lundi 9 avril 2018

Facteurs favorisant l'apprentissage de la résolution de problèmes

La résolution de problèmes est un cas particulier d’exercice de l’esprit critique. Elle est une source de difficultés réelles et récurrentes dans l’enseignement.


(photographie James Chororos)



Structure de surface et structure profonde d'un problème


La structure de surface


Généralement, les élèves se concentrent sur le scénario que le problème décrit. C’est ce que nous appelons sa structure de surface. Ils tendent à négliger les dimensions mathématiques sous-jacentes qui sont nécessaires pour le résoudre. C’est ce que nous appelons sa structure profonde.

Imaginons que nous avons enseigné à nos élèves comment résoudre un type particulier et délimité de situations en lien avec une dimension mathématique particulière. Lorsque nous changeons le scénario et la situation, les élèves ont toujours du mal à appliquer la solution. Ils ne reconnaissent pas que les problèmes sont mathématiquement les mêmes parce que leur attention est focalisée par la structure de surface.

La réflexion de l’élève a tendance à se concentrer sur la structure de surface même si elle n’a qu’une valeur parfois anecdotique pour un problème. Cette situation va rendre difficile pour les élèves d’appliquer des solutions familières à des problèmes qui semblent nouveaux, parce que paradoxalement, la similitude profonde est masquée par une surface dissemblable. 

Tout ce que nous entendons ou lisons est automatiquement interprété à la lumière de ce que nous connaissons déjà sur des sujets similaires. L’élève va réfléchir à des éléments contextuels en retrouvant des liens avec d’autres connaissances liées à ces éléments de surface.

En s’attardant à la structure de surface, les élèves ne se rendent pas compte qu’ils ont déjà réfléchi à un problème similaire auparavant partageant la même structure profonde.

L’explication la plus vraisemblable à ce trouble est que la structure de la surface est explicite, évidente. Elle capture l’attention et l’élève n’a pas appris à aller au-delà.



La structure profonde


La structure profonde d’un problème est plus délicate à apprendre à reconnaître pour un élève. Nous avons en effet tendance à nous concentrer sur la structure de surface plutôt que sur la structure sous-jacente (profonde) du problème.

La difficulté est que les connaissances qui semblent pertinentes pour un novice, ou dans une première approche, se rapportent presque exclusivement à la structure de surface. La structure de surface du problème est évidente, mais la structure profonde du problème ne l’est pas sauf pou l'expert.

La structure profonde n’est pas explicite. La structure profonde est définie par les relations fonctionnelles implicites entre les éléments de la situation décrite. Il existe de nombreuses relations fonctionnelles possibles. Nous devons apprendre à nos élèves à  les détecter.



Cinq conditions pour favoriser le transfert proche en résolution de problèmes


Si la connaissance de la manière de résoudre un problème ne pouvait jamais être transférée à des problèmes avec de nouvelles structures de surface, l’éducation serait inefficace ou utile. 

Le transfert existe, il est un enjeu fondamental de l’éducation. Toutefois, il a lieu selon certaines conditions. Le processus est complexe, mais cinq conditions semblent particulièrement importants :
  1. La familiarité du contexte du problème présente un avantage sérieux.
  2. La confrontation à de multiples exemples différents par la structure de surface et semblables par leur structure profonde.
  3. La familiarité avec la structure profonde d’un problème, c’est à dire avec ses concepts mathématiques ou scientifiques sous-jacents.
  4. La prise de conscience qu’il nous faut rechercher une structure profonde implicite de prime abord.
  5. La capacité de déverrouiller et d’entamer les procédures de résolution adéquates



1) La familiarité du contexte de surface


Au plus riches sont les connaissances de l’élève en ce qui concerne le contexte de la structure de surface du problème, au mieux il va comprendre le sens de l’énoncé. Au moins il va se perdre dans des interprétations imprécises, floues ou inadéquates. Il devient plus apte à cibler sa pensée. Il sélectionne les éléments pertinents en mémoire de travail, ce qui lui permet un traitement plus rapide des données.

La familiarité du contexte de surface du problème rend la compréhension plus rapide et plus exacte. Cela va faciliter la mise en place de procédure de résolution adéquate. 



2) La confrontation à de multiples exemples


La structure profonde peut être si abstraite ou si nouvelle que des novices ont de la difficulté à la comprendre et à la saisir. Cependant, il existe des manières d’amener les élèves à réfléchir à la structure profonde au départ de problèmes présentant des structures de surface riches et diversifiées.

La technique la plus imparable est de susciter la comparaison par les élèves de plusieurs problèmes résolus ayant des structures de surface très différentes, mais la même structure profonde.

En leur demandant de déceler ce qu’il y a de commun, comme les similitudes ne sont évidentes qu’au niveau de la structure profonde cela les incite à apprendre à les appréhender plus directement et plus naturellement.




3) La familiarité avec la structure profonde d’un problème


Lorsque nous sommes très familiers avec la structure profonde d’un problème, la connaissance de la manière de le résoudre se transfère aisément.

Cette familiarité peut provenir d’une expérience répétée et distribuée dans le temps d’un problème donné. De manière plus intéressante, c’est la rencontre de diverses manifestations d’un type donné de problèmes. Nous rencontrons de nombreux problèmes qui ont des structures de surface différentes, mais avec la même structure profonde. 

Après une exposition répétée, le sujet perçoit simplement la structure profonde comme une partie intégrante de la description du problème.

Cette structure profonde doit également être conceptualisée en dehors du contexte, être mise en évidence avec une certaine abstraction. La théorie qu’elle révèle doit à un moment être explicitée pour elle-même, avec un certain degré de symbolisme.

Les élèves ont besoin de nombreuses occasions de pratique espacée et entremêlée avec un type de problème donné avant qu’ils puissent reconnaître avec facilité sa structure profonde, quelle que soit sa structure de surface.

Avec une connaissance approfondie, la pensée peut pénétrer aisément en dessous de la structure de surface.



4) La prise de conscience qu’il nous faut rechercher une structure profonde


Le principe est que les élèves peuvent apprendre à utiliser des stratégies transversales pour orienter leurs pensées dans des directions plus productives.

Il recouvre l’ensemble des stratégies métacognitives que nous pouvons enseigner aux élèves :
  • Aborder le problème selon différentes approches : 
    • Souligner les termes et les données importantes
    • Représenter le problème sous forme de schéma annoté
    • Identifier et introduire des variables, des grandeurs ou des inconnues.
  • Ne pas nous en tenir à la première impression de ce qui semble intuitivement probable comme réponse, mais s’engager dans un raisonnement méthodique et rigoureux.
  • Considérer pleinement toutes les preuves qui confirment et celles qui réfutent une hypothèse

L’avantage de ces stratégies métacognitives générales reste modeste. Bien qu’elles suggèrent ce que les élèves devraient faire, elles ne fournissent pas les connaissances nécessaires à la mise en œuvre de la stratégie.

Savoir que nous devons exercer notre esprit critique et démarrer un raisonnement n’est pas la même chose que d’être capable de le faire. L’usage de ces stratégies métacognitives générales exige avant tout des connaissances et de la pratique dans le domaine considéré. Ces stratégies métacognitives doivent être enseignées en tant que telles dans les différents contextes spécifiques (voir article).



5) La capacité de déverrouiller et d’entamer la résolution


Ce facteur a été développé par Richard Catrambone comme le rapporte Daniel Willingham (2019). Richard Catrambone a remarqué que dans les cours de mathématiques et de sciences, les élèves apprenaient souvent à résoudre des problèmes normalisés au moyen d’une série de procédures fixes et verrouillées. C’est-à-dire qu’ils partent d’un ensemble de données de départ semblables et arrivent au terme de la résolution à une réponse. Ce processus est stocké en mémoire procédurale. Celle-ci est très automatisée et nous pouvons perdre l’accès au sens des étapes intermédiaires du processus.

Ainsi, après une pratique assidue en mathématiques, un élève peut résoudre machinalement et sans vraiment réfléchir une équation quadratique ou une équation trigonométrique. 

Tout cela peut expliquer la raison pour laquelle, les élèves vont se retrouver décontenancés lorsqu’ils sont confrontés à un problème nécessitant une légère révision inédite des étapes. Celle-ci peut prendre la forme d’une subtilité ajoutée ou d’un point de départ légèrement différent. Ils ne s’y retrouvent pas alors même que les objectifs et la logique d’ensemble restent identiques, parfois même plus simples.

Il a été montré que les connaissances des élèves seront plus souples si nous leur enseignons à interpréter, identifier et verbaliser les solutions de chacune des étapes. La procédure dans son ensemble perd ainsi un aspect de boite noire avec des données de départs et une solution finale sans que l’élève sache trop bien ce que signifient les calculs intermédiaires.

Ainsi toute variation autour du problème est mieux interprétée par l’élève et il gagne dans l’opération la capacité de récupérer de multiples indices de récupération.

Pour plus d’information sur cette approche : voir article.





Mis à jour le 17/09/21

Bibliographie


Willingham, D. T. (2007). Critical Thinking: Why Is It So Hard to Teach? American Educator, 31, 8–19

Daniel T. Willingham, 2019, How to Teach Critical Thinking, A paper commissioned by the NSW Department of Education

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