mercredi 9 octobre 2019

Dix dimensions pédagogiques pertinentes pour la gestion du comportement et des apprentissages

La profession d’enseignant est complexe, exigeante et prenante. Elle s’inscrit dans une relation pédagogique et éducative avec des élèves. Celle-ci est placée dans un cadre plus large qui englobe les collègues, la direction, l’établissement, les parents et l’institution scolaire dans son ensemble. Elle répond aux attentes et missions édictées par la société.

(Photographie : Amaury da Cunha)


Voici une synthèse personnelle d’une exploration de la question issue du livre « L’enseignement explicite des comportements » de Steve Bissonnette et ses collègues (2017).



Enseigner et éduquer


L’acte d’enseigner vise à changer autrui à travers un apprentissage. Nous enseignons et éduquons :
  • Enseigner c’est faire apprendre un certain nombre de contenus culturels consignés dans des programmes scolaires. Ces connaissances facilitent l’intégration active future des élèves au sein de la société. 
  • Éduquer c’est socialiser. Nous initions les élèves à certaines valeurs jugées fondamentales dans la société comme la citoyenneté, la tolérance, etc.



Gérer une classe


L’enseignement se fait face à une classe


L’acte d’enseigner se pratique en rapport avec un collectif d’élèves. Toutes les paires d’yeux d’élèves se centrent sur l’enseignant et l’enseignant en retour exerce sa vigilance et il communique avec sa classe. L’enseignant dose constamment l’énergie qu’il consacre à chaque élève en particulier et surtout s’adresse avant tout à la classe dans son ensemble. 

L’enseignant est amené à gérer la situation à l’échelle du groupe. Parallèlement, il tient compte dans la mesure de ses possibilités des spécificités et des besoins individuels de chaque élève. Il est le garant d’un bon équilibre. Il établit un rapport équilibré et juste d’influence et de proximité qui lui permet de susciter l’engagement et la coopération de ses élèves.

Il a une posture d’adulte responsable et garant du cadre de l’école. Dans ce but, il marque toujours une certaine distance avec ses élèves, qui permet à la relation pédagogique et à la communication propre à l’enseignement de bien se développer.



Assumer l’asymétrie des relations en classe


Dans le contexte d’une classe, les relations pédagogiques s’installent entre un professionnel, adulte et porteur de responsabilités et de missions d’éducation, et des élèves, enfants ou adolescents, confiés par leurs parents à l’institution scolaire. Les élèves sont en plein développement et font face aux défis posés par de nombreux apprentissages à réaliser.

S’il y a une égalité en matière de valeurs et de droits de la personne, les devoirs et les responsabilités des intervenants en classe sont dissemblables. L’adulte est l’adulte de référence par rapport à tout ce qui se déroule en classe, il est porteur de responsabilités sur le bon usage du temps et des comportements en classe. L’enseignant a une posture de professionnel et d’expert. Il possède bien plus de connaissances dans son domaine et un plus large bagage d’expériences sur le bon fonctionnement d’une classe que le font ses élèves. Ce qui est souvent inédit pour ses élèves dans le contexte de sa classe et de sa matière le sera rarement pour lui.

L’enseignant investit la fonction que lui confère l’institution scolaire. Il a un rôle à jouer en matière d’instruction et d’éducation. Ce rôle lui impose des limites nettes en terme, de marge d’action. Il a des devoirs et un certain pouvoir d’action dont il est dépositaire. Par cette dissymétrie, il doit toujours être leur enseignant et jamais leur copain. L’enseignant sert d’exemple par son propre comportement.

L’enseignant occupe dans la relation la position d’adulte responsable. Il est amené à accepter, refuser ou différer les demandes impromptues de ses élèves. Il détermine l’utilisation du temps en classe et donne des consignes à suivre. Toutefois, même s’il ne peut se lier d’amitié avec ses élèves, son attitude gagne à être empreinte de sollicitude, d’attention et d’empathie à leur égard dans le souci de soutenir leurs apprentissages.



Influencer, persuader et donner du sens


Enseigner c’est à tout moment aller chercher la motivation de l’élève qui face à des connaissances (biologiques secondaires, comme le développe David C. Geary, voir article) ne dispose pas d’une motivation automatique et naturelle. 

L’enseignant cultive et renforce l’engagement de l’élève en construisant sur la zone grise entre connaissances biologiques primaires et biologiques secondaires pour générer des apprentissages. De cette manière, il soutient et permet le développement de la motivation chez ses élèves. Il leur donne de multiples occasions de réussite, du renforcement positif et l’occasion d’accroitre leurs savoirs et savoir-faire spécifiques.

L’enseignant fait bon usage de la persuasion, du renforcement positif et de son enthousiasme pour s’assurer de soutenir l’engagement de ses élèves. L’enseignant déploie des stratégies qui favorisent ses missions d’éducation et d’instruction. 

L’enseignant s’emploie à convaincre ses élèves du bien-fondé des apprentissages et à gagner leur adhésion. L’enseignant cherche à influencer, mais pas à contrôler. Les élèves conservent leur liberté de penser, leurs expériences et leurs caractéristiques personnelles.



Assumer les incertitudes et faire face aux résistances


L’enseignant se trouve rarement en territoire complètement conquis. Les élèves ne sont pas automatiquement et totalement ralliés d’emblée à sa cause. Épisodiquement, il peut faire face à des résistances de la part de ses élèves, ou doit décider devant certaines incertitudes. 

Tout élève peut s’engager et interagir positivement dans le cadre de la classe. De même, de temps à autre, un élève est susceptible de se désengager des activités scolaires pour éviter la difficulté des tâches qui lui sont proposées ou privilégier des activités annexes plus distrayantes ou divertissantes. Il n’est pas toujours pleinement dans son rôle d’élève.

Invariablement, l’enseignant est amené à rencontrer de temps à autre de telles résistances qui sont dans la nature humaine. Elles superposent un facteur aléatoire à l’acte d’enseigner. Elles mènent éventuellement à des situations imprévues. Elles sont susceptibles d’entrer en concurrence avec le bon déroulement du processus d’enseignement. L’enseignement peut être amené à prévenir ces dérives ou à y réagir. 

L’école n’est jamais la stimulation unique ni la priorité, auxquelles sont sensibles les élèves. Les priorités sont fluctuantes et le traitement des émotions est encore fragile à l’adolescence. Pour l’élève, l’école se retrouve en permanence en concurrence au niveau du temps disponible et de l’engagement, avec différentes sources d’information ou d’autres intérêts personnels. 

L’enseignant doit prendre en considération ces difficultés. Le piège pour l’enseignant pourrait être de vouloir rendre trop systématiquement attrayant ou personnalisé, le contenu à enseigner. Trop rechercher l’intérêt des élèves avant tout est susceptible d’être une dérive qui peut se faire au détriment des apprentissages, quand cela amène de la distraction et éloigne des objectifs. L’apprentissage n’est pas en concurrence entre les autres dimensions de la vie de l’élève, mais doit être vu comme en équilibre avec ceux-ci.

L’école ne doit pas chercher à jouer à armes égales avec les autres dimensions sociales et personnelles de l’élève. Elle dispose d’un avantage bien réel sur lequel les enseignants capitalisent. Elle est une norme sociétale et l’éducation est une valeur partagée. Même si les élèves ne sont pas naturellement motivés par l’école, sa fréquentation est obligatoire et représente une convention culturelle à laquelle ils adhèrent.



Adhérer à un projet éducatif, à une culture et à ses valeurs


Le travail d’un enseignant ne se limite pas à ce qui se passe entre les quatre murs de sa classe, c’est-à-dire à donner un cours. Son travail est lié à celui de ses collègues et de tous les intervenants de son établissement. L’enseignant participe et s’intègre à la réalisation d’un projet éducatif de l’école qui correspond à des valeurs professionnelles et aux missions de l’enseignement.

L’enseignant est mandaté par la société pour instruire et éduquer les élèves qui lui sont confiés. Il possède une formation dans son domaine et en pédagogie qui le rend compétent pour une pratique professionnelle qui lui confère la société. Sa posture professionnelle s’inscrit dans un cadre de valeurs professionnelles établies, auquel il doit adhérer.



Cultiver son authenticité


Lorsque l’enseignant est perçu comme authentique par les élèves, cela va de pair avec une bonne gestion de classe. C’est particulièrement le cas dans l’enseignement secondaire. 

La dimension de l’influence de l’enseignant que nous pouvons assimiler à l’autorité ne va pas de soi. Elle ne s’obtient pas automatiquement. Elle prend forme à travers la reconnaissance de l’authenticité de l’enseignant par ses élèves.

En effet, les rapports de coercition qui peuvent accompagner une autorité imposée, mais contestée n’ont pas leur place en classe. Toutefois si l’enseignant ne peut être un despote, il ne peut non plus abandonner le pouvoir à ses élèves ni être leur copain.

Voir articles :



Développer une expertise professionnelle par une pratique délibérée


S’investir dans sa profession repose sur trois dimensions :
  1. Développer son expertise grâce à une formation continuée éclairée par des données probantes.
  2. Croire en l’éducabilité des élèves
  3. Reconnaitre ses propres limites

Les deux premières dimensions se traduisent pour l’enseignant en la croyance qu’il a la possibilité de surmonter les difficultés qu’il rencontre au quotidien. Celles-ci peuvent être dues à la résistance des élèves ou à la perfectibilité des approches pédagogiques adoptées.

L’enseignant s’engage délibérément dans son travail afin d’améliorer ses pratiques et d’éduquer mieux ses élèves. Dans les deux cas, cela doit se traduire par une amélioration de leurs apprentissages au niveau des contenus et des comportements. Pour ce faire, l’enseignant doit s’engager à la fois dans la relation pédagogique et dans une réflexion sur ses propres pratiques qu’il partagera avec ses collègues dans un contexte collaboratif.

Le caractère particulièrement prenant de la profession d’enseignant l’empêche parfois de se détacher des urgences du moment pour réfléchir sur sa pratique ou de mettre une limite nette entre travail et vie professionnelle. Pouvoir poser ces limites à certains moments et dire stop est toutefois nécessaire afin que l’enseignant ne s’engouffre pas vers un épuisement professionnel et qu’il puisse progresser dans ses pratiques.



Mettre en œuvre des stratégies éprouvées et fondées sur des données probantes


Si l’enseignant ne peut jamais savoir ce que pensent exactement ses élèves en général ou chacun d’entre eux en particulier, ceux-ci peuvent tout autant ignorer le fond de sa pensée. 

La pensée stratégique est inscrite par défaut dans toute interaction sociale. La classe est un lieu dans lequel prennent forme différents enjeux portés par les différents protagonistes. Les intérêts des élèves peuvent diverger de ceux de l’enseignant. 

L’enseignant est porteur des contenus qu’il veut enseigner et dans la mesure du possible garant de l’apprentissage de ses élèves. 

L’enseignant vise à avancer à un rythme soutenu en tenant compte de là où se trouvent ses élèves. À l’opposé, ses élèves peuvent souhaiter éviter les difficultés et tendre à limiter leurs efforts. L’enseignant agit stratégiquement pour soutenir et favoriser l’engagement de ses élèves. Il gagne à anticiper, à poser des défis de niveau adéquat, à apporter de la variation dans l’efficacité, à distribuer du renforcement positif. De cette manière, il garde quelques longueurs d’avance en prévenant le risque de désengagement.

Il fonde ses pratiques sur des données probantes et des modèles valides sur l’apprentissage et le comportement des élèves.

.

Considérer l’apprentissage dans une perspective à long terme


Si enseigner se vit au présent, l’efficacité déployée à un moment donné est tributaire de la qualité de la préparation antérieure, mais influence également celle du temps futur.

L’enseignement s’inscrit dans le temps long, d’une année. Chaque heure de cours devient donc contributive au succès de l’année complète. De plus, côtoyer régulièrement les élèves crée potentiellement une certaine proximité, une certaine transparence et des habitudes qui vont s’ancrer.

Tout problème non résolu, ou non-dit ou approximation est ainsi susceptible de rebondir plus tard. Ainsi l’enseignant du fait de l’immédiateté des interactions en classe doit souvent répondre à des situations en direct, trouver des solutions sur le champ. Outre le fait qu’il vaut mieux anticiper et parfois temporiser, ces décisions peuvent ainsi avoir des conséquences à long terme.

Dans cette perspective, l’enseignant forme ses élèves aux comportements attendus et aux routines de classes communes de manière à installer des habitudes propices à l’enseignement et à l’apprentissage des élèves.

L’enseignant ne s’arrête jamais à une performance à court terme, mais vise une maîtrise à long terme de ses élèves. Il recherche l’acquisition d’automatismes utiles pour apprendre au sein des matières et le développement de bonnes habitudes de travail et de compétences sociales chez ses élèves.



Mise à jour le 30/11/2023

Bibliographie

Steve Bissonnette, Clermont Gauthier & Mireille Castonguay, L’enseignement explicite des comportements, Chenelière, pp 13-17 2017

0 comments:

Enregistrer un commentaire