dimanche 14 août 2022

Le passage à l’acte et le retour au calme dans le cadre d’un comportement perturbateur majeur

Colvin et Scott (2015) ont proposé un modèle des phases du comportement agressif décrivant le processus par lequel ces comportements se manifestent et se développent dans un contexte scolaire.

(Photographie : Pierre Ollier)





La connaissance et la compréhension de ces phases peuvent aider le personnel scolaire. Les membres du personnel scolaire peuvent arriver à mieux reconnaître quand leurs actions ou leur communication peuvent être utilisées pour contribuer à calmer ou à désamorcer un élève ou quand elles peuvent amener à le provoquer involontairement. 


Un modèle en sept phases du comportement de passage à l’acte


Colvin et Scott (2015) décrivent sept phases distinctes qui se déroulent dans un ordre chronologique pour décrire les comportements de passage à l’acte :
  1. Le calme
  2. Les déclencheurs
  3. L’agitation
  4. L’accélération
  5. Le pic
  6. La désescalade
  7. La récupération

 

 
Dans deux précédents articles, nous avons exploré comment l’escalade des comportements et interactions mène à une perturbation majeure par un élève en classe. Dans cet article, nous allons aborder le moment du passage à l’acte suivi de la désescalade et du retour au calme.

Voir articles précédents :




Phase cinq : Le pic


Le pic représente les comportements les plus sérieux, majeurs ou les plus intenses exprimés par l’élève durant tout le processus du passage à l’acte. Le comportement général est hors de contrôle. C’est la perturbation majeure.

En général lors de cette phase, les comportements de l’élève prennent la forme d’une perturbation si grave et si caractéristique que la poursuite de l’enseignement en classe devient impossible ou du moins se retrouve très dégradée. De plus, ces comportements représentent souvent une menace pour la sécurité des autres ou de l’élève concerné. 

À ce moment, c’est comme si l’élève perd en partie le contrôle de lui-même. Ces comportements peuvent s’accompagner souvent d’un phénomène d’hyperventilation et d’un langage non verbal indiquant une colère et une frustration accrues.



Formes de comportements caractérisant le pic


Le vandalisme


Ces comportements impliquent des dommages substantiels ou coûteux aux biens communs ou apportent un désordre conséquent en classe. 

Par exemple, les élèves peuvent saccager une salle de classe, renverser leur banc, jeter une chaise à l’autre bout de la pièce ou par la fenêtre, faire des trous dans le mur en frappant ou renverser des étagères.


L’agression physique


L’élève s’en prend physiquement à quelqu’un (l’enseignant ou un autre élève) avec l’intention de lui causer un préjudice physique. Par exemple, il peut lui donner des coups de poing ou de pied, le bousculer, lui lancer des objets, lui tirer les cheveux, voire adopter des comportements plus graves comme l’attaque avec des objets ou des armes.


L’autoagression


Dans ce cas, les comportements préjudiciables sont autodirigés. Par exemple, l’élève se gifle, se frappe, se pince, se tire les cheveux, se griffe, se mord, se gratte, ou se cogne volontairement la tête.


Les crises de colère


Lors d’une crise de colère, l’élève crie, hurle, injurie, il jette des objets, renverse des bureaux ou se débat sur le sol. Lorsque les élèves sont engagés dans ces crises de colère, il est impossible pour l’enseignant de poursuivre l’enseignement, car ces comportements provoquent souvent de graves perturbations dans la classe.


La fuite


Dans de nombreux cas, lorsque les élèves sont hors de contrôle, ils ont le choix entre la lutte et la fuite. Certains élèves choisissent de fuir la situation et quittent précipitamment la classe. Leur départ s’accompagne généralement d’un comportement explosif, comme crier, jurer, claquer les portes, frapper le mur, renverser une chaise ou bousculer un meuble en passant. Ces élèves peuvent se mettre dans des situations risquées parce que leur colère peut altérer leur jugement, surtout s’ils s’enfuient dans des endroits dangereux comme dans des zones de circulation très fréquentées.

Dans certaines situations, nous pouvons nous attendre à ce que, si quelqu’un essaie de l’arrêter, l’élève concerné réagisse physiquement et provoque peut-être des dommages corporels.



Phase six : La désescalade


Cette phase se marque par le début du désengagement de l’élève de son comportement de crise et par la réduction correspondante de l’intensité de son comportement. 

À ce stade, même s’ils commencent à se calmer, les élèves ne sont pas particulièrement coopératifs ou réceptifs à l’influence sociale des adultes. L’élève passe d’une situation de comportement conditionné, structuré ou très dirigé à une situation d’incertitude et de confusion où il ne sait pas quoi faire. 

La meilleure façon de caractériser cette phase est de la qualifier de processus de réintégration. L’élève sort d’une période de comportement incontrôlé très grave, le pic. Le comportement de l’élève est similaire à celui de la phase trois, l’agitation. Il y a un manque très clair de concentration et des apparences évidentes de distraction et de manque de concentration.

À ce stade, la plupart des élèves évitent les discussions, les comptes rendus sur la situation et les occasions ou pistes de résolution de problèmes. 

Il semble en réalité que cette phase de désescalade ne soit pas le meilleur moment pour entamer un quelconque processus de discussion et d’échanges. Bien que ces discussions soient très importantes, elles doivent être menées plus tard, lors de la phase suivante. 

La raison en est que l’élève ne sera pas ouvert à la résolution de problèmes, et que la discussion sera centrée sur le déni, le blâme et le rejet de la responsabilité sur d’autres. La désescalade n’est pas le bon moment pour entamer ce processus.

À ce stade, l’élève manifeste de la réticence à participer aux discussions que ce soit en classe ou à l’extérieur et aux activités impliquant des interactions. L’élève fera preuve d’un comportement d’évitement lors de toute discussion sur l’épisode et sur son comportement ou les événements ayant conduit à l’incident. 

Pour ces raisons, le débriefing doit être effectué lors de la phase sept : la récupération. Au stade de la désescalade, le comportement général montre de la confusion et un manque de concentration.



Formes de comportements caractérisant la désescalade


La confusion


Immédiatement après un incident grave où il a perdu le contrôle de lui-même, un élève présente parfois un comportement confus et apparemment aléatoire. Il se promène dans la pièce, s’agite, manipule des objets. Il fixe momentanément ces objets sans but précis, s’assoit ou se lève. Un manque évident de concentration se manifeste dans le comportement de l’élève.


La réconciliation


Certains élèves voudront se réconcilier ou faire une démarche pour voir la réaction de l’enseignant ou d’un autre adulte à leur égard et la récupérer. Ils proposent de collaborer ou s’approchent et se tiennent près de l’enseignant ou de l’adulte. Certains peuvent dire qu’ils sont désolés de ce qui s’est passé, qu’ils regrettent.


Le retrait


Certains élèves vont baisser la tête ou s’adopter une attitude prostrée. Ils vont se comporter ainsi, soit pour se retirer de la situation, soit parce qu’ils sont vraiment fatigués après une période intense et prolongée de passage à l’acte. 

Dans d’autres cas, ils ont simplement besoin de se calmer pour réfléchir et retrouver leur calme.

De nombreux élèves refusent d’admettre leur comportement, notamment en ce qui concerne les épisodes les plus graves de ce cycle de passage à l’acte. Le déni est très courant lorsque les élèves pensent avoir été victimes et s’être simplement défendus.


Rejeter la faute sur les autres


Une forme courante de déni consiste à blâmer les autres. Les élèves deviennent souvent très animés et sont convaincus que l’incident a été provoqué par quelqu’un d’autre (l’enseignant, un autre élève) qui dès lors en porte la majeure responsabilité. 

Ces élèves éviteront de parler de l’escalade des comportements graves et essaieront très fort de maintenir la conversation autour des déclencheurs qui ont causé les problèmes en premier lieu.


La réactivité aux instructions


Souvent dans la phase de désescalade, les élèves coopèrent, presque volontairement, à des directives très concrètes. Il semble que l’élève soit désorienté à ce moment-là, et une directive claire et concrète lui permet de se concentrer lui donne un repère et le guide.


La réactivité aux tâches manipulatrices ou mécaniques


Certains élèves s’impliquent activement dans des tâches ou des activités très mécaniques, comme trier des objets, ranger leurs affaires. Ces activités aident l’élève à se concentrer.



Phase sept : La récupération


Dans cette dernière phase, la récupération, l’élève revient à un état non agité et relativement normal. Essentiellement, l’élève redevient capable de participer, peut-être de façon marginale, à l’enseignement ou aux activités en cours dans la classe. Il est possible de commencer à discuter avec lui.



Formes de comportements caractérisant la récupération


Le comportement général montre un empressement pour le travail et une réticence à interagir.


Désir de s’engager dans des activités indépendantes


En général, l’élève s’engage dans un travail relativement indépendant et autonome ou le recherche activement. Il souhaite des activités qu’il maîtrise déjà et qui exigent une production concrète. 

Ces activités sont relativement faciles et ne nécessitent que peu, voire aucune interaction avec l’enseignant ou les autres élèves.


Comportement discret dans le travail de groupe


Bien qu’il y ait un certain intérêt à se remettre sur la bonne voie, ces élèves trouvent les activités qui impliquent des interactions avec d’autres élèves, ou avec le personnel, très difficiles à ce stade. 

Des stratégies telles que l’apprentissage coopératif, ou toute activité impliquant de travailler avec d’autres seraient très difficiles pour l’élève à ce stade. Il vaut mieux le laisser seul.


Comportement discret lors des discussions en classe


De même, ces élèves ont beaucoup de mal à contribuer aux discussions en classe à ce stade. Aussi, lorsqu’on leur pose une question ou qu’on les invite à faire un commentaire, leurs réponses sont généralement muettes, chuchotées ou cryptiques.


Comportement défensif


Dans cette phase, alors qu’ils se remettent d’un épisode grave, certains élèves affichent un comportement prudent et presque mesuré. Ils peuvent être confus, méfiants ou simplement avoir appris au fil des ans qu’il vaut mieux se taire à ce moment-là et ne rien dire.


Mis à jour le 03/09/2023

Bibliographie


Colvin, Geoff & Scott, Terrance. (2015). Managing the Cycle of Acting Out Behavior in the Classroom.

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