samedi 18 février 2023

S’assurer de la qualité et de la compréhension des explications en enseignement explicite

C’est quasiment un passage obligé en début de carrière d’enseignant. Il peut se produire également quand nous commençons à enseigner de nouveaux contenus pour nous ou que nous découvrons un nouveau groupe d’élèves, d’âges ou de profils différents de ceux auxquels nous étions habitués.

(Photographie : Michael Schreiner)



Nous avons beau tout avoir préparé consciencieusement nos explications chez nous, en classe quelque chose ne passe pas, l’explication ne prend pas, la compréhension ne s’installe pas.  



Partir de là où en sont les élèves et avec eux


Une des difficultés liées aux explications en classe se produit lorsqu’un enseignant se lance rapidement sur des présupposés concernant là où en sont ses élèves. En négligeant l’étape de l’évaluation diagnostique, nous pouvons rater la connexion.

Très régulièrement, les destinataires que sont nos élèves ne se sont pas nécessairement prêts à assimiler ce que nous leur demandons spécifiquement d’apprendre :
  • Parfois, ils ont des conceptions erronées qui entrent en contradiction avec l’explication qui leur est fournie et crée une résistance, ils se sentent bousculés dans leurs routines de pensée.
  • Parfois, ils ne disposent pas des connaissances préalables qui sont nécessaires pour aborder les contenus que nous leur présentons.
  • Parfois, ils ne sont pas du tout motivés par le sujet, ils ne sont pas engagés ni attentifs. Ils ne voient pas l’utilité ou la pertinence de l’explication ou ce en quoi elle les concerne.
  • Parfois, ils ne sont pas conscients de ce qu’ils ne savent pas ou que nous pouvons nous poser telle ou telle question sur des concepts dont ils ignoraient jusque-là l’existence. L’ensemble peut leur sembler exotique et difficile à saisir.

Face à cela, l’enseignant, en entrée de jeu, doit faire face aux exigences multiples que recouvre une pédagogie efficace :
  • Diagnostiquer la maîtrise des connaissances préalables, réactiver et au besoin enseigner à nouveau.
  • Anticiper les résistances
  • Appréhender les conceptions erronées
  • Fournir de bonnes explications 
  • Donner de la valeur aux connaissances
  • Mettre en places de routines qui lui permettent de synchroniser l’attention de ses élèves sur ses explications
  • Engager l’élève cognitivement par des défis et stimuler sa réflexion par une vérification de la compréhension fréquente et des occasions de pratique qui impliquent tous les élèves.



Développer de bonnes explications


Expliquer, c’est prendre en considération le sujet spécifique qui nous préoccupe, le décomposer en une progression logique au départ des connaissances préalables de nos élèves et en respectant leurs progressions d’apprentissage. Expliquer, c’est veiller à guider les élèves dans la construction de leurs connaissances. 

Dès lors, les explications les plus efficaces sont de fait conçues et élaborées avec subtilité, en conjuguant défis et charge cognitive. 

Les explications doivent être construites pour durer. Il ne s’agit pas seulement pour les élèves de les comprendre sur l’instant. Ils doivent les encoder puis les stocker en mémoire à long terme de manière à ce qu’elles puissent être récupérées et mobilisées à nouveau à l’avenir dans une gamme élargie de situations. 

Développer de bonnes explications nécessite de bien connaitre notre sujet et la pédagogie qui l’accompagne. Nous voulons allier simplicité, clarté et assurance. Une bonne explication en classe ne se limite pas au choix des mots et à l’habileté de la figure de style. Elle impose une dynamique et un rythme d’interactions en classe pour engager les élèves.

Il ne s’agit donc pas d’un don inné. L’explication implique un ensemble de stratégies et de techniques que n’importe qui peut maîtriser avec un peu de patience et de pratique, mais que personne n’arrive à manipuler d’emblée. 

L’utilisation d’un vocabulaire adéquat par l’enseignant a également un objectif plus large : introduire les élèves dans le langage académique propre à chaque matière. Une bonne communication de l’enseignant permet également d’améliorer le vocabulaire des élèves. L’utilisation délibérée, calibrée et ciblée des mots spécifiques au domaine de matière par un enseignant peut contribuer à la qualité et à l’impact à long terme de ses explications.

Les explications peuvent avoir pour rôle de :
  • Répondre à une question
  • Amener à la compréhension d’un nouveau concept, d’un principe
  • Clarifier, développer et montrer les limites d’un concept ou d’un principe
  • Expliciter les causes, les corrélations, le contexte ou les conséquences d’un phénomène ou d’un événement.
  • Mettre en évidence la relation et les liens entre des faits, des principes, des exemples ou des concepts.
  • Présenter la logique et la manière de penser d’une discipline



Engager l’élève cognitivement dans les explications délivrées


Donner des explications en classe ne peut correspondre à un exposé magistral. Les explications nécessitent de s’intégrer dans un dialogue formatif sous la forme d’une vérification de la compréhension et de l’engagement de chaque élève présent dans la classe.

L’enseignant doit s’assurer d’avoir l’engagement et l’attention de ses élèves, mais également que le traitement cognitif dans lequel ils s’engagent soit génératif et se traduise en un apprentissage.  

Les explications s’insèrent dans le modelage et la pratique guidée, et se conjuguent à la vérification de la compréhension dans un dispositif d’enseignement explicite.

Nous devons commencer par faire identifier l’objectif pédagogique autour duquel les connaissances se développent pour les élèves comme une forme de challenge pour eux, un défi à relever, à leur portée s’ils s’en donnent la peine.

Si l’enseignant commence par expliquer seul (I do—le modelage), rapidement les élèves le rejoignent (We do — la pratique guidée) puis acquièrent progressivement la responsabilité des apprentissages (You do—la pratique autonome).



La valeur instrumentale ou intrinsèque des connaissances


D’une manière générale, il existe deux types de valeurs, inhérentes à toute matière scolaire.

La valeur instrumentale :
  • Elle est définie par la manière dont ses connaissances peuvent être échangées pour un avantage futur.
    • Au niveau général, les connaissances en mathématiques profitent aux secteurs économiques, scientifiques et technologiques. La connaissance d’une seconde langue est un avantage majeur ou une condition nécessaire dans de nombreuses professions.
    • Au niveau individuel, les connaissances des mathématiques ou dans une seconde langue par exemple favorisent une réussite socio-économique. Elle se traduit par un meilleur niveau de vie ou une meilleure santé, une plus longue durée de vie et une plus grande contribution financière en retour à la société. 

La valeur intrinsèque :
  • Elle représente la valeur que nous accordons à l’apprentissage d’une matière en elle-même. Nous pouvons apprécier les mathématiques ou l’apprentissage d’une langue moderne étrangère.
  • L’éducation bénéficie et enrichit les individus et la société d’une manière qui va bien au-delà de la prospérité économique, en défendant des idéaux démocratiques, sociétaux et culturels.



L’épistémologie d’une discipline


Chaque discipline a sa propre finalité, son objet d’étude, ses concepts d’organisation, ses modes de pensée, son cadre conceptuel de connaissances et ses méthodes de validation et d’acquisition de nouvelles connaissances. En un mot, chaque discipline possède son épistémologie.

Les disciplines sont des produits sociaux et culturels. Elles représentent, le travail combiné de l’héritage du passé et du présent. Dans les écoles, ces disciplines sont redéfinies comme des matières enseignées aux élèves. 

Les matières scolaires recouvrent les premiers stades des apprentissages et visent à prendre pied dans la discipline à travers ses fondamentaux.

De fait, les explications vont au-delà du simple apprentissage de concepts, de vocabulaire et de compétences isolées. Elles initient les élèves à la discipline par le biais de ses concepts et de ses modes de pensée, de ses traditions, de son langage et de son récit. 

D’où l’importance d’une contextualisation : 
  • Comment un mathématicien résoudrait-il ce problème ?
  • Comment un scientifique analyserait-il ce phénomène ?
  • Comment un historien interprèterait-il ce document d’époque ?

Expliquer la signification d’un terme ou d’un processus dans le contexte de la matière lui donne du sens. Différents mots ont différents sens dans différentes disciplines et ne se recouvrent pas.

Par souci de cohérence, nous gagnons à :
  • Porter une attention particulière aux concepts et aux procédures qui sont essentiels à l’apprentissage et à la maîtrise de la matière et les justifier.
  • Préciser ce qui doit être mémorisé parce que ces contenus présenteront une utilité réelle elle-même à mettre en évidence. 

Toutefois, si l’épistémologie d’une discipline constitue une part de son enseignement, elle ne constitue en rien une méthode d’enseignement :



Mis à jour le 06/12/2023



Bibliographie 


Andy Tharby, How to Explain Absolutely Anything to Absolutely Anyone, 2018, Crown House

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