(Photographie : Emma Hardy)
L’objet de cet article est de continuer à suivre ses travaux en rapportant son analyse nuancée de la manière dont l’enseignement et la motivation sont intégrés. Nous prenons chaque fois un facteur clé de la motivation ou de l’engagement. Nous analysons comment il est lié aux éléments de l’approche LRI qui combine l’enseignement explicite et la découverte guidée.
Le premier facteur traité est celui du sentiment d’efficacité personnelle, aussi appelé auto-efficacité. Les liens proposés par Andrew Martin sont indicatifs, éclairants et suggestifs, mais non prescriptifs ou définitifs.
Promouvoir le sentiment d’efficacité personnelle des élèves par un enseignement explicite
Le soutien au développement du sentiment d’efficacité personnelle des élèves est une dimension utile à considérer pour les élèves qui rencontrent des difficultés. Il peut contribuer à améliorer leurs perceptions face aux apprentissages et par ce biais améliorer leurs résultats.
De telles démarches impliquent de restructurer l’apprentissage de manière à maximiser leurs chances de réussite, en présentant aux élèves des défis à leur portée, tout en maintenant des attentes élevées à leur égard.
De manière générale pour tendre vers cette situation, un enseignant peut veiller à :
- Apporter un certain degré d’individualisation des tâches lorsque cela est opportun :
- C’est un mécanisme qui peut être activité dans le cadre de la pratique autonome en enseignement explicite ou dans le cadre de devoir.
- Aborder et à améliorer les croyances des élèves sur eux-mêmes et sur leurs compétences :
- Celles-ci sont susceptibles d’être négatives et avoir une influence négative sur l’engagement des élèves.
- Dans le cadre d’un enseignement explicite, un enseignant peut mobiliser l’équation R = E x S (réussite = efforts x stratégies) et former ses élèves à des stratégies tout en les incitant à fournir des efforts utiles.
- Développer des compétences en matière de détermination d’objectifs personnels pertinents.
- Par le biais d’un enseignement explicite de l’apprentissage autonome, un enseignant peut soutenir ses élèves dans le développement de compétences en gestion du temps et en autorégulation.
- Diviser les apprentissages à réaliser en segments ou étapes gérables :
- Ceux-ci prennent la forme de défis personnels atteignables, avant de procéder à leur intégration.
- Cette démarche qui est au cœur de la conception pédagogique et du modelage en enseignement explicite.
Ces différentes approches ont pour but d’améliorer le sentiment d’efficacité personnelle des élèves en :
- Agissant sur la cognition et sur la métacognition pour faciliter les apprentissages.
- Optimisant les opportunités de réussite.
C’est le fait de transformer un défi en succès qui est le moteur principal de l’augmentation de l’auto-efficacité dans un domaine spécifique.
Quatre éléments clés du modèle de l’enseignement explicite sont particulièrement bien adaptés pour promouvoir ces processus et résultats :
- Le principe de préentrainement (ou préenseignement)
- Le principe de segmentation
- Les révisions préliminaires et espacées
- Le modelage des processus importants.
L'importance du préenseignement et son impact sur l’auto-efficacité des élèves
L'auto-efficacité (ou sentiment d'efficacité personnelle) des élèves se renforce au fur et à mesure que les apprentissages et les compétences se développent avec succès.
Parallèlement, l’apprentissage et le développement d’une compétence sont facilités par l’accès à une quantité suffisante de connaissances préalables. C’est le principe de préeseignement (ou préentrainement).
L'objet du préenseignement est de développer et renforcer les connaissances préalables des élèves. Disponibles dans la mémoire à long terme car précédemment apprises, les connaissances préalables ne vont occuper que peu de ressources en mémoire de travail.
Lorsque les connaissances préalables sont acquises et activées par les élèves, cela facilite les nouveaux apprentissages en lien. Plus de ressources cognitives deviennent disponibles pour acquérir de nouvelles connaissances au fur et à mesure que les nouveaux contenus font l'objet d'un modelage et d'une pratique guidée puis autonome.
Selon Rosenshine (1995), dans l’ensemble, le préenseignement permet :
- De maximiser les informations préalables utiles stockées dans la mémoire à long terme des élèves.
- D’organiser les informations de manière à faciliter leur compréhension.
- De renforcer les liens entre la mémoire de travail et la mémoire à long terme.
Le préenseignement améliore les performances des systèmes de mémoire qui soutiennent l’apprentissage et le développement de compétences. Par voie de conséquence, le préentrainement contribue à jeter les bases d’un sentiment d’efficacité lié à cet apprentissage et à cette compréhension.
Le préenseignement peut être particulièrement bénéfique pour les élèves qui démarrent dans une matière ou y rencontrent des difficultés.
Dans cette perspective, l’enseignant peut fournir un enseignement supplémentaire à certains élèves avant de se lancer dans de nouvelles unités d’apprentissage. Cela permet de s’assurer que les termes essentiels et les compétences de base nécessaires à une unité de travail sont connus de ces élèves.
L’enseignant prend un peu plus de temps pour développer ces connaissances préalables importantes. Il vérifie qu’elles sont stockées dans la mémoire à long terme pour aider la mémoire de travail à traiter les nouvelles informations entrantes. De cette manière, il s’assure que les liens entre les nouvelles informations et les connaissances antérieures seront meilleurs pour ses élèves et pourront s’acquérir plus facilement.
En somme, les débutants dans une matière et les élèves à risque sur le plan scolaire peuvent éprouver des difficultés dans les premières phases de l’apprentissage. Cela risque d’entraver leur sentiment d’efficacité tout au long du processus d’apprentissage.
Le préenseignement, qui est une forme de remédiation ou de différenciation préventive, permet un démarrage plus sûr du processus d’apprentissage et une assise potentiellement plus solide pour favoriser le développement de l’auto-efficacité des élèves concernés.
Le principe de segmentation et son lien avec le sentiment d’efficacité personnelle
L’acquisition d’une compétence décrite par un objectif d'apprentissage est une base pour le développement du sentiment d'efficacité personnelle ou auto-efficacité :
- Si l'acquisition de la compétence est faite d'errements et de difficultés ou se révèle imparfaite, le sentiment d'efficacité personnelle aura tendance à diminuer.
- Si l'acquisition de la compétence est progressive et si les efforts sont constructifs et se traduisent en succès, le sentiment d'efficacité personnelle aura tendance à augmenter.
En tant qu'enseignants, nous avons un double souhait de soutenir l'apprentissage et de donner des opportunités de réussite aux élèves. Ces démarches permettent d'améliorer le rendement de l'apprentissage et l'état d'esprit des élèves.
La manière d'enseigner a dès lors un impact certain sur les résultats et la segmentation est une stratégie efficace susceptible d'y contribuer.
Le principe de la segmentation de l’information dans l'optique d'un soutien à l'auto-efficacité implique pour la conception et la mise en oeuvre de l'enseignement :
- De diviser l'apprentissage d'une compétence en segments ou étapes de taille plus réduite :
- Comprenant des tâches plus faciles à gérer pour les élèves
- En prenant compte leurs connaissances préalables et la charge cognitive imposée par les nouvelles connaissances.
- Anticiper la réalisation de chaque segment ou étape et les apprentissages correspondants comme des opportunités de succès pour les élèves mettant en évidence la concrétisation de leurs efforts.
Le premier élément aide les élèves à considérer la tâche comme réalisable moyennent l'engagement d'efforts raisonnables. Le second élément renforce la compétence et le sentiment d’efficacité personnelle face au processus de réalisation de la tâche et à la rencontre du succès dans celle-ci.
La segmentation est un moyen de traiter avec efficience des informations complexes, multipartites ou substantielles.
L’enseignant divise les grandes unités en segments plus faciles à apprendre et présente systématiquement de nouvelles informations à mesure que l’élève comprend et apprend le segment précédent. Nous fonctionnons étape par étape, en intégrant progressivement chaque nouvelles étape aux précédentes. De cette manière, nous allons du simple vers le complexe.
Il est intéressant de noter que dans les scénarios multimédias, l’efficacité de l’apprentissage est susceptible d’être encore améliorée lorsque le rythme d’un segment à l’autre est sous le contrôle de l’apprenant. La condition est que celui-ci a déjà suffisamment de connaissances dans le domaine considéré pour autoévaluer efficacement sa progression. Cela montre l’importance du développement de l’autonomie de l’apprenant tout au long du processus. Par contre, si l'apprenant ne dispose pas de suffisamment de connaissances préalables, il est plus intéressant que le rythme soit déterminé par le système car l'autorégulation de l'élève peut être insuffisante.
La segmentation peut également être adaptée à chaque élève en ajustant la taille et le nombre de segments d’information présentés. Par exemple, un élève disposant de moins de connaissances dans le domaine ou d'une mémoire de travail à la capacité plus faible bénéficiera de plus petits segments plus nombreux. Pour les apprenants experts, des segments moins nombreux et plus grands peuvent être plus appropriés.
Liens entre les révisions préliminaires et espacées sous forme de quiz et l’auto-efficacité
La révision de l’apprentissage et de l’enseignement antérieurs aide les élèves à activer leurs connaissances antérieures et à comprendre la matière. Cela leur permet de développer leurs compétences et donc d’améliorer ou de maintenir leur sentiment d’efficacité.
La révision constitue un mécanisme qui permet de :
- Renforcer les connaissances antérieures
- Affirmer à l’élève qu’il possède les connaissances et les compétences requises, ce qui favorise l’auto-efficacité.
La révision peut s’avérer très importante au début d’une leçon afin de permettre aux apprenants de se familiariser à nouveau avec les connaissances antérieures ou le matériel couvert dans une leçon précédente. Selon Rosenshine (2009), les enseignants efficaces commenceront une leçon par environ cinq minutes de révision des connaissances antérieures pertinentes.
La révision est également pertinente à des intervalles convenablement espacés pour renforcer l’apprentissage qui aura eu lieu avant la ou les leçons précédentes. Par exemple, Rosenshine (2009) conseille une révision hebdomadaire et mensuelle. Dans des conseils antérieurs, Good et Grouws (1979) suggéraient aux enseignants de revoir le travail de la semaine précédente tous les lundis et le travail du mois précédent tous les quatre lundis.
Il est également important de reconnaître que la valeur de la révision dépend fortement de la qualité des processus pédagogiques qui l’ont précédée. En d’autres termes, les élèves auront besoin de connaissances préalables de haute qualité et d’un ensemble de compétences significatives que la révision espacée est conçue pour renforcer.
L’espacement est également considéré comme une forme de difficulté souhaitable (Bjork, 1994). La pratique espacée pousse l’élève au-delà de la répétition immédiate (qui est moins difficile) vers un acte de révision plus exigeant à un moment ultérieur plus difficile.
Par exemple, il peut être relativement facile de rappeler ou de reproduire des connaissances algébriques immédiatement après avoir travaillé sur des problèmes d’algèbre. Cependant, le rappel ou la reproduction des connaissances algébriques une ou plusieurs semaines plus tard nécessite une application et un traitement cognitifs plus laborieux et plus exigeants. Ce processus permet de mieux ancrer les connaissances.
Liens entre le modelage des processus importants et l’auto-efficacité
Selon Bandura (2001), l’observation par les élèves d’un comportement efficace de la part d’autres personnes pertinentes ou importantes contribue au développement de leur propre sentiment d’efficacité. C’est l’apprentissage vicariant.
La modélisation de comportements et de processus pertinents par les enseignants est par conséquent un moyen de développer l’auto-efficacité des élèves.
Une stratégie de modélisation consiste pour l’enseignant à s’engager dans une démarche d’explicitation de sa réflexion couramment appelée haut-parleur sur la pensée. Cela permet au novice (l’élève) d’observer comment un expert (l’enseignant) réfléchit à travers un processus qui lui est autrement caché.
Le novice est alors mieux à même de reproduire cette fonction et de construire ainsi son efficacité à partir de ce sentiment de compétence.
Le modelage peut être adapté en classe pour tirer le meilleur parti des possibilités qu’une composition typique de la classe peut offrir. Nous pouvons également aller plus loin que la situation classique où l’enseignant s’engage dans des exercices de réflexion à haute voix pour donner un aperçu de la façon dont un expert pense à une tâche complexe.
Il peut y avoir, plus loin dans le processus d’enseignement et d’apprentissage des opportunités de l’exercer. Des élèves plus avancés peuvent fournir des exemples de réflexion à haute voix alors qu’ils fournissent des explications dans le cadre d’un tutorat avec des élèves qui rencontrent des difficultés.
Dans chaque cas, la modélisation est utilisée pour renforcer l’apprentissage et le sentiment d’efficacité de l’apprenant novice.
Les problèmes résolus peuvent par exemple jouer un rôle similaire dans la modélisation d’une procédure de résolution de problèmes.
Mis à jour le 06/10/2023
Bibliographie
Andre J. Martin, Using load reduction instruction (LRI) to boost motivation and engagement. Leicester: British Psychological Society, 2016
Rosenshine, B.V. (1995). Advances in research on instruction. The Journal of Educational Research, 88, 262–268.
Rosenshine, B.V. (2009). The empirical support for direct instruction. In S. Tobias & T.M. Duffy (Eds). Constructivist instruction: Success or failure? New York: Routledge.
Good, TL. & Grouws, D.A. (1979). The Missouri Mathematics Effectiveness Project. Journal of Educational Psychology, 71, 143–155. doi.org/10.1037/0022-0663.71.3.355
Bjork, R.A. (1994). Memory and metamemory considerations in the training of human beings. In J. Metcalfe & A.P. Shimamura (Eds). Metacognition: Knowing about knowing. (pp.185–205). Cambridge, MA: The MIT Press.
Bandura, A. (2001). Social cognitive theory: An agentic perspective. Annual Review of Psychology, 52, 1–26. doi.org/10.1146/annurev.psych.52.1.1
0 comments:
Enregistrer un commentaire