(Photographie : Yuichi Hasebe)
Dans un article précédent (voir article), nous avons distingué les connaissances primaires (naïves) et les connaissances secondaires. Nous avons abordé les conséquences pour d’enseignement. Dans la poursuite de ce sujet, nous allons explorer plus en détail la nature et les caractéristiques de ces connaissances primaires et naïves.
L’héritage de la sélection naturelle dans la culture humaine
La mise en évidence des mécanismes de la sélection naturelle qui permettent l’évolution des espèces est l’une des découvertes historiques les plus fondamentales en biologie.
L’évolution de notre espèce a permis aux différentes populations humaines de se doter d’une culture. La culture agit comme un système de croyances commun à une population donnée :
- Elle facilite la coopération des individus au sein de la population.
- Elle permet une division du travail et des rôles.
- Elle apporte structure et organisation à la société.
- Elle définit des attentes formelles et informelles pour le comportement des membres de la communauté.
- Elle encadre le partage de l’information et des ressources entre ses membres.
- Elle permet le développement de structures liées à l’éducation (des écoles).
- Etc.
Deux caractéristiques de la culture s’imposent dans une perspective éducative et par conséquent pédagogique :
- La transmission intergénérationnelle ou verticale des connaissances à l’échelle de la population.
- La socialisation et la préparation des enfants à la vie adulte dans le cadre culturel de la population.
L’apprentissage adaptatif permet de répondre aux fluctuations de l’environnement naturel
La capacité de faire face à certains facteurs environnementaux variables a de tout temps été cruciale pour les individus de notre espèce. Ils ont de tout temps nécessité une capacité d’adaptation fluide et d’apprentissage rapides de la part des populations humaines. Cette distribution dans le temps et l’avantage procuré amené, par le processus de la sélection naturelle, à leur inscription au sein de notre ADN.
Ces facteurs, proposés par David C. Geary dans le cadre de sa théorie, ont accéléré l’évolution du cerveau humain. Nous y retrouvons :
- Les fluctuations climatiques : nous devons pouvoir nous adapter aux aléas climatiques.
- La chasse et les autres exigences écologiques : nous devons pouvoir utiliser et optimiser les ressources que nous offre l’environnement.
- La complexité sociale : nous devons trouver sa place au sein d’une société humaine .
- La facilité d’apprentissage sera plus grande pour les savoirs et savoir-faire liés à ces variations.
- Les enfants seront naturellement motivés à s’engager dans des activités qui facilitent ces apprentissages.
- À modifier et à contrôler ces paramètres écologiques
- À faire face à des dynamiques sociales fluctuantes.
Les domaines biologiquement primaires et leur biais motivationnel
Les domaines pour lesquels les apprentissages sont adaptatifs ou naturels, puisque favorisés par nos gènes, se regroupent autour de :
- La psychologie populaire ou naïve : elle se marque par un intérêt pour les êtres humains et les relations sociales
- La biologie populaire : elle se marque par un intérêt pour les êtres vivants, qu’il s’agisse d’animaux ou de plantes
- La physique populaire : elle se marque par un intérêt pour les objets inanimés et les phénomènes physiques
Ces formes primaires de connaissances et de capacités ne sont pas rigides, mais elles regroupent des catégories d’informations assez limitées.
L’adjectif populaire ou naïf est utilisé ici comme un équivalent de primaire. Ce terme veut laisser percevoir que ces apprentissages sont communs à tous les êtres humains.
Ces systèmes d’apprentissage s’accompagnent d’un biais cognitif. Nous sommes programmés par nos gènes pour traiter sélectivement et facilement, ces formes spécifiques d’information.
Ces systèmes d’apprentissage s’accompagnent d’un biais cognitif. Nous sommes programmés par nos gènes pour traiter sélectivement et facilement, ces formes spécifiques d’information.
Néanmoins, ils possèdent une certaine plasticité. La sensibilité à la variation des modèles d’information correspondants offre un avantage. L’être humain peut vivre dans un grand nombre d’écosystèmes et de climats différents.
L’existence de ce biais cognitif pour ces catégories de connaissances primaires fait que nous sommes naturellement attirés par les contenus qui correspondent à ces domaines. Nous avons une facilité naturelle à apprendre sans effort conscient dans ces domaines.
Nous avons un biais motivationnel envers l’apprentissage de connaissances dans ces domaines populaires :
Nous avons un biais motivationnel envers l’apprentissage de connaissances dans ces domaines populaires :
- Interaction avec les pairs
- La chasse ou cueillette ludique d’autres espèces
- L’exploration de notre environnement physique.
Les avantages qui en découlent gagnent à pouvoir être transmis. Nous avons développé dans ce but la capacité de créer des représentations symboliques d’expériences et des techniques, par exemple le récit pour communiquer ces expériences.
D’un point de vue évolutif, la capacité de distinguer une personne de l’autre et de lire ses émotions procure un avantage social, dont ne disposeraient pas d’autres êtres humains qui ne pourraient pas le faire.
Par exemple, la formation d’amitiés est soutenue par des compétences psychologiques naïves. Elle ne semble pas être guidée par une motivation à contrôler le comportement de ces personnes, ou du moins il n’y a souvent aucun désir explicite de le faire. Néanmoins, la participation à ces relations et le soutien social qui en découle sont corrélés à la santé physique et psychologique et, dans certains contextes, au risque de mortalité des individus.
Les connaissances biologiques primaires représentent toutes les formes d’apprentissage qui, du point de vue de l’évolution, sont nécessaires à la survie. Les connaissances biologiques primaires peuvent être stockées directement, sans traitement conscient dans la mémoire de travail ou dans la mémoire à long terme.
La fonction des domaines populaires est de focaliser le comportement dans ses tentatives d’accès et de contrôle de ressources sociales, biologiques et physiques. Leur obtention a de tout temps permis d’améliorer les perspectives de survie ou de reproduction au cours de l’évolution humaine.
Les systèmes biologiques et physiques naïfs sont représentés au bas de la figure 1.
Les modules biologiques naïfs orientent l’attention vers des caractéristiques importantes du monde biologique.
Ce sont par exemple :
Dans les sociétés traditionnelles, ces compétences soutiennent les activités comportementales qui sont orientées vers l’utilisation de l’information : les ressources écologiques, à des fins de survie ou de reproduction, comme la chasse, la cueillette ou l’agriculture.
Les systèmes physiques populaires soutiennent le mouvement, la représentation mentale du milieu et la construction d’outils. Certaines de ces compétences, en particulier la capacité de s’orienter, sont semblables à celles que nous retrouvons chez d’autres espèces. Elles ne sont pas uniquement humaines.
La capacité de l’homme à construire, élaborer et utiliser des outils, en revanche, dépasse de loin les compétences des chimpanzés et des autres espèces. L’évolution de cette capacité est presque certainement une composante du pouvoir des humains à modifier et contrôler les environnements dans lesquels ils vivent.
Les caractéristiques comportementales liées aux domaines populaires peuvent être décrites sous forme de règles empiriques.
L’information correspondante est traitée implicitement et rapidement. La composante comportementale est plus ou moins automatiquement exécutée. Le résultat est que la plupart des formes d’informations importantes qui ont été rencontrées dans la vie quotidienne au cours de notre histoire évolutive sont traitées automatiquement et avec peu d’effort cognitif.
Un exemple d’heuristique est l’analyse du visage. Elle nous donne instantanément une information sur le sexe, l’âge et l’état émotionnel de l’individu concerné, et induit certaines de nos réactions.
Ces heuristiques populaires ou naïves sont imparfaites. Elles s’accompagnent de biais explicites d’inférence et d’attribution et de conceptions naïves qui nous ont permis de générer certains avantages au niveau de la sélection naturelle.
Cependant, une utilité fonctionnelle évoluée sur le plan de la vie quotidienne ne signifie pas que les explications sont nécessairement exactes d’un point de vue scientifique ou valides d’un point de vue éthique. Elles nécessitent une dimension supplémentaire, celle de l’établissement d’un apprentissage secondaire.
Par exemple, la formation d’amitiés est soutenue par des compétences psychologiques naïves. Elle ne semble pas être guidée par une motivation à contrôler le comportement de ces personnes, ou du moins il n’y a souvent aucun désir explicite de le faire. Néanmoins, la participation à ces relations et le soutien social qui en découle sont corrélés à la santé physique et psychologique et, dans certains contextes, au risque de mortalité des individus.
Les connaissances biologiques primaires représentent toutes les formes d’apprentissage qui, du point de vue de l’évolution, sont nécessaires à la survie. Les connaissances biologiques primaires peuvent être stockées directement, sans traitement conscient dans la mémoire de travail ou dans la mémoire à long terme.
La taxonomie des domaines populaires comme définie par David C. Geary est présentée à la figure ci-dessous :
(Geary, 2008)
La fonction des domaines populaires est de focaliser le comportement dans ses tentatives d’accès et de contrôle de ressources sociales, biologiques et physiques. Leur obtention a de tout temps permis d’améliorer les perspectives de survie ou de reproduction au cours de l’évolution humaine.
Les compétences psychologiques biologiquement primaires
Les systèmes psychologiques naïfs représentent trois ensembles de modules qui traitent l’information relative :- À soi :
- C’est la conscience de soi, en tant qu’être social, et la conscience de nos relations avec les autres.
- La conscience de soi est intégralement liée à la capacité de se projeter mentalement dans le passé pour se rappeler et revivre des épisodes d’importance personnelle. Elle permet également de se projeter dans le futur pour anticiper des états futurs potentiels.
- Aux autres individus :
- C’est le traitement au niveau individuel des formats d’information qui guident la dynamique sociale et favorisent les relations sociales avec d’autres individus.
- À la dynamique de groupe :
- Nous divisons spontanément l’environnement social en catégories de personnes, par exemple, les membres de la famille, les amis, les collègues/condisciples, etc.
- C’est la capacité de former des groupes en fonction de concepts idéologiques. Ces idéologies comprennent des principes moraux concernant le traitement des membres du groupe, ainsi que des mécanismes pour leur application.
- Les idéologies et les mœurs permettent la formation de communautés coopératives à grande échelle :
- Elles assurent la stabilité entre les générations et soutiennent l’accumulation intergénérationnelle du savoir culturel.
- Elles rendent possible la formation de grands groupes compétitifs qui sont mieux à même de contrôler l’environnement et les relations politiques et sociales que les groupes mal organisés.
Les connaissances biologiques et physiques naïves
Les systèmes biologiques et physiques naïfs sont représentés au bas de la figure 1.
Les modules biologiques naïfs orientent l’attention vers des caractéristiques importantes du monde biologique.
Ce sont par exemple :
- Les modes de déplacement de proies ou des prédateurs potentiels
- La capacité à développer des taxonomies au sujet des différentes espèces dans l’environnement
- Des systèmes de connaissances sur le comportement, la disponibilité, la croissance, la localisation ou le caractère comestible ou toxique de différentes espèces.
Dans les sociétés traditionnelles, ces compétences soutiennent les activités comportementales qui sont orientées vers l’utilisation de l’information : les ressources écologiques, à des fins de survie ou de reproduction, comme la chasse, la cueillette ou l’agriculture.
Les systèmes physiques populaires soutiennent le mouvement, la représentation mentale du milieu et la construction d’outils. Certaines de ces compétences, en particulier la capacité de s’orienter, sont semblables à celles que nous retrouvons chez d’autres espèces. Elles ne sont pas uniquement humaines.
La capacité de l’homme à construire, élaborer et utiliser des outils, en revanche, dépasse de loin les compétences des chimpanzés et des autres espèces. L’évolution de cette capacité est presque certainement une composante du pouvoir des humains à modifier et contrôler les environnements dans lesquels ils vivent.
Les règles empiriques liées aux connaissances primaires
Les caractéristiques comportementales liées aux domaines populaires peuvent être décrites sous forme de règles empiriques.
L’information correspondante est traitée implicitement et rapidement. La composante comportementale est plus ou moins automatiquement exécutée. Le résultat est que la plupart des formes d’informations importantes qui ont été rencontrées dans la vie quotidienne au cours de notre histoire évolutive sont traitées automatiquement et avec peu d’effort cognitif.
Un exemple d’heuristique est l’analyse du visage. Elle nous donne instantanément une information sur le sexe, l’âge et l’état émotionnel de l’individu concerné, et induit certaines de nos réactions.
Ces heuristiques populaires ou naïves sont imparfaites. Elles s’accompagnent de biais explicites d’inférence et d’attribution et de conceptions naïves qui nous ont permis de générer certains avantages au niveau de la sélection naturelle.
Cependant, une utilité fonctionnelle évoluée sur le plan de la vie quotidienne ne signifie pas que les explications sont nécessairement exactes d’un point de vue scientifique ou valides d’un point de vue éthique. Elles nécessitent une dimension supplémentaire, celle de l’établissement d’un apprentissage secondaire.
Mise à jour le 26/11/2023
Bibliographie
Paul A. Kirschner, Luce Claessens & Steven Raaaijmakers, Op de schouders van reuzen, 2018, p 13-17
Geary, D. C. (2008). An evolutionarily informed education science. Educational Psychologist, 43, 179–195.
David Didau and Nick Rose, What every teacher needs to know about psychology, 2016, John Catt
David Didau and Nick Rose, What every teacher needs to know about psychology, 2016, John Catt
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