La théorie de la charge cognitive a traditionnellement été associée à l’apprentissage individuel. Toutefois, les principes pédagogiques qui ont été mis en évidence dans ce cadre influencent également l’efficience et l’efficacité de l’apprentissage collaboratif.
Cependant, ils ne sont souvent pas pris en compte, ni lors de la conception de situations ou des environnements d’apprentissage collaboratif, ni dans les recherches sur l’apprentissage collaboratif.
(Photographie : Drew Kelly)
Caractéristiques des situations d’apprentissage collaboratif
L’apprentissage collaboratif a lieu lorsque deux élèves ou plus contribuent activement à l’atteinte d’un objectif d’apprentissage mutuel. Ils s’emploient à partager les efforts requis pour atteindre cet objectif, soit en face à face, soit par l’intermédiaire d’un ordinateur.
L’apprentissage collaboratif existe sous différentes formes :
- ll peut être simultané et contigu lorsque les membres du groupe étudient et apprennent en même temps et au même endroit.
- Il peut tout aussi bien se dérouler à distance à travers des interfaces numériques, de manière synchrone ou asynchrone.
L’apprentissage collaboratif est le plus souvent initiée par la présentation d’une tâche ou d’un problème d’apprentissage par l’enseignant.
La tâche peut être :
- Bien définie, c’est-à-dire avec des objectifs spécifiques, une procédure de résolution clairement établie et des solutions attendues claires.
- Mal définie, c’est-à-dire sans objectifs clairs, sans une procédure de résolution clairement établie ou sans solutions attendues.
- Confuse, c’est-à-dire avec des exigences incomplètes, contradictoires ou changeantes qui sont souvent difficiles à reconnaître.
Dimensions ajoutées de la théorie de la charge cognitive collaborative
En s’élargissant au domaine de la collaboration, la théorie de la charge cognitive se complétée de certains concepts et nouveaux principes. Elle s’intéresse également aux activités transactionnelles et à leurs coûts concomitants inhérents pour la mémoire de travail.
Le pari est que la théorie de la charge cognitive, en se complétant de ces concepts, peut éclairer l’apprentissage collaboratif et générer des principes spécifiques à la conception et à l’étude de l’apprentissage collaboratif.
Il se trouve que nous utilisons nos connaissances et compétences primaires pour l’acquisition de connaissances secondaires :
- La plupart des compétences cognitives génériques telles que la résolution de problèmes, la planification ou la généralisation sont biologiquement primaires.
- La communication par la parole et l’attention conjointe sont des compétences cognitives génériques.
Les mécanismes théoriques de la psychologie évolutionniste de l’éducation éclairent la situation. Ils suggèrent que les connaissances cognitives primaires, génériques, associées à l’apprentissage collaboratif peuvent, dans certaines circonstances, améliorer l’acquisition des connaissances biologiques secondaires, spécifiques à un domaine, qui sont enseignées.
La manière dont les connaissances biologiques secondaires sont traitées par le système cognitif humain est analogue à la manière dont l’évolution par sélection naturelle traite l’information. Les deux sont des exemples de systèmes de traitement naturel de l’information qui peuvent être décrits à l’aide de cinq principes résumés dans cet article.
L’importance du principe d’emprunt et de réorganisation dans l’apprentissage collaboratif
L’apprentissage collaboratif fait appel au principe d’emprunt et de réorganisation issu de la théorie de la charge cognitive.
Ce principe permet d’apporter des justifications à l’hypothèse selon laquelle la collaboration peut être efficace pour l’apprentissage.
La collaboration diffère des méthodes d’enseignement non collaboratives, car l’aspect réorganisation de ce principe peut être davantage mis en avant. L’échange dirigé et intentionnel d’informations ciblées devient central dans la collaboration.
Au cours de la collaboration, nous pouvons obtenir des informations importantes auprès d’autres personnes, au format opportun (contiguïté spatiale) et au moment opportun (contiguïté temporelle). Ces informations peuvent être difficiles à obtenir par d’autres moyens.
En ce sens, dans des circonstances appropriées, l’apprentissage collaboratif peut fournir cet accès en augmentant la gamme d’informations dont nous disposons. Il permet d’éviter de devoir trop se reposer sur le principe du hasard comme fonction de genèse.
De même, l’apprentissage collaboratif peut atténuer certaines des limites de la mémoire de travail. C’est même encore plus le cas dans la collaboration asynchrone où le texte écrit permet un délestage cognitif.
En faisant travailler ensemble plusieurs mémoires de travail sur une même tâche, la capacité effective des multiples mémoires de travail peut être augmentée en raison d’un effet de mémoire de travail collective.
Par l’intermédiaire du principe d’emprunt et de réorganisation et grâce à la mémoire de travail collective, l’apprentissage collaboratif peut augmenter notre capacité à traiter collectivement des informations nouvelles.
Le principe d’interdépendance cognitive mutuelle
Le principe d’interdépendance cognitive mutuelle est un sous-principe du principe d’emprunt et de réorganisation qui apparait dans le cadre de l’apprentissage collaboratif.
Il détaille comment les systèmes cognitifs de différentes personnes acquièrent des informations entre eux. Il décrit des processus intercognitifs. Les systèmes développent, traitent, créent, acquièrent et partagent des connaissances dans un esprit d’ouverture mutuelle et de collaboration avec d’autres systèmes.
Les connaissances en mémoire à long terme qui ont été acquises par les élèves consistent en des élaborations et des structures intrinsèquement liées :
- Au type de relation qu’ils partagent avec l’enseignant ou les autres élèves.
- Aux moyens par lesquels ils effectuent leurs activités de transaction cognitive (en vis-à-vis, ou par ordinateur).
Dans un cadre collaboratif, l’acquisition des connaissances des élèves va dépendre :
- Des conseils explicites (explications, guidage, étayage, rétroaction) de l’enseignant
- Des interactions appropriées avec les autres dans le cadre d’un groupe.
- De l’environnement pédagogique approprié de collaboration avec d’autres élèves.
Ce principe présuppose :
- Une ouverture relative entre les systèmes cognitifs
- Des processus qui permettent l’échange cognitif entre systèmes cognitifs.
- La relation entre les systèmes et l’environnement.
Le processus d’apprentissage est fonction de :
- La relation mutuelle et simultanée entre les composants d’un système de traitement de l’information comme dans le cadre de l’apprentissage individuel.
- Des relations mutuelles et contigües entre les systèmes
- De relations entre les systèmes et leur environnement.
La charge cognitive dans le cadre de l’apprentissage collaboratif
L’utilisation de l’apprentissage collaboratif a des répercussions sur la charge cognitive extrinsèque.
Supposons que des élèves apprennent à résoudre une classe particulière de problèmes de géométrie. Selon le degré d’interaction des éléments, il existe une charge cognitive intrinsèque associée à cette tâche, indépendamment de la manière dont elle est enseignée.
Nous pouvons choisir si les élèves doivent apprendre ce matériel de manière individuelle ou collaborative.
Les deux procédures d’enseignement sont associées à des niveaux d’interactivité des éléments qui sont indépendants de la charge cognitive intrinsèque.
Les niveaux d’interactivité des éléments associés à chacun d’eux dépendent de la version particulière de l’apprentissage individuel ou collaboratif que nous utilisons.
Notre objectif est :
- De réduire l’interactivité des éléments associés à la charge cognitive extrinsèque
- D’optimiser les éléments associés à la charge cognitive intrinsèque en modifiant la technique d’enseignement que nous utilisons.
L’interactivité de l’élément associée à l’apprentissage collaboratif pour un membre individuel doit être inférieure à l’interactivité de l’élément associée à l’apprentissage individuel. Dans ce cas, la charge cognitive externe est réduite en utilisant la collaboration.
Favoriser une cognition mutuellement partagée par une mémoire de travail collective
Selon le principe d’interdépendance cognitive mutuelle, l’apprentissage collaboratif approprié introduit une mémoire de travail collective qui n’existe pas autrement.
Cette mémoire de travail collective fait partie d’un espace de travail collectif qui est créé par la communication et la coordination des connaissances (pertinentes) détenues par chaque membre du groupe.
Grâce à la communication et aux processus sociocognitifs qui en résultent au sein du groupe, une cognition mutuellement partagée, constituée de modèles mentaux partagés se forme. Les recherches montrent que ces structures de connaissances collectives conditionnent l’efficacité de la collaboration.
Le concept de mémoire de travail collective est fortement lié à la théorie de la cognition de groupe (Stahl 2014). Cette théorie considère une unité d’analyse plus large que l’esprit individuel comme producteur d’activités cognitives telles que la résolution de problèmes complexes.
Cependant, le concept de mémoire de travail collective est fortement axé sur l’apprentissage des individus dans le groupe :
- Dans le cadre de l’apprentissage individuel, tous les éléments en interaction doivent être traités dans une seule mémoire de travail de cet individu.
- Dans le cadre de l’apprentissage collaboratif, divers éléments en interaction peuvent être répartis entre plusieurs mémoires de travail, ce qui réduit la charge cognitive sur une seule mémoire de travail.
Ces multiples mémoires de travail constituent une mémoire de travail collective qui est plus grande qu’une mémoire unique. Pour les tâches/problèmes complexes, la collaboration devient un étayage (tout comme peuvent l’être des problèmes résolus) pour les processus d’acquisition de connaissances des individus.
La collaboration sera donc efficace si elle devient un étayage dans ce sens. Si ce n’est pas le cas, ou si elle ajoute en soi trop de charge extrinsèque. Elle sera nuisible.
Le processus de création d’une mémoire de travail collective peut être soutenu en aidant les membres d’un groupe à échanger des connaissances et des informations. Il a été démontré que le fait de rendre les apprenants interdépendants les uns des autres est un moyen d’y parvenir.
Pendant l’apprentissage collaboratif, certaines informations proviennent des collaborateurs plutôt que d’autres sources. Ces informations sont susceptibles de devenir disponibles exactement au moment où elles sont nécessaires, ce qui entraîne une diminution de la charge cognitive et une augmentation de l’apprentissage.
Mis à jour le 02/02/2024
Bibliographie
Kirschner, P.A., Sweller, J., Kirschner, F. et al. From Cognitive Load Theory to Collaborative Cognitive Load Theory. Intern. J. Comput.-Support. Collab. Learn 13, 213–233 (2018). https://doi.org/10.1007/s11412-018-9277-y
Stahl, G. (2014). The constitution of group cognition. In L. Shapiro (Ed.), Handbook of embodied cognition (pp. 335–346). New York: Routledge.
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