mercredi 13 mars 2019

Un continuum des types de motivation proposé par la théorie de l’autodétermination

Chaque fois qu’un enseignant tente de favoriser certains comportements chez des élèves ou de susciter leur engagement dans des tâches, l’attitude et l’investissement de ceux-ci peuvent prendre des tournures diamétralement opposées.

(Photographie : Nich Hance McElroy)



Les limites de la motivation intrinsèque en classe


Selon l’angle de la motivation intrinsèque, dans une classe du monde réel, les élèves peuvent être placés le long d’un continuum de l’engagement :
  • Certaines élèves peuvent dans un climat de coopération positif faire preuve d’un engagement actif dans le cours en participant et en s'investissant dans toutes les tâches demandées. 
  • Certains élèves peuvent s’engager à minima dans une conformité passive. 
  • Certains élèves peuvent être complètement démotivés. L’enseignant a alors l’impression de faire face à une classe de mollusques, de plantes vertes ou autres expressions idoines communes des salles de profs. 
  • Certains élèves peuvent dans les situations les plus délicates, résister ou refuser d’obtempérer. 

La théorie de l’autodétermination apporte un éclairage utile sur ces situations. Développée par Edward L. Deci et Richard Ryan, elle est considérée comme une théorie empirique solide. Il s’agit d’une théorie de la motivation et de la personnalité. Elle est susceptible d’offrir un éclairage pertinent sur ces phénomènes. 

Un précédent article (Importance de la motivation intrinsèque pour l’enseignement et l’apprentissage), nous avions abordé la question de la motivation intrinsèque selon l’angle de la théorie de l’autodétermination. Il s’agit d’un type important de motivation à cultiver, car il est le plus efficient. Il a le désavantage de ne pas être général chez tous les élèves.

Heureusement pour les enseignants, il ne s’agit pas du seul type de motivation autodéterminée, c’est-à-dire pilotée par la personne (dans ce cas l’élève) même qui la ressent.

C’est un fait qu’une grande part de ce que font les élèves en classe, sous la houlette de l’enseignant, n’est pas, à proprement parler, intrinsèquement motivée. 

Dans un contexte scolaire, que nous soyons enseignants ou élèves, nous devons répondre à diverses contraintes sociales. Nous avons des responsabilités à la fois personnelles et professionnelles qui nous poussent à remplir nos obligations. 

Nous sommes amenés à devoir assumer diverses activités qui n’ont rien d’intéressant en elles-mêmes. Rester assis et attentif une journée en classe et voir les cours se succéder, devoir réaliser des tâches intellectuellement exigeantes que nous n’avons pas choisies n’est pas toujours intrinsèquement passionnant.

Pourtant, même si la plupart des activités scolaires ne bénéficient pas d’une motivation intrinsèque, les élèves et enseignants développent cependant des capacités de persistance et un engagement comportemental qui peuvent, heureusement, générer un certain bien-être.



Le relais de la motivation extrinsèque


Si les élèves décident de s’engager dans leur scolarité et y trouvent du sens, pour la plupart d’entre eux, c’est qu’il y a malgré tout une forme d’autodétermination de leur comportement :
  • Ils ont appris à prendre en compte, à des degrés divers, les valeurs sociales et les contingences extrinsèques, inculquées et imposées par l’enseignant, leur famille, l’institution scolaire et la société.
  • Ils les ont transformées progressivement, pour une part variable, en valeurs, attentes et motivations personnelles.
Cette variation donne une dimension plurielle à la motivation extrinsèque. Elle peut s’intérioriser et venir complémenter la motivation intrinsèque. Ainsi il n’y a pas une seule forme de motivation extrinsèque, mais une gradation parmi elles.



Les processus d’intériorisation et d’intégration


Selon la théorie de l’autodétermination, les différentes formes de motivation reflètent des degrés différents d’internalisation et d’intégration de la valeur et de la régulation du comportement demandé :
  • L’intériorisation se réfère à l’acceptation d’une valeur ou d’un règlement par les individus.
  • L’intégration se réfère à la transformation ultérieure de ce règlement en leur propre règlement de sorte que, par la suite, il émanera de leur sentiment de soi.

L’internalisation et l’intégration sont des processus à travers lesquels les comportements motivés extrinsèquement deviennent plus autodéterminés.

Lorsque des élèves participent à un environnement de classe, certains comportements et valeurs sont par nature prescrits. Ces comportements peuvent ne pas être intéressants. Certaines valeurs ne sont pas adoptées spontanément. Le fait d’enseigner des routines de classes associées à des valeurs communes facilite ainsi leur intériorisation. Le fait de les présenter positivement, de les vivre et d’en apprécier les avantages favorise alors leur intégration.



Un continuum d’autodétermination


Une sous-théorie de la théorie de l’autodétermination, appelée théorie de l’intégration organismique existe. Elle détaille les différentes formes de motivation extrinsèque et les facteurs contextuels qui favorisent ou entravent l’internalisation et l’intégration de la réglementation pour ces comportements.
















Les types de motivation et de régulation dans le cadre de la théorie sur l’automotivation (Deci & Ryan, 2008, d’après Jean Heutte, 2011)



Dans le cadre de la théorie de l’intégration organismique, Ryan & Deci (2000) proposent trois catégories de motivation sur un continuum d’autodétermination : 
  • La motivation intrinsèque (MI), 
  • Quatre types de motivation extrinsèque (ME)
  • L’amotivation (AM)
Chacune des catégories identifiées dans la théorie de l’intégration organismique décrit des types de motivation théoriquement, expérimentalement et fonctionnellement distincts.

Le continuum d’autodétermination est le reflet du degré selon lequel les individus estiment être à l’origine de leur propre comportement :
  • Au plus nous nous situons à droite du continuum, au plus l’origine de causalité est perçue comme interne, car les comportements sont volontaires et autonomes. 
  • Au plus nous nous situons à droite du continuum, au plus l’origine de causalité est perçue comme externe, car des facteurs externes sont responsables de l’initiation des comportements individuels.



La motivation intrinsèque sur le continuum d’autodétermination


À l’extrême droite du continuum se trouve l’état classique de motivation intrinsèque. Elle est la motivation la plus autodéterminée.

Le comportement intrinsèquement motivé est autonome, authentique et autodéterminé. L’individu réalise une activité pour ses satisfactions inhérentes, par intérêt ou par plaisir, sans attente de récompense externe.



L’amotivation sur le continuum d’autodétermination


À l’extrême gauche du continuum de l’autodétermination se trouve l’amotivation.

L’amotivation résulte de situations dans lesquelles :
  • Nous ne donnons aucune valeur à l’activité proposée ou au comportement demandé.
  • Nous ne nous sentons pas capables de le faire.
  • Nous ne nous attendons pas à ce que cela donne le résultat souhaité.

Lorsqu’ils sont amotivés, les élèves n’agissent pas ou agissent sans intention. Ils se contentent de faire des gestes. Ils sont globalement amorphes.



Une motivation extrinsèque multiple sur le continuum d’autodétermination


La motivation extrinsèque peut varier considérablement dans son autonomie relative :
  • Par exemple, un élève va passer du temps à s’entrainer à refaire des exercices en mathématiques parce qu’il en saisit toute l’importance pour son futur scolaire. 
  • À l’opposé, un autre élève va s’appliquer, car ses parents exercent un contrôle sur lui. 

Dans les deux cas, la réalisation des exercices n’est pas intrinsèquement plaisante :
  • Dans le premier cas, la motivation extrinsèque dépend d’une volonté et d’un choix personnel, elle s'approche d'une motivation intrinsèque/. 
  • Dans le second, l’élève se conforme à une obligation parentale, sa motivation extrinsèque reste éloignée d'une motivation intrinsèque.

Dans les deux cas, l’élève agit, mais son degré d’autonomie n’est pas le même. La motivation extrinsèque peut varier en ce qui concerne la perception de l’origine de causalité du comportement :
  • Dans le premier cas, le comportement de l’élève correspond à une régulation intériorisée et intégrée, il s’agit d’une forme de motivation autodéterminée
  • Dans le second cas, le comportement de l’élève est sous l’influence d’une régulation externe et il s’agit dès lors d’une forme de motivation qui n’est pas autodéterminée, mais contrôlée.

Dans l’article suivant, nous détaillons les quatre formes de motivation extrinsèque et leurs implications :




Mis à jour le 27/02/2023


Bibliographie


Ryan, Richard & Deci, Edward. (2000). Self-Determination Theory and the Facilitation of Intrinsic Motivation, Social Development, and Well-Being. The American psychologist. 55. 68–78.

Jean Heutte, Théorie de l’intégration organismique : les différents types de motivations (Deci, 1975 ; Ryan & Deci, 2002), 2011, http://jean.heutte.free.fr/spip.php?article159

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