dimanche 10 mars 2019

Des supports de cours au service d'un enseignement efficace

Si la capacité à prendre des notes est une stratégie cognitive utile à développer, comment peut-elle devenir également un atout dans une perspective d’enseignement efficace ? Comment prendre en compte la prise de notes pour stimuler l’apprentissage des élèves ?

(photographie : Nathan Cyprys)




Le risque d’accentuer les différences par l’usage d’une prise de note non accompagnée en classe


Nous pouvons nous demander dans quelle mesure un élève possède la capacité de prendre des notes de cours pertinentes et complètes. En dehors de la charge cognitive excédentaire générée par la prise de notes pour une nouvelle matière, il doit prendre le temps de comprendre et d’assimiler les contenus enseignés.

Il y a également :
  • La double dimension de la vitesse de la prise de note : nous ne prenons pas note de tout. 
  • L’impermanence de l’attention : nous ne sommes pas attentifs 100 % du temps. 
  • Le rythme nécessaire du cours, le temps est le principal facteur limitant.
Le tout pris ensemble, c’est un fait que les élèves vont se différencier et manifester des rendements différents en matière de prise de notes.

La qualité de la prise de notes dépend de manière nette de la mise en évidence réussie des idées principales par les élèves. Une bonne acquisition des connaissances préalables est positivement liée à leur identification. Les élèves qui ont un meilleur niveau de connaissances préalables sont en mesure de prendre de meilleures notes de cours que les élèves ayant un plus faible niveau de connaissances préalables.

Il a été montré que les élèves ayant de plus faibles connaissances ont tendance à retranscrire telle quel, ce qu’ils peuvent, de la parole de l’enseignant. Ce mot à mot partiel tend à produire un support de notes décousu, parfois incohérent et dans l’ensemble relativement en vrac.

Ce type de notes est moins fortement corrélé avec la performance au test que des notes synthétiques et élaborées produites par des élèves qui ont de bonnes connaissances préalables.

Laisser les élèves prendre note de manière débridée, de l’ensemble d’un cours, sans apporter une structure et un contrôle, risque de défavoriser les élèves les plus faibles et, in fine, d’accroitre les écarts dans une classe. Il favorise l’effet Matthieu et accroit l’hétérogénéité des résultats d’apprentissage.



La prise de notes, une stratégie cognitive à enseigner


La démarche de l’élève dans le cadre de la prise de notes est directement liée à ses objectifs scolaires personnels, en matière d’apprentissage, de mémorisation, de compréhension, d’efficacité et de réussite.

Or ce genre de démarche est sujette à de nombreux biais et justifie un réel accompagnement :
  1. Les élèves peuvent surestimer leurs capacités de prise de notes.
  2. Leur utilisation des notes comme support d’étude peut ne pas être optimale.
La capacité de prendre des notes n’est pas une capacité innée. C’est une stratégie cognitive qui doit être acquise par un apprentissage et un enseignement. Pour une part, elle est spécifique à la matière enseignée. Nous ne prendrons pas des notes lors d’un cours de mathématiques comme nous en prendrons dans un cours d’histoire ou de langues modernes étrangères.

Nous pouvons postuler que les élèves bénéficieront d’un enseignement explicite de la prise de notes, branche par branche, avec modelage, pratique, accompagnement et rétroaction de leurs enseignants.



L'importance de relire et restructurer ses notes de cours rapidement


La prise de notes est un outil parmi d’autres visant à générer un apprentissage en classe et de manière plus nette, hors classe.

Elle ne doit pas être considérée comme un élément isolé. Elle est intégrée à d’autres activités scolaires qui contribuent à l’apprentissage comme la réalisation d’exercices sous forme guidée ou autonome, les devoirs, les évaluations formatives et toutes les démarches d’apprentissage autonome déployées par les élèves. L’objectif est que la prise de notes vienne s’intégrer de manière optimale aux diverses pratiques et stratégies d’apprentissage.

Lorsque nous faisons usage de la prise de notes dans le cadre de l'enseignement, nous devons enseigner explicitement à nos élèves comment passer en revue leurs notes, à en faire un usage sensé et utile. 

Avant de traiter les informations contenues dans les notes de manière à en produire un guide d'étude deux étapes sont nécessaires assez rapidement tandis que l'exposé qui a mené à la prise de notes est encore frais. Si l'élève attend trop longtemps le processus sera de qualité moindre car il ne pourra pas le croiser avec ce qu'il a retenu des explications orales de l'enseignement en classe sur les contenus.

Il s'agit : 
  1. De relire pour vérification la compréhension, corriger les erreurs éventuelles et ajuster certains éléments.
  2. D'effectuer une révision ultérieure des notes pour en vérifier la cohérence et la structure en lien plus spécifiquement avec les objectifs d'apprentissage pour s'assurer de leur qualité.

En raison des pressions et de la complexité de la prise de notes, les élèves n’ont pas toujours le temps de prendre des notes qui expriment complètement et de manière précise toutes les interrelations entre les idées.  Une relecture permet de réparer certains oublis et certaines impriécisions.

Toutes les démarches d’élaboration nécessaires au développement de l’apprentissage n’ont pu se faire au moment de la prise de notes.

Une partie non négligeable de l’intégration des connaissances, des liens entre les concepts et de la mémorisation nécessaire est effectuée ultérieurement par l’élève, en lien avec les intentions d'apprentissage. 

Ce processus sera d’autant plus une nécessité qu’un élève progresse dans sa scolarité, car les contenus s’accroissent et se complexifient. Lorsqu’il reprend ses notes, après les cours, l’élève peut les compléter de notes additionnelles et les réviser, les annoter.

Malheureusement, beaucoup d’élèves ne retravaillent pas leurs notes dans des démarches d’élaboration et s’en servent en tant que matériel brut d’étude. Leur réorganisation et leur enrichissement ne sont pas une priorité. Ils préfèrent souvent des stratégies moins efficaces comme une simple relecture ou le surlignement.

Une relecture et une structuration des notes en lien avec les objectifs d'apprentissage permettent de s'assurer qu'elles sont un matériau de qualité pour ensuite déployer les stratégies cognitives et métacognitives qui vont soutenir les apprentissages.



Supports de cours dans le cadre d’un enseignement efficace


La question de la prise de note des élèves nécessite une planification par l’enseignant, en fonction de la pédagogie adoptée, en concordance avec les objectifs d’apprentissage qu’il a définis. Nous ne prendrons pas note de la même manière à une conférence, à un cours magistral ou lors d’un modelage ou d’une pratique guidée en enseignement explicite. Les logiques pédagogiques et cognitives sont différentes.

Comme le rapporte Yana Weinstein (2019), la recherche sur le format de prise en notes en ce qui concerne l’enseignement efficace n’appartient pas qu’au champ de la psychologie cognitive. Elle a également à voir avec l’analyse appliquée du comportement (ABA).

Il apparait dès lors que les notes guidées constituent une stratégie non verbale efficace pour accroitre l’engagement des élèves. Les notes guidées permettent non seulement d’accroitre l’attention et l’engagement des élèves, mais aussi de leur fournir un ensemble standard de notes et de les aider à développer leurs compétences en matière de présentation. 

L’usage de notes guidées est recommandé pour améliorer la prise de notes des élèves et leur apprentissage lors de cours :
  • La technique des notes guidées implique de compléter des feuilles mises à disposition par l’enseignant. Les élèves sont amenés à prendre note, sous la supervision de l’enseignant, à propos des concepts spécifiques vus en classe et sélectionnés préalablement par celui-ci. Des cadres vierges sont prévus sur les feuilles du cours, ou de même, le nombre d’items pour un concept donné peut être précisé. 
  • De cette manière, l’enseignant s’assure de piloter l’attention de ses élèves. Il les maintient cognitivement actifs aux moments voulus. Il attire leur attention sur les points clés à comprendre et retenir et leur faisant prendre note de leur contenu.  
  • Avec des notes à compléter, l’élève n’a plus à s’inquiéter de la structure de l’information. L’enseignant la lui fournit. L’élève peut centrer son attention sur le sens. Cela permet de mieux gérer la charge cognitive liée à l’apprentissage. Nous pouvons maximiser la charge cognitive intrinsèque en minimisant la charge extrinsèque. 
  • L’élève ne cherche plus à prendre note de tout, ce qui génère moins d’anxiété par rapport à l’objectif de distinguer ce qui est important ou secondaire. Il ne craint plus que quelque chose d’important lui échappe. L’enseignant ne doit plus veiller à parler suffisamment lentement pour faciliter une prise de notes continue. Il parle à un rythme soutenu, échange de manière dynamique avec ses élèves et fait une pause utile au moment de la prise de notes en insistant sur les points essentiels.   
  • L’enseignant prévoit et anticipe la structure des notes de ses élèves. Il peut le faire de manière plus optimale et judicieuse qu’eux, car il dispose d’une expertise sur l’enseignement de la matière qu’ils n’ont pas. Il sélectionne ainsi un format de notes de cours, associant rigueur, explicitation et concision, qui facilite et favorise l’apprentissage.  

Lorsque nous élaborons des notes guidées, nous devons :
  • Examiner la planification de notre enseignement.
  • Identifier les connaissances, concepts ou relations clés qui pourraient être laissés en blanc et complétés en classe par les élèves
  • Envisager d’insérer des cartes conceptuelles ou un tableau, un diagramme ou un organisateur graphique pour faciliter la compréhension
  • Fournir aux élèves des indices de formatage tels que des lignes vides, des chiffres, des puces, etc.
  • Veiller à ne pas exiger trop de rédaction.
  • Adapter la présentation et la structuration aux besoins spécifiques des élèves (p. ex., trouble de l’apprentissage, etc.) 

L’alternative qui serait de donner aux élèves les notes complètes de l’enseignant est susceptible de générer deux inconvénients :
  • Quelle sera la motivation des élèves à être complètement attentifs s’ils disposent déjà de notes complètes ? Nous rendons les élèves plus susceptibles de se laisser distraire en classe.
  • Les notes complètes de l’enseignant seront certainement plus détaillées et exhaustives, moins concises que celles prises par les élèves. Elles vont nécessiter un temps de traitement plus long par ces derniers. Si celui-ci n’est pas disponible, elles peuvent réduire l’apprentissage. Les notes guidées demandent à l’enseignant d’aller à l’essentiel.

Les notes guidées semblent offrir un bon compromis, favorisant l’implication des élèves et assurant la qualité du support d’étude obtenu. Elles engagent à un traitement plus intégré et plus approfondi, et assurent un temps suffisant pour les examiner, conduisant à une meilleure performance aux tests.

Cette méthode a été mise en évidence comme produisant un plus grand apprentissage que d’autres conditions, telles que présenter aux élèves des diapositives PowerPoint ou leur laisser prendre leurs propres notes de manière complètement autonome. Les élèves en difficulté en bénéficient plus que les élèves qui ont plus de facilité, ce qui a pour effet d’atténuer les écarts au fur et à mesure. 



Supports de présentation et enseignement efficace


Les enseignants utilisent souvent des logiciels de présentation (Powerpoing, Keynote, Slides, Prezi,..). Une question qui se pose est de savoir s’il faut ou non donner aux élèves des copies des diapositives du cours, et si oui, quand. 

Une enquête a montré que les étudiants préfèrent recevoir les diapositives avant les cours, tandis que les enseignants ont des préférences moins marquées. 

Différentes études mènent à des constats divergents sur l’opportunité d’un accès préalables aux présentations : 

Marsh et Sink (2009) ont montré que les étudiants apprennent davantage si nous leur donnons les diapositives avant le cours plutôt qu’après :
  • Le fait d’avoir les diapositives avant le cours signifie que les étudiants peuvent prendre des notes directement sur les diapositives. 
  • Ils ne doivent pas se soucier de copier le texte qui y figure, ce qui leur donne plus de temps pour réfléchir au contenu, le structurer et écouter l’enseignant. 
Deux expériences ont examiné si la distribution des diapositives facilitait l’encodage des cours de sciences. L’accès aux diapositives pendant les cours a été associé à un certain nombre d’avantages :
  • Moins de prise de notes
  • Moins de temps nécessaire pour préparer un test final
  • De meilleures performances lors du test final.
Dans l’ensemble, la réception des diapositives avant le cours a permis un apprentissage efficace du cours.

León et García-Martínez (2021) se sont intéressés à l’usage de PowerPoint comme outil de base de l’enseignement universitaire :
  • Il peut servir de guide pour organiser les cours.
  • Il peut être utilisé dans le but de résumer les contenus essentiels du programme d’études.
León et García-Martínez (2021) ont visé à évaluer l’impact de la mise à disposition de diapositives sur les performances académiques et l’assiduité des étudiants (indépendamment des résultats des tests). Une étude quasi expérimentale a été réalisée avec deux situations d’apprentissage manipulées à l’intérieur d’un même sujet. Des copies de diapositives créées par les enseignants étaient, ou non, mises à la disposition des étudiants avant les séances de cours. 

Les résultats ont révélé que l’accès aux diapositives développées par les enseignants avait un impact négatif sur les performances des étudiants et leur assiduité aux cours. L’engagement académique des étudiants et les stratégies d’étude ont modifié la relation entre la performance académique et l’accès aux diapositives.

Hyeyoun (2018) s’est intéressé aux effets de l’accès aux copies de diapositives pendant les cours magistraux utilisant PowerPoint pour les étudiants de premier cycle (N = 71). Leurs résultats d’apprentissage en fonction de la quantité de notes qu’ils prennent et du test immédiat ou différé ont été étudiés. 

Les résultats ont révélé que l’accessibilité aux copies de diapositives et la prise de notes des étudiants prédisaient leurs résultats d’apprentissage à court et à long terme :

Les résultats de Hyeyoun (2018) suggèrent que la fourniture de diapositives et la prise de notes des étudiants sont étroitement liées. 
  • Les étudiants ne disposant d’aucune copie ont obtenu de meilleurs résultats que ceux qui disposaient de copies complètes ou partielles.
  • Les copies partielles de diapositives étaient plus efficaces que les copies complètes de diapositives dans les tests différés, mais pas dans les tests immédiats. Un effet d’encodage à long terme a été supposé pour la condition de copie partielle des diapositives.
Ces résultats laissent sous-entendre qu’à la fois la motivation des étudiants et les stratégies pédagogiques privilégiées par les enseignants sont à prendre en compte :
  • La prise de notes lorsqu’elle est de qualité permet un meilleur apprentissage que l’accès à des notes complètes avec absence de prise de notes. 
  • L'accès aux diapositives de l'enseignant n'est pas susceptible d'être bénéfique dans de nombreuses situations.
  • L’usage de notes guidées est susceptible de permettre à l’enseignant de mieux encadrer la réflexion des apprenants dans le cadre d’un cours si elles sont optimisées dans ce sens. Cet avantage des notes guidées peut être fonction de l'âge des apprenants et de leur motivation intrinsèque pour la matière enseignée. Elles sont plus susceptibles d'être utiles dans l'enseignement secondaire que dans l'enseignement supérieur.




Mise à jour le 23/02/2023

Bibliographie 


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Luo, Linlin & A. Kiewra, Kenneth & Flanigan, Abraham & S. Peteranetz, Markeya. (2018). Laptop versus longhand note taking: effects on lecture notes and achievement. Instructional Science.

Peverly, S. T., & Wolf, A. D. (2019). Note-taking. In J. Dunlosky & K. A. Rawson (Eds.), The Cambridge Handbook of Cognition and Education (pp. 320–355). New York: Cambridge University Press.

Yana Weinstein, Megan Sumeracki, Understand how we learn, David Fulton, 2019

Marsh, Elizabeth & Sink, Holli. (2009). Access to Handouts of Presentation Slides During Lecture: Consequences for Learning. Applied Cognitive Psychology. 24. 691 - 706. 10.1002/acp.1579. 

Missouri Schoolwide Positive Behavior Support, Tier 1, Team Workbook, 2018–2019

Samuel P. León and Inmaculada García-Martínez. 2021. Impact of the provision of PowerPoint slides on learning. Comput. Educ. 173, C (Nov 2021). https://doi.org/10.1016/j.compedu.2021.104283

Kim, Hyeyoun. (2018). Impact of slide-based lectures on undergraduate students’ learning: Mixed effects of accessibility to slides, differences in note-taking, and memory term. Computers & Education. 123. 13-25. 10.1016/j.compedu.2018.04.004. 

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