jeudi 5 avril 2018

Instruire, enseigner et éduquer

Nous partons de ces trois verbes les plus usuellement associés à la profession d’enseignant. Ils en illustrent trois facettes différentes même si elles se recouvrent en partie. Si enseigner prête à un consensus encore que les pédagogies divergent, instruire et éduquer vont cliver bien plus.


(photographie Andrea Olga Mantovani)


Est-ce qu’un bon pédagogue peut tout enseigner ? Est-ce qu’éduquer est la responsabilité des parents et également de l’enseignant ? Ce sont deux questions que nous pouvons entendre, mais qui n’ont pas beaucoup de sens. Quelle légitimité à enseigner si nous ne possédons pas une expertise des contenus ? L’apprentissage des élèves peut-il être une variable dissociable de leur comportement en classe ? Certainement non.

Nous allons commencer par nous intéresser aux définitions de ces termes (1 : CNTRL/2 : Larousse/3 : Bissonnette [et coll., 2016])



Trois pôles indissociables


Instruire :
  1. Communiquer (à un adulte, le plus souvent à un élève) un ensemble de connaissances théoriques ou pratiques liées à l’enseignement, à l’étude.
  2. Donner des connaissances, des renseignements, augmenter le savoir, l’expérience de quelqu’un.
  3. Transmettre aux nouvelles générations les savoirs estimés par la société.


Enseigner :
  1. Transmettre un savoir de type scolaire
  2. Faire apprendre une science, un art, une discipline à quelqu’un, à un groupe, le lui expliquer en lui donnant des cours, des leçons


Éduquer :
  1. Donner à quelqu’un, spécialement à un enfant ou à un adolescent, tous les soins nécessaires à la formation et à l’épanouissement de sa personnalité.
  2. Former quelqu’un en développant et en épanouissant sa personnalité
  3. Inculquer aux jeunes les valeurs qui façonneront leurs comportements


Instruire présuppose que l’enseignant est expert dans la matière qu’il enseigne. Cette dimension se poursuit jusqu’aux aspects didactiques de la discipline considérée, de même qu’aux contenus des programmes et à leur planification.

Enseigner considère le travail en classe au niveau de la pédagogie et de l’apprentissage des élèves et revêt un caractère plus général, car il demande de s’intéresser aux processus cognitifs liés à la mémoire.

Éduquer correspond à s’intéresser aux conditions de l’instruction et de l’enseignement qui favorisent l’épanouissement général des élèves et inclut des dimensions comme la gestion de classe, la motivation ou l’orientation.




Une polarisation entre pédagogies actives et enseignement efficace


Enseigner, éduquer et instruire sont trois pôles sont indissociables dans la mesure où l’un ne peut fonctionner sans la prise en compte des deux autres. Nous n’instruisons pas sans pédagogie. Nous ne faisons pas de pédagogie sans maîtriser le contenu ni gérer le comportement de nos élèves. Éduquer les élèves en soi n’a de pertinence qu’à travers les apprentissages, etc.

Ces trois pôles s’influençant mutuellement, s’amalgamant pour constituer toute la complexité de la profession d’enseignant. Plusieurs lectures sont possibles, mais deux tendent à polariser le monde de l’éducation. Nous retrouvons un axe qui sépare :
  • Une approche instructionniste plus centrée sur l'enseignant :
    • Elle correspond à un enseignement efficace dont le modèle de l'enseignement explicite est une forme
    • Elle est fondée sur des données probantes et vise l'efficacité de l'enseignement 
    • Elle inclut l’enseignement de contenus, de stratégies et de comportements
    • Elle est soutenue par la théorie de la charge cognitive ou la science de l’apprentissage.
    • Elle défend un aspect plus transmissif et cognitiviste de l’éducation. 
  • Une approche éducationnelle plus centrée sur l’apprenant :
    • Elle correspond aux pédagogies actives
    • Elle correspond à un enseignement d’obédience socioconstructiviste ou dans la logique de l’Éducation nouvelle.
    • Elle promeut une pédagogie de la découverte et vise l'émancipation sociale
    • Elle favorise une appropriation plus autonome et dès lors personnelle des apprentissages. 

La première approche, plus structurante, bénéficie d’un large soutien de la recherche en éducation et d’une large cohérence avec ce que nous révèlent les sciences cognitives. Elle a l’autre avantage de valoriser le rôle de l’enseignant, car elle met en avant son expertise, tant sur la matière que sur son apprentissage. Elle lui donne un rôle plus encadrant, ce qui facilite son authenticité. Elle ouvre la voie à un professionnalisme encore trop peu développé.

Elle pousse à investir le champ de l’éducation avec le même systématisme, que ce soit à travers l’approche orientante (développée ici) ou à travers la gestion de classe sur laquelle porte la suite de cet article.



Comprendre les enjeux de la gestion de classe


Une gestion de classe qui communique des attentes élevées plutôt que minimales


Une approche à attentes minimales, insuffisante correspondrait à se baser et en appeler uniquement aux capacités d’autorégulation naturelles de l’élève ou issues de son éducation familiale. 

Mais vu l'hétérogénéité des élèves, cette approche risque de se réduire à l’anarchie et ne se baserait que sur des interdits primaux et sur les plus faibles dénominateurs communs. Ne pas crier, ne pas injurier, ne pas se battre, ne pas dormir, ne pas mordre, etc., et surtout ne pas se laisser faire. Ce n’est clairement pas envisageable et correspondrait à un désinvestissement et à un abandon de la dimension éducative.

Une approche à attentes élevées, optimale consisterait en la promotion d’habitudes, d’une culture qui aident les élèves à s’épanouir, à la fois scolairement et humainement. 

C’est ce que prônent des démarches comme l'apprentissage social et émotionnel etle soutien au comportement positif.

Ces approches sont plus riches et concrètes que la vision plus ancienne de la gestion de classe qui passer par un arsenal de règles et d'interdits détaillés, et de sanctions qui sont attribuées aux élèves lorsqu'ils commettent une infraction


Une gestion de classe au service de l'engagement et des apprentissages


Un enseignant ne peut pas aller très loin si ses élèves ne l’écoutent pas, ou ne suivent pas les consignes qu’il leur donne. C’est du bon sens, mais c’est également confirmé par la recherche en éducation.

Il a été établi que la gestion de la classe est la première variable en importance pour favoriser la réussite scolaire des élèves. La réussite scolaire des élèves bénéficie largement de classes bien gérées.

Il importe que les enseignants aient des idées claires sur la gestion de la classe et sur le comportement attendu de leurs élèves, afin d’établir un environnement d’apprentissage sain et positif. 

Malheureusement, les enseignants dans leur majorité ne sont pas formés de manière approfondie à la gestion du comportement lors de la formation initiale et s'appuient souvent sur des modèles intuitifs.

Une bonne gestion de classe n’est pas une fin en soi. Elle est seulement indispensable parce qu’une gestion de classe défaillante crée des conditions qui interfèrent avec le succès scolaire des élèves.

Un des enjeux de l’enseignant, qui se retrouve devant 20 à 30 élèves ayant différentes préoccupations, est d’installer une certaine harmonie. Dans celle-ci, les pratiques pédagogiques qu’il adoptera pourront se dérouler convenablement pour le bien de tous. Cela impose d’influencer le comportement des autres.

Les objectifs de la gestion de classe sont de favoriser l’engagement des élèves et de sécuriser la coopération et les interactions de telle manière que l’enseignement et l’apprentissage puissent avoir lieu efficacement.



Une gestion de classe qui s'inscrit dans un cadre


Le principe de gestion de classe est un concept très ancien qui vient de la tradition pédagogique (17e siècle). Il s’agissait de mettre en place des dispositifs pour structurer la classe afin de faciliter l’enseignement de contenus pour des groupes d’élèves nombreux.

De bonnes pratiques en gestion de classe sont associées à une occurrence moins grande de comportements inappropriés, à un engagement accru des élèves dans les tâches d’apprentissage et par conséquent à une meilleure réussite scolaire.

L’enseignant définit, met en oeuvre et enseigne des comportements qui visent à créer et à maintenir un certain ordre pour que l’apprentissage et l’éducation adviennent au sein de la classe pour le groupe d’élèves concerné. il vise une organisation non anarchique et suffisamment structurée pour qu’un groupe d’élèves puisse être réceptif mentalement et affectivement.

Pour atteindre cet ordre, les enseignants se réfèrent au règlement de l’école. Ils se forgent, en se basant sur ses préceptes, une expérience de terrain. Ils acquièrent une expertise à la fois personnelle et professionnelle. Pour une efficacité collective à l'échelle de l'école, la cohérence et la cohésion au sein de l'équipe éducative sont importantes.



Une perspective naturaliste en éducation et ses limites


Selon Van Dalen et Bennett (1971), le naturalisme en éducation a commencé avec Rousseau. Rousseau a voulu mettre à nu des abus en éducation, et mettre en lien la relation entre l’éducation et le bien-être de l’homme.

Dans la perspective du naturalisme en éducation, toute chose doit s’harmoniser avec la nature. L’éducation naturelle vise à libérer le jeune de tout esclavage. Elle vise à développer chez l’individu toutes les puissances de sa nature et ses tendances naturelles. 

Le projet éducatif de Rousseau vise à protéger la bonté naturelle de l’enfant, le garder pur et éviter toute contamination et tout esclavage que peut causer la société. Rousseau (1762) énonce que « tout ce qui vient de l’auteur de la nature est bon, mais tout dégénère dans les mains de l’homme ». 

L’idée est qu’une telle éducation aide l’homme à s’adapter à un milieu qui change constamment. Cette vision s’oppose à l’idée de faire atteindre par les enfants des objectifs moraux et intellectuels le plus rapidement et le plus tôt possible.

Comme l’écrit Appy (2011), dans le cadre du naturalisme éducatif, il s’agit de croire que les apprentissages scolaires se font de manière naturelle et implicite. L’école ne serait là que pour créer les conditions environnementales propices.

Le naturalisme est donc la croyance selon laquelle l’enfant acquiert les apprentissages scolaires par un processus naturel, selon des formes et des rythmes qui lui sont propres. 

Ces acquisitions sont efficaces uniquement si elles sont en relation avec les objectifs de la vraie vie. L’enseignement scolaire doit se faire sur le modèle de l’apprentissage de la langue maternelle, selon un processus naturel.

Toutefois, les travaux de Geary (2008) sur la théorie psychologique évolutionniste ont montré clairement que les apprentissages scolaires se faisaient d’une autre manière que les apprentissages naturels. 

Geary distingue deux types d’apprentissages : 
  • Ceux qu’il nomme biologiquement primaires, tels qu’apprendre à marcher, à parler, à reconnaître les visages ; ils se font de manière inconsciente et procurent des avantages immédiats.
  • Ceux qu’il nomme biologiquement secondaires, les apprentissages scolaires, culturels, artificiels, tels que la lecture, l’écriture ; ceux-là ne peuvent se faire de manière inconsciente et facilement, ils se font au prix d’efforts, de motivation extrinsèque et par une transmission de la part de quelqu’un qui les possède. Il procure des avantages décalés dans le temps. 

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Limites d'une perspective naturaliste ou individualiste dans la gestion du comportement


Les limites d’une approche naturaliste ou innée de la gestion de classe


La recherche a largement démontré qu’une gestion de classe efficace est un prérequis essentiel pour un enseignement efficace. 

Pourtant, sur le terrain, cette considération se trouve parfois en conflit avec certaines conceptions. Ces conceptions peuvent être :
  • Influencées par différents courants pédagogiques
  • Issues d’expériences de terrain dans des contextes particuliers.
Certains pédagogues adhèrent à une vision naturaliste de l’apprentissage. 
  • Dans cette perspective, apprendre à lire ou à faire des mathématiques devrait être comme apprendre à marcher ou à parler, sans effort et agréable. 
    • Cependant, il existe une différence fondamentale comme le montre David C. Geary entre les connaissances biologiques primaires que nous apprenons seuls (apprentissage adaptatif) et les connaissances biologiques secondaires qui nécessitent un enseignement soutenu (apprentissage scolaire).
  • Dans cette perspective, si des élèves se comportent mal, alors c’est à l’enseignant d’adapter son cours pour réussir à intéresser et à mobiliser ses élèves. Il s’agit de susciter leur intérêt, leur collaboration et leur créativité. 
    • Toutefois, c’est un mythe de croire que les enseignants efficaces peuvent prévenir les problèmes de comportement en utilisant seulement des supports de cours, des activités et des approches pédagogiques attrayantes et stimulantes pour leurs élèves. 
    • Les problèmes éventuels et les difficultés que rencontrent les élèves vont exister par-delà l’intérêt des activités proposées aux élèves. Ne pas leur apporter une réponse éducative d’emblée et préventive, centrée sur la gestion du comportement, est profondément inégalitaire.
Les conceptions de terrain de certains enseignants chevronnés sont moins philosophiques et plus individualistes :
  • Le risque est que leurs conceptions vont présenter souvent les mauvais comportements d’élèves, rencontrés par certains de leurs collègues et spécialement des novices, comme étant une preuve de leurs lacunes pédagogiques. Avoir une bonne gestion de classe est un devoir que doit manifester un enseignant et ne pas y arriver marque par conséquent une faiblesse.
  • L’enseignant qui n’a pas réussi à obtenir de bons comportements de la part de ses élèves doit manquer de charisme ou d’une autorité naturelle.
  • Enseigner est exigeant et demande de faire face à la complexité. Toutefois, il existe des stratégies pratiques bien définies par la recherche que les nouveaux enseignants peuvent acquérir par une formation et une pratique délibérée. Elles peuvent grandement contribuer à développer leur expertise professionnelle en gestion de classe.


Le danger d’une conception romantique de la gestion de classe


Comme l’écrit Greg Ashman (2019), pour des raisons idéologiques, certains enseignants, pédagogues ou éducateurs sont profondément opposés à s’attaquer directement à la problématique de la gestion de classe dans sa dimension comportementale.

Ils développent une vision romantique de l’enfance et de l’adolescence. Dans celle-ci, les élèves, au lieu d’être des individus complexes qui ont parfois un comportement inadéquat ou mal intentionné, sont potentiellement totalement innocents, irréprochables ou victimes de la situation.

Les racines de cette vision sont à retrouver dans le contexte du début du XXe siècle, lorsque les tenants de l’Éducation nouvelle ou progressive s’insurgeaient contre le recours aux châtiments corporels à l’école.

Lorsque nous adoptons vision romantique de la gestion de classe :
  • Les tentatives de gestion du comportement sont perçues comme béhavioristes et dès lors considérées comme coercitives ou de l’ordre du « dressage ». 
  • Un mauvais comportement n’est pas considéré comme un signe qu’un élève a fait le mauvais choix, mais comme un acte de communication à comprendre. 
  • En se comportant mal, l’élève communique à l’enseignant que ses besoins ne sont pas satisfaits. L’interprétation faite dans la foulée est que le cours proposé n’est pas assez attrayant ou stimulant. Cela revient à rejeter la responsabilité du mauvais comportement sur l’enseignant.
La faille de ce raisonnement est que l’apprentissage scolaire demande des efforts. Dès lors, l’attitude des élèves oscillera naturellement, selon leurs biais motivationnels, entre travail et relâchement. Donner un cadre est nécessaire et c’est la fonction première de la gestion de classe. Elle va faciliter l’engagement des élèves dans le travail scolaire.

Rendre les cours intéressants, attrayants, authentiques, peut ne fonctionner qu’un certain temps et ne mènera pas nécessairement à un apprentissage de qualité pour les élèves.

En nous focalisant sur l’enseignement, nous ne nous attaquons pas à la cause profonde du problème et cela ne peut entrainer qu’un déficit d’efficacité.


Risques d’une vision naturaliste ou romantique de la gestion de classe


Partons du principe que la meilleure façon de prévenir un comportement inapproprié serait de proposer des activités stimulantes et adaptées au développement de l’élève considéré. L’enseignant qui adopte cette approche a toutes les chances d’obtenir une plus grande conformité à court terme et de plaire à ses élèves. 

À long terme, le coût se répercute sur la qualité des apprentissages effectués par les élèves, ce qui constitue toutefois la mission première de l’enseignement.

Faille #1 : Les élèves qui présentent des troubles du comportement non accompagnés de troubles de l’apprentissage vont se voir proposer plus d’activités ludiques qui se traduisent par moins d’apprentissages effectifs. Ainsi plutôt que d’apporter des adaptations sélectives en matière de gestion du comportement, l’enseignant se retrouve simplement à diminuer les attentes pour ce profil d’élève.

Faille #2 : Cette approche mise principalement sur la curiosité et un intérêt situationnel des élèves dans le but de susciter une motivation intrinsèque chez ces derniers. Or, ces approches fonctionnent principalement à court terme. En cas d’absence d’un intérêt individuel qui repose sur une motivation intrinsèque, nous aurions plus d’intérêt à explorer la voie d’une motivation extrinsèque pour arriver à générer des apprentissages. Cette dernière ne présuppose pas de se focaliser sur des activités stimulantes par nature. Les occasions de réussite permises par l’intermédiaire d’une motivation extrinsèque sont propices au développement progressif d’une motivation intrinsèque. En cherchant à intéresser les élèves plus qu’en leur donnant des occasions de maîtrise, nous pouvons nous retrouver à ne pas développer complètement leur potentiel et leur motivation.

Faille #3 : La perspective naturaliste peut nous conduire à une situation où la direction de l’école délègue à ses enseignants la responsabilité d’encadrer la gestion du comportement des élèves. Si des problèmes persistent, c’est parce que les enseignants n’arrivent pas à intéresser suffisamment leurs élèves à travers les activités qu’ils leur proposent. Cette vision peut inciter les enseignants à planifier des leçons attrayantes qui expriment moins d’attentes élevées en lien direct avec des apprentissages spécifiques. Dans cette perspective, les résultats des élèves peuvent se détériorer et leurs comportements peuvent rester dérangeants, car ils ne sont pas l’objet d’une réponse. Cela peut avoir un effet négatif sur le sentiment d’efficacité personnelle de l’enseignant. Les efforts pour intéresser les élèves et adapter la pédagogie peuvent contribuer à favoriser un sentiment d’épuisement professionnel. 



L’association entre gestion de classe et gestion des apprentissages


Liens entre apprentissage et comportement


Un rendement scolaire insuffisant n’est en rien un comportement perturbateur. À l’opposé, un élève potentiellement perturbateur en classe peut avoir un rendement scolaire excellent. Ces deux paramètres peuvent montrer une indépendance. Nous pouvons identifier des élèves qui rentrent dans l’une ou l’autre de ces deux catégories. Toutefois, ces élèves ne représentent pas la norme.

Il existe pour une part non négligeable d’élèves en difficulté, une corrélation forte et bidirectionnelle entre un mauvais rendement scolaire et l’occurrence de comportements problématiques en classe :
  • Un élève qui décroche des activités d’apprentissage est plus susceptible d’enfreindre les règles de classe. Ne parvenant pas à suivre en classe, il s’engage dans d’autres comportement qui perturbent l’apprentissage d’autres élèves.
  • Un élève qui détourne son attention vers un comportement perturbateur risque de ne plus être productif en matière d’apprentissage en classe. Les élèves qui manifestent des comportements dérangeants ont en effet un faible taux d’engagement dans les tâches scolaires et par conséquent un plus faible taux de réussite.


Deux fonctions majeures des enseignants 


L’enseignant doit répondre à deux fonctions majeures et fortement imbriquées dans son travail quotidien auprès des élèves. Elles sont au cœur même de l’acte éducatif et définissent pourquoi l’école existe et ce qu’elle est destinée à accomplir. Elles constituent le double défi de l’enseignant : 

  • La gestion des apprentissages :  
    • Enseigner le contenu des programmes et planifier son apprentissage
    • Concevoir et fournir des tâches et des activités à réaliser par les élèves
    • Suivre la progression de l’apprentissage et de la maîtrise par les élèves. 
  • La gestion de classe : 
    • Organiser le fonctionnement du groupe classe.
    • Établir des règles de vie et s’assurer que les élèves manifestent les comportements attendus.
    • Maintenir une atmosphère de coopération propice aux apprentissages.
    • Gérer les interactions et les rapports sociaux en classe.
    • Démontrer sa vigilance en prévenant et en réagissant aux comportements inacceptables.
    • Enchaîner les activités en évitant les temps morts.

Nul enseignant ne peut être efficace globalement s’il néglige l’un des deux aspects. 

La gestion de classe constitue une dimension pédagogique fondamentale. La gestion de classe et la gestion des apprentissages doivent s’exercer conjointement.

Lorsque tout va bien, la gestion de classe donne parfois l’impression d’être invisible, implicite ou cachée derrière l’enseignement du programme. Elle est cependant toujours-là mais sous-jacente.

De plus, elle ne peut se limiter au cadre restreint de sa classe. Les élèves évoluent dans un établissement et il est utile que les enseignants utilisent et partagent les mêmes stratégies efficaces de gestion des comportements au niveau de toute une école. Cela peut se traduire par un impact accru sur la qualité de l’apprentissage des élèves.



Une gestion efficace des comportements en classe


Caractéristiques des enseignants efficaces


La recherche sur les enseignants efficaces en gestion de classe a montré ce qui faisait la différence entre le succès et l’insuccès :

Ces différences ne se situent pas spécifiquement sur le plan de la réaction et des stratégies d’interventions qu’ils mobilisent face à l’inconduite des élèves. Même si des pratiques efficaces ont par la suite pu être mises en évidence, elles n’étaient pas une dimension fondamentale.

Ces différences se situent spécifiquement sur le plan de la prévention avec des stratégies proactives. Elles se manifestent dans tout ce que l’enseignant met en œuvre par défaut avant même d’entrer en classe. Elles se retrouvent dans ce à quoi il forme ses élèves, dans sa vigilance et dans la qualité de ses interactions directes et indirectes. Ces enseignants maintiennent leurs élèves engagés et préviennent leur inattention et les dérangements qui pourraient s’amorcer. 

Elles se retrouvent dans :
  • La planification et la préparation de la gestion de classe, avant même le début de l’année, qui représentent des éléments clés d’un enseignement efficace.
  • La mise en œuvre dès le début de l’année scolaire par un enseignement et le maintien par la suite, des procédures, règles et routines liées à la gestion de classe.
  • Les techniques de gestion de classes, les interactions et les différentes interventions préventives, qui sont nettement plus développées.
  • La sélection des meilleures stratégies d’enseignement pour parvenir aux apprentissages visés avec l’ensemble des élèves impliqués. 


Une dimension qui demande de la cohérence et de la vigilance


La gestion du comportement est fondamentale pour un bon enseignement. Si un enseignant ne parvient pas à faire marcher sa classe, alors il ne pourra pas enseigner correctement.

L’enseignant ne contrôle pas ses élèves, mais joue d’influence pour qu’ils adoptent les comportements attendus. Assurer la gestion d’une classe, c’est avant tout une pratique et le développement de bonnes habitudes comportementales.

Une bonne gestion de classe implique que l’enseignant fasse preuve de cohérence au fil du temps entre ses attentes et ses actions, qu’il soit vigilant par rapport à tout ce qui se passe : 
  • L’enseignant doit pouvoir réagir au moment voulu avec la bonne réponse et la bonne stratégie en tout temps. Ceci impose à la fois le développement d’automatismes et d’un tact pédagogique. Il démontre une maitrise cohérente du cadre qu’il entend installer. 
  • L’intention que l’enseignant formule et sa communication verbale doivent être en accord avec ce que son corps communique, son non verbal. De fait, l’enseignant doit apprendre à contrôler ses réactions physiques et émotionnelles, arriver à fonctionner selon des routines qu’il a apprises. Il montre qu’il est pleinement à sa place et maitrise la situation.
Former à des routines, se reposer souvent sur automatismes et gérer une classe avec précision et maitrise ne s’improvise pas. Cela s’apprend d’une certaine manière comme nous apprenons à rouler à vélo ou en voiture. 

Au début, la démarche est lente et hésitante, nous avons besoin d’être conscients de tout ce que nous faisons. Peu à peu, avec le temps, avec l’expérience, avec l’intégration de principes de vase, de modèles clés et routines adéquates, nombre de ces préoccupations commencent à glisser vers l’arrière-plan. L’enseignant expérimenté gère sa classe sans réellement s’en rendre compte, fonctionne par habitudes et routines. Tout ce qu’il ne doit plus investir consciemment dans le pilotage de sa classe, il le gagne en fluidité et dynamisme dans son enseignement.



Enseignement explicite des comportements


En ce qui concerne la gestion du comportement à l’école, comme en ce qui concerne les pratiques enseignantes, il existe des données probantes et des approches qui ont montré leur efficacité.

Une bonne gestion de classe comprenant un enseignement explicite des comportements est associée à la réussite scolaire des élèves (voir articles sur sa préparation et sa mise en place).

L’enseignement explicite des comportements permet d’enseigner les attentes, les règles de classe et les routines et d’en assurer le maintien. Cela a pour effet de créer de la stabilité dans le groupe classe et de contribuer à maintenir un climat propice aux apprentissages. 

Les comportements qu’un enseignant veut que ses élèves apprennent doivent non seulement être décrits de manière précise, mais aussi être enseignés explicitement et pratiqués au même titre que des mathématiques ou de l’anglais.


Privilégier une approche systémique de type réponse à l’intervention


Pour être pleinement efficace, l’enseignant ne travaille pas seul, mais fait preuve de cohésion avec l’ensemble de l’équipe éducative, ce qui lui permet d’augmenter son impact. 

Il est conscient qu’il ne pourra pas résoudre tous les problèmes seul. C’est pourquoi il gagne à se fonder sur une politique d’école systémique comme le propose le soutien au comportement positif en mettant en place un système de réponse à l’intervention.

Quand un élève ne répond pas à ses attentes au niveau du comportement, un enseignant peut bénéficier d’un support au sein de l’école. De manière générale, l’identification précoce des mauvais résultats, d’un manque d’engagement ou de comportements perturbateurs est essentielle pour qu’un soutien puisse être apporté et que les performances soient améliorées. 

Les élèves qui risquent de ne pas réussir devraient être identifiés et bénéficier d’un soutien approprié organisé à l’échelle de l’école. 

Les ressources scolaires étant un facteur limitant, leur investissement a intérêt à se faire dans le cadre d’une réponse à l’intervention. C’est une approche destinée à contrer le phénomène de l’intervention tardive auprès des élèves en difficulté et de dispersion des ressources par des interventions individuelles par défaut. Ce modèle est conçu pour améliorer l’apprentissage et le comportement de tous les élèves.


Partenariat avec les parents


Pour l’enseignant efficace, les parents sont et restent toujours ses interlocuteurs de première ligne, sauf situation particulière. Ils sont les partenaires de premier plan pour soutenir l’élève en difficulté et peuvent avoir un impact important. 

Il y a lieu de les alerter en temps et en heure sur les risques liés à la situation de leur enfant, concernant son parcours scolaire. 

Une participation accrue des parents devrait être recherchée par des contacts préventifs, précoces. L’enjeu est certes de pouvoir relayer les mauvaises nouvelles, mais également de mettre en évidence les bonnes et de souligner les progrès.

La recherche de contacts avec les parents ne devrait pas se résumer aux situations d’échec ou de troubles du comportement. Inviter et accueillir les parents à l’un ou l’autre événement de présentation de l’école et de l’équipe éducative chaque année est l’occasion d’initier une relation de soutien et un dialogue avec ceux.





Mis à jour le 05/07/21

Bibliographie


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Bissonnette, Steve, Gauthier, Clermont, Castonguay, Mireille, L’enseignement explicite des comportements, Pour une gestion efficace des comportements en classe et dans l’école, Chenelière Éducation, Montréal, 2016

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Greg Ashman, It is time to tackle Australia’s entrenched behaviour crisis, 2019, https://gregashman.wordpress.com/2019/12/05/it-is-time-to-tackle-australias-entrenched-behaviour-crisis/

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Van Dalen, Deobold B. et Bennett, Bruce L., A World History of Physical Education : Cultural, Philosopical, Comparative, 2e édition, 1971, Prentice-Hall

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