Apprendre efficacement nécessite de faire des liens entre les connaissances nouvelles et antérieures.
Une base neurologique pour l’apprentissage
En neurosciences, des chercheurs (Martin & Chao, 2001) suggèrent que notre vaste réservoir de connaissances est largement distribué dans de multiples régions du cortex cérébral sous la forme d’un réseau d’informations interconnectées.
Une zone du cerveau, le lobe temporal médian (LTM), est importante dans le stockage des connaissances, même si elles atterrissent finalement en dehors de celui-ci.
Selon ce point de vue, l’apprentissage conceptuel nécessite (Shimamura, 2014) :
- L’activation par le cortex préfrontal (CPF) des informations pertinentes dans la mémoire de travail. Celle-ci effectue un traitement incluant des connaissances préalables et des informations nouvelles.
- La fixation par lobe temporal médian (LTM) de ces informations.
- La consolidation de la mémoire, c’est-à-dire la réactivation et la mise en relation des nouvelles informations dans les réseaux de connaissances existants stockés dans le cortex cérébral. Les connaissances, par le biais d’activations répétées, s’intègrent, se relient et s’établissent en tant que réseaux corticaux.
Cette base neurologique montre la nécessité de relier les nouvelles informations à ce que nous connaissons déjà. Tout au long du processus d’apprentissage, il est essentiel d’établir des tronçons (bouts ou morceaux) significatifs de nouvelles informations et de les relier aux connaissances existantes.
L’usage de moyens mnémotechniques pour mémoriser des associations arbitraires
Il nous arrive de devoir apprendre des associations d’apparence arbitraire. Des mots sont parfois en lien, mais sans avoir de signification intrinsèque pour nous. C’est le cas quand nous devons nous souvenir d’un groupe de termes ou de noms de lieux par exemple. Ou lorsque nous étudions par cœur certains contenus sans les comprendre.
Nous pouvons alors utiliser ou créer un moyen mnémotechnique, par exemple une image mentale, associant verbal et visuel.
Les médiateurs verbaux ou visuels sont efficaces pour les associations arbitraires qui n’ont pas de signification intrinsèque.
Cependant, l’approche a ses limites.
- Voir article : De l’usage des stratégies mnémoniques
La méthode des 3 C pour mémoriser des associations significatives
Pour apprendre, il importe d’acquérir des techniques qui intègrent les nouveaux éléments et concepts significatifs dans les cadres existants des connaissances préalables.
La manière d’y parvenir peut être conceptualisée selon la technique des 3 C : catégoriser, comparer et contraster :
- Catégoriser :
- Lorsque nous apprenons de nouveaux contenus, par exemple un nouveau terme ou un nouvel élément, nous devons réactiver des informations connexes apprises antérieurement. Celles-ci nous aideront à les catégoriser et à les hiérarchiser au sein de notre base de connaissances existante.
- Comparer :
- L’apprentissage est facilité par la recherche de similitudes ou d’analogies entre de nouveaux contenus et nos connaissances préalables.
- Contraster :
- L’apprentissage est facilité par la recherche de différences entre de nouveaux contenus et nos connaissances préalables.
Lorsque nous nous prêtons attention à de nouveaux éléments pertinents dans le but de les apprendre, nous bénéficions de la réactivation des connaissances préalables en lien, ce qui facilite leur association dans notre base de connaissances actuelles.
Nous allons maintenant passer en revue différentes techniques qui s’inscrivent dans cette logique des 3 C.
L’usage de l’interrogation élaborée dans la méthode des 3 C
Un nouvel apprentissage est accompagné de questions « pourquoi » ou « comment », d’une quête de sens et d’explicitations qui recouvrent nettement l’idée de catégoriser, de comparer et de contraster.
Le simple fait de générer des questions appartenant à ces trois classes et de fournir des réponses en retour permet d’intégrer de nouveaux éléments dans notre base de connaissances en mémoire à long terme.
De manière très claire, l’interrogation élaborée nous amène à catégoriser, comparer et opposer.
- Voir article : Utiliser l’interrogation élaborée et l’auto-explication pour améliorer l’apprentissage des élèves
L’usage des images mentales significatives dans la méthode des 3 C
Une autre façon de réactiver et d’intégrer des faits est de développer une image mentale ou mieux encore, une animation nous permet de visualiser et d’intégrer les connaissances.
En concevant cette image mentale, nous organisons mentalement les concepts comme un ensemble significatif qui peut être intégré à ce que nous savons déjà. C’est à travers l’intégration aux connaissances existantes que les notions de comparaisons et de contraste vont apparaitre, mais nous gagnons à les mettre en évidence. C’est à ce niveau que se joue le caractère significatif de l’image mentale. Elle peut passer du simple statut d’astuce mnémotechnique arbitraire à celui d’une quête de sens.
- Voir article : De l’usage des images mentales
L’usage des métaphores et analogies dans la méthode des 3 C
Une approche complémentaire utile pour consolider de nouveaux concepts est d’envisager des métaphores et des analogies qui relient les nouveaux schémas à des schémas familiers.
Par exemple, établir un lien entre les connaissances conceptuelles et Wikipédia permet de comprendre comment la mémoire humaine peut être assimilée à un réseau de connaissances organisées. Cela permet de saisir comment de nouvelles informations peuvent être ajoutées ou modifiées en les reliant aux connaissances existantes.
Les métaphores et les analogies fonctionnent parce qu’un nouveau cadre conceptuel est décrit en référence par rapport à un concept familier avec ses similitudes et ses contrastes.
Un autre exemple peut être l’utilisation d’un appareil photo afin de décrire le fonctionnement optique de l’œil humain. Il existe des analogies utiles entre différentes parties correspondantes : la cornée comme lentille, la pupille comme le diaphragme et la rétine comme la pellicule. Il y a bien sûr des différences entre un œil et un appareil photo, tout comme il y aura des différences entre deux concepts.
Lorsque nous utilisons des métaphores et des analogies comme outils pédagogiques, il nous est utile de décrire les points communs et les incohérences entre un nouveau concept et la métaphore ou l’analogie utilisée.
- Voir article : Du bon usage de l’analogie et des exemples en pédagogie
L’usage des hiérarchies dans la méthode des 3 C
Les nouvelles informations doivent être organisées de manière appropriée face au cadre des connaissances existantes pour qu’elles soient intégrées adéquatement et aisément mobilisables à l’avenir.
Dans une étude classique sur la mémoire, Bower et ses collègues (1969) ont proposé à des individus deux façons d’apprendre une liste de 18 minéraux.
- Dans un premier groupe, les chercheurs ont simplement montré les noms des minéraux dans un affichage aléatoire et ils ont demandé aux personnes de s’en souvenir.
- Dans un second groupe, les noms des minéraux étaient présentés sous la forme d’une hiérarchie conceptuelle. Dans celle-ci, les minéraux étaient regroupés en sous-catégories significatives, telles que MÉTAUX et PIERRES.
D’un point de vue théorique, le second groupe avait plus d’informations à retenir qui accompagnaient les noms des minéraux.
Cependant, les individus auxquels le diagramme hiérarchique se sont rappelés 65 % des noms de minéraux, alors qu’ils ne se sont souvenus que 18 % dans la condition d’affichage aléatoire.
L’impact des organisations hiérarchiques est qu’elles fournissent un cadre schématique qui permet d’accéder à n’importe quel élément spécifique par quelques liens associatifs. Dans ce cas, chaque minéral n’est qu’à trois liens du sujet principal.
Les hiérarchies avec catégorisations et liens dichotomiques fournissent un moyen essentiel d’organiser les connaissances conceptuelles, à la manière dont celles-ci devraient être stockées sous forme de schémas mentaux efficients.
Les manières dont s’organisent hiérarchiquement nos propres connaissances peuvent servir de guide pour déterminer la manière d’enseigner et la manière d’apprendre de tels contenus. L’établissement de plans d’ensemble hiérarchiques est toujours essentiel.
De la même manière, il est intéressant de donner des plans partiels dans les notes de cours, des supports à compléter dans lesquels le plan hiérarchique est visible et donné d’emblée. En effet, si la structuration des connaissances est directement évidente pour l’enseignant, elle ne l’est pas pour l’élève qui n’a pas de vision d’ensemble sur le résultat de l’apprentissage.
L’usage des cartes conceptuelles dans la méthode des 3 C
Les cartes conceptuelles sont des représentations schématiques qui peuvent être utiles comme support d’apprentissage. Elles fournissent un schéma visuel dans lequel les termes sont représentés par des éléments encadrés (nœuds), reliés par des flèches (propositions) qui définissent les relations.
Les cartes conceptuelles peuvent être utilisées pour reformuler des cours ou des chapitres de manuels scolaires en représentations générées pour les élèves. À partir du moment où l’enseignant suggère à ses élèves de construire leurs propres cartes conceptuelles, un suivi et une vérification sont utiles. Demander aux élèves de le faire n’est pas en soi utile.
Lorsque nous construisons des cartes conceptuelles ou des schémas hiérarchiques, il est préférable de limiter le nombre de liens sortants (flèches ou sous-catégories) à un maximum de cinq (trois ou quatre liens sortants par élément sont optimaux).
Conclusion
Toutes ces approches qui amènent à catégoriser, comparer et contraster les nouvelles connaissances vont faciliter la consolidation de la mémoire et la rétention à long terme par l’élaboration et la réactivation.
Ces méthodes engagent les élèves en les amenant à relier et à intégrer les nouvelles informations par le biais de liens significatifs avec leurs connaissances existantes. Cette dernière condition est essentielle pour que l’information soit assimilée !
Mis à jour le 07/08/2024
Bibliographie
Martin, A. & Chao, L. L. (2001). Semantic memory and the brain: Structure and processes, Current Opinion in Neurobiology, 11, 194–201. Patterson, K., Nestor, P. J. & Rogers, T. T. (2007). Where do you know what you know? The representation of semantic knowledge in the human brain, Nature Reviews: Neuroscience, 8, 976–987.
Shimamura, A. P. (2014). Remembering the past: Neural substrates underlying episodic encoding and retrieval. Current Directions in Psychological Science, 23, 257–263.
Bower, G. H., Clark, M. C., Lesgold, A. M., & Winzenz, D. (1969). Hierarchical retrieval schemes in recall of categorized word lists, Journal of Verbal Learning and Verbal Behavior, 8, 323–343.
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