(Photographie : Andrew George)
Le principe de la rétroaction à la classe entière
La rétroaction à la classe entière assure une réduction significative de la charge de travail de l’enseignant, en lui évitant de passer d’innombrables heures de correction et de rédaction patiente de commentaires personnalisés pour chaque élève.
De plus, en tant que forme d’évaluation formative, la rétroaction à la classe entière permet potentiellement d’améliorer de manière notable les résultats des élèves. Elle permet un usage optimal de l’expertise de l’enseignant et se traduit en des opportunités d’apprentissage concrètes pour les élèves liées aux erreurs diagnostiquées.
La rétroaction à la classe entière se fonde sur le pari que :
- Les élèves n’ont besoin que d’un minimum de commentaires individuels, car nombre de leurs difficultés sont souvent communes à divers élèves d’une classe.
- Les enseignants ont besoin d’avoir la certitude que les élèves vont s’engager face à la rétroaction délivrée et que leur travail ne sera pas vain.
La situation classique que nous voulons éviter est qu’un enseignant passe plus de temps à corriger une copie d’élève et à rédiger une rétroaction que ce que l’élève en fera. Il s’agit d’un réel gâchis de temps, d’un mauvais message pour l’élève et d’une frustration pour l’enseignant.
La démarche de la rétroaction à la classe entière a déjà été expliquée dans le cadre de deux articles et dans l’optique d’un cours de mathématiques (aisément adaptable à un cours de sciences).
Voir articles :
Dans l’exemple présenté ci-dessous, elle est appliquée dans le cadre d’une tâche plus ouverte. Dans ce cas, il s’agissait d’une dissertation. Un blogueur (Andy @__codexterous, 2021) a décrit le processus qu’il a développé pour offrir une rétroaction à la classe entière dans le cadre d’une évaluation formative. Voici une synthèse de son approche.
L’avantage du modèle proposé est qu’il est simple, fonctionnel et adaptable aux compétences visées. De plus si l’orthographe et la grammaire sont des éléments qui comptent, un système de codage peut y être incorporé avec des annotations marginales.
Le processus de la rétroaction à la classe entière pour une tâche ouverte
Dans un premier temps, l’enseignant demande à ses élèves de rédiger une dissertation sur un sujet donné ou toute autre production ouverte similaire. Cette production peut avoir lieu en classe ou avoir été faite par les élèves à domicile. Elle est pensée comme formative.
L’enseignant les reprend et se retrouve avec une pile de copies. Durant son temps de correction, l’enseignant entame une lecture attentive des productions de ses élèves. Il garde avec une feuille de papier vierge à côté de lui sur laquelle il prend des notes. Le processus est susceptible de demander de quarante minutes à une heure. Durant ce temps, l’enseignant passe en revue les productions de ses élèves.
L’enseignant s’emploie à répondre aux questions suivantes :
- Quelles sont les conceptions erronées qui reviennent régulièrement dans les copies des élèves ?
- Y a-t-il des schémas d’erreur typiques qui se reproduisent régulièrement parmi les élèves ?
- Y a-t-il un aspect de la matière que les élèves ne semblent pas avoir compris ?
- Qu’est-ce qui a été réalisé de manière exemplaire dans certaines copies ?
- Y a-t-il des élèves spécifiques qui se distinguent, soit pour leurs difficultés, soit pour leur excellence ?
Plus spécifiquement, l’enseignant tâche de répondre spécifiquement aux trois questions suivantes qui formeront la trame de sa rétroaction en classe :
- Quels sont les éléments d’excellence qui se distinguent dans ces copies d’élèves ?
- Quels sont les quelques aspects à retravailler en priorité, car ils présentent des difficultés récurrentes chez mes élèves ?
- Quelle nouvelle tâche pourrais-je donner pour leur donner une opportunité de s’exercer à s’améliorer en rapport avec ces difficultés prioritaires ?
Ces éléments vont alimenter le formulaire de rétroaction à la classe entière (voir image ci-dessous).
En parcourant les copies des élèves, l’enseignant réalise des annotations marginales très courtes et parcimonieuses pour traiter des erreurs particulières et rares avec une forme de codage. De même, il met en évidence et renforce positivement des passages de qualité dans les productions en les soulignant.
Parallèlement, sur une feuille de papier vierge, l’enseignant prend note des erreurs typiques, de manquements répétés ou des conceptions erronées plus fréquentes. Il établit ici le code qu’il utilise pour référencer ces problèmes sur les copies d’élèves.
Usage d’un formulaire de rétroaction à la classe entière pour des tâches ouvertes
À ce stade, toutes les productions d’élèves ont été parcourues par l’enseignant. Les notes annexes sont rapportées sur la feuille de papier. Il est maintenant temps pour l’enseignant de traduire ces notes en un formulaire qui sera utilisé avec les élèves lors de la rétroaction en classe.
À ce stade, l’enseignant a repéré les problèmes fréquents et les éléments exemplaires qu’il voudra aborder en classe. Ils se font stratégiquement sur sa connaissance de ses élèves et sur son expertise dans sa matière pour les sélectionner. Il va maintenant traiter et retranscrire ce contenu sur son formulaire de rétroaction.
Le formulaire de rétroaction a pour but de faciliter le retour d’information en classe vers les élèves. L’usage de ce formulaire est un gain de temps :
- Il permettra à l’enseignant de montrer clairement les informations importantes pour tous les élèves à la fois. L’enseignant est certain de pouvoir faire passer l’information qu’il souhaite à tous ses élèves.
- Il obligera l’enseignant à faire des choix grâce auxquels il va cibler pour la classe les points prioritaires à améliorer. L’enseignant reconnait que toutes les difficultés des élèves ne pourront être réglées en un seul cycle de rétroaction. Il agit stratégiquement.
Sur ce formulaire, l’enseignant va reprendre pour toute la classe :
- Deux exemples d’excellence repris dans l’une ou l’autre production d’élève
- Cinq points à améliorer qui correspondent à des éléments majeurs pour la matière en cours ou qui font défaut pour un nombre conséquent d’élèves.
- Une tâche commune sur laquelle une pratique commune sera mise en œuvre en classe.
Le formulaire commence par un espace pour identifier la classe, la tâche, le nom de l’élève et la date. L’enseignant ne complète que sa version de référence. Les élèves auront une copie à compléter en classe.
La mise en évidence d’exemples d’excellence et leur modelage lors de la rétroaction en classe entière
L’espace pour l’excellence reprend deux exemples du type d’excellence que l’enseignant choisit de mettre en évidence. Il a mis en évidence ces exemples d’excellence chez certains élèves durant sa lecture des copies.
Il peut s’agir, par exemple, de la profondeur de l’analyse, de la précision, de la fluidité de la citation intégrée, de la cohérence de l’argumentation, ou de l’utilisation d’une mise en contexte. L’enseignant choisit un élément opportun à mettre en évidence qui correspond à la fois au contexte de sa classe et aux attentes élevées qu’il a pour eux.
Les éléments d’excellence seront probablement ancrés à un critère de réussite qui a été établi et discuté avant la réalisation de la production concernée.
Ils correspondent à la maîtrise d’une intention d’apprentissage identifiée que l’enseignant voudrait voir s’étendre à toute la classe. C’est quelque chose que certains élèves réalisent déjà très bien, mais que l’enseignant veut voir maîtriser par tous les élèves.
Cette démarche part du principe qu’il est difficile pour les élèves d’être excellents s’ils ne visualisent pas ce à quoi ressemble l’excellence. L’enseignant va leur donner des exemples concrets, issus des productions de leurs pairs en classe. Il les aidera à les analyser, à les modéliser en classe dans le cadre de ce cycle de rétroaction.
Si le type d’exemple est complété par l’enseignant, la casse laissée à l’exemple est laissée vide sur les copies des élèves. Les élèves le copieront eux-mêmes. L’avantage de cette démarche est que l’enseignant peut faire un modelage autour de l’exemple lors du retour en classe.
L’enseignant aura noté les exemples qu’il souhaite utiliser sur une feuille de papier séparée ou même sur un modèle séparé qui lui servira uniquement de référence pendant la leçon.
L’enseignant modélise alors en direct cet exemple d’excellence durant le cours où la rétroaction est délivrée.
Le message que l’enseignant veut envoyer l’enseignant à ses élèves est clair. Voici ce qu’est concrètement l’excellence, voilà comment nous pouvons y aboutir.
Cette mise en avant de l’excellence fonctionne pour plusieurs raisons :
- Comme pour tout modelage en direct, il s’agit de concrétiser et de décomposer ce à quoi ressemble la réussite
- C’est une production d’un élève. Par conséquent, c’est raisonnablement réalisable par n’importe quel élève. Ce sentiment pourrait ne pas exister s’il s’agissait d’une production d’un enseignant ou une référence issue d’un manuel.
- Il peut y avoir un regain de motivation chez les élèves à vouloir que leur travail soit celui qui est modélisé par l’enseignant. C’est un beau moment de reconnaissance que de voir son propre valorisé par l’enseignant devant la classe.
La mise en évidence des points d’amélioration et leur présentation lors de la rétroaction à la classe entière
Après avoir mis en avant deux éléments d’excellence, l’enseignant revient sur les difficultés typiques, les erreurs de conception courantes et les domaines à développer chez divers élèves.
Cinq points d’amélioration sont ainsi identifiés et décrits sur le formulaire de rétroaction. Ce sont des éléments majeurs ou qui font défaut dans un nombre conséquent de production d’élèves, mais pas nécessairement dans toutes.
Ces éléments sont attachés à un code retranscrit sur les copies d’élèves concernées durant la lecture par l’enseignant. Chaque élève voit inscrits certains de ces codes numérotés sur son travail. Il se sait concerné, ce qui lui ouvre une rétroaction plus individualisée sur laquelle il pourra travailler pour améliorer sa propre copie.
Si la difficulté d’un élève n’entre pas dans l’une de ces catégories ou est unique, ce qui est rare, il bénéficiera d’un commentaire personnalisé sur sa feuille.
La démarche est de transformer les difficultés courantes ou particulières des élèves en étapes granulaires d’amélioration singularisées, atteignables et clairement mises en évidence pour tous. Les élèves peuvent s’investir concrètement dans la réalisation de celles-ci. Le pari est que ces gains marginaux s’accumulent avec le temps.
Ces éléments permettent également un retour d’information un peu plus personnalisé et ciblé.
Ils seront expliqués en détail par l’enseignant en classe. Il est demandé aux élèves de recopier rapidement l’étape d’action correspondante en fonction des codes qui leur ont été attribués sur leur production.
De cette manière, si la feuille de rétroaction est perdue, ils auront toujours noté sur leur production les éléments d’amélioration essentiels.
En fonction du temps et de la nature des étapes suivantes, l’enseignant peut demander aux élèves de faire quelque chose avec ce retour d’information dès maintenant sur leur copie. Il peut leur demander de le faire plus tard ou laisser la responsabilité du suivi à ses élèves.
La dimension de l’individualisation dans la rétroaction à la classe entière
Un élément essentiel pour que la rétroaction à la classe entière soit prise en compte pleinement par les élèves et qu’elle les motive, c’est qu’elle doit inclure une forme de personnalisation.
Les modèles de rétroaction à la classe entière purement généraux et sans individualisation sont moins bien pris en compte par les élèves. La difficulté est qu’ils impliquent de la part des élèves tout un travail d’analyse sur ce qui leur convient de faire dans leur situation particulière. Cela peut donner aux élèves l’impression que leur enseignant ne s’intéresse pas à eux en tant qu’individu.
De même, nous ne devons pas oublier qu’une évaluation accompagnée d’une rétroaction cesse ensemble d’être formative si elles n’amènent pas à une mise en activité de l’élève générative pour ses apprentissages.
Les élèves reçoivent des copies individualisées :
- Leurs points forts sont soulignés par l’enseignant.
- Leurs erreurs communes dans la classe sont codifiées.
- Leurs erreurs spécifiques et rares dans la classe sont explicitées sur leur copie.
Lorsqu’il rend leurs copies et la feuille de rétroaction aux élèves, l’enseignant leur demande de les relire en silence. C’est une étape importante, car les élèves ont déjà oublié beaucoup de ce qu’ils avaient mis dans leur production. L’enseignant leur demande de faire attention à ce qui est souligné, c’est-à-dire ce qu’ils ont déjà bien fait, car ils doivent continuer à le faire et ne pas l’oublier.
L’enseignant leur suggèrera également d’apporter, a posteriori, des modifications ou des ajustements à leur propre travail pour l’améliorer.
La définition d’une nouvelle tâche commune lors de la rétroaction à la classe entière
La rétroaction à la classe entière se conclut par une tâche sur laquelle chacun peut commencer à travailler immédiatement.
Grâce à tout ce processus, les élèves améliorent leurs compétences liées à la production en se basant sur les éléments de la discussion en classe. Il s’agit des points d’amélioration, des exemples d’excellence, de ce qu’ils ont déjà bien fait et de la tâche commune.
La tâche commune est déterminée en fonction des performances des élèves lors de la tâche évaluée et en fonction du contenu du formulaire de rétroaction. Cette tâche commune est accomplie collectivement durant le cours. En visant l’excellence, il n’y a personne qui ne bénéficiera pas de la réalisation de cette tâche. L’enseignant détermine le mode de réalisation de la classe, sous forme de pratique guidée, coopérative ou autonome.
Il s’agit d’une forme de pratique centrée sur les difficultés rencontrées qui offre à la fois de la différenciation et de la remédiation ciblée sur les besoins réels des élèves. C’est l’occasion pour eux de mettre en œuvre certains des commentaires qu’ils ont reçus et de pratiquer ou d’affiner quelque chose qui nécessitait une attention particulière.
La tâche peut prendre de nombreuses formes différentes :
- Réappliquer le retour d’information qui vient d’être obtenu dans un autre contexte similaire, mais différent.
- Approfondir la réflexion des élèves sur le sujet d’origine d’une manière ou d’une autre
- Développer certains aspects de leur production.
Ce qui est également important, c’est que la conception de cette tâche soit reliée aux prochaines étapes déjà identifiées de l’apprentissage afin de fournir un moyen de les mettre en pratique dans un contexte différent. Cette tâche a pour but de rassembler les différents éléments de la leçon sur le retour d’information. Cette tâche nous mènera ensuite jusqu’à la fin de la rétroaction à la classe entière. Les élèves doivent en tirer un bénéfice en matière d’apprentissage.
La perspective à long terme de la rétroaction à la classe entière
L’objectif de cette forme de rétroaction à la classe entière est évidemment d’aboutir à un impact. Selon la définition de l’évaluation formative, si la rétroaction qui en découle ne permet pas d’améliorer l’apprentissage des élèves, elle ne remplit pas sa fonction.
Lors de prochaines évaluations de travaux similaires, il nous faudra être attentifs à ce que nous avions couvert à travers de processus de rétroaction à la classe entière, les points d’amélioration et les exemples d’excellence. Il est important de mesurer l’effet et de revenir sur ces points au fur et à mesure pour les approfondir. Ce processus de rétroaction à la classe entière gagne à être itératif et chaque cycle doit accentuer et rendre durables les progrès engrangés.
En ce sens, l’évaluation formative répond à des objectifs de différenciation et de pratique distribuée. Nous revenons sur des idées avec de nouvelles opportunités de modélisation et de pratique. Le formulaire de rétroaction rempli sera à nouveau consulté lors de la lecture par l’enseignant de la prochaine production formative de ses élèves, pour marquer les progrès accomplis et là où un nouvel effort est encore nécessaire. Ce processus cyclique permettra aussi de diagnostiquer les élèves qui auront besoin d’un suivi plus intensif pour dépasser leurs difficultés.
Ce qu’il faut retenir, c’est que ce processus de rétroaction à la classe entière fait partie d’un cycle itératif. Il alimente les cours que nous donnons et ce sur quoi nos élèves doivent accorder plus d’attention. Il s’agit d’un diagnostic à un moment donné, qui mène à un travail intensif en classe au moment présent et projette une amélioration dans un avenir proche. Ce modèle de retour d’information de l’ensemble de la classe nous permet de mettre l’accent sur ce qui compte vraiment. Nous attirons l’attention sur les attentes élevées que nous partageons avec eux.
Mis à jour le 15/10/2023
Bibliographie
Andy @__codexterous, Defining Excellence: How I Use Whole Class Feedback, 2021, https://codexterous.home.blog/2021/07/15/defining-excellence-how-i-use-whole-class-feedback/
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