanctions.
  • En tant qu’enseignants, mais dans notre rôle de parent également, nous avons tendance à agir parfois de cette manière absurde. Celle-ci se base sur l’idée que le fait de rappeler sans cesse à un élève ou à un enfant de faire quelque chose le rendrait plus enclin à le faire. La science du comportement montre clairement que c’est le contraire qui se produit : plus de rappels équivalent à moins de chances de se conformer. C’est un phénomène d’habituation.
  • Voir article : Habituation et gestion de classe


6) L’enseignant recourt à des arguments d’autorité


  • Face à des protestations d’élèves, l’enseignant assène un « Parce que c’est comme ça et que c’est moi qui décide ». 
  • L’erreur est de ne pas plutôt chercher à motiver et justifier ses exigences dans une perspective éducative. L’enseignant peut faire référence aux valeurs de l’école. Il peut aussi expliquer qu’il prend en compte les contraintes en matière de temps disponible et le fait qu’il faut bien avancer à un moment au pas de charge.


7) L’enseignant ne tient pas en compte les facteurs de pression externes qui pèsent sur les élèves


  • C’est par exemple le fait que les élèves ont faim avant le repas de midi parce qu’ils n’ont pas déjeuné au matin ou qu’ils sont fatigués un vendredi après-midi. 
  • Les élèves peuvent sortir d’une évaluation éprouvante dans un autre cours ou vont s’y diriger à l’heure qui suivra.
  • Il existe des tensions entre élèves ou entre des élèves et un autre enseignant, dues à des évènements en dehors de la classe.
  • L’enseignant ne tient pas compte du fait que les ressources en attention des élèves sont amoindries et il prend le risque de courir à la confrontation. Une absence de considération de ces facteurs rend encore plus difficile pour les élèves la mobilisation de leurs ressources cognitives.  


8) L’enseignant réagit à chaud lorsqu’un problème se manifeste en classe


  • Lorsqu’un problème se manifeste en classe, l’enseignant tend à réagir directement. Il est difficile pour lui de prendre le recul pour analyser à froid la situation.
  • Ce genre de phénomène peut servir de déclencheur pour des élèves déjà à vif qui ont du mal à gérer leur émotivité ou leur agressivité.
  • Ce genre de comportement est mal perçu par la plupart des élèves, car il traduit une distance avec l’enseignant, fragilise la confiance et est susceptible d’être assimilé à un abus de pouvoir.
  • De plus, l’enseignant se place en décalage avec la mission éducative et avec les missions de l’école. 
  • Ce comportement peut être source d’anxiété pour les élèves.  



Des antécédents positifs à promouvoir en classe


Ce sont des antécédents à favoriser et de pistes à investir. Ces approches et attitudes diminuent le risque de déclenchement de comportements perturbateurs. Elles augmentent pour l’enseignant la probabilité d’obtenir les comportements désirés chez ses élèves.



1) L’enseignant fait usage des règles de savoir-vivre et de politesse envers ses élèves


  • Il les accueille, il leur dit bonjour.
  • Il remarque quand quelque chose les perturbe et aborde prudemment le sujet. 
  • Il leur dit « s’il te plait » quand il veut obtenir quelque chose d’un élève. Cela, même s’il s’agit pour l’élève de se conformer aux règles de classe, par exemple retirer une veste, un couvre-chef ou ranger un autre cours. 
  • Il remercie les élèves quand ils lui remettent les documents qu’il a demandés.
  • Lorsqu’un élève a oublié quelque chose en classe, il va lui ouvrir la porte pour qu’il puisse le récupérer.
  • Ce type d’action fonctionne, car elles vont inviter les élèves à la réciprocité, ce qui rend la probabilité d’une perturbation de classe plus faible, car elle viendrait briser plus d’interdits encore.


2) L’enseignant garde un ton aimable, chaleureux, il cultive une proximité avec ses élèves


  • Le facteur de proximité a été mis en évidence par la recherche sur les relations interpersonnelles comme étant particulièrement efficace.
  • Voir les premiers articles ici


3) L’enseignant conserve son calme, il fait preuve de patience


  • L’enseignant conserve la maitrise de lui-même en tout temps.
  • Il l’accompagne d’influence, de quiétude et de sourires apaisants. 
  • Il reste en tout temps l’adulte responsable de référence dans la classe.
  • Il développe une présence rassurante et apaisante pour les élèves.
  • Il garde le contrôle de la classe et prend soin de maintenir des échanges apaisés avec et entre ses élèves.
  • Le facteur d’influence a été mis en évidence par la recherche sur les relations interpersonnelles comme état particulièrement efficace.
  • Voir les premiers articles ici


4) L’enseignant est le miroir des attitudes positives et des bons comportements


  • L’enseignant applique à lui-même ce qu’il veut obtenir de ses élèves.
  • Il sert d’exemple et de référence pour les élèves qui sont enclins à faire usage des mêmes attitudes.
  • Toutes les attitudes positives sont de bons promoteurs des comportements que nous voulons obtenir.


5) L’enseignant anticipe la procrastination de ses élèves en classe


Durant la pratique autonome, les élèves travaillent seuls et parfois en coopération sur un ensemble de tâches qui ont bénéficié précédemment d’un enseignement explicite (modelage et pratique guidée). Certains élèves peuvent être lents à se mettre au travail et retarder la mise en route, ce qui peut se révéler exaspérant pour l’enseignant. L’enjeu va être pour l’enseignant de masquer et contenir cet agacement, mais de garder des attentes élevées et d’agir stratégiquement et préventivement pour favoriser la mise au travail des élèves.  

Différentes pistes et stratégies existent : 

Plutôt que de répéter la consigne, d’insister sur la mise au travail, de hausser le ton ou de s’agacer, l’enseignant peut prendre une optique inverse. Il peut directement fournir une aide au démarrage quand un ou plusieurs élèves ont du mal à démarrer dans une activité. Les aider à démarrer sera souvent plus efficace, car une fois en mouvement les élèves peuvent plus facilement poursuivre. L’idée est que les élèves ne restent pas à rien faire et n’en prennent pas l’habitude.

Après avoir donné la consigne initiale, l’enseignant peut démarrer l’activité voulue autonome avec ses élèves, en leur posant des questions, étape par étape. Celles-ci vont permettre d’amorcer la mise en activité. Il agit de cette façon pour les premiers exercices ou pour les premiers pas introductifs d’une tâche plus complexe. Une fois que les élèves ont commencé à prendre des notes en rapport, il peut les laisser travailler en autonomie tout en circulant dans la classe pour les observer. 

C’est une pratique qui peut se révéler particulièrement intéressante lorsque tous les élèves doivent effectuer les mêmes tâches. L’enseignant accompagne une transition vers le travail individuel en commençant le travail avec la classe. Cela lui permet de s’assurer que tous les élèves se mettent au travail.

Lorsque les premières tâches semblent insurmontables, l’enseignant peut aider les élèves à les décomposer en étapes plus réduites, facilement atteignables et en leur donnant des conseils et des indices.

Une fois les élèves mis au travail, tout en circulant, l’enseignant peut vérifier l’avancement de ses élèves le long d’une liste de tâches. À chaque passage, il coche d’une certaine couleur sur les feuilles de ses élèves en valident et vérifiant leurs réponses, ce qui permet de marquer leur avancement. Ce type d’action donne envie aux élèves de continuer pour les accumuler, car ils sont des marqueurs symboliques de progrès et de travail accompli. De plus d’un passage à l’autre, cela permet à l’enseignant de vérifier que ses élèves avancent au rythme escompté. 

L’idée est que les élèves peuvent avoir la motivation dans les talons pour n’importe quelle raison, certaines indépendantes du cours. Ils savent bien qu’ils doivent commencer la tâche, mais rechignent. L’objectif de l’enseignant n’est pas tellement de savoir pourquoi les élèves trainent, mais de leur faire prendre la bonne habitude de se mettre au travail de suite. En agissant rapidement nous éliminons les risques de voir s’installer des habitudes de procrastination en classe qui ont toutes les chances de se reproduire à domicile pour le travail autonome des mêmes contenus. Parfois, il s’agit également d’une incompréhension de la part de certains élèves, en démarrant le travail avec eux par un questionnement nous la diagnostiquerons de suite.

Ces différentes démarches fonctionnent, car elles apportent des réponses aux difficultés des élèves, qui sont à la source de leur procrastination, qu’elles soient scolaires, motivationnelles ou distractives. 

En agissant proactivement, la probabilité qu’ils se mettent à bavarder ou à s’engager dans d’autres comportements contreproductifs est dès lors fortement atténuée. La probabilité qu’ils se mettent au travail, apprennent et développent de bonnes habitudes s’en retrouve accrue. Il s’agit dans tous les cas de fournir un étayage temporaire dans le but de responsabiliser les élèves peu à peu face aux attentes élevées que nous exprimons pour eux.


6) L’enseignant s’assure d’être très clair, spécifique et explicite sur la nature du comportement demandé, sur le matériel demandé, sur les démarches à effectuer au moment même


  • Lorsque les enseignants s’expriment de manière ambiguë ou sarcastique, ils peuvent ne pas en percevoir les conséquences, mais elles sont très perceptibles du côté des élèves.
  • Cela peut entrainer une confusion chez les élèves sur ce qui est exactement attendu, sur la façon de procéder et sur leur capacité à y arriver. 
  • Au plus tout est clair, dès les premiers pas, pour les élèves, au plus ils se sentiront soutenus par l’enseignant. Au plus simple il sera pour eux d’engager toutes leurs ressources et démarrer.
  • Plus ce que dit l’enseignant est vague, moins ses élèves se sentent concernés et moins ils obéissent. 


7) Lorsque les élèves n’obtempèrent pas, l’enseignant émet l’hypothèse que les directives données sont trop éloignées d’une mise en action


  • Lorsqu’une activité ne se met pas en place comme escomptée, l’enseignant en revient aux objectifs.
  • Il tâche de les préciser plus simplement, plus clairement et plus concrètement.
  • Il justifie le bien-fondé des activités proposées en fonction des objectifs d’apprentissage visés.
  • Les élèves peuvent ne pas voir le lien crucial entre leur engagement à un moment donné et l’apprentissage visé. 
  • Si le lien avec l’apprentissage et la réussite de celui-ci est bien précisé, leur engagement devient plus naturel et plus entendu.


8) L’enseignant tient compte du contexte des élèves pour sa programmation d’activités


  • Il ne peut pas avoir les mêmes exigences un vendredi en fin d’après-midi qu’un mardi en début de matinée.
  • Il laisse savoir aux élèves qu’il est conscient de leurs contraintes et qu’il en tient compte pour arriver au meilleur résultat.
  • Il est capable de transiger sur des questions susceptibles de mener à un désaccord. Toutefois, il garde le contrôle sur les décisions prises, en obtenant l’engagement actif des élèves en retour. 


9) Utilisation d’antécédents positifs en phase avec les comportements attendus


Dans un contexte de classe, les antécédents positifs sont des comportements qu’adopte un enseignant et qui vont favoriser par ses élèves l’expression d’un comportement désiré. C’est un facteur clé dans une bonne gestion de classe associé à l’usage de signes dans le cadre de routines précédemment enseignées explicitement. 

Idéalement, ils sont liés à une base de comportement non verbal typique de l’enseignant, éventuellement associé à des indications verbales, qui peut être identifié directement par un élève et mener à une action liée de sa part. Ils sont exprimés dans une logique d’action attendue des élèves par l’enseignant et non dans une logique de réaction par rapport à leur comportement. 

Pour être pleinement efficace, l’antécédent positif doit précéder immédiatement le comportement des élèves et ne pas comporter de temps d’attente. Si l’enseignant demande le silence, il doit l’obtenir de suite. Si les élèves doivent prendre leur livre à une page donnée, ils doivent le faire dès que l’enseignant le leur demande. S’ils doivent se lever lorsqu’un membre de la direction entre en classe, ils doivent le faire immédiatement. 

Nous considérons qu’une demande claire et précise ou un signe donné sur le moment est ce qui permet le mieux de déclencher le comportement. Les antécédents positifs se répètent d’une fois à l’autre et sont toujours les mêmes, ce qui facilite l’expression des comportements attendus.

Dès lors, l’antécédent doit être émis lorsque les élèves sont en mesure d’y répondre immédiatement. Nous devons agir de la manière la plus proche en temps du comportement souhaité. Nous énonçons notre demande immédiatement avant le comportement souhaité, quand c’est possible. Les élèves doivent prendre l’habitude d’un lien entre l’antécédent positif et le comportement attendu immédiatement, car nous visons à installer de bonnes habitudes. 

Dès qu’il y a un délai qui s’introduit entre l’antécédent positif et le comportement attendu, l’effet se perd. Nous n’utilisons donc les antécédents positifs que si les élèves peuvent exprimer le comportement immédiatement, sinon l’effet se perd. Par exemple, il est contreproductif à court et à long terme de demander aux élèves de prendre leur livre à une page donnée alors qu’ils entrent en classe et doivent encore s’installer. 

Par conséquent, nous énonçons nos demandes ou nous utilisons un signe approprié chaque fois immédiatement avant le moment où nous voulons obtenir des élèves un comportement attendu typique. En évitant leur usage dans des moments où les élèves ne pourront pas y répondre, nous évitons que des temps d’attente et des retards face à des demandes de l’enseignant ne deviennent la norme.

Pour favoriser cette situation, nous pouvons également travailler sur l’anticipation. De la même manière, l’enseignant annonce aux élèves ce qui va arriver dans un certain temps. Il les aide à anticiper et à se mettre dans un état d’esprit propice à ce qui va arriver. Ils ne sont pas pris au dépourvu. 

Dès lors, il rappelle régulièrement diverses échéances aux élèves à court, moyen ou long terme. L’enseignant montre qu’il se soucie d’eux, de leur travail et de leur réussite, et qu’il anticipe ce dans quoi il attend qu’ils s’engagent dans les temps.

Par exemple, lors d’une évaluation planifiée :
  • L’enseignant précise aux élèves le temps qu’il leur reste avant la remise de leur copie. 
  • Lorsque le temps imparti est terminé, il leur demande de déposer le crayon et ramasse les feuilles sans attendre.


10) Utiliser la proximité physique avec certains élèves


  • Le fait d’être physiquement proche d’un élève quand nous lui disons quelque chose va également augmenter la probabilité du comportement attendu. Il y a plus de chance qu’un élève obtempère lorsque l’enseignant est à un mètre de lui plutôt qu’à cinq mètres.
  • La condition est que cette demande soit effectuée de manière bienveillante et jamais menaçante. L’enseignant est ferme et souriant, confiant et rassurant, mais pas menaçant.



11) Laisser des choix (mineurs) aux élèves peut favoriser leur engagement


La théorie de l’autodétermination postule l’existence de trois besoins psychologiques innés qui peuvent influencer positivement la motivation intrinsèque, l’autorégulation et le bien-être des individus. Ce sont le sentiment de compétence, le sentiment d’appartenance et l’autonomie qui va nous intéresser ici. 

L’autonomie peut être comprise comme le besoin de se sentir à l’origine et à la source de ses propres actions et décisions, sans pour autant que cela signifie agir seul. 

L’environnement de classe peut à certains moments sembler contraint aux élèves qui suivent les règles, les routines, les consignes et sont appelés à s’engager dans les tâches d’apprentissage successives introduites par leur enseignant. Cela peut mener à un sentiment de perte d’autonomie en dehors des dimensions de l’appartenance et de la compétence.

Dès lors, offrir une alternative, ne serait-elle qu’apparente, constitue un levier formidable souvent sous-utilisé par les enseignants pour introduire de l’autonomie dans la classe. L’avantage de ces choix offerts par l’enseignant est que ça ne coûte rien et ça peut se traduire en bénéfices très réels. 

De manière générale, l’être humain adore disposer de degrés de liberté et d’une certaine autonomie dans ses actions. Il n’aime pas se voir imposer des actions et des comportements à tout bout de champ.

Il est possible d’introduire en classe divers degrés de liberté, qui parfois n’en ont que l’apparence. Ces choix peuvent porter sur l’ordre des activités ou sur des alternatives.

Par exemple, lorsqu’un élève présente un comportement perturbateur mineur, l’enseignant peut lui donner le choix. L’élève peut soit se calmer et discuter de la situation avec l’enseignant à la fin de la classe, soit il peut obtenir une sanction. Offrir un choix est une étape du continuum d’intervention en gestion de classe. Toutefois, bien que le fait de donner le choix puisse être un moyen efficace d’accroître le respect des règles, cela peut ne pas fonctionner avec tous les élèves.
 
Cependant, offrir des choix ne doit pas simplement intervenir à la suite d’un comportement perturbateur. Il peut s’agir d’une stratégie antécédente et préventive pour entretenir l’engagement des élèves alors même que tout va bien ou lorsque les élèves commencent à montrer quelques signes de lassitude. 

Il est important que la tâche ou l’activité alternative soit d’une difficulté et d’une importance relativement égale à la tâche originale qui a été donnée à l’élève. Mais elle doit pourvoir être interprétée comme plus rébarbative ou contraignante tout en restant plausible.
 
Par exemple, l’ordre de certaines activités peut être interverti en classe et le choix peut en être laissé aux élèves. L’ordre des activités n’est pas nécessairement prescrit. De même pour une date d’évaluation, l’enseignant peut faire plusieurs propositions à ses élèves et les laisser choisir.

Le simple fait de laisser le choix favorise l’acceptation d’une demande de la part d’élèves. Ils s’engagent alors dans une direction qu’ils ont eux-mêmes choisie par rapport à une autre.
 
Le principe est pour l’enseignant d’introduire des choix qui ne l’engagent que peu, toutes les alternatives étant convenables pour lui.
 
Ce simple transfert du pouvoir apparemment factice, mais symboliquement signifiant, est régulièrement parfois suffisant pour que l’élève se conforme aux instructions de l’enseignant sans aucun effort supplémentaire. 


12) Utiliser la stratégie de l’élan comportemental


Lorsque nous demandons d’emblée à des élèves peu engagés de faire quelque chose de compliqué, rébarbatif ou ardu directement, nous courrons le risque de faire face à des résistances. Nous sommes susceptibles d’observer un faible taux de mise en activité, ce qui est compliqué à gérer par la suite.

Il existe une piste pour minimiser le risque de voir apparaitre de telles situations. Le phénomène a été démontré dans le cadre de la science du comportement. Si nous demandons à quelqu’un de s’engager dans une action difficile après avoir demandé de faire une, deux ou trois actions qui sont faciles à réaliser, nous augmentons la probabilité que l’action difficile soit acceptée.

L’élan comportemental consiste à utiliser l’élan de tâches ou de demandes plus faciles préalable à une demande plus difficile. L’enjeu est de créer une énergie, une dynamique ou un mouvement permettant de se conformer à la demande ou à l’activité suivante, plus difficile. 

L’ordre des demandes augmente la probabilité que la plus difficile soit accomplie. 

Cette stratégie peut être utilisée lorsque les élèves s’engagent positivement dans certaines tâches, mais qui ont des difficultés à se conformer à des demandes de tâches spécifiques. L’élan comportemental consiste à faire accomplir à l’élève une courte série de tâches qu’il a une forte probabilité d’accomplir. Ce sont des tâches que l’enseignant a déjà vu l’élève accomplir avec succès dans le passé, avec un niveau élevé de conformité.

L’enseignant demande à l’élève de faire deux ou trois des tâches à forte probabilité, tout en lui fournissant un renforcement pour l’accomplissement de chacune de ces tâches. À ce moment-là, l’enseignant demande à l’élève de s’engager dans la tâche la plus difficile à laquelle il est le moins susceptible de se conformer.

L’élan comportemental créé en accomplissant les tâches à forte probabilité augmente la probabilité que l’élève accomplisse la tâche à faible probabilité (c’est-à-dire la plus difficile).

La démarche s’accompagne de renforcement positif. Au fur et à mesure, nous réduisons progressivement le nombre de demandes plus faciles.

Ce processus peut dépendre des élèves et de la situation. Toutefois, un ordre peut être établi à un moment donné pour un élève entre des comportements faciles à adopter pour les élèves et d’autres qui représentent des difficultés réelles pour eux. Il s’agit donc de faire précéder les demandes à faible probabilité par des demandes à haute probabilité.

Cela peut augmenter la probabilité de succès des demandes. 

Par exemple, un enseignant peut demander à un élève de distribuer des feuilles, le remercier puis lui demander de se mettre au travail sur des tâches difficiles liées à la matière en cours. 

L’élan comportemental peut également être planifié dans le cadre d’un cours. De nombreux enseignants commencent par une révision du travail sous forme d’un quiz avant de s’engager dans une nouvelle matière. Dans une liste de problèmes ou d’exercice à résoudre, commencer par des tâches simples facilite l’engagement dans des tâches plus complexes un peu plus tard. Un élève peut bloquer ou procrastiner. Lui donner des tâches simples comme le fait de prendre de quoi écrire et d’ouvrir son manuel à la page donnée est plus efficace que de lui dire de commencer à faire des exercices qu’il trouve rébarbatifs.  



13) Lancer des défis pour stimuler l’engagement


  • C’est présenter une activité sous forme d’un défi aux élèves.
  • Mettre les élèves dans une situation de défi les motive. 
  • Nous pouvons obtenir une plus grande adhésion à des tâches de cette manière, même a priori rébarbatives.
  • C’est une approche qui fonctionne très bien dans le cadre de la rédaction des objectifs pédagogiques également.



L’importance du climat de classe


Sans doute que le meilleur antécédent favorable au bon comportement qui soit en classe, c’est la mise en œuvre d’un bon climat scolaire. 

Lorsque nos élèves se sentent en sécurité, en confiance, respectés et soutenus par leur enseignant, alors ils sont dans un état d’esprit très favorable au bon comportement. 

À l’inverse, les climats de classe conflictuels, les ambiances répressives, les sentiments d’injustice constituent des antécédents globalement défavorables au bon comportement.




Mise à jour le 16/04/2024


Bibliographie


Ramus, F. (2019). De la perturbation à l’implication : comment faire adhérer les élèves ? Conférence à l’ISP-Faculté d’Éducation, Paris, 22/05/2019

Alan E. Kazdin, The Everyday Parenting Toolkit, Mariner, 2013

Cooper, J. T., & Scott, T. M. (2016). Research-Based Practices for Managing Students During Instruction: Considering Probabilities for Student Success. Beyond Behavior, 25(3), 10–16. https://doi.org/10.1177/107429561602500303

La psychologie pour les enseignants, 2021, https://www.fun-mooc.fr/en/cours/la-psychologie-pour-les-enseignants/

Missouri Schoolwide Positive Behavior Support, Tier 1, Team Workbook, 2018–2019

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