Quand il s’agit de réfléchir et de penser dans le but d’apprendre ou d’enseigner, plus encore que lorsque nous suivons un cours ou que nous collaborons, il nous faut pouvoir faire le vide à l’intérieur et suivre un fil conducteur.
Nous devons échapper à l’incessant bombardement de stimuli sensoriels extérieurs qui peuvent nous assaillir en permanence. De même, nous devons faire obstacle aux pensées internes, aux souvenirs qui émergent, aux émotions, à nos dérives mentales.
Tout est une question d’état d’esprit, de capacités d’attention et de bonnes habitudes.
Il nous faut couper le flux continu de notre immédiateté et nous centrer sur le fil étroit de notre attention, parfois quasiment en équilibriste et à d’autres moments assurés.
Pilotage de l’attention
Dans ces conditions, notre cerveau a besoin du maximum de maîtrise des ressources limitées de notre mémoire de travail. Il sélectionne les bons stimuli dans l’environnement en fonction des schémas cognitifs pertinents activés en mémoire à long terme.
Si d’autres schémas cognitifs se retrouvent activés ou si d’autres stimuli non pertinents détournent notre attention, ça en est fini en matière de productivité pour un temps au moins. Nous nous retrouvons distraits.
C’est le cortex préfrontal qui a la responsabilité de centrer l’attention sur une gamme donnée de stimuli et d’ignorer les autres. Il agit sous la forme d’un contrôle exécutif, augmentant, diminuant ou maintenant l’activité dans les régions corticales postérieures. Il sélectionne, maintient et guide l’activité dans de nombreuses autres régions corticales.
Si cette responsabilité est défaillante ou détournée, nos pensées se retrouvent dispersées. Nous ne prêtons pas attention au sujet traité et nous n’apprenons rien.
Dans le cadre de l’apprentissage et de la réflexion, ce traitement descendant est essentiel puisqu’il va déterminer les processus mentaux actifs à un moment donné en mémoire de travail.
Privilégier un traitement descendant pour apprendre
Le principe est de prendre le contrôle de l’attention. Ce contrôle exécutif nous permet de nous centrer sur les stimuli pertinents et d’ignorer les autres.
Mais fixer l’attention ne suffit pas. Qui n’est jamais resté impuissant devant des notes de cours qui semblaient se déjouer de nos tentatives de mémorisation ?
Nous devons guider nos réflexions et nous concentrer sur leur traitement adéquat, en mobilisant les stratégies appropriées.
Globalement, il s’agit d’y aller petit pas par petit pas. Nous découpons en étapes et nous créons des liens avec nos connaissances préalables. Parallèlement, nous organisons, nous structurons, nous réassemblons activement au fur et à mesure que nous assimilons les connaissances en mémoire à long terme. Ce processus consiste à agglomérer des informations sous forme de chunks et à intégrer ceux-ci au sein de schémas cognitifs.
Le traitement descendant est la clé pour attirer et canaliser l’attention et la concentration. Nous nous employons à catégoriser, comparer et contraster. Notre cerveau est conçu pour apprendre de cette manière. Elle est bien plus efficace que de travailler à l’aide de longues listes de faits linéaires.
Ce qui marche de manière autonome marche aussi en classe.
Écouter passivement l’enseignant, où prendre note mécaniquement de ce que l’enseignant raconte, permet de sauver les apparences, mais a peu de chances de se traduire en un apprentissage conséquent.
Nous devons travailler de manière à être un participant actif de notre expérience d’apprentissage. L’enseignant à un grand rôle à jouer pour stimuler cette condition.
Garder une vision d’ensemble dans une expérience d’apprentissage
Il est important de savoir où nous nous situons dans une expérience d’apprentissage. Il y a pour cela quelques questions à se poser :
- D’où vient-on ? Quelles sont les connaissances préalables nécessaires à l’apprentissage visé en cours ?
- Que fait-on ? Quel est l’objectif spécifique actuel visé dans l’apprentissage ? Quel défi à relever représente-t-il pour nous ?
- Où allons-nous ? Où est-ce que cet objectif spécifique se situe dans le schéma général de l’apprentissage, dans le plan global du cours concerné ?
Une manière de faciliter le processus et de s’aider d’une forme de visualisation de l’ensemble. C’est par exemple faire usage d’un organisateur graphique. Développer une vision d’ensemble fonctionnelle permet de savoir là où nous en sommes et quel chemin reste à parcourir.
De cette façon, chaque nouvelle information vient se greffer quelque part à un ensemble, de manière opportune et pertinente, ce qui augmente son potentiel de durabilité et la cohérence d’ensemble de l’apprentissage.
Avoir une vision d’ensemble permet plus facilement de passer d’un élément à un autre, suivre un chemin mental, évite de se perdre et de susciter un sentiment de confusion qui favorise la distraction.
Garder à l’esprit les objectifs d’apprentissage
L’apprentissage demande de l’attention. Avoir de l’attention demande des efforts, impose d’éviter autant que possible toute distraction. Ces efforts ne sont susceptibles d’être profitables que si les bonnes stratégies d’apprentissage sont mises en œuvre.
Ces stratégies sont cognitives ou métacognitives. Elles englobent le fait de prendre en compte les objectifs d’apprentissage comme élément central de la démarche.
En nous engageant à apprendre et à générer du sens à travers nos expériences, nous augmentons notre sentiment d’efficacité personnelle et notre motivation à apprendre davantage de nouvelles choses.
Importance de la vérification de la compréhension pour le maintien de l’attention en classe
Le résultat de certaines recherches rapportées par Szpunar et ses collègues (2013) laisse supposer que moins de la moitié des étudiants sont susceptibles de prêter attention à un conférencier à un moment donné. Le mode de présentation de contenus selon un cours magistral est un défi pour l’attention des élèves.
D’autres recherches montrent qu’un moment critique pour attirer l’attention correspond à la période d’installation du cours, c’est-à-dire les quatre ou cinq premières minutes d’un cours. C’est le moment où se planifient les objectifs du cours. Bunce et ses collègues (2010) montrent que cette introduction peut elle-même être un échec pour l’enseignant.
Si un enseignant ne prend pas de mesures pour attirer l’attention de ses élèves, la guider et la conserver, il aura peu de chances de l’obtenir la plupart du temps pour la plupart des élèves. Or toute absence d’attention se traduit par une perte d’information, de compréhension et d’apprentissage, qu’il faudra combler par la suite. C’est pour cela que toutes les démarches du type vérification de la compréhension en enseignement explicite sont fondamentales pour maximiser l’attention et l’engagement des élèves en classes. Celles-ci doivent être régulières, fréquentes et impliquer tous les élèves dans un traitement cognitif et l’élaboration de réponses.
Des processus de vérification de la compréhension fréquents en classe permettent de maximiser à la fois :
- L’engagement de tous élèves :
- L’attention des élèves se centre plus naturellement sur ce que l’enseignant dit, car il maintient leur vigilance. Les élèves sont en alerte, écoutent ce que dit l’enseignant et sont attentifs à ce qui est enseigné.
- Leur traitement cognitif :
- En posant des questions, l’enseignant met ses élèves fréquemment en activité et oriente leur réflexion sur les éléments clés. Il amorce des processus d’élaboration autour des connaissances nouvellement enseignées, facilitant leurs apprentissages et leur intégration.
En agissant de la sorte, l’enseignant soutient et guide le fonctionnement du contrôle exécutif de l’élève en renforçant le traitement descendant. Il permet à ses élèves d’apprendre plus rapidement et de devenir autonomes plus tôt dans l’utilisation et la mobilisation des contenus enseignés.
Un enseignant efficace aidera ainsi ses élèves à lutter contre les formes de distraction internes et externes. Toutes les démarches qu’il met en place en classe correspondent à celle d’un apprentissage autonome efficace :
- Mettre l’accent sur les objectifs d’apprentissage au début du cours.
- Installer différentes routines en classe qui permettent de maximiser le temps disponible pour l’apprentissage.
- Examiner comment les nouveaux contenus s’intègrent dans ce qui a déjà été enseigné.
- Proposer des exemples concrets pour accéder de façon plus aisée et mémorable à l’abstraction. Mettre en relation les nouveaux contenus avec les connaissances préalables.
- Interroger de manière formative sur des contenus antérieurs pour les récupérer et les rendre plus durables en assurant des opportunités de pratique de récupération.
- Offrir une rétroaction aux élèves et adapter la progression du cours en fonction du retour d’information sur leurs apprentissages.
Rendre le cours motivant et attrayant
Une autre piste consiste à rendre le cours plus attrayant, à multiplier des activités ou les démonstrations qui vont stimuler les élèves, ludiques, originales.
Le problème est que si ça peut fonctionner un temps, cela risque également de générer un phénomène d’habitation et perdre petit à petit tout effet. En effet, si on fêtait tous les jours son anniversaire, cela perdrait rapidement tout intérêt. De plus, le caractère attrayant signifie également qu’il est distrayant et aura un coût indirect sur l’apprentissage.
Une autre piste plus efficace consiste à installer des routines de classe, traquer tout temps mort et donner cours à un rythme rapide en variant dans les activités pour éviter tout phénomène de satiété.
Une dernière piste est également de mettre en place des occasions de récupération pour maintenir l’apprentissage une fois celui-ci réalisé.
Mis à jour le 03/08/2024
Bibliographie
Szpunar, K. K., Moulton, S., and Schacter, D. L. (2013). Mind wandering and education: from the classroom to online learning. Frontiers in Psychology, 4, Article 495, 1–7.
Bunce, D. M., Flens, E. A., & Neile, K. Y. (2010). How long can students pay attention in class? A study of student attention decline using clickers. Journal of Chemical Education, 87, 1438–1443.
Arthur Shimamura, MARGE, A Whole-Brain Learning Approach for Students and Teachers, 2018
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