Nous avons présenté dans deux articles l’approche LRI, qui combine enseignement explicite et découverte guidée, et la roue de la motivation et de l’engagement, et propose un modèle de synthèse des théories majeures concernant la motivation. Tous deux sont le fruit de la conception d’Andrew J Martin.
(Photographie : Ukawa Dai)
L’objet de cet article est de continuer à suivre ses travaux en rapportant son analyse nuancée de la manière dont les deux éléments sont liés. Nous prenons chaque fois un facteur clé de la motivation ou de l’engagement lié aux éléments de l’approche LRI.
Ces liens proposés par Andrew J Martin sont indicatifs et suggestifs, et non prescriptifs ou définitifs.
Nous allons maintenant explorer les facteurs liés à l’atténuation de l’anxiété, à l’évitement de l’échec et à l’autosabotage
Les effets de l’anxiété et de la peur de l’échec sur les ressources en mémoire de travail
L’anxiété est associée à un empan réduit ou limité de la mémoire de travail. L’anxiété ressentie diminue les ressources de la mémoire de travail. Les pensées intrusives, les distractions, la frustration et les expériences émotionnelles ou affectives négatives peuvent agir comme une source de charge cognitive extrinsèque. Elles vont détourner une part non négligeable la capacité limitée de la mémoire de travail.
De plus, il a été suggéré que l’anxiété fonctionne comme un cadre de double tâche, comprenant une préoccupation avec ses peurs ainsi qu’une tâche secondaire exigeant des ressources pour y faire face. En nous mettant en situation multitâche, l’anxiété cause des ruptures dans le processus de réflexion ce qui augmente leur difficulté ressentie.
Outre l’anxiété, la peur de l’échec (ou les préoccupations liées à l’évitement de l’échec) peut être omniprésente dans une tâche, ce qui risque de solliciter davantage la mémoire de travail.
Le phénomène d’autosabotage en contexte scolaire
Les chercheurs ont également identifié que l’anxiété et la peur de l’échec alimentent la tendance des élèves à l’autosabotage.
L’autosabotage désigne un comportement de l’ordre de l’autodestruction ou de l’autohandicap :
- La procrastination
- La perte de temps et l’absence de planification
- Le désengagement
- Le manque d’effort
- L’abandon face à la difficulté
- Le minimalisme et la tendance à expédier les tâches
- Etc.
L’adoption de comportements liés à l’autosabotage peut fournir une excuse ou un alibi pour protéger l’estime de soi en cas de mauvaises performances. Manquer de courage ou avoir d’autres priorités est plus acceptable que de manquer de capacités.
Il a été établi qu’une mauvaise performance risque de menacer l’estime de soi, en particulier si cette mauvaise performance est perçue comme étant due à un manque de capacité.
Ainsi, lorsqu’un élève est anxieux ou craint d’échouer à une tâche, il peut manœuvrer stratégiquement. Il peut attribuer la mauvaise performance à un manque d’effort, ce qui est moins menaçant pour l’estime de soi, plutôt qu’à un manque d’aptitude qui est menaçant pour l’estime de soi.
Le lien entre l’anxiété, la peur de l’échec, l’autosabotage et la mémoire de travail est significatif. Il suggère que des composantes de l’enseignement explicite telles qu’associées dans l’approche LRI, qui réduisent la charge sur la mémoire de travail, peuvent également jouer un rôle dans la lutte contre ces facteurs inadaptés.
Ce faisant, l’enseignant peut également contribuer à réduire l’anxiété, la peur de l’échec et la tendance à l’autosabotage qui en découle. Il se peut aussi que, même si un élève subit l’impact négatif de l’anxiété sur la mémoire de travail, l’utilisation efficace de l’enseignement explicite réduise cet impact.
Parmi celles-ci, nous retrouvons deux approches permettant de réduire la charge sur la mémoire de travail :
- La réduction de l’attention partagée dans une tâche
- L’intégration du séquençage des informations
Dans un article antérieur, nous avons également montré comme la pratique de récupération protège des effets de l’anxiété :
La réduction de l’attention partagée dans les supports pédagogiques
L’enseignement explicite repose en grande partie sur l’apprentissage d’un contenu soigneusement structuré par l’enseignant. Lorsque le contenu est mal structuré, il peut y avoir une charge excessive sur la mémoire de travail, ce qui entrave l’apprentissage. Cette situation contreproductive peut alimenter l’anxiété et renforcer la peur de l’échec. Ces derniers peuvent à leur tour semer les graines de l’autosabotage.
L’effet de l’attention partagée qui a été mis en évidence dans le cadre de la théorie de la charge cognitive, représente une façon dont les supports pédagogiques et l’enseignement peuvent être mal structurés. Dans cette situation, les informations permettant de résoudre un problème sont présentées dans plus d’une zone de l’espace d’apprentissage.
Par exemple, un diagramme est présenté en haut d’une page ou d’un écran et le texte explicatif nécessaire pour interpréter le diagramme est présenté ailleurs sur la page ou à l’écran. La mémoire de travail est alors mise à rude épreuve. L’apprenant doit conserver en mémoire de travail des informations provenant d’une partie de l’espace d’apprentissage pour comprendre le matériel présenté dans l’autre partie de l’espace d’apprentissage. Ce processus divise la capacité d’attention. Il est inefficace, n’apporte aucune valeur ajoutée pour l’apprentissage et augmente la charge cognitive, ce qui peut accroît inutilement la difficulté et accentue l’anxiété.
Il est donc important que les contenus soient intégrés dans la mesure du possible. Non seulement cela permet de réduire la charge cognitive de l’apprentissage, mais aussi par conséquent pour d’alléger les processus d’anxiété et de peur chez les élèves qui y sont sensibles.
Par exemple, l’enseignant en mathématiques peut intégrer l’équation permettant de trouver un angle dans l’angle lui-même.
Structurer les supports et les processus d’apprentissage en tenant compte de l’effet de l’attention partagée et de l’effet de modalité peut se révéler particulièrement important pour les novices et les élèves moins doués.
Lorsque les élèves commencent à apprendre de nouveaux concepts, leur mémoire de travail est mise à rude épreuve. La conception pédagogique doit donc mettre l’accent sur des stratégies qui réduisent la charge sur la mémoire de travail et éviter plus particulièrement toute surcharge inutile.
La séquence d’intégration de l’information
Nous venons de la voir avec l’attention partagée, le contenu présenté à différents endroits dans l’espace d’apprentissage peut diviser l’attention et surcharger la mémoire de travail. C’est le principe de contiguïté spatiale.
Pareillement, le contenu présenté à différents moments peut également surcharger la mémoire de travail, ce qui est appelé effet de contiguïté temporelle.
Imaginons une activité sur la foudre utilisant un support multimédia. La première partie de l’instruction explique comment se forme la foudre. Elle est suivie d’une animation de ce processus. L’apprenant doit conserver un élément d’information (la narration) dans la mémoire de travail pour l’intégrer ensuite à l’élément d’information suivant (l’animation).
L’intégration de la narration et de l’animation dans un seul élément d’information serait beaucoup plus pertinente, car elle éliminerait cette charge excessive. Cela implique de fournir une narration pour accompagner chaque partie de l’animation au fur et à mesure qu’elle est présentée.
Dans ce cas, le séquençage et l’intégration des informations contribueraient à réduire la charge de la mémoire de travail. Le séquençage et l’intégration des informations réduisent une charge extrinsèque pour la mémoire de travail. Ils peuvent également réduire l’anxiété et la peur qui peuvent se développer lorsque l’apprenant s’efforce de gérer les demandes cognitives excessives.
Mis à jour le 16/10/2023
Bibliographie
Andre J. Martin, Using load reduction instruction (LRI) to boost motivation and engagement. Leicester : British Psychological Society, 2016
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