mercredi 19 juin 2024

Diriger une école

La direction d’une école est une activité unique et complexe. Ce caractère unique signifie que la connaissance des écoles et de l’éducation est un ingrédient crucial et fondamental dans l’exercice de la direction d’une école. 

(Photographie : rosechata)




L’utilité limitée d’une vision générique du leadership scolaire


L’hypothèse du leadership générique a pour ambition de ne pas tenir compte du domaine spécifique ou des personnes particulières qui sont dirigées. Peu importe la structure dirigée, les compétences de leadership seraient les mêmes. 

Selon cette hypothèse, les fondements du leadership sont génériques. Dès lors, ils seraient transférables à de nombreux contextes différents et aux différents domaines où le leadership s’exerce, dont les écoles.

Cependant, comme l’écrit Lock (2020), il importe de considérer distinctement le leadership de la direction d’école des autres formes de leadership. Une conception du leadership séparée de ce qui est dirigé devient abstraite et trop générique. Elle est difficile à définir, peu ciblée et en fin de compte, peu utile. De fait, il existe une surestimation de l’utilité des compétences génériques en matière de leadership pour améliorer les écoles.

Une faille liée à l’idée d’un leadership générique est sa personnalisation. Elle part souvent du principe qu’en améliorant la condition humaine du leader au niveau individuel, il deviendra naturellement un meilleur "leader" et, par conséquent, sera plus efficace. Nous nous retrouvons alors dans la dimension du développement personnel où il s’agirait de s’inspirer de grands leaders pour s’en approcher soi-même.

Cela amène à s’attendre à ce que les chefs d’établissement possèdent de multiples qualités qu’un individu normal peut difficilement cumuler. C’est le paradigme du héros. 

Cette conception de la direction d’école souscrit souvent à la perspective selon laquelle les grands chefs d’établissement ont un ensemble de valeurs et une vision qui sont remarquables. Cette vision et ces valeurs pousseraient leurs écoles vers une amélioration exponentielle. 

Bien qu’il soit important d’incarner un sens de l’objectif et de la direction dans la fonction, ces valeurs, la vision et les qualités qui caractérisent un bon chef d’établissement restent trop souvent floues. Elles sont difficiles à définir. Elles sont trop souvent séparées de l’institution ou du domaine spécifique qui est dirigé. 

Cette imprécision amène à l’utilisation d’un jargon éducatif composé de phrases génériques, d’expressions toutes faites et d’affirmations vagues sur le leadership générique. Ainsi, parler de vision ou de valeurs peut passer comme substitut à la substance et aux détails complexes et désordonnés qui font le quotidien de la direction d’une école. 

La vision la plus courante d’une bonne direction d’école est de fait générique et associée au paradigme du héros. Le paradigme du héros en matière de direction d’école exige l’impossible et que l’accent mis sur l’individu et ses qualités personnelles est déplacé.

Les notions vagues de leadership générique ne sont pas utiles lorsqu’il s’agit de diriger des écoles.

La vision générique de la direction d’école comme héros est vague. Elle encourage la performance et la recherche d’indices d’un bon leadership plutôt que de sa substance. Une vision vague, des compétences génériques et une pléthore d’adjectifs ne suffisent pas pour diriger de grandes écoles.

En conclusion, l’expertise en matière de leadership est difficilement transférable d’un domaine à l’autre. L’expertise en direction d’école est avant tout spécifique.



L’importance des compétences spécifiques dans le leadership scolaire


Pour qu’une discussion sur le leadership soit utile aux directions en exercice, elle doit se situer dans un champ, sur un sujet ou un domaine qui touchent à la nature concrète de la direction d’école. Il est difficile de parler de leadership sans faire référence au domaine dans lequel cette influence est recueillie et exercée, ainsi qu’aux connaissances et à l’expérience nécessaires pour y parvenir.

Le leadership scolaire est une activité unique. Les connaissances sur le leadership dans d’autres domaines peuvent être d’une utilité limitée pour la direction d’une école.

Une part importante des éléments qui composent les compétences d’une direction d’école sont la connaissance du domaine et l’expérience. Si ces éléments qui peuvent apparaître comme des compétences génériques aux yeux d’un observateur inexpérimenté, ils sont plutôt spécifiques.

La connaissance et l’expérience du domaine de la direction d’école sont des ingrédients nécessaires pour devenir un chef d’établissement efficace. Il ne suffit pas de copier ce qu’un chef d’établissement efficace démontre dans l’exercice de son leadership. L’amélioration la plus significative viendra avant tout d’une très bonne connaissance de son sujet. 

La plupart des caractéristiques de la direction d’une école qui peuvent susciter l’admiration dépendent également de la connaissance, qu’elle soit tacite ou formelle, pour être efficaces. 

Comme d’autres experts, les chefs d’établissement performants peuvent souffrir de la malédiction de la connaissance. Les experts d’un domaine le connaissent avec une telle aisance qu’ils le considèrent comme acquis, et qu’ils sont donc incapables de décortiquer les connaissances qui constituent cette expertise afin que le novice puisse les assimiler. Le risque est de considérer que les compétences associées au leadership d’école soient innées, nébuleuses et génériques.

La formation des chefs d’établissement doit viser la substance (les connaissances), plutôt qu’à reproduire les caractéristiques d’une direction d’établissement réussie.

Pour paraphraser Dylan Wiliam (2005), demander à un directeur d’établissement d’être un meilleur leader est aussi utile que de dire à un comédien de stand-up d’être plus drôle. C’est peut-être exact, mais c’est tellement vague que cela ne sert à rien.



La piste des problèmes persistants pour la fonction de direction


Les écoles sont des lieux de travail et de direction complexes. Le travail des chefs d’établissement est incroyablement complexe et peut sembler l’être à l’infini. Nous devons nous garder de simplifier cette situation.

Un chef d’établissement efficace dispose d’un ensemble de connaissances sur son établissement ou son domaine et sur l’éducation en général, et sait comment utiliser ces connaissances. Il possède un ensemble de modèles mentaux spécifiques à son domaine.

Dès lors, il faut d’abord comprendre les défis communs que les chefs d’établissements scolaires s’efforcent de relever. À partir de là, nous pouvons considérer les connaissances nécessaires pour y répondre le mieux possible.

Cette notion de problèmes persistants est issue du modèle de Kennedy (2016) pour l’enseignement.

Dans son article, Kennedy fait référence à de nombreuses tentatives infructueuses d’écrire sur tout ce que les enseignants doivent savoir. De même, il n’est pas possible d’écrire sur tout ce que les chefs d’établissement doivent savoir. Nous ne sommes pas en mesure de couvrir tous les défis auxquels les dirigeants peuvent être confrontés. 

Toutefois, nous pouvons envisager une sélection de défis persistants et majeurs et construire à partir de ceux-ci. L’analyse de ces défis peut permettre de démontrer et de donner un aperçu de l’approche spécifique au domaine pour le développement professionnel des directions d’écoles. 

Les chefs d’établissement efficaces développent des modèles mentaux qui les aident à relever les défis courants dans leurs écoles. Il s’appuient sur la recherche et les connaissances pour prendre des décisions dans un environnement extrêmement complexe. 

La perspective de la connaissance et de l’expérience du domaine de la direction d’école permet aux chefs d’établissement d’embrasser la complexité d’un travail qui est aussi satisfaisant qu’imprévisible. 

Artz et ses collaborateurs (2017) illustrent le fait que le bien-être est mieux servi par les dirigeants qui peuvent faire le travail de ceux qu’ils dirigent. C’est peut-être de l’une des idées les plus importantes qui devraient inciter les chefs d’établissement à en savoir plus sur :
  • Ce qui se passe dans leur établissement
  • Le contexte de leur établissement
  • Ce que les chefs d’établissement efficaces savent et font.
Il n’est peut-être pas utile d’exiger des chefs d’établissement qu’ils soient capables de faire chaque tâche dans leur établissement mieux que la personne qui l’accomplit. Il n’en reste pas moins que tous les chefs d’établissement doivent en savoir le plus possible sur leur établissement. Il leur faut acquérir les connaissances spécifiques, étayées par la recherche, qui sont nécessaires pour pouvoir diriger leurs collègues afin d’améliorer continuellement les performances de l’établissement. 

La direction d’un établissement scolaire implique de porter des jugements dans l’incertitude. Une direction saura rarement et sans équivoque qu’elle a pris la meilleure décision et elle prendra souvent de mauvaises décisions (Didau, 2020).


Mis à jour le 24/07/2024

Bibliographie


Lock, Stuart, Introduction,. The researchED Guide to Leadership: An evidence-informed guide for teachers, John Catt, 2020

Dylan Wiliam,  Keeping learning on track: formative assessment and the regulation of learning Paper presented at the 20th biennial meeting of the Australian Association of Mathematics Teachers, Sydney, Australia, January 2005, ETS

Kennedy, M. (2016) 'Parsing the Practice of Teaching', Journal of Teacher Education 67 (1) pp. 6-17.

Artz, B ., Goodall, A. and Oswald, A. (2017) 'Boss Competence and Worker Well-Being', ILR Review 70 (2) pp. 419-450. Los Angeles: SAGE Publications.

0 comments:

Enregistrer un commentaire