dimanche 14 juillet 2019

Cinq principes pour améliorer l’enseignement grâce au développement professionnel

Il y a des lectures qui sont marquantes et le rapport de recherche de Mario Richard (et coll., 2017) dans le cadre d’une étude sur la qualité du développement professionnel en est une. Leur lecture a accompagné une prise de conscience et a amorcé de nombreuses réflexions et irrigué différents projets. Voici une synthèse des cinq principes qu’ils énoncent et décrivent.




(Photographie : Aaron Hardin)


Faiblesses et facteurs d’amélioration liés à la formation continuée


La formation continue


L’effet enseignant (voir article) constitue le levier le plus puissant sur lequel le système scolaire peut s’appuyer pour favoriser l’apprentissage en classe.

Au-delà de la formation initiale, la formation continue des enseignants peut être un moyen de modifier les pratiques pédagogiques en vue d’améliorer l’apprentissage des élèves.

Le développement professionnel des enseignants constitue dès lors l’un des meilleurs moyens dont dispose un système éducatif pour améliorer la qualité de l’enseignement offert à ses élèves.


Problématique


En réalité, régulièrement, la formation continue n’est pas optimale et n’amène que peu de résultats tangibles ou de changements significatifs dans les pratiques pédagogiques des enseignants en classe.

Une façon de l’expliquer est de considérer que trop souvent : 
  1. Les contenus ne répondent pas directement au contexte de l’enseignant
  2. La formation est ponctuelle et sans suivi proposé. 
  3. La formation peut ne concerner qu’un ou plusieurs enseignants isolés qui se retrouvent seuls à faire face aux difficultés d’une éventuelle mise en œuvre.
  4. La formation est de nature obligatoire et vécue comme imposée, si ce n’est subie.
  5. La formation ne repose que très rarement sur une analyse préalable des besoins professionnels et organisationnels des établissements scolaires.
  6. La formation ne s’accompagne pas d’objectifs d’implantation et n’est pas orientée vers des résultats tangibles et évaluables.


Ce n’est pas l’utilité du développement professionnel qu’il faut remettre en cause, mais plutôt sa conception, son contenu, ses objectifs mesurables et évaluables, ainsi que l’organisation de son déploiement.



Pistes d’amélioration



Pour avoir des retombées positives sur l’apprentissage des élèves, nous devons :
  1. Mettre en place un véritable processus d’apprentissage professionnel planifié, systémique, collaboratif et contextualisé
  2. Viser une mise en œuvre concrète et des objectifs pratiques et mesurables, explicitement liés aux résultats des élèves
  3. Former une équipe d’enseignants qui vont collaborer entre eux à long terme
  4. Impliquer et concerner à leur échelle l’ensemble des intervenants scolaires
  5. Offrir une formation séquencée en offrant du temps aux enseignants pour tester et mettre en œuvre
  6. Planifier un suivi ou un accompagnement
  7. Obtenir le soutien organisationnel d’une direction faisant preuve de leadership pédagogique

Ces pistes sont détaillées dans cet article (voir article)

La formation continuée gagne à s’envisager dans une perspective d’apprentissage professionnel, un ensemble d’activités permettant aux enseignants de développer les habiletés, savoirs et d’enrichir leur expertise professionnelle.

Mario Richard et ses collègues ont mis en évidence cinq principes favorisant l’efficacité du développement professionnel.


1er principe : le développement professionnel devrait viser explicitement à améliorer l’apprentissage des élèves et à évaluer systématiquement l’effet obtenu sur leurs résultats.



Nous pouvons définir trois critères :

1) La contextualisation : Le développement professionnel est intégré comme élément constitutif d’un projet d’implantation de pratiques professionnelles dont l’objectif clairement établi est d’améliorer l’apprentissage des élèves.

2) L’applicabilité : La formation propose des interventions directement applicables de manière systématique en classe. Celles-ci visent les contenus, les habiletés sociales ou les stratégies d’apprentissage des élèves.

3) L’évaluation diagnostique : Un monitoring, la définition d’objectifs et de critères d’implantation permettant d’évaluer l’application et l’effet du changement de pratiques sur les résultats des élèves doivent être intégrés au processus de formation.

(source : Richard, M., 2017)



2e principe : les activités de développement professionnel devraient être étayées par des données probantes et être animées par des spécialistes dont l’expertise est reconnue.


1) Faire appel à des compétences :


Le développement professionnel des enseignants est plus efficace quand il propose le recours à des spécialistes externes. Ceux-ci amènent leur expérience et leur recul. Ceux-ci s’avèrent nécessaires par rapport à la cohérence des choix effectués dans le contexte local. Ils rendent accessibles aux enseignants les savoirs, ainsi que la théorie et les données probantes sur lesquelles les interventions reposent.

Comme Thomas R. Guskey et Kwang Suk Yoon (2009) le notent, il peut être tentant de fonctionner à l’interne en s’appuyant sur l’expertise combinée des membres du personnel. L’idée serait que des enseignants se réunissent régulièrement pour explorer des problèmes communs et cherchent ensemble des solutions fondées sur des expériences communes et une sagesse collective.

La recherche montre que bien qu’il s’agisse d’un bon point de départ, il est rarement, sinon jamais suffisant. Les enseignants ont tendance à sélectionner des pratiques qu’ils jugent déjà bonnes, mais pas forcément prometteuses. Ils peuvent négliger de se centrer sur des questions d’efficacité ou de privilégier des approches efficaces, mais nouvelles pour eux. Celles-ci sont potentiellement génératrices d’inconfort et tendent à être évitées. Le choix de pratiques à développer s’en retrouve biaisé. Des idées novatrices et efficaces peuvent être beaucoup plus naturellement amenées grâce à la participation d’experts externes.



2) Des interventions basées sur des données probantes


Les interventions et pratiques enseignées devraient bénéficier de données probantes quant à leur efficacité. Des interventions fondées sur des données probantes qui permettent de combiner théorie et pratique sont un gage de sécurité et offrent un repère sur les résultats escomptés.

Les activités d’apprentissage professionnel doivent viser systématiquement le développement des connaissances pédagogiques. Celles-ci doivent permettre et faciliter pour les enseignants le transfert dans leurs contextes de classe.

Les activités d’apprentissage professionnel doivent être présentées aux enseignants de façon à leur permettre de comprendre les bases scientifiques les supportant, de manière à accroitre leur expertise, en abordant non seulement le comment, mais aussi le pourquoi. Il faut que les enseignants puissent valider, réactualiser, enrichir et mettre à jour leurs conceptions pédagogiques sous-jacentes.

(source : Richard, M., 2017)


3e principe : le développement professionnel devrait prévoir une démarche d’accompagnement reposant sur le travail collaboratif.


L’objectif est de questionner les pratiques existantes de façon à établir des attentes élevées en ce qui concerne les résultats des élèves et de déterminer les meilleurs moyens pour les atteindre.

 Le développement professionnel est efficace quand il met en place :
  1. Une démarche de pratique réflexive qui s’effectue dans un contexte de travail collaboratif.
  2. Un coaching pédagogique et l’observation directe en classe. Les enseignants peuvent observer, recevoir de la rétroaction, analyser le travail des élèves.
  3. Des moments de réunion pour permettre des échanges structurés dans le cadre de communautés d’apprentissage professionnelles (CAP). Durant ceux-ci, les enseignants peuvent profiter du soutien de leurs pairs. Ils peuvent effectuer un travail de résolution de problème visant l’amélioration des résultats des élèves, ou effectuer des présentations et des observations avec rétroaction entre eux.


(source : Richard, M., 2017)


4e principe : le développement professionnel devrait être distribué dans le temps.


Les activités de formation gagnent à s’inscrire dans le cadre d’une démarche soutenue d’une durée minimale d’une vingtaine d’heures distribuées sur une période d’au moins une année scolaire.

Le développement professionnel doit être considéré comme un processus continu, intentionnel, systémique, et conçu de manière intégrée.

Il faut l’envisager comme une démarche itérative, afin de permettre une période d’appropriation nécessaire pour favoriser le transfert des nouvelles pratiques en classe.

Dans cette perspective, il est essentiel de prévoir des périodes d’expérimentation, de réflexion, de rétroaction et d’évaluation, soutenues par un processus d’accompagnement.



(source : Richard, M., 2017)


5e principe : le développement professionnel des enseignants doit être soutenu par une direction faisant preuve de leadership pédagogique.


Le développement professionnel des enseignants est plus efficace lorsque :
  • La direction promeut l’apprentissage professionnel et participe directement aux activités de développement professionnel des enseignants.
  • La direction favorise l’actualisation des pratiques pour tous les enseignants sur la base de données probantes.
  • La direction fait appel à l’engagement et à l’expertise des enseignants dans une perspective de leadership partagé.
  • La direction partage une vision et des objectifs d’apprentissage professionnel, orientés vers l’atteinte de meilleurs résultats pour leurs élèves, résultats qui seront l’objet d’un monitoring.
  • La direction s’assure que le temps et les ressources nécessaires pour les enseignants sont et seront disponibles.
  • La direction établit un équilibre entre les priorités de l’école, des matières scolaires et celles des enseignants.



(source : Richard, M., 2017)




Construire le développement professionnel dans la visée de l’amélioration de l’école


Ces principes montrent qu’il est temps de favoriser un changement de paradigme et passer à un autre mode de fonctionnement que celui de formations continuées isolées et déconnectées de ce que pratiquent les enseignants en classe. L’enjeu est de mettre en place un réel processus d’apprentissage professionnel pour que le lien entre la formation continue et les résultats des élèves puisse plus concrètement s’établir.

Nous devons abandonner un modèle d’activités de perfectionnement où nous demandons aux enseignants de participer passivement ou d’appliquer à la lettre un programme imposé. Nous devons privilégier un processus d’apprentissage professionnel à l’intérieur duquel les enseignants s’engagent dans une démarche réflexive d’investigation et de construction de leur expertise. L’objet d’analyse dont l’amélioration est recherchée est le résultat des élèves. Celui-ci passe par un accroissement de l’expertise des enseignants et un enrichissement de la qualité et de l’efficacité des pratiques en classe.

L’accent doit plutôt être mis sur :
  1. Un processus d’apprentissage professionnel continu et systématique. Celui-ci adapte ses interventions en fonction de la progression de l’implantation et de l’évaluation de l’impact sur les résultats des élèves.
  2. Le développement d’une expertise collaborative au sein de l’école. Celle-ci est alimentée par la formation continue. Elle renforce l’intelligence collective et les synergies, afin d’assurer le succès de l’ensemble des élèves.

Par les exigences qu’il impose aux enseignants, ce processus d’apprentissage professionnel ne peut être effectué sur une base individuelle. Il repose sur le développement d’une expertise collaborative au sein de l’école et s’inscrit dans sa culture propre (voir article). 


Mise à jour le 29/07/2023

Bibliographie


Richard, M., Carignan I., Gauthier, C. et Bissonnette, S. (2017). Quels sont les modèles de formation continue les plus efficaces pour l’enseignement de la lecture et de l’écriture chez les élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire ? Une synthèse de connaissances. Rapport de recherche préparé pour le Fonds de recherche Société et culture du Québec et le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Programme Actions concertées. Québec : Université TÉLUQ

Richard, M (2017) https://developpementprof.teluq.ca/

Guskey, T. R., & Yoon, K. S. (2009). What Works in Professional Development? Phi Delta Kappan, 90(7), 495–500. https://doi.org/10.1177/003172170909000709

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