lundi 1 janvier 2018

Conseils pratiques de gestion de classe liés aux interventions correctives

La gestion efficace de la classe comprend deux grandes dimensions : les interventions préventives (80 %) et les interventions correctives (20 %). Nous allons explorer dans cet article certaines interventions correctives :

(photographie : Barry O’Connor)



La raison d'être des interventions en gestion de classe


La première préoccupation de l’enseignant en gestion de classe est la prévention. Les stratégies correctives concernent les élèves qui n’ont pas répondu aux interventions préventives.

Elles sont employées lorsque des élèves manifestent des écarts de conduite mineurs et majeurs afin de faire cesser ceux-ci, maintenant et à l'avenir. Nous amenons les élèves à adopter un comportement approprié de manière graduée en rapport avec la gravité.

Quelle que soit la clarté avec laquelle les règles, les normes et les routines sont enseignées, les élèves testeront toujours toutes les limites. Lorsqu’elles ne sont pas respectées, il est nécessaire que les élèves en reconnaissent les conséquences. Celles-ci visent à rappeler à l’élève concerné et à la classe que les normes de la classe doivent être respectées. Elles sont réelles.

Sans interventions correctives, la dimension préventive ne fonctionnera pas. Il existe un seuil où l’enseignant, au-delà de toutes les mesures prises pour le prévenir, doit mettre fin au comportement indésirable de l’élève. Il lui faut intervenir s’il ne veut pas que la situation dégénère progressivement et que tout le groupe soit emporté dans une tourmente grandissante.

Pour cela, il est utile de définit et de mobiliser à l'échelle de l'école un continuum d’interventions destinées à gérer tant les écarts de conduite mineurs que des problèmes comportementaux plus importants ou majeurs. Les stratégies correctives visent toujours à avoir un impact positif tout en intervenant à moindre coût.



Attitudes et stratégies à privilégier par l’enseignant


Pour les stratégies et interventions spécifiques, voir les articles :

Ci-dessous, nous présentons une série de pistes complémentaires à garder en tête, qui explorent l'axe des attitudes professionnelles de l’enseignant. 


1. Développer des routines communes, liées à la vigilance, à la prévention et aux interventions concernant le comportement des élèves


S’ils enfreignent les règles, les élèves doivent encourir la pénalité prévue. Il ne faut pas se sentir mal à l’aise par rapport à l’action d’intervenir et de sanctionner selon ce qui a été précédemment convenu. 

Les sanctions font partie intégrante de la gestion de classe :
  • Elles sont intrinsèques à l’établissement d’un climat de classe propice à l’enseignement et à l’apprentissage. 
  • Elles contribuent à guider les élèves sur la voie d’un meilleur comportement quand la prévention ne suffit plus.
Le principe clé est que tout comportement perturbateur, sous quelque forme que ce soit ou quelque lieu que ce soit dans un établissement scolaire, va à l’encontre des valeurs de celui-ci. Dès lors, il est de la responsabilité naturelle de tout membre du personnel de contester celui-ci et d’intervenir conformément au règlement, peu importe le lieu.

Ce processus implique deux composantes :
  • Être vigilant et développer une supervision active dans les lieux où nous sommes en présence d’élèves.
  • Agir avec diligence lorsqu’une perturbation est détectée, et en suivant le continuum d’interventions prévues, ou agir par le biais d’une prévention lorsque le contexte fait que sa probabilité est élevée.
Les sanctions, lorsqu’elles sont nécessaires, doivent être équitables, cohérentes, prévisibles et proportionnelles. Il ne faut jamais être inconstant, irrégulier ou fantaisiste dans leur usage. Au plus tôt les élèves apprendront qu’elles ne prêtent pas à des négociations au mieux. L’enseignant obtiendra ainsi une atmosphère de classe où l’apprentissage de tous les élèves peut être optimisé, et où le bien-être de tous, enseignant inclus, l’est également.

La grande majorité des élèves réussissent scolairement et causent peu de problèmes. Nous ne devons pas non plus confondre un comportement inacceptable avec le comportement occasionnel ou naturel d’adolescents qui explorent, testent les limites et remettent en question les règles et s’interrogent épisodiquement sur leur légitimité. Sanctionner une infraction c’est aussi s’assurer de son caractère ponctuel et du caractère général et continu de la règle qui se fonde sur des valeurs communes et soutient une culture de l’apprentissage partagée.

Lorsque l’enseignant ne réagit pas face à une infraction qu’il a constatée, il est dans le laisser-faire. Ce faisant, il transmet aux élèves le message que l’écart de conduite est acceptable pour lui, puisqu’il ne justifie pas pour lui de réagir et d’intervenir. Les élèves ont dès lors la liberté ou la justification de le reproduire.

Pour contrer cette situation nous devons développer la routine de sanctionner automatiquement une infraction lorsqu’elle se produit et que nous l’identifions formellement. Pour cela, nous devons être bien certains de la marche à suivre et l’exécuter sans hésitation et avec respect des personnes concernées. Être vigilant, agir préventivement ou de manière réactive, doit s’accompagner du développement de routines communes au sein de l’équipe pédagogique.



2. Privilégier la certitude de la sanction à la sévérité


Des sanctions légères visent à décourager des comportements perturbateurs futurs en leur imposant des conséquences négatives. Elles agissent comme des punitions, celles-ci ne sont pas universellement efficaces, mais aucune stratégie ne l’est.

La certitude d’une sanction est beaucoup plus importante que sa sévérité. Son effet dissuasif est maximisé lorsque les élèves sont raisonnablement certains que les conséquences suivront inévitablement le comportement fautif. Les sanctions demeurent un élément essentiel de tout système de gestion du comportement. Les enseignants ne devraient pas hésiter à les utiliser lorsque cela est nécessaire, lorsqu’elles sont établies avec équité alors que les règles ont été enfreintes.



3. Suivi, cohérence et endurance


Un conseil que certains enseignants expérimentés font parfois aux débutants est de se montrer ferme, rigoureux et intransigeant en début d’année scolaire, puis de relâcher progressivement la pression peu à peu au cours de l’année. 

La logique de la remarque semble surtout d’inciter les enseignants débutants à ne pas faire preuve de laxisme, car une fois que des perturbations régulières commencent à s’installer, il devient plus compliqué de redresser la barre.

Dans la logique de l’établissement de routines, la meilleure option semble plutôt de montrer dès le départ un niveau d’exigence approprié, constant, régulier, cohérent et stable. Celui-ci n’évoluera que peu dans un sens ou dans l’autre au cours de l’année. Le cadre, une fois installé, ne va pas bouger. La maintenir n'implique en rien de sacrifier la proximité et le soutien que nous pouvons fournir aux élèves pour les aider à le respecter.

Il impose de ne jamais considérer que les élèves savent ce que nous attendons d’eux, en tout cas dans la première partie de l’année jusqu’à ce que les comportements attendus leur soient enseignés. À l’opposé, nous devons le savoir très clairement nous-mêmes en tant qu’enseignants et le communiquer en fournissant une rétroaction régulière sur les écarts constatés, de manière anticipative et préventive.

Si l’enseignant rencontre des difficultés au début, il lui faut maintenir ses efforts et persévérer. Si les élèves essaient d’éviter une première sanction ou n’en respectent pas les échéances, il ne faut pas hésiter à escalader et l’augmenter. Il ne faut pas non plus hésiter, si cela semble opportun, à avertir les parents. De même, nous pouvons demander l’implication ou les conseils d’autres intervenants responsables de l’écosystème scolaire : titulaire (professeur principal), éducateurs, préfet de discipline, direction, etc.

Poser le cadre et le maintenir intact tout au long de l'année est un objectif de cohérence qui dissuade les élèves de tester les limites.

Néanmoins si les élèves testent les limites du cadre, il faut faire preuve d'endurance et appliquer les conséquences prévues et énoncées lors de son enseignement.

La capacité à faire un suivi des conséquences liées aux perturbations est également essentiel, si nous l'oublions parfois, nous envoyons le signal aux élèves que le cadre n'est pas solide et qu'ils peuvent continuer à le fragiliser. De plus si certaines fois nous oublions le suivi de sanction tandis que d'autres fois nous les menons à terme, les élèves ne manqueront pas et à raison, de crier à l'injustice.

Être cohérent dans le cadre que nous demandons, être endurant dans sa mise en oeuvre face aux aléas, et assurer le suivi face aux perturbations manifestées sont trois dimension essentielles à la réussite de sa mise en oeuvre et aux bénéfices qui en découleront.



4. Ne jamais fonctionner seul et toujours prendre conseil face aux difficultés en gestion de classe


En cas de difficultés avec un élève et d'autant plus que nous manquons d'expérience ou que nous sommes nouveaux dans une école ou dans la profession, il est indispensable d'échanger de communiquer avec des collègues, ou tout avec tout autre membre du personnel en contact direct avec ces élèves ou membres de la hiérarchie susceptible de nous soutenir ou nous donner conseils.  

Nous ne pouvons pas tout faire tout seuls, nous existons dans une structure, une hiérarchie d’adultes et une direction qui peuvent être sollicitées pour nous épauler et nous guider. Le problème se résolvent rarement seuls. Ils risquent de s'amplifier si nous ne sommes pas prudents, ouverts et dans une dynamique de résolution de problème et de recherche de solution dans le cadre de la culture et de la politique de l'école.

Échanger sur nos difficultés vis-à-vis de certains élèves avec nos collègues qui les rencontrent peut offrir du recul ou des pistes d’actions. De plus, quand un élève prend conscience que les adultes qui l’entourent sont solidaires et sont conscients des difficultés rencontrées avec la volonté d’y réagir, toute l’institution scolaire gagne énormément en efficacité.

Les élèves qui se comportent mal sont régulièrement également scolairement désorganisés. Si nous travaillons en collaboration avec nos collègues, nos actions et nos efforts seront bénéfiques pour tous, à commencer par nous-mêmes et nos élèves.

Au-delà des difficultés, nous devons toujours communiquer sur nos interventions avec nos collègues, de manière à les avertir et bénéficier de leur conseil ou de leur soutien. De plus cela permet d'évoluer plus rapidement vers des interventions systémiques au sujet des élèves concernés qui assurent une meilleure qualité du suivi et une plus grande probabilité d'impact. La cohésion et la solidarité entre collègues peuvent se renforcer d'un partage d'informations et d'expériences, de même que des démarches collaboratives qui en ressortent.



5. Communiquer et collaborer avec les parents


Certains parents sont peu coopératifs, mais ils sont de loin minoritaires. La grande majorité d’entre eux veulent le meilleur pour leur enfant, tout comme nous. Un coup de fil aux parents (fait d’une manière empathique, adulte, ni indignée, ni accusatrice) peut faire des merveilles. C’est une manière de faire prendre conscience des difficultés d’apprentissage ou des écarts en matière de comportement en classe, jusqu’à la maison. Nous pouvons y trouver écho et écoute. Dans ce cas, nous pouvons activer la collaboration et le soutien des parents.



6. Garder en tout temps la parfaite maîtrise de soi


Garder la pleine maîtrise de soi en classe peut sembler évident une évidence dans l’absolu. Cependant dans l’immédiateté, sous le feu de la tension ou l’inattendu du quotidien, nous pouvons la laisser nous échapper.  C'est une source d'erreur courante en gestion de classe, qui peut être utile en cas de danger mais qui est contreproductive la plupart du temps.

Si nous n’obtenons pas le comportement dont nous avons besoin pour enseigner malgré des demandes répétées ou si nous nous sentons personnellement blessés ou visés, il peut être tentant de hausser le ton, de s’énerver, voire de crier. C’est pourtant une ligne rouge à ne pas traverser, car nous tombons alors dans le piège du cycle de coercition ou dans une tentative de contrôle, qui sont des situations qui évoluent souvent de manière défavorable. 

Nous devons en tout temps conserver un ton de voix calme et approprié, et éviter d'exprimer des émotions négatives. Nous visons à garder notre calme et à conserver un ton respectueux qui vise à mener à l’apaisement.
  • L’enseignant est l’adulte de référence. Il doit rester responsable à chaque instant, déjà de lui-même. S’adresser toujours aux élèves avec dignité permet d’attendre de leur part qu’ils traitent les autres — y compris leurs enseignants — de la même manière.
  • Si l’enseignant sort de ses gonds, il devient alors facile pour les élèves de s’en amuser et de s’en moquer. L’effet escompté n’est pas atteint. C’est un aveu de faiblesse et cela entame la crédibilité de l’enseignant. Les élèves peuvent apprendre la manière de reproduire la situation à l'avenir.  
  • Nous ne devons pas élever la voix ou ne le faire que peu. Nous ne montrons nos émotions qu’avec parcimonie même si nous sommes en ébullition à l’intérieur. Nous nous employons à adopter un ton impassible, un peu comme lorsque nous formulons une demande précise à un guichet dans une atmosphère désordonnée. Notre principal enjeu est que le message exact passe précisément. Se concentrer sur les faits, les comportements observables et leur conséquences établies, permet de réduire la charge émotionnelle. 
  • S’énerver est une réaction totalement disproportionnée, et jamais la meilleure, face à la plupart des comportements en classe.Nous devons toujours rester maîtres de nous-mêmes, conserver notre calme et imposer l’apaisement. Nous devons reconnaitre l’état d’énervement éventuel de l’élève. En tant qu’adolescent, il possède moins de contrôle sur ses émotions. Nous devons avoir des paroles apaisantes et lui énoncer calmement la communication sur conséquences de son acte en fonction de la règle enfreinte et des responsabilités. S’il conteste, il suffit de répéter l’opération autant de fois que nécessaire.
  • Nous devons conserver la situation sous contrôle pour tous les élèves de la classe. Nous leur parlons avec respect, mais fermement comme si nous leur disons quelque chose de raisonnable et naturel.    
L’enseignant qui s’énerve laisse entrevoir une faille émotionnelle personnelle. Une petite blessure là où ça a fait mouche quand il y est heuré. Certains élèves tels des piranhas seront par la suite où cibler leurs escarmouches. Quel point sensible titiller pour destabiliser l’enseignant et le faire vaciller ?

De plus si à travers l’énervement de l’enseignant, l’élève dénote un manque de respect ou une agression à son égard. Automatiquement, il va se mettre en retrait et sur la défensive. Il deviendra moins prompt et moins susceptible de s’engager scolairement. La communication risque d’être rompue et la relation est endommagée.

L’autre extrême, tout aussi dommageable, est également à proscrire. C’est la situation où l’enseignant peut émettre des suppliques, demander aux élèves de se calmer sans plus intervenir. Les élèves penseront alors que l’enseignant fait un aveu de faiblesse et n’arrive pas seul à avoir la situation sous contrôle.

Nos comportements sont sous l’influence de nos émotions et de nos sentiments. La confiance, l’estime de soi, les relations avec les pairs, l’acceptation dans un groupe, l’empathie, l’appartenance, la résilience, l’attention jouent des rôles entremêlés.

La colère et les sarcasmes n’apportent jamais de solution durable. C’est vrai à la fois pour l’enseignant et pour les élèves. De tels comportements ajoutent au problème. Il faudra de toute façon les dépasser pour aboutir à une résolution. De plus, ils peuvent laisser des traces, de la peur, de l’humiliation et un a priori négatifs aux élèves face à l’enseignant.

Malgré tout, certaines situations peuvent être difficiles. Nous restons humains et susceptibles de comportements réflexes. Des dérapages restent possibles. Toutefois, nous devons avoir conscience que par la suite, il nous faudra réparer la relation. Nous devrons être capables de reconnaitre et d’analyser nos émotions. 

Parfois, l’astuce consiste à prendre l’élève le plus difficile à part, à l’écart d’un cours. Il s’agit de profiter de l’occasion pour établir un rapport personnel, une relation avec lui, afin de se considérer réciproquement en tant qu’êtres humains. Cela peut permettre dans un second temps de passer au-delà, parce que nous devons nous soucier de notre bien-être et du bien-être général de nos élèves.  

Dans tous les cas de figure, il nous faut rapidement pouvoir retrouver le comportement que nous souhaitons exprimer toujours, le calme, la mesure, le tout en exprimant de la chaleur humaine, de l'encouragement et de l'empathie.



7. Adopter une posture réflexive en gestion de classe, à propos de la clarté et de la qualité de sa communication


Il y a un risque lorsque les consignes que donne l’enseignant au moment de la mise en activité manquent de clarté ou lorsque les explications qu’il donne lorsqu’il enseigne sont imprécises. Elles tendent à amenuiser l’engagement et l’intérêt de ses élèves. Ceux-ci peuvent ne pas savoir immédiatement ce qui est attendu d’eux en matière de comportement et d’engagement dans les apprentissages.

Lorsqu’elles se répètent au fil du temps, ces attitudes peuvent devenir des déclencheurs de perturbations en classe. Sanctionner les élèves dans ce cadre ne résoudra pas le problème, car les antécédents sont à trouver dans le comportement de l’enseignant.

De même, des activités d’enseignement préparées peuvent ne pas suffire et dérailler, si la gestion de classe en parallèle est défaillante.

Toute gradation supplémentaire dans les perturbations en classe (bavardages, inattentions, comportements hors tâches) augmente de même les interférences et diminue la clarté de l’enseignant qui devient moins audible.

L’enseignant gagne à capturer l’attention de ses élèves et à faire preuve de clarté dans ses explications et ses instructions. Il doit rendre transparentes ses attentes. Ce faisant, il crée un milieu sécurisant et prévisible, où les élèves sont guidés dans leurs apprentissages et où ils savent à quoi s’attendre en cas d’écart de conduite.

Une intervention souvent utile en gestion de classe est une autoévaluation de l’enseignant. Cette démarche réflexive peut amener à changer par la suite certains aspects de sa communication. 


Faire un bon usage des routines


Une des dimensions concerne l’usage des routines. Les routines sont des procédures en gestion de classe qui transforment des attentes comportementales en comportements habituels pour les élèves. Elles interviennent dans des moments comme l’entrée ou à la sortie de classe, le début du cours, les mouvements des élèves en classe, la façon de poser une question ou de donner une réponse, etc.

L’enseignant doit avoir des idées claires à propos de ce qu’il veut obtenir exactement. Il le communiquera précisément aux élèves. Il doit y avoir réfléchi avant. Il a déterminé clairement ses différentes attentes avant d’entrer en classe. Elles doivent être fonctionnelles, appliquées et renforcées par l’enseignant. Elles doivent rester constantes et ne pas varier en fonction de l’état d’esprit de l’enseignant.

Ces comportements doivent être enseignés explicitement, soumis à des rétroactions et du renforcement, dès le début de l’année, puis rappelés assez régulièrement, spécifiquement après les périodes de vacances.


Bien distribuer l’attention


L’enseignant est attentif, vigilant et disponible. Il veille au bien-être et assure des conditions optimales d’enseignement et d’apprentissage, pour toute la classe et pour chaque élève en particulier.

Si l’enseignant tend à se concentrer spécifiquement sur les quelques élèves avec lesquels il interagit spontanément parce qu’ils s’engagent spontanément, sa surveillance du reste de la classe en pâtit. Une partie des élèves se retrouve avec trop de degrés de liberté dont ils vont user. Ceci entraine la dérive vers des problèmes contre lesquels l’enseignant va devoir réagir plutôt que prévenir.

Pour l’éviter, l’enseignant distribuer son attention et ses interactions avec tous les élèves de la classe. Il doit soutenir l’attention et l’engagement scolaire de chacun de ses élèves. De manière plus spécifique, il assure un contact visuel plus fréquent et s’assure une proximité physique plus régulière avec ceux susceptibles d’être perturbateurs.



8. Adopter une attitude assertive en gestion de classe


Faiblesses liées à une posture hésitante ou contrôlante de l’enseignant


En tant qu’enseignant, face à nos élèves, nous ne pouvons être indécis ou passifs. Nous ne pouvons espérer que nos élèves respectent les règles sans n’avoir jamais à insister et les mettre en avant comme importantes pour nous. 

Nous ne pouvons paraître timorés et hésitants lorsque nous devions agir avec sûreté et assurance. Nous n’avons pas à supplier pour que nos élèves se taisent. Nous ne pouvons nous plaindre et maugréer quand il faut assumer le cadre et assurer la maîtrise de la classe  : « Est-ce que ce je peux obtenir le silence pour reprendre les explications ? ».

L’attitude opposée n’est pas non plus souhaitable, c’est l’enseignant autoritariste, hostile, autocratique ou coercitif. Celui-ci utilise un rapport de force pour exiger la conformité sans aucune marge de manœuvre. Il fait usage de chantage : « Taisez-vous ou je vous donne une punition corsée à tous ! ».

L’enjeu n’est pas de trouver simplement le juste milieu. Il est plutôt de privilégier également une autre forme de communication. L’enseignant responsable de sa classe va faire preuve d’assertivité.

La discipline assertive est un système mis au point par Lee et Marlene Canter dans les années 1970. La discipline assertive est très structurée et systématique. Son principal objectif est d’aider les enseignants à gérer une classe en en prenant la responsabilité.


Principe et axiome de la discipline assertive


La discipline assertive adopte un modèle de gestion positive du comportement qui met l’accent sur la coopération, plutôt que sur des méthodes de contrôle pour obtenir un comportement positif en classe.

La discipline assertive part du principe que l’enseignant est responsable et a par conséquent le droit de décider ce qui est le mieux pour ses élèves. Les enseignants doivent déterminer ce qui est le mieux pour tous les élèves et s’attendre ensuite à ce qu’ils s’y conforment. L’axiome principal qui découle de ce principe est qu’aucun élève ne doit empêcher un enseignant d’enseigner ou empêcher un autre élève d’apprendre.

Afin de respecter ce principe et cet axiome, les enseignants doivent se comporter avec assurance, et non de manière agressive ou passive. Ils doivent constamment affirmer leurs souhaits et le comportement qu’ils attendent en classe.

L’enseignant donne des instructions claires et fermes :
  • Si elles sont suivies, il donne un renforcement positif.
  • Si elles ne sont pas suivies, le comportement indésirable a des conséquences négatives.


Interactions avec les élèves


Les élèves ne sont pas considérés comme des ennemis et ne sont pas traités avec une attitude hostile ou sarcastique. Ils sont plutôt considérés comme des alliés dont on attend qu’ils coopèrent pour le bien de tous. La capacité à s’affirmer est la clé de cette méthode.

L’enseignant est en position de responsabilité de la classe et ne fait jamais usage de l’intimidation, aux menaces, au sarcasme ou à l’autoritarisme pour obtenir des résultats.

L’enseignant traite ses élèves comme des alliés, dans le but de réaliser des apprentissages dans un cadre positif et coopératif pour tous. La discipline assertive tient compte des différences de personnalité et des liens positifs. Elle ne laisse aucune place aux comportements perturbateurs, aux brimades au favoritisme ou à la mise à l’écart des autres élèves. Il doit y avoir un respect mutuel et égal pour tous les élèves de la classe.

Cette méthode exige de l’enseignant qu’il adopte une attitude de coopération et qu’il prenne les choses en main pour obtenir cette coopération de la part des élèves. La cohérence, l’équité et le suivi sont essentiels.


Posture de l’enseignant assertif


L’enseignant assertif s’attend à être respecté, naturellement. Il refuse d’avoir à s’appuyer sur pouvoir extérieur ou sur un rôle qu’on lui attribue pour obtenir coûte que coûte le respect. Il incarne et revêt le rôle et la posture de l’enseignant.

 Dès lors, les enseignants assertifs peuvent adopter un ton plus neutre et plus factuel, tout en restant chaleureux et amicaux. Ils disent « J’attends le silence avant de commencer » ou ils se taisent et regardent leurs élèves qui retrouvent bien vite leur état concentration et les écoutent.

La discipline est planifiée et internalisée par l’enseignant. Les comportements attendus sont enseignés explicitement, la prévention, la vigilance et le renforcement sont assurés. 

Le problème le plus fréquent des enseignants qui font preuve de faiblesses en gestion de classe est qu’ils ne s’affirment pas assez. Le plus difficile, c’est ce manque d’assurance qui tend à se combler avec l’expérience, mais que l’enseignant peut travailler délibérément. C’est une clé essentielle qu’un enseignant doit développer pour devenir efficace en gestion de classe.

L’enseignant assertif agit de manière claire et ferme, avec respect pour ses élèves et lui-même, en gardant clairement à l’esprit les objectifs de la discipline.


La dimension de la sanction dans le cadre de la discipline assertive


La discipline assertive entend dépersonnaliser l’acte de sanctionner et le professionnaliser. Nous agissons en tant qu’enseignants et non en fonction d’un ressenti personnel dépendant de notre sensibilité propre et de notre vécu. L’idée d’une démarche assertive correspond à adopter un ton positif et neutre plutôt qu’émotif afin de mener à l’apaisement des élèves.

L’expression discipline assertive découle d’un contraste avec une réaction passive ou hostile. C’est l’idée de n’être ni agressif ni passif face à la perturbation, mais d’intervenir calmement et sereinement. Nous sommes certains de notre bon droit et de notre responsabilité d’enseignant. Nous conservons une attitude positive et nous indiquons les instructions de manière neutre et formelle plutôt que de laisser libre cours à des émotions difficilement contrôlées.

Le rappel à la règle et aux valeurs qui la soutiennent permet de conserver une neutralité bienveillante et formelle. Dans ce cadre, nous envisageons la sanction, non plus comme d’une punition, mais comme réparatrice, à la manière d’une réintégration de l’élève dans le contexte scolaire exemplaire que nous promouvons.

Une approche assertive de la discipline se traduit en un système de conséquences échelonnées en fonction des comportements inadéquats. Elle correspond à une gradation des conséquences. Nous commençons par un avertissement, puis augmentons la réponse en cas de récidive selon un continuum préétabli.

Dans la même logique, il convient de sermonner aussi confidentiellement que possible. Nous postposons à la fin du cours, quand les autres élèves sont partis, une discussion avec l’élève source de perturbation, jamais en public. Les élèves sont moins susceptibles de reconnaitre leurs torts face à leurs camarades que seuls devant l’enseignant. Ils ne veulent pas perdre la face devant le groupe et nous devons en tenir compte pour ne pas les blesser inutilement.


L’évitement de la confrontation


Une étape importante dans le cadre du continuum de la discipline assertive est d’éviter la confrontation directe tout en donnant un choix à l’élève. Le choix suit le rappel de la règle et est suivi de l’établissement de la sanction en cas de besoin. L’élève peut :
  • Soit rester silencieux pendant le cours et choisir de discuter avec l’enseignant au moment de la pause. 
  • Soit s’affronter à des conséquences immédiates bien plus déplaisantes.
Donner un choix, une option à l’élève va lui sembler plus facile, plus acceptable. Nous maîtrisons la situation plus simplement. Cela nous permet de temporiser, de calmer l’ambiance et de prendre du recul plutôt que d’intervenir de suite. 

De la même manière, si l’élève proteste et conteste notre demande, nous pouvons utiliser la technique du disque rayé qui se traduit par la répétition monocorde des instructions face à la protestation. La plupart des élèves se conformeront une fois que l’enseignant aura utilisé quelques répétitions. 

Opter pour l’assertivité c’est refuser tout rapport frontal. C’est considérer que la relation avec les élèves est un aspect d’un ensemble. Elle intègre un ensemble plus important de responsabilités qu’il importe de remplir : assurer le meilleur apprentissage de chacun d’entre eux par l’intermédiaire de nos pratiques d’enseignement.

Les élèves sont des adolescents et par conséquent ils disposent d’un moins bon contrôle émotionnel que nous adultes. Ils sont susceptibles de dire des choses blessantes qu’ils ne pensent pas vraiment. Ils réagissent face au statut de l’enseignant et non à nous en tant qu’individus. Nous avons une mission d’éducation pour leur permettre de poursuivre le chemin vers une maturité émotionnelle et une socialisation épanouie.



9. Conserver l’échelle individuelle dans la gestion d'un groupe d'élèves perturbateurs


Le terme de comportement perturbateur mineur dans un cadre scolaire décrit des comportements éventuellement récurrents qui peuvent interrompre de manière significative l’apprentissage de l'élève et parfois celui d'autres autour de lui, ou nuisent à l'attention et à un bon engagement. 

Dans des cas plus extrêmes on parlera de comportements perturbateurs majeurs et la poursuite du cours elle-même dans de bonne conditions est hypothéquée avec un impact potentiel sur la sécurité ou le bien-être de certains. 

Ces comportements perturbateurs mineurs ou majeurs peuvent être le fait d'un seul élève ou de plusieurs élèves, de manière concertée ou non. 

Lorsque plusieurs élèves sont concernés, dans tous les cas, il est peu productif, de considérer le groupe d’élèves en tant qu’acteur perturbateur singulier.

Le traitement de la situation est toujours plus efficace s’il se passe à l’échelle individuelle, élève par élève. Il est faux de supposer qu’une seule approche ou procédure sera efficace dans toutes les circonstances face à un fait identifié, pareillement pour chaque acteur concerné, même s'il est concerté. Un groupe et une somme d’individualités et nous devons répondre à chacune d’entre elles.

Les racines du comportement perturbateur sont complexes et individuelles. Elles comprennent potentiellement :
  • L’origine sociale de l’élève, 
  • Un dysfonctionnement familial
  • Des déficiences de l’encadrement parental 
  • Des expériences antérieures négatives à l’école
  • Des situations d’intimidation
  • Des difficultés d’apprentissage
  • Les caractéristiques psychologiques de l’élève concerné. 
Au dela de l'application du continuum d'interventions à appliquer pour chaque élève, une gamme d’approches sera donc nécessaire, dérivée et adaptée aux besoins individuels lorsque la perturbation est récurrente ou si elle s'accentue au fil du temps. 

Les individus et leurs comportements sont à considérer dans leur contexte et avec leurs propres antécédents afin de comprendre les origines du comportement et apporter une réponse efficace. En procédant de la sorte, nous voulons couper chaque élève de l'influence de ses pairs perturbateurs.

Le but n’est pas de sanctionner uniquement, mais de sanctionner avec une portée éducative. Nous permettons par ce biais à chaque élève concerné de retrouver sa place de manière cohérente avec le projet scolaire.



10.  Faire preuve de flexibilité et de tact pédagogique pour développer la coopération et rechercher l’efficacité en gestion de classe


Un système de gestion de classe, construit sur des routines, de la prévention et des interventions correctives, n’est pas parfait du premier coup. De même, bien qu’une classe ordonnée, attentive et silencieuse soit souhaitable, elle n’implique pas pour autant une approche rigide et inflexible dans sa mise en œuvre.

Si une routine ou une approche ne fonctionnent pas, nous la modifions et l’adaptons. Si un élève ne réagit pas bien à une intervention, nous en trouvons une nouvelle qui tienne compte de la fonction et des antécédents de son comportement. La comportement a lieu dans un contexte, dans une relation, s’inscrit dans la suite d’expériences antérieures et est dépendant de facteurs extérieurs. Notre personnalité, notre verbal et notre non verbal peuvent se traduire sous forme d’un tact pédagogique où nous nous employons à agir au bon niveau pour favoriser le bon comportement et le coopération des élèves. 

S’il est important d’insister sur un comportement approprié, pour bâtir un climat de classe positive, l’accent ne doit pas être mis uniquement sur la conformité, mais également sur la coopération et l’adaptation.

Enseigner efficacement à des adolescents implique de prendre en compte leurs motivations et leurs intérêts.

Des stratégies de gestion de classe qui s’inscrivent dans cette optique de coopération intègrent les options suivantes :
  • Donner aux élèves l’occasion de faire des choix 
  • Communiquer la justification des règles 
  • Responsabiliser davantage les élèves
  • Encourager l’autorégulation au niveau des comportements
  • Fournir une rétroaction positive spécifique qui reconnait le développement des habiletés et des compétences
  • Réduire l’importance des comparaisons entre élèves et agir de manière discète
  • Renforcer positivement les progrès personnels et les efforts manifestes des élèves
  • Utiliser des activités qui favorisent leur collaboration.
Nous devons tenir compte de la motivation de nos élèves lors de la conception de notre gestion de classe. À ce titre, il est important que les élèves saisissent bien que leur comportement coopératif, leur attention et leur engagement apportent une contribution non négligeable au succès de leur apprentissage. Ils permettent d’installer une atmosphère positive pour tous en classe.



11. Rétablir ou retrouver le lien après une confrontation liée à intervention corrective


Il se peut que la gestion d’une perturbation en classe ait mené à une confrontation et qu’elle ait installé une tension entre un enseignant (qui s’est senti blessé) et un de ses élèves. La conséquence en a été que la relation a été temporairement rompue et remplacée par une forme de ressentiment palpable qui se traduit par une forme d’évitement. 

Le traitement de la perturbation concernée a suivi son cours avec des sanctions à la clé faisant souvent intervenir une personne tierce.

Dans ce cas, il y a deux cas de figure : 
  • Spontanément, par la suite — éventuellement sur les conseils de la tierce personne, — l’élève vient s’excuser, les interactions peuvent alors retourner à la normale.
  • Alternativement, l’élève peut camper sur ses positions ou feindre l’ignorance des événements passés. Dans ces cas, il n’est pas forcément utile que l’élève soit contraint par une tierce personne à venir présenter des excuses qui seront de toute façon non sincères.
Il vaut lieux éviter une nouvelle escalade ou risquer une confrontation. Par tact pédagogique et dans une perspective d’exemplarité, il peut être plus efficace que l’enseignant fasse la démarche de renouer avec les interactions comme avec n’importe quel élève (la perturbation ayant été traitée).

S’il veut amener l’élève à progresser dans ses rapports sociaux à l’avenir, l’enseignant a intérêt à recourir à l’empathie. Cela ne signifie pas que l’enseignant fait comme si rien ne s’était passé, ça ne signifie pas non plus que les élèves récalcitrants peuvent faire comme bon leur semble.

Cela signifie plutôt, qu’en professionnel, l’enseignant ne renonce pas à sa fonction et garde des égards pour ses élèves. Il laisse la porte ouverte aux élèves. Il prend en compte leur engagement et leur implication dans la classe pour qu’ils puissent s’y intégrer d’une façon satisfaisante.

Lorsque l’enseignant fait preuve d’ouverture envers l’élève problématique, les chances que ce dernier s’engage dans un processus de changement de son comportement augmentent. L’enseignant assume pleinement sa position d’adulte.

Au contraire, un enseignant qui ne démontrerait aucun intérêt envers les sentiments de ses élèves s’exposerait à une augmentation de la fréquence des comportements perturbateurs. Il observerait également une résistance à la coopération, à l’engagement, à l’apprentissage et à la responsabilisation.



12. Développer et soutenir la relation avec les élèves potentiellement plus perturbateurs


Certains élèves peuvent être issus de milieux socio-économiques plus défavorisés ou être simplement, à travers la culture familiale ou adolescente dans laquelle ils s’inscrivent, plus en décalage avec le fonctionnement et la culture propre de l’école. D'autres élèves peuvent présenter des troubles du comportement ou avoir des retards d'apprentissage et tout un passif d'expériences scolaires défavorable.

Ils se retrouvent ainsi à l’école face à un milieu qu’ils peuvent avoir du mal à interpréter et dont ils ne comprennent pas tous les codes et toutes les facettes. Cela peut les amener à réagir spontanément de manière inadaptée par un défaut de compétence sociales telles qu'attendues en contexte scolaire. 

Ces élèves vont nécessiter un surcroit de communication positive et d'enseigneent explicite du comportement de la part des enseignants. Ils sont besoin de savoir que leurs enseignants sont dévoués à leur apprentissage et qu’ils les aideront lorsqu’ils auront de la difficulté à l’apprendre. Ils sont besoin d'exemples dans leur environnement scolaire dans lesquels ils peuvent se reconnaitre ou trouver une forme de reconnaissance.

Face à ce profil d'élève, les enseignants doivent tâcher de leur montrer qu’ils se soucient d’eux individuellement de manière à inverser certaines tendance et à leur permettre de mieux intégrer le fonctionnement scolaire.  C'est d'autant plus utile d'en prendre conscience car naturellement, ce n'est pas le type de profil d'élève vers lequel un enseignant va aller spontanément, même s'il recherche ou attire l'attention.

Cette bienveillance peut se manifester de plusieurs façons pour les enseignants : 
  • En leur prêtant une écoute attentive
  • En prenant soin de toujours pleinement respecter ces élèves lorsqu’ils leur donnent une rétroaction corrective
  • En leur donnant des encouragements personnalisés et en leur distribuant du renforcement positif lorsque cela est opportun. 
Il est particulièrement important d’appuyer les efforts d’apprentissage de ses élèves et de reconnaitre que pour eux, l’apprentissage n’est pas un chemin sans écueils.

Dans certains cas de figure, certains élèves possèdent une culture propre à leur entourage familial ou relationnel propre, radicalement différente de la culture scolaire dans ses valeurs et leur mode d’expression. Si l’enseignant fait preuve d’une intransigeance marquée et ne tient pas compte de différences potentielles dans l’interprétation des échanges, cela risque d’exacerber le niveau de conflit.

Après avoir été réprimandé pour une inconduite, au lieu de se conformer et de répondre poliment, un élève peut devenir provocateur, bruyant ou indiscipliné. Il peut choisir de se mettre en retrait et devenir peu communicatif. 

Avec ce style de profil, plutôt que d’enclencher l’escalade des sanctions, il peut être plus intéressant de miser sur la communication et donner du temps à l'élève pour s'adapter. Nous rencontrons l’élève individuellement pour prendre le temps de discuter avec lui de l’incident avec l’élève. Nous l’aidons à remettre la situation en perspective, à mieux comprendre et à mieux l’interpréter. Il est potentiellement plus efficace de faire le pari de suivre cette démarche sur un temps prolongé, plutôt que de sanctionner mécaniquement et donner à l’élève l’image d’un fauteur de troubles.

L’idée est d’écouter le point de vue de l’élève et en le questionnant de l’aider à apprendre de la situation quelle est la bonne ou la mauvaise façon de réagir dans une classe.

Nous ne pouvons pas demander à un élève de changer de culture, il s’agit au contraire de la reconnaitre. Il est important de leur faire comprendre qu'il y a des codes que la société en général exigera toujours d’eux, s'ils veulent pleinement réussir à s’y intégrer et à s'y épanouir.

Ce profil d’élève a donc plus que les autres, besoin que nous discutions avec lui de la raison d’être et du bien-fondé des règles de l’école, de la classe et des attentes scolaires en général.

Il est important de définir et justifier clairement les attentes en matière de comportement et d’utiliser constamment du renforcement positif et des conséquences justes et raisonnables en cas d’infraction. Cela permet à l’enseignant de donner à ces élèves l’occasion de participer de façon significative. 

D’autres pistes probantes plus structurelles de niveau 2 ou 3 existent pour ces élèves en difficulté ou en décrochage. Nous pouvons citer des approches comme Check In/Check Out, l’analyse fonctionnelle du comportement ou Check & Connect.



13. Développer la routine de s’approcher systématiquement des lieux de difficultés potentielles


Dès que les élèves rentrent en classe, et ce jusqu’à ce qu’ils la quittent, l’enseignant doit exercer sa vigilance. Il se montre attentif à tout ce qui se passe en classe. Il agit à la fois de manière préventive, proactive, anticipative pour limiter la nécessité d’agir de manière réactive.

À ce titre, il est important que systématiquement, l’enseignant se dirige rapidement vers un secteur de la classe où il semble détecter un incident, son imminence ou sa potentialité. Il évite ainsi que des problèmes mineurs ne dégénèrent en problèmes majeurs. En agissant de la sorte, il promeut une homogénéité des comportements dans l’espace de la classe.

Des études ont montré que lorsque les enseignants circulent régulièrement en classe plutôt que de rester statiques à l’avant de la classe, ce comportement s’accompagne d’une baisse de 50 % des écarts de conduite des élèves. Pour prévenir et éteindre dans l’œuf les difficultés liées à la gestion de classe, l’enseignant s’approprier en quelque sorte l’espace disponible dans sa classe. Il doit montrer aux élèves qu’ils sont les invités dans sa classe et non l’inverse. En investissant pleinement les lieux, l’enseignant envoie au groupe d’élèves un message clair. Il est attentif à leurs comportements et à leurs apprentissages. Il attend d’eux qu’ils se conforment pleinement au cadre qu’il leur a enseigné explicitement.

Des déplacements réguliers, mais aléatoires permettent à l’enseignant de superviser les activités en plus d’éviter l’apparition de zones agitées. Cette impression d’omniprésence de l’enseignant favorise l’adoption et le maintien par les élèves des comportements désirés en plus de stimuler leur engagement scolaire. Ils intègrent qu’à n’importe quel moment l’enseignant peut circuler dans leur périphérie immédiate et que c’est d’autant plus probable qu’ils ne sont pas pleinement engagés dans le cours.

En procédant de la sorte, l’enseignant contribue activement à préserver un environnement sécurisant, ordonné, prévisible et positif en plus de maintenir des relations positives avec tous ses élèves. Il indique qu’il les considère et manifeste les mêmes attentes élevées pour chacun de ses élèves.



14. L’importance de définir précisément quels comportements perturbateurs justifient une exclusion de classe


Il existe un principe absolu sur lequel nous pouvons compter immanquablement. La fréquence ou l’intensité d’un comportement perturbateur augmentera si celui-ci n’est pas géré convenablement.

Le processus implique d’avoir enseigné les comportements attendus, d’avoir délivré une rétroaction et d’exercer sa vigilance. 

Lorsqu’un comportement perturbateur mineur apparait, nous agissons selon un continuum d’interventions. Si l’élève ne répond pas positivement aux interventions et si la perturbation mineure se poursuit et empêche le cours de se poursuivre correctement, le comportement peut alors être requalifié en perturbation majeure.

Les comportements perturbateurs majeurs sont de deux types. Soit ils empêchent le cours de se poursuivre dans de bonnes conditions, soit ils sont illégaux ou dangereux. Dans les deux cas, il est utile que l’élève soit retiré de la classe et pris en charge à l’extérieur de celle-ci par une personne responsable. Le cours peut alors reprendre dans de bonnes conditions. 

Si pour un enseignement, il est important d’intervenir avec diligence et pertinence, en combinant fermeté et douceur. Le compas doit être bien placé et respecter le règlement d’ordre intérieur de l’établissement.

Dans un souci de cohérence et de cohésion au sein de l’équipe éducative, il importe que l’on puisse connaitre exactement le moment où une limite est franchie et où une sanction s’impose. À ce titre, la clarté de la gestion des comportements à l’échelle de l’école est un facteur essentiel. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les écarts de conduite majeurs.

Les élèves doivent savoir que si un élève dépasse certaines limites fixées, l’enseignant réagira. Gérer adéquatement le comportement des élèves peut nécessiter que l’un d’entre eux soit à un moment donné retiré de son milieu d’apprentissage.

Les raisons d’une exclusion doivent être définies précisément à l’échelle de l’école. De même, un élève exclu d’une classe doit bénéficier immédiatement d’une prise en charge et d'un suivi adapté à la nature de la perturbation. 

L’absence de clarté ou d’organisation dans la gestion de classe d’un établissement scolaire laisse place à toutes sortes d’interprétations subjectives. Sans repères précis, des élèves vont être exclus de la classe sans raison valable. D’autres vont être maintenus en classe alors qu’ils devraient en être retirés. Ils compromettent le travail de l’enseignant, nuisent à l’apprentissage des autres élèves. De plus, ce manque de cohérence peut avoir une influence désastreuse sur le comportement des élèves en cause. Parfois, exclure un élève de classe revient à le récompenser et à l’inciter à poursuivre son comportement perturbateur.



15.  Huit stratégies de base pour améliorer les interventions en gestion de classe


N°1 : Lors d’une intervention auprès d’un élève perturbateur, nous ne lui posons pas de questions et nous sommes précis sur le comportement attendu


Nous évitons de poser une question ouverte et nous indiquons plutôt à l’élève ce que nous voulons qu’il fasse plutôt que ce qu’il doit cesser de faire.

Dans les deux cas, poser une question ou notifier le comportement à stopper ouvre la porte aux négociations et au refus d’obéir.

Si l’élève ne réagit pas à la demande, la deuxième étape et de proposer un choix : soit adopter le comportement attendu, soit obtenir la sanction en lien avec le comportement perturbateur.  Ce choix proposé n’est pas non plus une question mais une alternative qui lui est proposées.


N°2 : Laisser un temps de traitement de l’information à l’élève après lui avoir fait une remarque

Lorsqu’un enseignant fait une remarque à un élève, il lui laisse approximativement de trois à cinq secondes à celui-ci pour réagir.

Entretemps, idéalement, l’enseignant renforce positivement le comportement demandé qui est adopté par un autre élève à proximité, ce qui donne un exemple à l’élève perturbateur.

Après ce temps, si l’élève perturbateur a obtempéré et adopte le comportement souhaité, l’enseignant le renforce positivement. 

Si l’élève poursuit son comportement perturbateur, l’enseignant passe à l’étape suivante dans le continuum d’intervention. 


N°3 : L’enseignant limite le nombre d’avertissements

Répéter plusieurs fois la même remarque si cela n’a pas d’effet est une perte de temps, déforce l’enseignant et crée une habituation de l’élève qui devient moins susceptible de réagir aux remarques.

Deux avertissements sont un nombre suffisant pour éviter :
  • Toute injustice : peut-être que l’élève n’a pas compris le contenu ou l’importance de la remarque de l’enseignant.
  • Tout détournement du système : il faut éviter que les élèves pensent avoir droit à de nombreuses remarques avant de risquer la sanction s’ils n’obtempèrent pas.
Au-delà de deux avertissements où l’on invite l’élève à adopter le comportement attentdu, s’il n’obtempère pas, l’enseignant passe à une autre intervention dans un continuum. La deuxième intervention ou la troisième peut correspondre à un choix proposé à l’élève : soit adopter le comportement attendu, soit obtenir la sanction en lien avec le comportement perturbateur.


N°4 : Agir efficacement en cas de récidive de l’élève plus tard dans le cours pour le même comportement perturbateur 

Imaginons que l’élève a obtempéré face à la remarque de l’enseignant mais que vingt minutes plus tard, il recommence avec le même comportement perturbateur. Dans ce cas, il importe que l’enseignant marque une gradation.
  1. L’enseignant utilise la formule : « Tu dois… » en rappelant le comportement attendu. 
  2. L’enseignant s’éloigne de l’élève, il renforce positivement quelques élèves à proximité qui expriment le comportement attendu.
  3. Si l’élève obtempère, l’enseignant le renforce positivement, sinon, il passe à l’intervention suivant dans le cadre du continuum d’intervention (proposer un choix).


N°5 : Faire bon usage de la proximité

Pour des raisons d’impact et de discrétion, lorsqu’une remarque doit être faite à un élève, il faut s’approcher de l’élève. Il s’agit d’obtenir tout son attention et de rendre la plus privée possible.

L’enseignant se trouve à moins d’un mètre de l’élève lorsqu’il lui donne un avertissement concernant son comportement perturbateur. De cette manière, il en optimise l’effet pour l’élève et diminue l’effet distracteur sur les autres élèves. 

Lorsque l’enseignant doit intervenir directement pour un élève, il évite de se placer en face à l’élève. Cette position est un message social non verbal de provocation. Au contraire, l’enseignant adopte une position physique en biais avec ce dernier, avec un angle de 45°.


N°6 : L’enseignant établit un contact visuel avec l’élève perturbateur

Le fait de capturer le regard de l’élève quand on lui fait une remarquer permet de s’assurer de bien faire passer le message. La démarche a également pour objet de le couper de ses interactions sociales avec d’autres élèves dans le cadre de son comportement perturbateur qui peuvent l’alimenter.

Lorsque l’enseignant s’approche de l’élève perturbateur, il s’assure de capturer son regard avant de lui parler.

Quand il est certain de disposer de son attention, l’enseignant s’adresse à l’élève et s’exprime calmement et posément.


N°7 : L’enseignant formule ses demandes d’une voix assurée


À tout instant (sauf peut-être en cas de perturbation majeure présentant un danger pour des élèves), l’enseignant utilise un ton neutre, ferme, formel et respectueux.

L’enseignant évitant de s’énerver, de crier, de plaisanter ou de paraître supplier. Il ne laisse pas transparaitre ses émotions. 

L’enjeu est d’éviter tout rapport de contrôle ou de coercition. De plus, témoigner d’une charge émotionnelle risque d’amplifier celle de l’élève et l’éloigner de la rationalité.




N°8 : La technique du disque rayé

Un élève peut contester la remarque qui lui fait l’enseignant suite à un comportement perturbateur. L’enseignant a deux possibilités. 

Soit, il poursuit le continuum d’intervention ce qui peut rapidement mener à une escalade avec sanction ou exclusion de classe, ce qui n’est pas toujours justifiable. 

Le message à envoyer à un élève est que le cadre de la classe n’est pas un lieu pour la contestation des remarques mais pour l’apprentissage. Il sera utile de rencontrer l’élève individuellement après le cours.

Mais dans l’immédiat, pour faire entendre raison à l’élève et retrouver rapidement un climat propice à l’enseignement, un enseignant peut activer la technique du disque rayé :
  1. Lorsque l’élève argumente sans cesse, l’enseignant adopte la technique du disque rayé, afin de ne pas embarquer dans un jeu sans fin dont il ne ressortira jamais gagnant. 
  2. L’enseignant signale à l’élève, « Je comprends ta frustration, mais, quoi qu’il en soit, la conséquence est… ». 
  3. Lorsque l’élève argumente à nouveau, l’enseignant reprend chaque fois la même phrase ou avec des micro-variations, jusqu’à l’épuisement des revendications de l’élève concerné. 
  4. Il est important que durant tout le processus l’enseignant reste parfaitement calme et impassible, ne montre aucune trace d’agacement et ne réponde jamais directement aux arguments de l’élève.
  5. L’élève cessera inévitablement d’argumenter voyant que son comportement ne mène à rien. Si l’élève s’emporte, il est exclu.
  6. Après le cours, l’enseignant prend un temps d’échange avec l’élève pour lui ré-expliquer que le temps de classe n’est pas dédié à la contestation des prises de position de l’enseignant.



16. Concevoir les interventions en gestion de classe comme des opportunités d’enseignement explicite des comportements attendus


Plutôt que penser qu’une punition est la réponse logique à la perturbation d’un élève en classe, il vaut mieux viser à clarifier et à enseigner à nouveau le comportement attendu. La contrainte que doit représenter la sanction doit être réparatrice par rapport au comportement perturbateur dans le sens où elle va permettre à l’élève d’apprendre à exercer le comportement attendu. Nous voulons rendre contraignante l’adoption du comportement perturbateur et favoriser celle du comportement souhaité.

La même approche pédagogique est naturellement privilégiée lorsque les élèves font des erreurs liées aux contenus scolaires. Il n’y a aucune raison de ne pas l’utiliser pour corriger les erreurs sociales. 

La punition peut interrompre ponctuellement le comportement inadéquat, mais n’apprend rien de neuf à l’élève concerné. Une réponse plus appropriée qui permet à l’élève d’être guidé dans l’apprentissage du comportement souhaité, de le pratiquer et d’être renforcé pour son expression devrait être privilégiée.

Notre enjeu est pour l’élève d’améliorer les conditions d’enseignement et d’apprentissage des comportements routiniers souhaités, et de réduire la probabilité d’occurrences futures du comportement inadéquat. Nous voulons que les élèves apprennent à mieux comprendre le sens, la valeur ajoutée et la raison d’être des comportements souhaités et développent la motivation nécessaire pour se comporter de manière acceptable par la suite. Cela implique de s’assurer qu’ils connaissent bien les comportements attendus et si besoin est de les leur enseigner explicitement. 

Dans tous les cas, sont nécessaires de la part de l’enseignant l’exercice d’une vigilance et une rétroaction positive spécifique pour soutenir les progrès ultérieurs des élèves concernés.



17. L’art de la sévérité contrôlée


Lorsque nous agissons pour gérer un écart de comportement auprès d’un élève, nous devons garder le contrôle, mais également marquer la gravité du comportement visé.

Il est important de paraître un tant soit peu sévère et concerné lorsque nous corrigeons un élève. L’élève doit savoir que nous pensons ce que nous lui disons. Il doit pleinement comprendre que nous n’allons pas tolérer ce comportement et laisser faire s’il n’améliore pas son comportement. Cela reste vrai, peu importe la qualité de la relation que nous avons établie avec lui. C’est d’autant plus important de rester dans une relation d’adulte à l’élève. 

Il existe plusieurs manières de faire preuve de cette forme de sévérité contrôlée. Elles impliquent toutes des changements dans le ton, dans l'expression de nos émotions et dans la forme de la communication. La plupart du temps, cela signifie qu’il faut légèrement amplifier de manière tacite notre réaction.

Comment manifester l'art de la sévérité contrôlée ?
  1. Énoncer des normes attendues sous forme de phrases courtes, sans négation et à l’impératif : « Vous attendez votre tour pour prendre la parole », « Concentrez-vous sur la réalisation des exercices », « Vous devez parler à voix lors du travail coopératif », etc.
  2. Nuancer le ton de la voix. Le rendre plus aigu, plus grave ou plus urgent selon ses spécificités vocales, de manière à créer un léger contraste avec notre ton normal. Notre ton est généralement calme, amical, chaleureux ou dynamique. Nous devons soudainement passer à un ton plus formel.
  3. Accentuer l’expression faciale. Nous pouvons poser un regard plus intense, un contact visuel un peu plus long, une expression ferme et visiblement déçue, différente de notre expression détendue par défaut, qui est chaleureuse et plus joviale.
  4. Utiliser un langage corporel. Nous pouvons ritualiser un mouvement de main net ou précis, lever la main et l’afficher. Nous pouvons mettre un doigt devant la bouche ou nous rapprocher méthodiquement des élèves concernés.
Tout cela pourrait sembler excessif et exagéré, mais la plupart des élèves ont besoin de ce niveau d’intensité appuyer pour comprendre l'importance et la signification d'une intervention de l'enseignant. Ces attitudes font partir du décorum et démontrent le sérieur de la situation. Tout cela est inscrit dans la nature même de l’échange hiérarchique entre enseignant et élève. C’est fondamentalement humain et culturel. 

Le rôle des enfants et des adolescents et de tester les limites lorsqu’ils explorent le monde et les relations sociales. Le rôle des parents et des enseignants, des adultes en général, est de marquer les limites à ne pas franchir. Nous devons leur permettre de s’y conformer au profit de leurs apprentissages, de leur développement et de leur bien-être.

Agir de la sorte communique l’existence d’un impact émotionnel (mineur) sur nous lorsqu’ils sont à l’origine d’une perturbation. Cela montre sans ambiguïté que nous avons remarqué et que nous nous sommes souciés de ce qui s’est passé et voulons y remédier.

Il s’agit d’un formalisme, si nous étions réellement choqués ou profondément déçus, nous ne resterions pas enseignants à long terme. C’est également une alternative à la coercition, au contrôle ou à l’autoritarisme.

Il s’agit bien d’une sévérité contrôlée dont tout l’enjeu est d’exprimer que la certitude importe plus que la sévérité. Elle permet d’établir des limites très claires et de se donner le visage de l’intégrité sans celui de la tyrannie.

Le sévérité contrôlée renforce le rappel à l’ordre auprès d'un élèves lorsqu'il est nécessaire. Pour l’enseignant, c’est une manière de signaler qu’une ligne rouge a été dépassée, peu importe le contexte. Ce comportement est suivi rapidement par un retour au ton normal, amical et chaleureux. 

La démarche est utile pour mettre un terme aux tentatives de contestation d'un élève par exemple.  L'enseignant prend un autre visage lors d'une intervention, il est temporairement dans un autre rôle. Avec un ton d'une sévérité contrôlée, nous exprimons que la contestation n’est pas autorisée et juste après, le ton retourne à la normale avec un sourire, dès que l’élève s’y conforme.

De cette manière, il n’est nécessaire d’utiliser le ton sévère qu’occasionnellement. Les élèves de la classe se souviennent mieux des limites lorsque les usages de la sévérité contrôlée sont ponctuels et marqués par la survenue de certains événements types.

La sévérité contrôlée est ainsi un ingrédient à doser et à utiliser subtilement avec parcimonie. Lorsqu’elle est utilisée trop souvent, nous risquons d’exprimer de la colère en surenchérissant et les élèves peuvent se désensibiliser. Utilisée de manière systématique, elle peut générer un sentiment d’incohérence sur le fait que certains comportements sont un jour acceptables et l’autre ne le sont pas. De même, ils peuvent être tolérés pour certains élèves et pas pour d’autres.

Si nous dosons bien la sévérité contrôlée et que nous l’appliquons avec maitrise, alors la limite ne sera pas atteinte aussi souvent. Les élèves anticiperont exactement ce qui va se passer s’ils n’inhibent pas tel ou tel comportement. Une analogie possible est celle avec une clôture électrique à basse tension autour d’une prairie. Nous savons où elle se trouve et ce qui se passera exactement si nous la touchons, donc nous ne le faisons pas. L’essentiel, c’est que la conséquence soit certaine — et non le niveau de gravité de celle-ci.

Jacob Kounin (1970 avait distingué les notions de fermeté et la rudesse dans le chef de l’enseignant dans le cadre de ses recherches sur l'effet de réverbération. La sévérité contrôlée correspond à sa conception de la fermeté. Elle s'adresse à l'élève fautif mais envoie également un message aux autres élèves dans le but de favoriser un climat de classe coopératif.



18. Vigilance sans omniscience : la stratégie de l’accord partiel


Nous sommes occupés à donner des explications en classe entière ou à répondre à un élève individuel durant la pratique autonome. Soudain une perturbation mineure a lieu dans une autre partie de la classe que nous ne supervisions pas activement à ce moment-là.

Nous avons beau être vigilants, nous ne sommes pas omniscients. Nous n’avons pas tous les paramètres en tête pour avoir une certitude absolue sur l’étendue des différentes responsabilités en lien avec l'intervention qui s'impose maintenant. Qui a fait quoi, exactement ?

Néanmoins, même dans le doute, nous ne pouvons nous abstenir de réagir face à une perturbation et l'ignorer. Nous devons rester en mesure de modéliser et de soutenir le comportement que nous attendons de nos élèves.

Toutefois, modéliser le comportement des élèves et l’influencer positivement n’implique pas de toujours vouloir avoir le dernier mot et de retrouver le coupable. 

L’accord partiel est une stratégie essentielle pour éviter ou résoudre préventivement les conflits. L’idée est que les enseignants ne doivent pas essayer systématiquement d’avoir le dernier mot, ou d’affirmer leur pouvoir dans une situation où un élève peut légitimement contester l’interprétation de l’enseignant. Nous ne devons pas risquer de commettre une injustice ou nous montrer hésitants ou fluctuants car c'est la base de l'incohérence.

Voici différentes exemples de mise en oeuvre de l'accord partiel :

Exemple 1 :
  • Élève : « Ce n’est pas moi qui parlais, je faisais mon travail ».
  • Enseignant : « OK, peut-être que c’était le cas, mais maintenant je veux que tu continues ton travail pour terminer la tâche, comme tout le monde, merci. »
Exemple 2 :
  • Élève : « Ce n’est pas moi qui ai lancé la boulette de papier… ce n’est pas la mienne… je n’ai rien fait »
  • Enseignant : « Peut-être pas, mais nous sommes tous en accord sur les règles à ce sujet et sur ce qui est attendu. N’est-ce pas… (s'adressant maintenant à l'ensemble de la classe) J’aimerais que vous m’aidiez tous à éviter que ça ne se reproduise la prochaine fois, merci. »

En agissant de la sorte, l’enseignant met l’accent sur le rappel et le renforcement du comportement attendu. Il offre aux élèves le bénéfice du doute, du temps et un choix sur les conséquences si l'évènement se reproduit.

L’objectif de l’enseignant n’est pas tant de sanctionner l’infraction au comportement observé que d’influencer le comportement des élèves à moyen terme. Il est essentiel de s’attendre à ce que les élèves respectent les règles, mais nous ne devons pas considérer le fait de ne pas trouver de responsable, en cas de doute, comme un signe de faiblesse. Être injuste aurait des conséquences autrement néfastes.

Communiquer aux élèves que malgré notre vigilance, nous pouvons nous tromper est un élément important pour maintenir les relations tout en conservant notre autorité.

Il faut accepter de parfois céder un peu de terrain lorsque nous visons une efficacité à moyen et long terme.



19. Adapter les conséquences d'une perturbation en fonction des antécédents ou d’effets de contexte ignorés 


Il peut arriver que sous le choc de l’émotion, par manque de recul ou tout simplement en suivant les directives, à la suite d'une perturbation, nous ayons attribué à un élève, une conséquence qui parait ensuite disproportionnée.

Différentes informations contextuelles que nous ignorions à propos de l’élève (contexte familial, autres évènements dans le cadre de l'école, etc.) nous sont communiquées par la suite par des collègues, par les parents ou par d’autres élèves. Ces informations influencent des paramètres et forment des antécédents qui sont susceptibles d’avoir facilité le déclencheur d’un comportement perturbateur. En toute logique, ils sont susceptibles d'atténuer pour une part sa responsabilité.

De plus, les conséquences établies semblent inadéquates et peu propices à améliorer le comportement ultérieur dans le cadre du contexte tel que nous le comprenons actuellement. Ce nouveau diagnostic que nous sommes amenés à poser peut nous amener à souhaiter revoir la sanction.

Pour le faire, il importe d’être pleinement explicite pour que la démarche ne ressemble pas à de l’indécision, à de l’incohérence ou à du favoritisme.  Nous allons expliquer à l’élève concerné que nous estimons avoir été trop sévères et inéquitables en rapport avec le nouvel éclairage dont nous disposons pour sa situation. Il s’agit d’être franc et clair vis-à-vis de l'élève concerné afin que cela ne devienne pas un précédent ou une excuse pour lui.

Une communication brève peut de même être communiquée aux autres élèves, sans entrer dans le détail et avec la volonté d’indiquer que la démarche ne change rien aux règles générales et à leur application. 

La sanction peut alors être ajustée de manière à réellement répondre à la nature de la situation et à soutenir l’amélioration du comportement de l’élève. Si la sanction est fortement allégée, il faut toutefois marquer le fait qu’une amélioration du comportement concerné est absolument requise pour la suite et qu’un suivi sera pleinement assuré en cas de nouveaux faits. 

Il est beaucoup plus productif, en phase avec une démarche éducative, d’admettre que notre décision à un moment donné n’était pas suffisamment éclairée. Ce serait une erreur de simplement laisser tomber le suivi d’une conséquence sans explications ou de le poursuivre malgré tout alors qu’elle ne tient pas compte de la réalité des faits. L'enjeu est d'aboutir progressivement à une amélioration générale de la situation et à son maintien. La sanction n'en n'est qu'un moyen, nécessaire certes mais pas principal dans un contexte d'enseignement explicite de compétences sociales et du développement de l'autorégulation du comportement.



Mise à jour 24/08/2021


Bibliographie


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