samedi 6 août 2022

Un modèle en sept phases pour décrire les comportements de passage à l’acte : le calme et les facteurs de déclenchement

Colvin et Scott (2015) ont proposé un modèle des phases du comportement agressif décrivant le processus par lequel ces comportements se manifestent et se développent dans un contexte scolaire.

(Photographie : Antone Dolezal et Lara Shipley)



La connaissance et la compréhension de ces phases peuvent aider le personnel scolaire. Les membres du personnel scolaire peuvent arriver à mieux reconnaître quand leurs actions ou leur communication peuvent être utilisées pour contribuer à calmer ou à désamorcer un élève ou quand elles peuvent amener à le provoquer involontairement. 



Un modèle en sept phases du comportement de passage à l’acte


Colvin et Scott (2015) décrivent sept phases distinctes qui se déroulent dans un ordre chronologique pour décrire les comportements de passage à l’acte :
  1. Le calme
  2. Les déclencheurs
  3. L’agitation
  4. L’accélération
  5. Le pic
  6. La désescalade
  7. La récupération




Les élèves ont tendance à adopter des comportements différents, repérables et distinguables à chacune des phases. Les enseignants peuvent détecter et utiliser ces signes pour choisir les stratégies de réponse appropriées à mettre en œuvre.

Les stratégies employées par les enseignants vont varier en fonction des phases :
  • Les premières phases vont être axées sur des stratégies de prévention.
  • Les phases intermédiaires vont privilégier des stratégies de sécurisation.
  • Les phases finales vont s’orienter vers des stratégies de retour au calme.

En général, ce modèle conceptuel représente la dynamique comportementale interdépendante du comportement de l’élève au cours d’une interaction avec escalade et désescalade.

Le graphique s’élève au fur et à mesure que l’interaction s’intensifie, puis s’abaisse lorsque le comportement de l’élève s’apaise. 

Les comportements d’escalade sont décrits dans les phases une à cinq, suivis par les comportements de désescalade dans les phases six et sept. 



Caractéristiques du comportement de passage à l’acte


Les enseignants, le personnel scolaire, les parents et les pairs peuvent se retrouver pris au piège, sans le vouloir. Ils se retrouvent dans des interactions qui s’intensifient avec des jeunes antisociaux qui se révèlent très perturbateurs, nuisent aux relations et, dans certains cas, se révèlent dangereux.

Les élèves antisociaux sont très agités en raison des stress nombreux et variés qu’ils subissent. Leur état est souvent exacerbé par la négligence, les conditions de vie ou les mauvais traitements qu’ils peuvent subir en dehors de l’école.

Cette agitation sert de carburant à un processus comportemental coercitif. Celui-ci est souvent déclenché par des événements apparemment inoffensifs tels que poser des questions, faire des demandes légitimes, donner des instructions, et surtout infliger des conséquences prévues à un comportement inapproprié. 

Une fois déclenché, le comportement explosif qui s’ensuit est difficile à maîtriser et peut conduire quelques fois à une perturbation comportementale majeure.

La compréhension de ce phénomène est essentielle pour gérer les défis comportementaux intenses présentés par ces élèves au comportement problématique grave.

Dans de nombreux cas, ces cycles impliquent une escalade de l’interaction entre l’enseignant et l’élève qui devient peu à peu intense, explosive et souvent dangereuse. 

En outre, ces élèves peuvent s’engager dans un comportement de passage à l’acte et présenter ensuite un comportement relativement normal pendant quelques jours, voire quelques semaines. Cependant, en fonction de la présence des déclencheurs, le modèle de comportement problématique tend à refaire surface. 



Phase 1 : Le calme


Les élèves qui ont une colère intérieure et une tendance à l’agressivité sous-jacente sont relativement calmes dans la phase initiale du cycle du comportement de passage à l’acte. En apparence, leur comportement est approprié, généralement coopératif, et répond aux directives et aux attentes de l’enseignant.

Ce profil d’élève a généralement la capacité de se comporter normalement assez souvent. Ces élèves sont capables de fonctionner de manière appropriée avec les autres élèves en ce qui concerne le partage, le travail en commun et l’entente en général. Ils sont capables de répondre de manière appropriée aux félicitations et de montrer de l’intérêt et de la satisfaction à faire leur travail et à atteindre leurs objectifs. Essentiellement, les élèves se comportent et réagissent de la même manière que les autres élèves qui présentent les attentes comportementales de la classe. 

N’étant pas nécessairement des modèles exemplaires de comportement, ils peuvent toutefois s’engager de manière appropriée dans les activités de la classe pendant de longues périodes et participer, dans une mesure adéquate, aux événements normaux de la classe. Ils peuvent avoir besoin d’interventions face à des perturbations mineures, mais sans que ce soit un motif d’inquiétude pour l’enseignant. 

Ces élèves sont capables de présenter, à des degrés divers, les comportements essentiels pour réussir en classe : 
  • Maintenir un comportement conforme aux tâches.
  • Suivre les règles et les attentes.
  • Répondre aux renforcements.
  • Amorcer un comportement approprié.
  • Répondre aux objectifs et aux réussites.



Phase 2 : Le déclenchement


Les déclencheurs sont définis comme les événements qui vont enclencher le démarrage du cycle du passage à l’acte. 

Au départ, l’élève peut être engagé de manière appropriée dans la première phase calme. Un élément déclencheur entre en jeu et prépare le terrain pour un comportement de passage à l’acte. 

Les déclencheurs peuvent être des événements relativement mineurs comme une remarque d’un élève ou d’un enseignant, des stimuli aversifs. Ils peuvent correspondre à ces circonstances frustrantes ou négatives pour l’élève concerné. Dans l’ABC du comportement, ils correspondent à des antécédents. 

Les déclencheurs ont pour effet très direct d’augmenter le niveau d’agitation de l’élève, donnant lieu au démarrage d’un cycle de passage à l’acte.

En général, il existe deux types de déclencheurs durant cette phase : 
  • Les déclencheurs scolaires 
  • Les déclencheurs non scolaires.



Les déclencheurs scolaires dans le comportement de passage à l’acte


Les conflits


Les sources de conflit entre élèves à l’école se répartissent en deux grandes catégories : 

Le refus d’accéder à quelque chose que l’élève veut ou dont il a besoin :


Les élèves qui ont un comportement agressif grave n’ont généralement pas de bonnes capacités de communication. Par conséquent, lorsqu’ils ont besoin de quelque chose, leurs capacités verbales limitées ne leur permettent souvent pas de communiquer ce dont ils ont besoin, de manière appropriée, voire pas du tout. 

Par exemple, ils peuvent crier en classe soudainement pour manifester qu’ils ont besoin de quelque chose, ce qui est une réponse inacceptable pour l’enseignant. 

Si les élèves ont l’impression que leurs besoins sont niés, ils réagissent souvent de manière colérique et peuvent subir des conséquences négatives pour leur comportement inapproprié. 

Par conséquent, le besoin initial n’est pas satisfait, et l’élève se retrouve en difficulté pour avoir réagi de manière inappropriée, ce qui risque fort de préparer le terrain pour une nouvelle escalade.


L’obtention d’une conséquence considérée comme injuste :


Ces élèves sont souvent provoqués par la perception que quelque chose de négatif leur est infligé. Ils se sentent injustement visés et ciblés.

Par exemple, un autre élève peut leur faire du rentre-dedans, les taquiner, les provoquer, refuser de leur donner quelque chose, les empêcher de participer à un jeu ou les insulter, même sur le ton de la plaisanterie. 

Ces élèves réagissent alors de manière inappropriée aux événements négatifs perçus et peuvent subir les conséquences de leur réaction. Les élèves qui ont un comportement agressif peuvent facilement devenir frustrés dans de telles conditions. Ils considèrent que la situation n’est pas de leur faute, qu’ils sont les victimes alors que ce sont eux qui reçoivent les sanctions. 

La situation est encore exacerbée si les autres élèves sont considérés comme ne recevant aucune conséquence pour leur rôle dans le problème. En effet, ces élèves considèrent que la situation est injuste, ce qui peut provoquer d’autres réactions conduisant à une escalade.



Les changements de routine


Les transitions d’un cadre à un autre ou d’une activité à une autre sont plus difficiles à gérer pour ces élèves.

Les élèves qui ont un comportement agressif réagissent souvent négativement aux changements soudains de routine. C’est particulièrement le cas si l’activité les a totalement engagés ou s’il s’agit d’une activité qu’ils n’ont pas tout à fait terminée. 

D’autres adaptations, comme un changement d’horaire ou des ajustements apportés aux règles, peuvent perturber ces élèves, même si les changements sont clairement identifiables et raisonnables. 

De même, les élèves turbulents ont généralement du mal à s’adapter aux enseignants remplaçants. En général, ces élèves ont du mal à s’adapter aux changements et peuvent réagir de manière inappropriée, ce qui conduit à une escalade.



Les provocations des pairs


Certains élèves considèrent parfois que ces élèves plus susceptibles de partir en vrille sont des proies faciles. Par conséquent, ces pairs peuvent, de manière très prévisible, provoquer l’escalade et précipiter les problèmes comportementaux de ces élèves. Cela peut se faire par le biais de provocations, telles que les injures, les taquineries, l’interférence avec leurs activités ou leurs affaires, ou encore le fait de se moquer d’eux en présence d’autres camarades. 

Dans ces conditions, les élèves qui ont une sensibilité au comportement de passage à l’acte peuvent réagir et la situation risque fort de dégénérer en un comportement grave.


La pression


L’école peut être considérée comme une situation très exigeante dans laquelle les élèves doivent se conformer à une grande variété de directives et accomplir un certain nombre de tâches souvent complexes au cours d’une journée scolaire. 

Nous attendons des élèves qu’ils gèrent bien leur temps, qu’ils fonctionnent de manière autonome dans un certain nombre de situations et qu’ils gèrent souvent plusieurs tâches en même temps. 

Dans de nombreux cas, les élèves présentant des problèmes de comportement potentiels n’ont pas les compétences nécessaires pour répondre à ces attentes, et par conséquent, ils se sentent constamment sous pression.

Les exigences apparemment ordinaires d’une journée d’école peuvent ouvrir la voie à la panique, à la dépression, à l’anxiété et à d’autres réactions émotionnelles, ce qui entraine de mauvaises décisions et des problèmes supplémentaires.



Des démarches de résolution des problèmes déficiences


Les élèves incontrôlables ont généralement des stratégies limitées pour identifier les sources des problèmes, générer des options adaptatives, les évaluer, négocier avec les autres et mettre en œuvre des plans de solution en conséquence. 

Ces élèves appliquent souvent la même stratégie inefficace à plusieurs reprises ou ont recours à un comportement réactif et colérique. 

Ces élèves n’ont pas appris à résoudre les problèmes de manière systématique et ont essentiellement besoin d’un enseignement explicite formel et systématique dans ces domaines.


Faire face aux erreurs pendant l’enseignement


Dans de nombreux cas, ces élèves cessent de travailler après avoir commis des erreurs et évitent tout nouvel apprentissage plutôt que de commettre d’autres erreurs. Leur confiance en soi est très fragile en raison de leur manque général de réussite dans le contexte scolaire. 

Par conséquent, lorsqu’ils sont confrontés à un travail nouveau ou difficile, ou qu’ils commettent des erreurs, la situation peut dégénérer en un comportement de passage à l’acte ou conduire à l’évitement du travail.


Faire face aux procédures de correction


Les élèves susceptibles d’un comportement de passage à l’acte ont souvent du mal à être ouverts à l’aide des autres après avoir commis des erreurs. Ils acceptent difficilement que l’enseignant leur demande de recommencer une tâche scolaire. 

Les corrections et la rétroaction de l’enseignant peuvent en fait provoquer une augmentation substantielle de leur niveau d’agitation. De plus, il devient très difficile pour l’enseignant de faire participer ces élèves à un nouvel apprentissage alors que c’est un objectif essentiel de l’enseignement et de la réussite scolaire. En raison des problèmes qu’ils rencontrent, ils ont moins de temps pour gérer leurs erreurs et les corrections nécessaires qui apparaissent dans un contexte normal d’apprentissage.



Les déclencheurs non scolaires dans le comportement de passage à l’acte


Foyers démunis


Les élèves qui présentent des troubles du comportement viennent souvent de foyers où de nombreux besoins essentiels ne sont pas satisfaits. Dès leur plus jeune âge, ils peuvent être confrontés à la pauvreté, ce qui peut entrainer de graves problèmes de négligence en matière de logement, de nourriture, de soutien et d’éducation. 

Leurs parents — en raison du chômage, de l’expatriation forcée ou de la pauvreté — ne sont pas toujours en mesure de fournir un environnement familial stable et stimulant. Or celui-ci serait nécessaire à une croissance personnelle, sociale et émotionnelle saine chez leurs enfants.

L’intention ici n’est pas de critiquer les parents. Elle est plutôt de souligner que le stress écrasant auquel de nombreux parents sont confrontés au quotidien peut poser de sérieuses limites à la satisfaction de leurs besoins. Ils n’ont pas la possibilité d’élever leurs enfants dans les conditions optimales qu’ils souhaitent. De plus, certains parents, malheureusement, sont coupables de maltraitance envers leurs enfants, ce qui contribue directement au comportement agressif. Les enfants maltraités sont des candidats évidents aux comportements antisociaux.


Problèmes de santé


Certaines élèves peuvent avoir des problèmes de santé qui ont des conséquences sur leur vécu et leur ressenti en classe. Certaines élèves peuvent ne pas avoir un accompagnement complètement adéquat par rapport à certains troubles qui n’ont parfois pas été diagnostiqués.

Il ne fait aucun doute que le comportement des élèves est différent lorsqu’ils se sentent bien et en bonne santé et lorsqu’ils sont malades. De même s’ils souffrent d’un trouble de l’apprentissage ou du comportement, un diagnostic, un suivi adéquat et des aménagements raisonnables peuvent faire la différence.

 

Besoins nutritionnels


Certains élèves peuvent ne pas avoir de repas réguliers et équilibrés et arriver à l’école sans avoir déjeuné.

Des carences nutritionnelles ont non seulement un impact sur la santé et le bien-être général, mais peuvent également avoir des conséquences graves et négatives sur le comportement des élèves.


Un sommeil inadéquat


Les habitudes de sommeil de nombreux élèves sont souvent irrégulières et inadéquates, parfois impactées par une addiction aux écrans.

Parmi les facteurs environnementaux qui peuvent contribuer aux problèmes de sommeil des élèves, nous pouvons citer :
  • L’état d’excitation avant l’endormissement.
  • Regarder des écrans ou faire d’autres activités tard dans la nuit.
  • Le bruit excessif dans le foyer ou le voisinage.
  • La promiscuité et les conflits familiaux.
  • Etc.

En outre, certains problèmes physiques ou médicaux peuvent empêcher un enfant de dormir, notamment les effets secondaires des médicaments, les maladies chroniques comme les maux de tête ou d’estomac, ou l’anxiété. 

Les élèves ont besoin d’un repos adéquat pour fonctionner correctement à l’école. Un sommeil insuffisant rend très difficile pour les élèves le fait de se comporter correctement et de participer efficacement à l’enseignement et aux autres activités scolaires.


Double diagnostic


Dans certains cas, les enfants reçoivent un double diagnostic, et les traitements respectifs peuvent interagir négativement. Par exemple, un élève peut recevoir le double diagnostic de trouble déficitaire de l’attention et de trouble oppositionnel. Le traitement typique est la prescription de médicaments. Dans de nombreux cas, les médicaments peuvent avoir des effets secondaires qui entrainent de l’agitation ou de l’inconfort chez l’élève, ce qui dans certains cas peut favoriser un comportement problématique. 

De plus, les ordonnances sont souvent expérimentales en ce sens que les niveaux de dosage ou le type de médicament prescrit sont basés sur la réponse de l’enfant au médicament. Pendant cette période d’ajustements continus du médicament, l’élève peut présenter un comportement problématique.


Abus de substances


Les élèves qui consomment des drogues et de l’alcool présentent souvent des comportements graves et imprévisibles à l’école. De même, s’ils ont été privés de substances contrôlées, pour quelque raison que ce soit, un comportement problématique se manifestera en raison des effets du sevrage. 

De plus, certains enfants naissent de mères toxicomanes, ce qui a des effets alarmants dans les domaines physique et socioaffectif. Les problèmes d’agitation et autres troubles connexes présentés par ces enfants rendent leur apprentissage et leur comportement à l’école plus difficiles.


Groupes de pairs déviants


L’appartenance à des gangs et à des groupes de pairs déviants ouvre la voie à de nombreux problèmes potentiels à l’école. Cela concerne notamment la défiance face à l’autorité scolaire et les relations coercitives avec les pairs. 

L’appartenance à un gang est également associée à un comportement criminel et à un manque d’assiduité à l’école, voire à l’absentéisme et au décrochage. 


Associations entre déclencheurs scolaires et non scolaires


Certains élèves ayant un comportement problématique grave subissent ces éléments déclencheurs dans les deux contextes. Cela signifie que les déclencheurs ne sont pas forcément un événement unique. Au contraire, plusieurs déclencheurs peuvent être à l’œuvre, à l’école et en dehors de l’école. 

Dans ces situations, les déclencheurs doivent être considérés comme une série d’événements ayant un effet cumulatif. Cela peut expliquer la nature explosive du comportement des certains élèves quand les situations et les contextes s’additionnent.


Mis à jour le 30/08/2023

Bibliographie


Colvin, Geoff & Scott, Terrance. (2015). Managing the Cycle of Acting Out Behavior in the Classroom.

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