dimanche 26 février 2023

L’avantage de la pratique de récupération sur le stress lié aux évaluations sommatives

Les évaluations sommatives sont des situations typiques de l’école dont l’objet est de mesurer l’apprentissage au terme de la période d’enseignement. Lorsqu’elles sont regroupées en fin de période ou d’année scolaire, elles peuvent prendre la forme d’une session d’examens.
 
(Photographie : Juan Aballe)







Au plus les enjeux sont élevés, au plus les évaluations peuvent être source de stress. Malgré ce stress ressenti, il est particulièrement important que les élèves puissent récupérer les connaissances précédemment acquises aussi précisément que possible. Nous voulons éviter que le stress ne leur fasse perdre tous leurs moyens.



La sensibilité de l’effet test au stress


Au-delà, il est largement établi qu’en tant que stratégie d’apprentissage, la pratique de récupération est particulièrement performante pour assurer une meilleure mémorisation à long terme. Elle se révèle plus bénéfique que l’étude supplémentaire du même contenu. C’est l’effet test. 

Dans une étude, Hinze et Rapp (2014) ont montré que lorsque la pratique de récupération ou de nouvelle étude se déroule sous une forte pression dans un cadre éducatif, elle élimine l’effet test. Les bénéfices de la pratique de récupération sont perdus.


Les implications de cette étude sont en faveur d’évaluations formatives à faible enjeu en vue de la préparation à une évaluation sommative à enjeux élevés. Cependant, il restait à vérifier si les bénéfices de la pratique de récupération antérieure peuvent où non être eux-mêmes victimes de stress. 



L’influence des hormones du stress sur l’accessibilité à des souvenirs


Le stress et les hormones qui y sont liées influencent clairement la récupération de la mémoire épisodique, c’est-à-dire le souvenir conscient d’événements antérieurs. Nous avons tous l’expérience de voir un élève perdre ses moyens ou paniquer lors d’une épreuve à enjeux élevés et se retrouver temporairement incapable de continuer à répondre pour un temps.

D’un point de vue neurologique, l’expérience de situations stressantes déclenche l’activation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et du système nerveux sympathique. Les niveaux de cortisol salivaire libre et l’activité de l’alpha-amylase salivaire en sont alors des marqueurs fiables. Leur dosage permet d’objectiver l’existence d’une situation de stress pour un individu. 

Dans une expérience typique sur la relation entre le stress, les hormones de stress et la mémoire humaine, les participants sont soumis à un paradigme de mémorisation. Cette expérience typique inclut l’administration de cortisone (un métabolite inactif du cortisol) ou l’exposition à un facteur de stress. 

La plupart de ces études ont confirmé que des niveaux élevés de cortisol avant une tentative de récupération en mémoire sont néfastes pour divers contenus d’apprentissage ou pour des événements autobiographiques. La récupération est négativement impactée par un niveau élevé de cortisol dans le sang.

Pour le comprendre de manière simplifiée, nous trouvons un large éventail de récepteurs au cortisol et à des substances voisines dans l’hippocampe. Or, l’hippocampe est connu pour jouer un rôle clé dans la mémoire épisodique. 

Les résultats d’études de neuroimagerie fonctionnelle suggèrent que le cortisol va diminuer l’activation de l’hippocampe. Devenant moins actif, l’hippocampe subit une altération de sa capacité à accéder à des informations (épisodiques) obtenues précédemment.

Ces résultats ne sont pas directement généralisables à un contexte d’apprentissage scolaire. En effet, il existe une grande variabilité entre les sujets dans la façon dont les individus réagissent aux facteurs de stress. Tous les élèves ne montrent pas la même sensibilité au stress. 

De plus, tous les apprentissages n’ont pas la même profondeur et la même durabilité. Il semble également important d’étudier les effets du cortisol sur la mémoire et leur relation avec différentes stratégies d’apprentissage. 



Rendre les apprentissages plus résistants aux facteurs de stress lors d’une évaluation sommative


Une caractéristique de la pratique de récupération espacée est qu’elle favorise l’automatisation des connaissances. 

Un élément clé de l’automatisation des connaissances est qu’elle diminue l’implication du contrôle attentionnel et des régions cérébrales liées à celui-ci. Au plus des connaissances sont automatisées, au moins nous avons besoin de ressources attentionnelles pour les activer. Or, le stress diminue les ressources attentionnelles. Nous pouvons par conséquent poser comme hypothèse que des connaissances automatisées pourraient être moins impactées par les hormones de stresse dans leur récupération. 

Szőllősi et ses collaborateurs (2017) ont vérifié l’hypothèse selon laquelle l’automatisation de la récupération par la pratique répétée de la récupération est un facteur de protection important contre les effets négatifs du stress aigu. 

Szőllősi et ses collaborateurs (2017) ont étudié l’efficacité de stratégies d’apprentissage face à une épreuve finale se déroulant dans un contexte de stress (comme lors d’un examen à enjeux élevés). 

Les participants ont étudié des paires de mots :
  • La première moitié du contenu a été étudiée de manière répétée sans occasion de récupération
  • La seconde moitié du contenu a été testée de manière répétée dans la cadre d’une pratique de récupération avec rétroaction. 

Après un délai de 7 jours, les participants ont été exposés soit à une situation psychosociale stressante, soit à une tâche de contrôle. Celle-ci a été suivie d’une tâche de rappel associatif qui a testé la mémorisation de toutes les paires de mots. Plusieurs mesures ont été utilisées pour évaluer les niveaux de stress : des évaluations de l’état émotionnel ainsi que des dosages de cortisol salivaire et d’alpha-amylase. 

Les résultats obtenus par Szőllősi et ses collaborateurs (2017) sont en faveur de la validité écologique de l’apprentissage par récupération :
  • Les participants se sont rappelés davantage d’éléments testés que d’éléments réétudiés, indépendamment de l’exposition à une situation stressante et de la réponse hormonale (cortisol) au stress. En situation de stress ou hors de la situation la récupération répétée avec rétroaction est plus efficace que l’étude répétée des mêmes contenus.
  • La présence de cortisol chez les participants s’est accompagnée de moins bons résultats en général au test de mémoire final. Elle était associée à un oubli à long terme plus élevé. La présence de cortisol s’accompagne d’une moins bonne récupération des connaissances. Il semble qu’il existe une relation générale entre les différences individuelles dans la présence de cortisol et le succès de l’apprentissage, indépendamment de la présence de facteurs de stress. Plus que le stress, c’est la présence du cortisol qui accompagne une moins bonne récupération des connaissances.

Szőllősi et ses collaborateurs (2017) concluent que l’apprentissage par récupération est plus bénéfique pour la mémorisation à long terme que la pratique de réapprentissage. Cela se vérifie indépendamment du stress (mis en évidence par la présence de cortisol). 



Privilégier l’usage de la pratique de récupération face au stress liée aux évaluations sommatives


La perte de rendement dû au stress lié aux évaluations sommatives pourrait être expliquée par l’action du cortisol sur l’hippocampe. 

Le fait d’avoir recours à la pratique de récupération répétée accompagnée de rétroaction permet d’établir une meilleure mémorisation que l’engagement dans une étude répétée. Cette meilleure mémorisation se traduit dans les résultats obtenus par les apprenants. 

Il semble que cet avantage puisse s’expliquer par le fait que la pratique répétée de la récupération augmente le niveau d’automatisation du rappel. Les souvenirs deviennent plus résistants à divers effets perturbateurs du stress à la suite de l’automatisation. 

Nous pouvons supposer que l’automatisation du rappel à la suite de la pratique de la récupération est un facteur de protection important contre les effets négatifs du stress aigu. 

Par conséquent, toutes les pratiques liées à l’évaluation formative et à la pratique de récupération qui amènent les élèves à se tester régulièrement face à leurs connaissances ont un impact favorable sur leurs résultats. Cet effet positif est indépendant de l’impact défavorable du stress lors de l’évaluation.


MIS à jour le 11/11/2023

Bibliographie


Szőllősi, Ágnes & Keresztes, Attila & Novák, Bálint & Szászi, Barnabas & Racsmány, Mihály. (2017). The Testing Effect is Preserved in Stressful Final Testing Environment. Applied Cognitive Psychology. 31. 10.1002/acp.3363. 

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