dimanche 24 mars 2019

Comprendre et nourrir la motivation extrinsèque des élèves selon la théorie de l'autodétermination

Selon la théorie de l’autodétermination, la motivation extrinsèque existe sous forme d’un continuum entre absence de motivation et motivation intrinsèque. Elle peut se manifester sous quatre types de motivation différents et successifs. La progression le long de ce continuum gagne à être intensifiée, prise en compte et soutenue pour améliorer l’engagement et la réussite des élèves. 


(photographie : Nick Williams)

Ces quatre types de motivation sont par ordre croissant d’autodétermination :
  1. La motivation extrinsèque à régulation externe
  2. La motivation extrinsèque à régulation introjectée
  3. La motivation extrinsèque à régulation identifiée
  4. La motivation extrinsèque à régulation intégrée



Motivation extrinsèque à régulation externe


Dans le cadre de la motivation extrinsèque à régulation externe, le comportement est effectué en réponse à une demande externe ou à des contingences sociales.

Ces facteurs externes peuvent être de l’ordre de la contrainte, des menaces ou des récompenses.

Il s’agit des comportements extrinsèquement motivés qui sont les moins autonomes. C’est le cas des élèves qui ne vont travailler que si l’effort leur rapporte des points ou pour éviter une sanction.

Au plus les élèves sont réglementés de l’extérieur, au moins ils manifestent de l’intérêt pour le travail scolaire. Au moins ils donnent de la valeur ou du sens à leur engagement et fournissent spontanément des efforts.

Cette motivation extrinsèque à régulation externe risque de se traduire par un rendement inférieur. Confrontés à celui-ci, les élèves auront tendance à rejeter la responsabilité des résultats négatifs. Ils tendront à attribuer le blâme de leurs faibles performances à d’autres facteurs comme les caractéristiques de l’enseignant.








Les types de motivation et de régulation dans le cadre de la théorie sur l’automotivation (Deci & Ryan, 2008, d’après Jean Heutte, 2011).




Motivation extrinsèque à régulation introjectée


Dans le cadre de la motivation extrinsèque à régulation introjectée, les raisons du comportement sont légèrement intériorisées, mais ils ne le sont pas suffisamment pour pouvoir être intégrées. La régulation est essentiellement externe. Le comportement est motivé par un souci d’apparence, d’image, de conformité, de souci de conformité extérieure. Il est également soutenu par une question d’égo qui pousse à le rendre visible. L’élève agit pour maintenir sa face.

Les intentions peuvent être d’éviter de culpabiliser, de fuir l’anxiété ou de rechercher le soutien d’autrui. 

Par exemple, si nous considérons un élève lambda :
  • Il peut volontairement passer du temps à remettre son cours en ordre ou à faire des synthèses, sans vraiment entrer dans le vif du sujet. Il cultive l’apparence du travail.
  • Il peut s’obliger à étudier par cœur sans toujours essayer de comprendre. Il se force à étudier malgré lui.
  • Il va régulièrement se mettre à travailler dans la dernière ligne droite uniquement pour éviter l’échec ou perdre la face. Il trouve dans ses dimensions le moteur de sa détermination et non dans la valeur de l’apprentissage en tant que tel.  
L’élève cherche à se donner bonne conscience. Pour autant, l’objectif d’apprendre et la valeur produite en tant que telle ne sont pas intégrés ni considérés comme primordiaux.

L’élève s’applique, mais sans s’identifier totalement à la signification propre et personnelle des tâches demandées. Il vise à maintenir son estime de soi.

Une régulation introjectée est positivement associée au fait de fournir plus d’efforts. Elle peut également se retrouver liée au fait de ressentir plus d’anxiété et à manifester plus de difficulté à assumer des échecs éventuels que la motivation extrinsèque à régulation externe.



Motivation extrinsèque à régulation identifiée


Dans le cadre de la motivation extrinsèque à régulation identifiée, les raisons du comportement sont liées à une bonne compréhension et une acceptation consciente des objectifs. De même la perception de la nécessité de mettre en œuvre des actions concrètes pour les atteindre est importante. La régulation est interne.

Un élève va s’investir dans une activité demandée, même s’il ne la trouve pas intrinsèquement intéressante. Il estime qu’elle peut lui permettre d’améliorer ses connaissances et d’atteindre ses objectifs.

La régulation identifiée est associée à un intérêt et un plaisir accrus pour l’école. Les élèves qui la ressentent manifestent des types d’engagement plus positifs. Ils s’engagent dans des efforts plus importants, plus durables et soutenus que dans les deux types de motivation extrinsèque précédents.



Motivation extrinsèque à régulation intégrée


Avec la motivation extrinsèque à régulation intégrée, les raisons du comportement sont liées à une bonne compréhension et une acceptation consciente des valeurs et significations induites par l’action et l’atteinte des objectifs. 

Le sentiment d’appartenance sociale y joue un rôle central. Une cohérence avec l’identité et les valeurs partagées par l’individu se manifestent dans l’exercice de la motivation extrinsèque à régulation intégrée.

La régulation est interne. Le comportement est considéré comme volontaire et en harmonie avec d’autres comportements que l’individu estime importants. Les effets sur le bien-être et la santé mentale sont comparables à ceux observés dans la motivation intrinsèque.

La motivation extrinsèque à régulation intégrée se distingue de la motivation intrinsèque et reste extrinsèque, car les comportements sont faits pour atteindre des résultats qui demeurent comme des objets isolés plutôt que pour leur plaisir inhérent. Nous cherchons à obtenir quelque chose. Dans le cadre de la motivation intrinsèque, le processus en lui-même est motivant.



Pourquoi développer la motivation extrinsèque ?


Même si nous distinguons quatre types de motivation extrinsèque situés le long d’un continuum, nous ne pouvons toutefois pas considérer la motivation extrinsèque comme relevant d’un processus à étapes. 

Un comportement peut être plus ou moins facilement internalisé et intégré en fonction des expériences antérieures de l’individu concerné et des caractéristiques propres au contexte.

Nous pouvons cependant mettre en évidence, d’un point de vue scolaire, un lien entre le type de motivation extrinsèque, l’intérêt individuel des élèves et leur rendement.

Une motivation extrinsèque plus autonome, par conséquent plus semblable à une motivation intrinsèque est associée :
  • À un engagement accru
  • À un meilleur rendement
  • À une baisse du décrochage
  • À un apprentissage de meilleure qualité
  • À de meilleurs résultats scolaires
  • À un meilleur comportement en classe
  • À un bien-être subjectif accru
  • À une meilleure intégration de l’élève au sein du groupe classe



L’enjeu de la relation lié à la motivation extrinsèque


Les tâches liées à des comportements extrinsèquement motivés ne sont généralement pas intéressantes en elles-mêmes. La principale raison pour laquelle les individus s’engagent dans de telles actions et les effectuent consciencieusement est liée aux comportements. Ceux-ci doivent être incités, modelés ou valorisés par des personnes importantes auxquelles ils se sentent (ou veulent se sentir) attachés ou liés.

La relation, le besoin de se sentir en relation et connecté aux autres, est d’une importance capitale pour l’intériorisation et le développement de la motivation extrinsèque.

La recherche a analysé les caractéristiques des élèves qui intériorisent le plus complètement la régulation liée à l’adoption des comportements positifs attendus à l’école. Ils sont également ceux qui se sentent le plus en sécurité et en harmonie au contact de leurs parents et de leurs enseignants.



L’enjeu de la perception de compétence lié à la motivation extrinsèque


L’internalisation est fonction de la compétence perçue. Les individus sont plus susceptibles d’adopter des activités que leurs groupes sociaux de référence (pairs, enseignant ou parents) apprécient lorsqu’ils se sentent efficaces par rapport à celles-ci.

Tout soutien ou progrès dans la compétence d’un élève devrait en retour favoriser la motivation.

S’il y a des récompenses ou des conséquences importantes, le contexte peut donner lieu à une réglementation externe dans la mesure où l’individu se sent suffisamment compétent pour s’y conformer.

Il est important que le groupe de référence pertinent (pairs, enseignants, parents) appuie l’activité. Si l’individu se sent compétent et lié à la tâche par un objectif propre identifié, le contexte peut alors donner lieu à une réglementation introjectée.



L’enjeu de l’autonomie lié à la motivation extrinsèque


Les appuis à l’autonomie facilitent l’internalisation et l’intégration des règles comportementales. L’autonomie se réfère aux questions de la vie en communauté, non à celles d’un individualisme et d’une indépendance de l’individu.

Le contexte ne donne lieu à une réglementation autonome que si l’individu se sent compétent, autonome et solidaire. 

Pour intégrer un règlement, les individus doivent en saisir le sens et le synthétiser par rapport à leurs autres objectifs et valeurs.

Le soutien à l’autonomie doit permettre aux individus de transformer activement les valeurs proposées en leurs propres valeurs. Il doit mener à l’adoption et l’appropriation de ces valeurs.

Le processus est facilité lorsqu’il y a une mise en avant du sens du choix, de la volonté. Il doit y avoir une absence de pression extérieure excessive ou coercitive sur le fait d’adopter un comportement ou une certaine façon de penser.

C’est à travers l’intériorisation et l’intégration que les individus peuvent être extrinsèquement motivés tout en étant engagés et authentiques.



Lignes directrices pour soutenir la motivation extrinsèque


Donner une justification valable pour un comportement inintéressant, ainsi que des appuis à l’autonomie, à la compétence et à l’appartenance, favorise son intériorisation et son intégration. 

Un contexte trop contrôlé donne lieu à moins d’internalisation globale et à plus d’introjection, il génère par conséquent une motivation moins forte.

L’engagement et l’authenticité reflétés dans la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque intégrée sont plus susceptibles d’être évidents lorsque les individus font l’expérience d’un soutien pour :
  • Leur perception de compétence
  • Leur degré d’autonomie
  • La qualité des relations nouées.

Lorsque des adolescents rejettent les valeurs de leur école, nous pouvons l’analyser en matière d’affaiblissement de leur motivation intrinsèque et d’appauvrissement de leur degré de motivation extrinsèque le long du continuum. Il devient pertinent d’examiner dans quelle mesure leurs besoins de compétence, d’autonomie et d’appartenance sont ou ont été contrecarrés antérieurement et pourraient être mieux soutenus à l’avenir.



Mis à jour le 11/03/2023

Bibliographie


Ryan, Richard & Deci, Edward. (2000). Self-Determination Theory and the Facilitation of Intrinsic Motivation, Social Development, and Well-Being. The American psychologist. 55. 68–78.

Jean Heutte, Théorie de l’intégration organismique : les différents types de motivations (Deci, 1975 ; Ryan & Deci, 2002), 2011, http://jean.heutte.free.fr/spip.php?article159

1 commentaire:

  1. Merci pour cette publication qui vient renforcer mes connaissances sur la théorie de l'autodétermination.

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