lundi 1 janvier 2018

Conseils pratiques de gestion de classe liés aux interventions correctives

La gestion efficace de la classe comprend deux grandes dimensions : les interventions préventives (80 %) et les interventions correctives (20 %). Nous allons explorer dans cet article certaines interventions correctives :

(photographie : Barry O’Connor)



La raison d'être des interventions


La première préoccupation de l’enseignant en gestion de classe est la prévention. Les stratégies correctives concernent les élèves qui n’ont pas répondu aux interventions préventives.

Elles sont employées lorsque des élèves manifestent des écarts de conduite mineurs et majeurs afin de faire cesser ceux-ci. Nous amenons les élèves à adopter un comportement approprié de manière graduée en rapport avec la gravité.

Quelle que soit la clarté avec laquelle les règles, les normes et les routines sont enseignées, les élèves testeront toujours toutes les limites. Lorsqu’elles ne sont pas respectées, il est nécessaire que les élèves en reconnaissent les conséquences. Celles-ci visent à rappeler à l’élève concerné et à la classe que les normes de la classe doivent être respectées. Elles sont réelles.

Sans interventions correctives, la dimension préventive ne fonctionnera pas. Il existe un seuil où l’enseignant, au-delà de toutes les mesures prises pour le prévenir, doit mettre fin au comportement indésirable de l’élève. Il lui faut intervenir s’il ne veut pas que la situation dégénère progressivement et que tout le groupe soit emporté dans une tourmente grandissante.

Pour cela, nous disposons d’un continuum d’interventions destinées à gérer tant les écarts de conduite mineurs que des problèmes comportementaux plus importants ou majeurs. Les stratégies correctives visent à intervenir au moindre coût.



Attitudes et stratégies à privilégier par l’enseignant


Pour les stratégies et interventions spécifiques, voir les articles :

Ci-dessous, nous présentons une série de pistes complémentaire à garder en tête, qui explore l'axe des attitudes professionnelles de l’enseignant. 


1. Acquérir la routine de sanctionner les infractions


S’ils enfreignent les règles, les élèves doivent encourir la pénalité prévue. Il ne faut pas se sentir mal à l’aise par rapport à l’action d’intervenir et de sanctionner selon ce qui a été précédemment convenu. 

Les sanctions font partie intégrante de la gestion de classe :
  • Elles sont intrinsèques à l’établissement d’un climat de classe propice à l’enseignement et à l’apprentissage. 
  • Elles contribuent à guider les élèves sur la voie d’un meilleur comportement quand la prévention ne suffit plus.

Le principe clé est que tout comportement perturbateur, sous quelque forme que ce soit ou quelque lieu que ce soit dans un établissement scolaire, va à l’encontre des valeurs de celui-ci. Dès lors, il est de la responsabilité naturelle de tout membre du personnel de contester celui-ci et d’intervenir conformément au règlement, peu importe le lieu.

Les sanctions doivent être équitables, cohérentes et proportionnelles. Il ne faut jamais être inconstant, irrégulier ou fantaisiste en la manière. Au plus tôt les élèves apprendront qu’elles ne prêtent pas à des négociations au mieux. L’enseignant obtiendra ainsi une atmosphère de classe où l’apprentissage de tous les élèves peut être optimisé, et où le bien-être de tous, enseignant inclus, l’est également.

La grande majorité des élèves réussissent scolairement et causent peu de problèmes. Nous ne devons pas non plus confondre un comportement inacceptable avec le comportement occasionnel ou naturel d’adolescents qui explorent, testent les limites et remettent en question les règles et s’interrogent épisodiquement sur leur légitimité. Sanctionner une infraction c’est aussi s’assurer de son caractère ponctuel et du caractère général et continu de la règle.

Lorsque l’enseignant ne réagit pas face à une infraction qu’il a constatée, il est dans le laisser-faire. Ce faisant, il transmet aux élèves le message que l’écart de conduite est acceptable pour lui, puisqu’il ne justifie pas pour lui de réagir et d’intervenir. Les élèves en ont la liberté.

Pour contrer cette situation nous devons développer la routine de sanctionner automatiquement une infraction lorsqu'elle se produit et que nous l'identifions formellement. Pour cela nous devons être bien certain de la marche à suivre et l'exécuter sans hésitation et avec respect des personnes concernées. 



2. Privilégier la certitude de la sanction à la sévérité


Des sanctions légères visent à décourager des comportements perturbateurs futurs en leur imposant des conséquences négatives. Elles agissent comme des punitions, celles-ci ne sont pas universellement efficaces, mais aucune stratégie ne l’est.

La certitude d’une sanction est beaucoup plus importante que sa sévérité. Son effet dissuasif est maximisé lorsque les élèves sont raisonnablement certains que les conséquences suivront inévitablement le comportement fautif. Les sanctions demeurent un élément essentiel de tout système de gestion du comportement. Les enseignants ne devraient pas hésiter à les utiliser lorsque cela est nécessaire, lorsqu’elles sont établies avec équité alors que les règles ont été enfreintes.



3. Suivi, cohérence et endurance


Un conseil que certains enseignants expérimentés font parfois aux débutants est de se montrer ferme, rigoureux et intransigeant en début d’année scolaire, puis de relâcher progressivement la pression peu à peu au cours de l’année. 

La logique de la remarque semble surtout d’inciter les enseignants débutants à ne pas faire preuve de laxisme, car une fois que des perturbations régulières commencent à s’installer, il devient plus compliqué de redresser la barre.

Dans la logique de l’établissement de routines, la meilleure option semble plutôt de montrer dès le départ un niveau d’exigence approprié, constant, régulier, cohérent et stable. Celui-ci n’évoluera que peu dans un sens ou dans l’autre au cours de l’année. Il impose de ne jamais considérer que les élèves savent ce que nous attendons d’eux, en tout cas dans la première partie de l’année jusqu’à ce que les comportements attendus leur soient enseignés. À l’opposé, nous devons le savoir très clairement nous-mêmes en tant qu’enseignants et le communiquer en fournissant une rétroaction régulière sur les écarts constatés, de manière anticipative et préventive.

Si l’enseignant rencontre des difficultés au début, il lui faut maintenir ses efforts et persévérer. Si les élèves essaient d’éviter une première sanction ou n’en respectent pas les échéances, il ne faut pas hésiter à escalader et l’augmenter. Il ne faut pas non plus hésiter, si cela semble opportun, à avertir les parents. De même, nous pouvons demander l’implication ou les conseils d’autres intervenants responsables de l’écosystème scolaire : titulaire (professeur principal), éducateurs, préfet de discipline, direction, etc.



4. Ne jamais fonctionner seul et toujours prendre conseil


Nous ne pouvons pas tout faire tout seuls, nous existons dans une structure, une hiérarchie d’adultes et une direction qui peuvent être sollicitées pour nous épauler et nous guider. 

Échanger sur nos difficultés vis-à-vis de certains élèves avec nos collègues qui les rencontrent peut offrir du recul ou des pistes d’actions. De plus, quand un élève prend conscience que les adultes qui l’entourent sont solidaires et sont conscients des difficultés rencontrées avec la volonté d’y réagir, toute l’institution scolaire gagne énormément en efficacité.

Les élèves qui se comportent mal sont régulièrement également scolairement désorganisés. Si nous travaillons en collaboration avec nos collègues, nos actions et nos efforts seront bénéfiques pour tous, à commencer par nous-mêmes et nos élèves.

Nous devons toujours communiquer sur nos interventions avec nos collègues, de manière à les avertir et bénéficier de leur conseil. De plus cela permet d'évoluer plus rapidement vers des interventions systémiques au sujet des élèves concernés qui assurent une meilleure qualité du suivi et une plus grande probabilité d'impact.



5. Communiquer et collaborer avec les parents


Certains parents sont peu coopératifs, mais ils sont de loin minoritaires. La grande majorité d’entre eux veulent le meilleur pour leur enfant, tout comme nous. Un coup de fil aux parents (fait d’une manière empathique, adulte, ni indignée, ni accusatrice) peut faire des merveilles. C’est une manière de faire prendre conscience des écarts en matière de discipline en classe, jusqu’à la maison. Nous pouvons y trouver écho et écoute. Dans ce cas, nous pouvons activer la collaboration et le soutien des parents.



6. Garder en tout temps la parfaite maîtrise de soi


Garder la maîtrise de soi peut sembler évident dans l'absolue, mais dans l'immédiateté, la tension ou l'inattendu du quotidien, la laisser nous échapper peut être une erreur courante. Si nous n’obtenons pas le comportement dont nous avons besoin pour enseigner, si nous sommes personnellement blessé, il peut être tentant de hausser le ton, de s’énerver, voire de crier. C’est pouurtant l’erreur à ne pas commettre, car nous tombons alors dans le piège du cycle de coercition (voir article). 

Nous devons de tout temps conserver un ton de voix calme et approprié. Nous gardons le calme et adoptons un ton respectueux qui vise à mener à l’apaisement.
  • L’enseignant est l’adulte de référence. Il doit rester responsable à chaque instant, déjà de lui-même. S’adresser toujours aux élèves avec dignité permet d’attendre de leur part qu’ils traitent les autres — y compris leurs enseignants — de la même manière.
  • Si l’enseignant sort de ses gonds, il devient alors facile pour les élèves de s’en amuser et de s’en moquer. L’effet escompté n’est pas atteint. C’est un aveu de faiblesse et cela entame la crédibilité de l’enseignant.  
  • Nous ne devons pas élever la voix ou ne le faire que peu. Nous ne montrons nos émotions qu’avec parcimonie même si nous sommes en ébullition à l’intérieur. Nous devons adopter un ton impassible, un peu comme lorsque nous formulons une demande précise à un guichet dans une atmosphère désordonnée. Notre principal enjeu est que le message exact passe. Se concentrer sur les faits, les comportements observables, permet de réduire la charge émotionnelle. 
  • S’énerver est une réaction totalement disproportionnée, et jamais la meilleure, face à la plupart des comportements en classe.
  • Nous devons toujours rester maîtres de nous-mêmes, conserver notre calme et imposer l’apaisement. Nous devons reconnaitre l’état d’énervement éventuel de l’élève. En tant qu’adolescent, il possède moins de contrôle sur ses émotions. Nous devons avoir des paroles apaisantes et lui énoncer calmement la communication sur conséquences de son acte en fonction de la règle enfreinte et des responsabilités. S’il conteste, il suffit de répéter l’opération autant de fois que nécessaire.
  • Nous devons conserver la situation sous contrôle pour tous les élèves de la classe. Nous leur parlons avec respect, mais fermement comme si nous leur disons quelque chose de raisonnable et naturel.    

L’enseignant qui s’énerve laisse entrevoir une faille émotionnelle personnelle. Une petite blessure là où ça a fait mouche. Certains élèves tels des piranhas seront par la suite où cibler leurs escarmouches. Quel point sensible titiller pour toucher l’enseignant et le faire vaciller ?

De plus si à travers l’énervement de l’enseignant, l’élève dénote un manque de respect ou une agression à son égard. Automatiquement, il va se mettre en retrait et sur la défensive. Il deviendra moins prompt et moins susceptible de s’engager scolairement. La communication risque d’être rompue et la relation est endommagée.

À un autre extrême, tout aussi dommageable, est également à proscrire. C’est la situation où l’enseignant peut émettre des suppliques, demander aux élèves de se calmer sans plus intervenir. Les élèves penseront alors que l’enseignant fait un aveu de faiblesse et n’arrive pas seul à avoir la situation sous contrôle.

Nos comportements sont sous l’influence de nos émotions et de nos sentiments. La confiance, l’estime de soi, les relations avec les pairs, l’acceptation dans un groupe, l’empathie, l’appartenance, la résilience, l’attention jouent des rôles entremêlés.

La colère et les sarcasmes n’apportent jamais de solution durable. C’est vrai à la fois pour l’enseignant et pour les élèves. De tels comportements ajoutent au problème. Il faudra de toute façon les dépasser pour aboutir à une résolution. De plus, ils peuvent laisser des traces, de la peur, de l’humiliation et un a priori négatifs aux élèves face à l’enseignant.

Malgré tout, certaines situations peuvent être difficiles. Nous restons humains et susceptibles de comportements réflexes. Des dérapages restent possibles. Toutefois, nous devons avoir conscience que par la suite, il nous faudra réparer la relation. Nous devrons être capables de reconnaitre et d’analyser nos émotions. 

Parfois, l’astuce consiste à prendre l’élève le plus difficile à part, à l’écart d’un cours. Il s’agit de profiter de l’occasion pour établir un rapport personnel, une relation avec lui, afin de se considérer réciproquement en tant qu’êtres humains. Cela peut permettre dans un second temps de passer au-delà, parce que nous devons nous soucier de notre bien-être et du bien-être général de nos élèves.  

Dans tous les cas de figure, il nous faut rapidement pouvoir retrouver le comportement que nous souhaitons, calme, mesuré, chaleureux, encourageant et empathique.




7. S'auto-évaluer et travailler sur la clarté et la transparence de sa communication


Il y a un risque lorsque les consignes que donne l’enseignant au moment de la mise en activité manquent de clarté ou lorsque les explications qu’il donne lorsqu’il enseigne sont imprécises. Elles tendent à amenuiser l’engagement et l’intérêt de ses élèves. Ceux-ci peuvent ne pas savoir immédiatement ce qui est attendu d'eux en matière ce comportement et d'engagement dans les apprentissages.

Lorsqu'elles se répètent au fil du temps, ces attitudes peuvent devenir des déclencheurs de perturbations en classe. Sanctionner les élèves dans ce cadre ne résoudra pas le problème car les antécédents sont à trouver dans le comportement de l'enseignant.

De même, des activités d’enseignement préparées peuvent ne pas suffire et dérailler, si la gestion de classe en parallèle est défaillante.

Toute gradation supplémentaire dans les perturbations en classe (bavardages, inattentions, comportements hors tâches) augmente de même les interférences et diminue la clarté de l’enseignant qui devient moins audible.

L’enseignant gagne à capturer l’attention de ses élèves et à faire preuve de clarté dans ses explications et ses instructions. Il doit rendre transparents ses attentes et son fonctionnement. Ce faisant, il crée un milieu sécurisant et prévisible, où les élèves sont guidés dans leurs apprentissages et où ils savent à quoi s’attendre en cas d’écart de conduite.

Souvent la première des interventions en gestion de classe commence par une autoévaluation de l'enseignant qui peut réfléchir à quels aspects changer dans sa communication. 



Faire un bon usage des routines


Une des dimensions concerne l'usage des routines. Les routines ou procédures de gestion de classe représentent tout ce qui est lié aux comportements attendus pour les élèves. Elles interviennent dans des moments comme l’entrée ou à la sortie de classe, le début du cours, les mouvements des élèves en classe, la façon de poser une question ou de donner une réponse, etc.

L’enseignant doit avoir des idées claires à propos de ce qu’il attend exactement. Il le communique précisément aux élèves. Il y réfléchit avant. Il a déterminé précisément ses différentes attentes avant d’entrer en classe. Elles doivent être fonctionnelles, appliquées et renforcées par l’enseignant. Elles doivent rester constantes et ne pas varier en fonction de l’état d’esprit de l’enseignant.

Ces comportements doivent être enseignés, soumis à des rétroactions et du renforcement, dès le début de l’année, puis rappelés assez régulièrement, spécifiquement après les périodes de vacances.



Bien distribuer l’attention


L’enseignant est attentif et disponible. Il veille au bien-être et à prodiguer des conditions optimales d’enseignement et d’apprentissage, pour toute la classe et pour chaque élève en particulier.

Si l’enseignant tend à se concentrer spécifiquement sur les élèves avec lesquels il interagit spontanément, sa surveillance de la classe en pâtit. Une partie des élèves se retrouve avec trop de degrés de liberté dont ils vont user. Ceci entraine la dérive vers des problèmes contre lesquels l’enseignant va devoir réagir plutôt que prévenir.

Pour l’éviter, l’enseignant distribuer son attention et ses interactions avec tous les élèves de la classe. De manière plus spécifique, il assure un contact plus régulier et plus proche avec ceux susceptibles d’être perturbateurs.



8. Développer son assertivité


En tant qu’enseignant, face à nos élèves, nous ne pouvons être indécis ou passifs. Nous ne pouvons espérer que nos élèves respectent les règles sans n’avoir jamais à insister et les mettre en avant comme importantes pour nous. 

Nous ne pouvons paraître timorés et hésitants lorsque nous devions agir avec sûreté et assurance. Nous n’avons pas à supplier pour que nos élèves se taisent. Nous ne pouvons nous plaindre et maugréer quand il faut assumer le cadre et assurer la maîtrise de la classe  : « Est-ce que ce je peux obtenir le silence pour reprendre les explications ? ».

L’attitude opposée n’est pas non plus souhaitable, c’est l’enseignant autoritariste, hostile, autocratique ou coercitif. Celui-ci utilise un rapport de force pour exiger la conformité sans aucune marge de manœuvre. Il fait usage de chantage : « Taisez-vous ou je vous donne une punition corsée à tous ! ».

L’enjeu n’est pas de trouver simplement le juste milieu. Il est plutôt de privilégier également une autre forme de communication. L’enseignant responsable de sa classe va faire preuve d’assertivité.

L’enseignant assertif s’attend à être respecté, naturellement. Il refuse d’avoir à s’appuyer sur pouvoir extérieur ou sur un rôle qu’on lui attribue pour obtenir coûte que coûte le respect. Il incarne et habite le rôle et la posture de l’enseignant. Dès lors, les enseignants assertifs peuvent adopter un ton plus neutre et plus factuel, tout en restant chaleureux et amicaux. Ils disent « J’attends le silence avant de commencer » ou ils se taisent et regardent leurs élèves qui retrouvent bien vite leur état concentration et les écoutent.

Les bases sont les mêmes, la discipline est planifiée et internalisée par l’enseignant. Les comportements attendus sont enseignés, la prévention et le renforcement sont assurés, une panoplie d’interventions sont disponibles.

Le problème le plus fréquent des enseignants qui font preuve de faiblesses en gestion de classe est qu’ils ne s’affirment pas assez. Le plus difficile, c’est ce manque d’assurance qui tend à se combler avec l’expérience, mais que l’enseignant peut travailler délibérément. C’est une clé essentielle qu’un enseignant doit développer pour devenir efficace en gestion de classe.

L’enseignant assertif agit de manière claire et ferme, avec respect pour ses élèves et lui-même, en gardant clairement à l’esprit les objectifs de la discipline.

Nous devons dépersonnaliser l’acte de sanctionner et le professionnaliser. Nous agissons en tant qu’enseignants et non en fonction d’un ressenti personnel dépendant de notre sensibilité propre et de notre vécu. L’idée d’une démarche assertive correspond à adopter un ton positif et neutre plutôt qu’émotif afin de mener à l’apaisement des élèves.

L’expression discipline assertive découle d’un contraste avec une réaction passive ou hostile. C’est l’idée de n’être ni agressif ni passif face à la perturbation, mais d’intervenir calmement et sereinement. Nous sommes certains de notre bon droit et de notre responsabilité d’enseignant. Nous conservons une attitude positive et nous indiquons les instructions de manière neutre et formelle plutôt que de laisser libre cours à des émotions difficilement contrôlées.

Le rappel à la règle et aux valeurs qui la soutiennent permet de conserver une neutralité bienveillante et formelle. Dans ce cadre, nous envisageons la sanction, non plus comme d’une punition, mais comme réparatrice, à la manière d’une réintégration de l’élève dans le contexte scolaire exemplaire que nous promouvons.

Une approche assertive de la discipline se traduit en un système de conséquences échelonnées en fonction des comportements inadéquats. Elle a été développée à l’origine par Lee et Marlene Canter dans les années 1970. Elle correspond à une gradation des conséquences. Nous commençons par un avertissement, puis augmentons la réponse en cas de récidive.

Dans la même logique, il convient de sermonner aussi confidentiellement que possible. Nous postposons à la fin du cours, quand les autres élèves sont partis, une discussion avec l’élève source de perturbation, jamais en public. Les élèves sont moins susceptibles de reconnaitre leurs torts face à leurs camarades que seuls devant l’enseignant. Ils ne veulent pas perdre la face devant le groupe et nous devons en tenir compte pour ne pas les blesser inutilement.

De plus, en temporisant, nous évitons la confrontation directe tout en donnant un choix à l’élève : 
  • Soit rester silencieux pendant le cours et choisir de discuter avec l’enseignant au moment de la pause. 
  • Soit s’affronter à des conséquences immédiates bien plus déplaisantes.

Donne un choix, une option à l’élève va lui sembler plus facile, plus acceptable. Nous maîtrisons la situation plus simplement. Cela nous permet de temporiser, de calmer l’ambiance et de prendre du recul plutôt que d’intervenir de suite. 

De la même manière, si l’élève proteste et conteste notre demande, nous pouvons utiliser la technique du disque rayé qui se traduit par la répétition monocorde des instructions face à la protestation. La plupart des élèves se conformeront une fois que l’enseignant aura utilisé quelques répétitions. 

Un autre atout important est qu’opter pour l’assertivité c’est refuser tout rapport frontal. C’est considérer que la relation avec les élèves est un aspect d’un ensemble. Elle intègre un ensemble plus important de responsabilités qu’il importe de remplir : assurer le meilleur apprentissage de chacun d’entre eux par l’intermédiaire de nos pratiques d’enseignement.

Les élèves sont des adolescents et par conséquent ils disposent d’un moins bon contrôle émotionnel que nous adultes. Ils sont susceptibles de dire des choses blessantes qu’ils ne pensent pas vraiment. Ils réagissent face au statut de l’enseignant et non à nous en tant qu’individus. Nous avons une mission d’éducation pour leur permettre de poursuivre le chemin vers une maturité émotionnelle et une socialisation épanouie.



9. Toujours conserver l’échelle individuelle dans la gestion d'un groupe perturbateur


Le terme de comportement perturbateur dans un cadre scolaire décrit des comportements éventuellement récurrents qui interrompent de manière significative l’apprentissage des autres élèves ou menacent leur sécurité personnelle, leur bien-être, ou affaiblissent l’organisation.

Dans ce cadre, il n’est pas utile, car peu productif, de considérer des groupes d’élèves en tant qu’acteur perturbateur singulier.

Le traitement de la situation est toujours plus efficace s’il se passe à l’échelle individuelle. Il est faux de supposer qu’une seule approche ou procédure sera efficace dans toutes les circonstances face à un fait identifié. Un groupe et une somme d’individualités et nous devons répondre à chacune d’entre elles.

Les racines du comportement perturbateur sont complexes et individuelles. Elles comprennent potentiellement :
  • L’origine sociale de l’élève, 
  • Le dysfonctionnement familial, 
  • Les déficiences de l’encadrement parental 
  • Des expériences antérieures négatives à l’école, 
  • Des situations d’intimidation 
  • Des difficultés d’apprentissage
  • Les caractéristiques psychologiques de l’élève concerné. 

Une gamme d’approches sera donc nécessaire, dérivée et adaptée aux besoins individuels. 

Les individus et leurs comportements sont à considérer dans leur contexte et avec leurs propres antécédents afin de comprendre les origines du comportement et apporter une réponse efficace.

Le but n’est pas de sanctionner uniquement, mais de sanctionner avec une portée éducative. Nous permettons par ce biais à chaque élève concerné de retrouver sa place de manière cohérente avec le projet scolaire.



10.  Faire preuve de flexibilité pour développer la coopération et rechercher l'efficacité de nos interventions


Un système de gestion de classe, construit sur des routines, de la prévention et des interventions correctives, n’est pas parfait du premier coup. De même, bien qu’une classe ordonnée, attentive et silencieuse soit souhaitable, elle n’implique pas pour autant une approche rigide et inflexible dans sa mise en œuvre.

Si une routine ou une approche ne fonctionnent pas, nous la modifions et l’adaptons. Si un élève ne réagit pas bien à une intervention, nous en trouvons une nouvelle. 

S’il est important d’insister sur un comportement approprié, pour bâtir un climat de classe positive, l’accent ne doit pas être mis uniquement sur la conformité, mais également sur la coopération et l’adaptation.

Enseigner efficacement à des adolescents implique de prendre en compte leurs motivations et leurs intérêts. Voir article 1 et article 2 sur la théorie de l’autodétermination pour un développement de ces questions.

Des stratégies de gestion de classe qui s’inscrivent dans cette optique de coopération comprennent les options suivantes :
  • Donner aux élèves l’occasion de faire des choix 
  • Communiquer la justification des règles 
  • Responsabiliser davantage les élèves
  • Encourager l’autorégulation au niveau des comportements
  • Fournir une rétroaction qui reconnait le développement des habiletés et des compétences
  • Réduire l’importance des comparaisons entre élèves
  • Renforcer les progrès personnels des élèves
  • Utiliser des activités qui favorisent leur collaboration.

Nous devons tenir compte de la motivation de nos élèves lors de la conception de notre gestion de classe. À ce titre, il est important que les élèves saisissent bien que celui-ci apporte une contribution non négligeable au succès de leur apprentissage en permettant d’installer une atmosphère positive pour tous en classe.



11. Rétablir ou retrouver le lien après une intervention corrective


Il se peut qu’un événement en classe ait installé une tension entre l’enseignant (qui s’est senti blessé) et l’un ou l’autre de ses élèves. La conséquence en a été que la relation a été temporairement rompue et remplacée par une forme de ressentiment. Le traitement de la perturbation a suivi son cours avec des sanctions à la clé.

Dans ce cas, il y a deux cas de figure : 
  • Spontanément, par la suite l’élève vient s’excuser, les interactions peuvent alors retourner à la normale.
  • Soit l’élève campe sur ses positions ou feint l’ignorance des événements passés. Dans ces cas, il n’est pas forcément utile que l’élève soit contraint par une tierce personne à venir présenter des excuses qui seront de toute façon non sincères.

Stratégiquement, il est plus efficace que l’enseignant fasse la démarche de renouer avec les interactions comme avec n’importe quel élève (la perturbation ayant été traitée).

S’il veut amener l’élève à progresser dans ses rapports sociaux à l’avenir, l’enseignant a intérêt à recourir à l’empathie. Cela ne signifie pas que l’enseignant fait comme si rien ne s’était passé, ça ne signifie pas non plus que les élèves récalcitrants peuvent faire comme bon leur semble.

Cela signifie plutôt, qu’en professionnel, l’enseignant ne renonce pas à sa fonction et garde des égards pour ses élèves. Il laisse la porte ouverte aux élèves, il prend en compte leur engagement et leur implication dans la classe pour qu’ils puissent s’y intégrer d’une façon satisfaisante.

Lorsque l’enseignant fait preuve d’ouverture envers l’élève problématique, les chances que ce dernier s’engage dans un processus de changement de son comportement augmentent. L’enseignant assume pleinement sa position d’adulte.

Au contraire, un enseignant qui ne démontrerait aucun intérêt envers les sentiments de ses élèves s’exposerait à une augmentation de la fréquence des comportements perturbateurs. Il observerait également une résistance à la coopération, à l’engagement, à l’apprentissage et à la responsabilisation.



12. Gérer la relation avec les élèves potentiellement plus perturbateurs


Certains élèves peuvent être issus de milieux socio-économiques plus défavorisés ou être simplement, à travers la culture familiale ou adolescente dans laquelle ils s’inscrivent, plus en décalage avec le fonctionnement et la culture propre de l’école. D'autres élèves peuvent présenter des troubles du comportement.

Ils se retrouvent ainsi à l’école face à un milieu qu’ils peuvent avoir du mal à interpréter et dont ils ne comprennent pas tous les codes et toutes les facettes. 

Ces élèves vont nécessiter un surcroit de communication positive et explicite de la part des enseignants. Ils sont besoin de savoir que leurs enseignants sont dévoués à leur apprentissage et qu’ils les aideront lorsqu’ils auront de la difficulté à l’apprendre.

Les enseignants doivent tâcher de leur montrer qu’ils se soucient d’eux individuellement. 

La bienveillance peut se manifester de plusieurs façons : 
  • En leur prêtant une écoute attentive
  • En prenant soin de les respecter lorsqu’ils leur donnent une rétroaction corrective
  • En leur donnant des encouragements personnalisés. 

Il est particulièrement important d’appuyer les efforts d’apprentissage de ses élèves et de reconnaitre que pour eux, l’apprentissage n’est pas un chemin sans écueils.

Dans certains cas de figure, certains élèves possèdent une culture propre à leur entourage familial ou relationnel propre, radicalement différente de la culture scolaire dans ses valeurs et leur mode d’expression. Si l’enseignant fait preuve d’une intransigeance marquée et ne tient pas compte de différences potentielles dans l’interprétation des échanges, cela risque d’exacerber le niveau de conflit.

Après avoir été réprimandé pour une inconduite, au lieu de se conformer et de répondre poliment, un élève peut devenir provocateur, bruyant ou indiscipliné. Il peut choisir de se mettre en retrait et devenir peu communicatif. 

Avec ce style de profil, plutôt que d’enclencher l’escalade des sanctions, il peut être plus intéressant de miser sur la communication. Nous rencontrons l’élève individuellement pour prendre le temps de discuter individuellement de l’incident avec l’élève. Nous l’aidons à remettre la situation en perspective, à mieux comprendre et à mieux l’interpréter. Il est potentiellement plus efficace de suivre cette démarche, plutôt que de sanctionner mécaniquement et donner à l’élève l’image d’un fauteur de troubles.

L’idée est d’écouter le point de vue de l’élève et de l’aider à apprendre de la situation quelle est la bonne ou la mauvaise façon de réagir dans une classe.

Nous ne pouvons pas demander à un élève de changer de culture, il s’agit au contraire de la reconnaitre. Il s’agit de leur faire comprendre ce que la société en général exige d’eux afin de réussir à s’y intégrer.

Ce profil d’élève a donc plus que les autres, besoin que nous discutions avec lui de la raison d’être et du bien-fondé des règles de l’école, de la classe et des attentes scolaires en général.

Il est important de définir et justifier clairement les attentes en matière de comportement et d’utiliser constamment du renforcement positif et des conséquences justes et raisonnables en cas d’infraction. Cela permet à l’enseignant de donner à ces élèves l’occasion de participer de façon significative. 

D’autres pistes probantes plus structurelles existent pour ces élèves en difficulté ou en décrochage. Nous pouvons citer des approches comme Check In/Check Out, l’analyse fonctionnelle du comportement ou Check & Connect.



13. Acquérir la routine de s’approcher rapidement des lieux de difficultés potentielles


L’enseignant doit systématiquement se diriger rapidement vers le secteur de la classe où il semble détecter un incident ou son imminence. Il évite ainsi que des problèmes mineurs ne dégénèrent en problèmes majeurs. 

Les études ont montré que les enseignants qui circulent en classe ont noté une baisse de 50 % des écarts de conduite des élèves. Pour prévenir et éteindre dans l’œuf les difficultés liées à la gestion de classe, l’enseignant doit s’approprier l’espace disponible dans sa classe. Il doit montrer aux élèves qu’ils sont dans sa classe et se conformer au cadre qu’il leur propose.

Des déplacements réguliers, mais aléatoires lui permettent de superviser les activités en plus d’éviter l’apparition de zones agitées. Cette impression d’omniprésence de l’enseignant favorise l’adoption et le maintien par les élèves des comportements désirés en plus de stimuler leur engagement scolaire. 

L’enseignant contribue activement à préserver un environnement sécurisant, ordonné, prévisible et positif en plus de maintenir des relations positives avec tous ses élèves. Il indique qu’il les considère et manifeste les mêmes attentes élevées pour chacun de ses élèves.



14. Savoir parfaitement à quel moment l’exclusion du cours s'impose


Il existe un principe absolu sur lequel nous pouvons compter immanquablement. La fréquence ou l’intensité d’un comportement perturbateur augmentera si celui-ci n’est pas géré convenablement.

Nous devons intervenir avec diligence et pertinence, en combinant fermeté et mesure. Le compas doit être le code de vie ou le règlement d’ordre intérieur de l’établissement.

Nous devons reconnaitre exactement le moment où une limite est franchie et où une sanction s’impose. À ce titre, la clarté de la gestion des comportements à l’échelle de l’école est un facteur essentiel. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les écarts de conduite majeurs.

Les élèves doivent savoir que si un élève dépasse certaines limites fixées, l’enseignant réagira. Gérer adéquatement le comportement des élèves peut nécessiter que l’un d’entre eux soit à un moment donné retiré de son milieu d’apprentissage.

Les raisons d’une exclusion doivent être définies précisément à l’échelle de l’école. De même, un élève exclu d’une classe doit bénéficier immédiatement d’une prise en charge. 

L’absence de clarté ou d’organisation dans la gestion de classe d’un établissement scolaire laisse place à toutes sortes d’interprétations subjectives. Sans repères précis, des élèves vont être exclus de la classe sans raison valable. D’autres vont être maintenus en classe alors qu’ils devraient en être retirés. Ils compromettent le travail de l’enseignant, nuisent à l’apprentissage des autres élèves. De plus, ce manque de cohérence peut avoir une influence désastreuse sur le comportement des élèves en cause.



15.  Conseils techniques fondamentaux à appliquer systématiquement dans la gestion des interventions


A) Lorsque nous intervenons auprès d’un élève, nous ne posons pas de questions


Nous évitons de poser une question et nous Indiquons également à l’élève ce que nous voulons qu’il fasse plutôt que ce qu’il doit cesser de faire.

Dans les deux cas, poser une question ou notifier le comportement à stopper ouvre la porte aux négociations et au refus d’obéir.


B) Après avoir fait une remarque à une élève

  1. L’enseignant laisse approximativement de trois à cinq secondes à celui-ci pour réagir.
  2. L’enseignant renforce positivement le comportement demandé exécuté à proximité par un autre élève.
  3. Si l’élève obtempère et exécute le comportement souhaité, l’enseignant le renforce positivement.


C) L’enseignant limite le nombre d’avertissements

  1. Deux avertissements sont un nombre suffisant pour éviter toute injustice et tout détournement du système. 
  2. Au-delà de deux avertissements, si l’élève n’obtempère pas, l’enseignant passe à une autre intervention.


D) Si l’enseignant est amené à refaire la même remarque à l’élève plus tard dans le cours  

  1. Il utilise la formule : « Tu dois faire… » 
  2. L’enseignant s’éloigne de l’élève et renforce quelques élèves qui expriment le comportement attendu.
  3. Si l’élève obtempère, l’enseignant le renforce positivement, sinon, il passe à une autre intervention.


E) Du bon usage de la proximité

  1. L’enseignant s’installe à moins d’un mètre de l’élève lorsqu’il lui donne un avertissement. De cette manière, il en optimise l’effet. 
  2. Lorsque l’enseignant doit intervenir directement pour un élève, il évite de se placer en face à l’élève. Cette position est un message non verbal de provocation. Au contraire, il adopte une position physique en biais avec ce dernier, avec un angle de 45°.


F) L’enseignant établit un contact visuel 

  1. L’enseignant s’approche de l’élève perturbateur, il s’assure de capturer son regard.
  2. Quand il est certain de disposer de son attention, l’enseignant s’adresse à l’élève.


G) L’enseignant formule ses demandes d’une voix assurée

  1. L’enseignant évitant de crier, de plaisanter ou de paraître supplier. Il ne laisse pas transparaitre ses émotions. 
  2. L’enseignant utilise un ton neutre, ferme, formel et respectueux.


H) La technique du disque rayé

  1. Lorsque l’élève argumente sans cesse, l’enseignant adopte la technique du disque rayé, afin de ne pas embarquer dans un jeu sans fin dont il ne ressortira jamais gagnant. 
  2. L’enseignant signale à l’élève, « Je comprends ta frustration, mais, quoi qu’il en soit, la conséquence est… ». 
  3. Lorsque l’élève argumente à nouveau, l’enseignant reprend chaque fois la même phrase, jusqu’à épuisement. 
  4. L’élève cessera inévitablement d’argumenter voyant que son comportement ne mène à rien. Si l’élève s’emporte, il est exclu.



16. Prendre le pli de penser les interventions comme des opportunités d’enseignement


Plutôt que penser qu’une punition est la réponse logique à la perturbation d’un élève en classe, il vaut mieux viser à clarifier et à enseigner à nouveau le comportement attendu.

La même approche pédagogique est naturellement privilégiée lorsque les élèves font des erreurs liées aux contenus scolaires. Il n’y a aucune raison de ne pas l’utiliser pour corriger les erreurs sociales. 

La punition peut interrompre ponctuellement le comportement inadéquat, mais n’apprend rien de neuf à l’élève concerné. Une réponse plus appropriée qui permet à l’élève d’être enseigné sur le comportement souhaitable, de le pratiquer et d’être renforcé pour son expression devrait être privilégiée.

Notre enjeu est pour l’élève d’améliorer les conditions d’enseignement et d’apprentissage des comportements routiniers souhaités, et de réduire les occurrences futures du comportement inadéquat. Nous voulons que les élèves comprennent le sens et la raison d’être des comportements souhaités et développent la motivation nécessaire pour se comporter de manière acceptable.



17. L’art de la sévérité contrôlée


Lorsque nous agissons pour gérer un écart de comportement auprès d’un élève, nous devons garder le contrôle, mais également marquer la gravité du comportement visé.

Il est important de paraître un tant soit peu sévère et concerné lorsque nous corrigeons un élève. L’élève doit savoir que nous pensons ce que nous lui disons. Il doit pleinement comprendre que nous n’allons pas tolérer ce comportement et laisser faire s’il n’améliore pas son comportement. Cela reste vrai, peu importe la qualité de la relation que nous avons établie avec lui. C’est d’autant plus important de rester dans une relation d’adulte à l’élève. 

Il existe plusieurs manières de faire preuve de sévérité. Elles impliquent toutes des changements dans le ton, dans les émotions et dans la communication. La plupart du temps, cela signifie qu’il faut légèrement amplifier de manière tacite notre réaction.

Comment la manifester ?
  1. Énoncer des normes attendues sous forme de phrases courtes, sans négation et à l’impératif : « Vous attendez votre tour pour prendre la parole », « Concentrez-vous sur la réalisation des exercices », « Vous devez parler à voix lors du travail coopératif », etc.
  2. Nuancer le ton de la voix. Le rendre plus aigu, plus grave ou plus urgent selon ses spécificités vocales, de manière à créer un léger contraste avec notre ton normal. Notre ton est généralement calme, amical, chaleureux ou dynamique. Nous devons soudainement passer à un ton plus formel.
  3. Accentuer l’expression faciale. Nous pouvons poser un regard plus intense, un contact visuel un peu plus long, une expression ferme et visiblement déçue, différente de notre expression détendue par défaut, qui est chaleureuse et plus joviale.
  4. Utiliser un langage corporel. Nous pouvons ritualiser un mouvement de main net ou précis, lever la main et l’afficher. Nous pouvons mettre un doigt devant la bouche ou nous rapprocher des élèves concernés.
Tout cela pourrait sembler excessif et exagéré, mais la plupart des élèves ont besoin de ce niveau d’intensité pour appuyer les interventions. Ces attitudes font partir du décorum. Tout cela est inscrit dans la nature même de l’échange hiérarchique entre enseignant et élève. C’est fondamentalement humain et culturel. 

Le rôle des enfants et des adolescents et de tester les limites lorsqu’ils explorent le monde et les relations sociales. Le rôle des parents et des enseignants, des adultes en général, est de marquer les limites à ne pas franchir. Nous devons leur permettre de s’y conformer au profit de leurs apprentissages, de leur développement et de leur bien-être.

Agir de la sorte communique l’existence d’un impact émotionnel (mineur) sur nous lorsqu’ils sont à l’origine d’une perturbation. Cela montre sans ambiguïté que nous avons remarqué et que nous nous sommes souciés de ce qui s’est passé et voulons y remédier.

Il s’agit d’un formalisme, si nous étions réellement choqués ou profondément déçus, nous ne resterions pas enseignants à long terme. C’est également une alternative à la coercition ou à l’autoritarisme.

Il s’agit bien d’une sévérité contrôlée dont tout l’enjeu est d’exprimer que la certitude importe plus que la sévérité. Elle permet d’établir des limites très claires et de se donner le visage de l’intégrité sans celui de la tyrannie.

Pour arriver à cette situation lorsque la nécessité se fait sentir, l’enseignant fait preuve de sévérité contrôlée. Il agit de la sorte lorsqu’un rappel à l’ordre est nécessaire. Ce comportement est suivi rapidement par un retour au ton normal, amical et chaleureux. 

Pour l’enseignant, c’est une manière de signaler qu’une ligne rouge a été dépassée, peu importe le contexte. La démarche est utile pour mettre un terme aux tentatives de contestation par exemple. 

D’un ton sévère, nous exprimons que la contestation n’est pas autorisée et juste après, le ton retourne à la normale avec un sourire, dès que l’élève s’y conforme.

De cette manière, il n’est nécessaire d’utiliser le ton sévère qu’occasionnellement. Les élèves de la classe se souviennent mieux des limites lorsque les usages de la sévérité sont ponctuels et marqués par la survenue de certains événements types.

La sévérité est ainsi un ingrédient à doser et à utiliser subtilement avec parcimonie. Lorsqu’elle est utilisée trop souvent, nous risquons d’exprimer de la colère en surenchérissant et les élèves peuvent se désensibiliser. Utilisée de manière systématique, elle peut générer un sentiment d’incohérence sur le fait que certains comportements sont un jour acceptables et l’autre ne le sont pas. De même, ils peuvent être tolérés pour certains élèves et pas pour d’autres.

Si nous dosons bien la sévérité contrôlée et que nous l’appliquons avec certitude, alors la limite ne sera pas atteinte aussi souvent. Les élèves anticiperont exactement ce qui va se passer s’ils n’inhibent pas tel ou tel comportement. Une analogie possible est celle avec une clôture électrique à basse tension autour d’une prairie. Nous savons où elle se trouve et ce qui se passera exactement si nous la touchons, donc nous ne le faisons pas. L’essentiel, c’est que la conséquence soit certaine — et non le niveau de gravité. 



18. Une vigilance sans omniscience : l’accord partiel


Nous avons beau être vigilants, nous ne sommes pas omniscients. Nous n’avons pas tous les paramètres en tête pour avoir une certitude absolue sur l’étendue des différentes responsabilités en lien avec une intervention. Qui a fait quoi, exactement ?

Néanmoins, même dans le doute, nous ne pouvons nous abstenir de réagir face à une perturbation. Nous devons rester en mesure de modéliser le comportement que nous attendons de nos élèves.

Modéliser le comportement des élèves et l’influencer positivement n’implique pas de toujours vouloir avoir le dernier mot et de retrouver le coupable. 

L’accord partiel est une stratégie essentielle pour éviter ou résoudre préventivement les conflits. L’idée est que les enseignants ne doivent pas essayer systématiquement d’avoir le dernier mot, ou d’affirmer leur pouvoir dans une situation où un élève peut légitimement contester l’interprétation de l’enseignant.

Exemple 1 :
  • Élève : « Ce n’est pas moi qui parlais, je faisais mon travail ».
  • Enseignant : « OK, peut-être que c’était le cas, mais maintenant je veux que tu continues ton travail pour terminer la tâche, comme tout le monde, merci. »

Exemple 2 :
  • Élève : « Ce n’est pas moi qui l’ai lancé… ce n’est pas le mien… je n’ai rien fait »
  • Enseignant : « Peut-être pas, mais nous sommes tous en accord sur les règles à ce sujet et sur ce qui est attendu. N’est-ce pas… J’aimerais que vous m’aidiez tous à éviter que ça ne se reproduise la prochaine fois, merci. »

En agissant de la sorte, l’enseignant met l’accent sur le rappel et le renforcement du comportement attendu. Il offre aux élèves le bénéfice du doute, du temps et un choix sur les conséquences.

L’objectif de l’enseignant n’est pas tant de sanctionner l’infraction au comportement observé que d’influencer le comportement des élèves à moyen terme. Il est essentiel de s’attendre à ce que les élèves respectent les règles, mais nous ne devons pas considérer le fait de céder en cas de doute comme un signe de faiblesse. Être injuste aurait des conséquences autrement néfastes.

Communiquer aux élèves que malgré notre vigilance, nous pouvons nous tromper est un élément important pour maintenir les relations tout en conservant notre autorité.

Il faut accepter de parfois céder un peu de terrain lorsque nous visons une efficacité à moyen et long terme.




19. Ajuster les conséquences en fonction des antécédents ignorés ou d'effets de contexte


Il peut arriver que sous le choc de l’émotion et par manque de recul, nous ayons attribué une conséquence disproportionnée. De même par la suite, nous pouvons être mis au courant par des collègues d'autres paramètres et antécédents qui sont susceptibles d'avoir été un déclencheur de son comportement et atténuent quelque peu sa responsabilité.

Nous le réalisons par la suite et nous souhaitons revoir la sanction. Dans ce cas, il s’agit d’être franc et clair vis-à-vis des élèves concernés afin que cela ne devienne pas un précédent ou une habitude.

Nous allons expliquer à l’élève que nous estimons avoir été trop sévères et inéquitables en rapport avec la situation. Il faut toutefois marquer le fait qu’une amélioration du comportement concerné est absolument requise pour la suite et qu’un suivi sera assuré. Il est beaucoup plus productif d’admettre que nous avons eu tort, plutôt que de simplement négliger le suivi d’une conséquence ou la poursuivre malgré tout.




Mise à jour 24/08/21

Bibliographie


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