vendredi 4 novembre 2022

Liens entre enseignement explicite et persévérance scolaire

Nous avons présenté dans deux articles l’approche LRI qui combine enseignement explicite et découverte guidée, et la roue de la motivation et de l’engagement qui propose un modèle de synthèse des théories majeures concernant la motivation. Tous deux sont le fruit de la conception d’Andrew J Martin.

(Photographie : burningmine)






L’objet de cet article est de continuer à explorer ces travaux. Nous rapportons chaque fois son analyse nuancée de la manière dont les deux sont liés. Nous prenons chaque fois un facteur clé de la motivation ou de l’engagement et observons comment il est lié à des éléments de l’enseignement explicite et de la découverte guidée.

Ces liens proposés par Andrew J Martin sont indicatifs et suggestifs, et non prescriptifs ou définitifs. 

Le facteur traité ici lié à l’engagement adaptatif des élèves et plus précisément à leur persévérance scolaire.



L’impact de l’enseignement explicite sur la persévérance scolaire


La persévérance scolaire fait référence aux efforts continus fournis par les élèves dans le cadre de l’école. Ces derniers se retrouvent confrontés à des tâches importantes, à leurs difficultés propres, à des erreurs initiales qu’ils commettent, à des malentendus qu’ils doivent dénouer. Ils peuvent également faire face à des incertitudes personnelles, quant à leur capacité à répondre à des exigences, ou qui sont liées aux étapes à suivre pour y parvenir.

Les stratégies de l’enseignement explicite et de la découverte guidée (combinées au sein de l’approche LRI) que les enseignants peuvent mettre en œuvre pour améliorer et soutenir la persévérance des élèves comprennent : 
  • La vérification de la compréhension
  • L’utilisation de modèles et l’utilisation d’invites procédurales

Ces stratégies visent à :
  • Maintenir l’implication efficace des élèves dans le processus, notamment en s’assurant qu’ils comprennent.
  • S’assurer qu’ils comprennent clairement les exigences de la tâche et ce qui est nécessaire pour persévérer. 



Des démarches qui rendent efficace la vérification de la compréhension


Tous les enseignants vérifient la compréhension de leurs élèves, c'est une des pratiques de base de la profession.  Cela n'empêche pas l'enseignement explicite de mettre particulièrement l'accent sur cette question. Il est intéressant de comprendre sur quels aspects l'enseignement explicite met spécifiquement l'accent sur la vérification de la compréhension/ 

Selon les recherches de Barak Rosenshine (2009), les enseignants efficaces ont tendance à considérer l’évaluation des connaissances et la vérification de la compréhension dans leurs dimensions formatives :
  • Ils l’appréhendent comme une opportunité d'obtenir très régulièrement un retour d’information sur l’efficacité de leur pédagogie en classe en fonction de l'apprentissage et de la compréhension de leurs élèves. 
  • Ils consacrent un temps important à la vérification de la compréhension des élèves et s'engagent fréquemment dans des interactions avec leurs élèves relevant d’un dialogue formatif. 
  • Ils adoptent une large panoplie de stratégies de vérification de la compréhension qualitativement supérieures à celles des autres enseignants. 

Par exemple, les enseignants efficaces :
  • Posent fréquemment et régulièrement des questions en classe.
  • Demandent systématiquement à leurs élèves de récupérer ou reformuler les points principaux de la matière vue plutôt que de le faire eux-mêmes face à la classe dans le cadre d'une révision.
  • S’assurent de la bonne compréhension des élèves concernant la matière enseignée et ses prérequis. 
  • Répètent, adaptent ou intensifient les explications sur la matière ou les instructions sur les stratégies à mobiliser lorsqu’ils en diagnostiquent la nécessité.

Les enseignant efficaces s'assurent de vérifier la compréhension régulièrement auprès de chaque élève et de tous les engager cognitivement dans la démarche. Ces questions sont adaptées (en matière de difficulté ou de substance) à l’enseignement préalablement donné afin d’évaluer de manière plus authentique leur compréhension. Durant une phase d'enseignement, ces question gagnent progressivement en profondeur et en complexité pour accompagner l'apprentisage des élèves.

Ces enseignants effiaces ont tendance à rejeter des pratiques telles que : 
  • Poser de questions non spécifiques telles que « Y a-t-il des questions ? », « Qui ne comprend pas ? » ou "N'hésitez pas à poser des question si ce n'est pas clair pour vous !".
  • Faire appel à des volontaires pour vérifier l’apprentissage des élèves sans s’assurer que tous les élèves réfléchissent activement sur la question qu’ils viennent de poser.
  • Vérifier la compréhension à la fin des explications ou d'un cours plutôt que tout au long du processus. 



Une vérification de la compréhension régulière à portée inclusive


Dans le cadre d’un enseignement explicite, l’engagement des élèves dans l’apprentissage est valorisé et soutenu. L’enseignant veille à prendre en compte de manière simultanée la progression, la compréhension et les difficultés rencontrées par chacun de ses élèves. Il adapte son enseignement en fonction du retour d’information qu’il recueille régulièrement.

Les démarches liées à la vérification de la compréhension promeuvent l’utilisation d’outils simples pour stimuler des démarches de traitement cognitif de l’information chez les élèves au fur et à mesure de la leçon. 

Dans de nombreuses stratégies, l’enseignant est le moteur :
  • Par exemple, les élèves peuvent noter sur une ardoise effaçable les réponses rapides aux questions de l’enseignant et les lui montrer. De cette manière, il sait s’il peut continuer ou s’il doit reprendre l’enseignement. 
  • Alternativement, l’enseignant peut utiliser des bâtonnets où sont inscrits les noms des élèves pour désigner aléatoirement quel élève répondra. 
  • L’enseignant peut mobiliser la technique du Think/Pair/Share pour que les élèves s’échangent réciproquement leurs réponses avant une mise en commun. 
  • L’enseignant peut utiliser à tout moment un visualiseur pour projeter à l’ensemble de la classe la contribution écrite pertinente d’un élève.
L’élève peut de même gagner en autonomie pour offrir un retour d’information à l’enseignant. La méthode de signalisation de l’évaluation formative par feux de signalisation est une technique largement préconisée et mise en œuvre dans ce sens (Black et coll., 2004). 

Dans le cadre de cette technique, les élèves mettent en évidence sur leur bureau un carton qui peut prendre différentes couleurs :
  • Un carton rouge pour indiquer qu’ils ne comprennent pas ou qu’ils ont besoin d’aide.
  • Un carton jaune pour indiquer qu’ils pensent avoir compris ou qu’ils ont besoin d’un peu d’aide.
  • Un carton vert pour indiquer qu’ils ont compris.

La profondeur des questions et des échanges va aussi varier en fonction du stade où l’on se trouve dans une nouvelle matière. Cela permet aux questions d’être en phase avec l’apprentissage en cours des élèves :
  • Pour maintenir un rythme soutenu, il peut également être approprié d’autoriser des réponses brèves ou abrégées des élèves. À des stades précoces dans l’enseignement, l’objectif est souvent de vérifier la compréhension, et non d’exiger des élèves qu’ils articulent des réponses complètes.
  •  À d’autres moments en fonction de l’avancement et du contenu de l’enseignement ce sont des réponses plus détaillées qui seront attendues et l’utilisation d’un visualiseur couplé à un projecteur devient alors pertinente.

Les démarches de la vérification de la compréhension sont inclusives, car elles promeuvent un climat d’apprentissage coopératif ou 100 % des élèves apprennent.

Adams et Engelmann (1996) ont fourni des directives sur les niveaux acceptables de précision qui peuvent servir de base pour vérifier que les élèves ont suffisamment compris. Ils suggèrent aux enseignants de vérifier que :
  • Les élèves ont au moins 70 % d’exactitude sur les informations et connaissances essentielles de la leçon précédente
  • Les élèves ont près de 100 % d’exactitude sur les informations et connaissances essentielles présentées dans cette leçon. 

Bien que ces directives peuvent varier en fonction de l’élève et de la matière enseignée, elles montrent que les processus de vérification de la compréhension fonctionneront de manière efficace que dans une perspective inclusive. Une majorité des élèves doit être capable de répondre avec succès à une majorité des questions pour que tout le monde puisse progresser dans les meilleures conditions.

De nombreux chercheurs qui se sont penchés sur l’efficacité de l’enseignement ont également suggéré la mobilisation fréquente de processus d’évaluation formative et de pratique de récupération au cœur des leçons pour vérifier la compréhension des élèves :
  • Black et ses collègues (2004 ; voir également Black & Wiliam, 2004), ont constaté des gains substantiels grâce à l’évaluation formative et à la rétroaction directement programmées à l’intérieur des cours en mathématiques et en sciences. 
  • La mise en œuvre d’une évaluation formative rapide a été suggérée comme pouvant être pertinente à un rythme de trois à cinq fois par semaine (Wiliam [2011], Hattie [2012]). Cela représente une fréquence d’environ deux cours sur trois par exemple sous forme de quiz rapide en entrée de cours.



Effets bénéfiques de la vérification de la compréhension sur la persévérance scolaire


Les démarches pilotées par l’enseignant en lien avec la vérification de la compréhension viennent soutenir les attitudes suivantes en classe :
  • Les élèves maintiennent leur engagement sur les contenus enseignés et pratiqués.
  • Les élèves sont attentifs est concentrés sur les contenus enseignés en classe chaque.
  • Les élèves sont tous en phase et synchronisés avec le déroulement de la leçon.
  • Les élèves comprennent ce qui est enseigné et posent des questions lorsque ce n'est pas le cas.
  • Les élèves écoutent les contributions de chacun lors des interactions en classe.
  • Les élèves prennent progressivement la responsabilité de leurs apprentissages sur le contenu d’un enseignement donné.
Ces différents dispositifs et pratiques renforcent l’engagement, l'inclusion et la connexion des élèves avec les contenus. Ils réduisent leur tendance potentielle à abandonner, à perdre le fil, à se déconnecter, à se laisser distraire ou à faire des attributions erronées. 

Une culture d'apprentissage en coopération existe dans le classe et chacun se sent en faire partie.

Par conséquent, nous pouvons constater que la persévérance scolaire dans une tâche et dans un cours est soutenur par la vérification de la compréhension en enseignement explicite et qu'elle peut être de même complétée et enrichie par des démarches d’évaluation formative. 

Ces efforts peuvent également favoriser chez les élèves la croyance dans le fait que la persévérance scolaire leur permet d’aboutir à des résultats. Le message transmis est clair : être en classe c'est être actif en situation d'apprentissage. 

Le renforcement de cette croyance en une conviction étayée par des expériences personnelles de réussite assurées par l'enseignant, peut se révéler être un mécanisme de régulation important. Elle guide les élèves vers plus de persévérance scolaire. Elle suggère une forme de concept de soi ou de schéma de la persévérance scolaire qui peut promouvoir davantage cette dernière dans le cadre d’une tâche donnée, d’une matière ou un cours. 

Avec les différents processus de la vérification de la compréhension, un élève maximise son engagement en classe, ses apprentissage et son appartenance, ce qui soutient sa persévérance.



Fournir des modèles d’exécution des tâches pour soutenir la persévérance scolaire lors de la pratique autonome


Parfois, la persévérance pose problème aux élèves lorsqu’ils sont bloqués ou perdus au milieu d’une tâche. Ils ne voient pas où ils en sont ni le chemin qui leur reste à accomplir.

Dans ces situations, il peut être utile de fournir des modèles permettant aux élèves de vérifier leur propre progression. 

Par exemple, les élèves peuvent avoir des difficultés à réviser et évaluer leur propre travail par manque de repère. Ils peuvent abandonner leurs efforts pour le faire.

Les modèles sont des documents formatés ou structurés pour aider l’apprenant à rester sur la bonne voie ou qui énumèrent les caractéristiques importantes d’un essai ou d’un rapport à inclure. 

Il peut également s’agir d’une liste de contrôle qui demande à l’élève de vérifier des aspects précis de sa production. L’élève coche chaque élément au fur et à mesure qu’il est complété.

Une stratégie similaire utilise des fiches de processus énumérant les étapes de l’exécution d’une tâche ou de la résolution d’un problème. Au fur et à mesure que les élèves travaillent sur le processus, ils repèrent les étapes réalisées et celles qu’il leur faut aborder à un moment donné. Ils gagnent une vision d’ensemble sur l’avancée de leur travail. De manière similaire, certains enseignants peuvent noter au tableau des instructions abrégées sous forme de puces. Les élèves peuvent s’y référer au fur et à mesure de leur progression. Les enseignants peuvent aussi décliner au tableau des questions complexes en sous-questions intermédiaires plus gérables par les élèves.

Dans chaque cas, un mécanisme est en place pour aider l’élève à gagner plus de contrôle sur l’exécution d’une tâche. En donnant plus d’autonomie, de capacité de contrôle et de régulation à ses élèves par le biais d’outils et d’un étayage temporaire, l’enseignant favorise leur persévérance scolaire. 



Donner des indices procéduraux pour soutenir la persévérance scolaire durant la pratique autonome


Le fait de donner des indices sur les procédures en cours est une stratégie cognitive utile. Elle aide les élèves à persévérer et à terminer des tâches moins structurées, comme celles que l’on trouve dans les activités de compréhension et d’écriture. 

Les invites procédurales les plus courantes sont des mots ou des questions telles que « quoi », « qui », « pourquoi », « comment », « où » ou « quand ». Elles aident les élèves à extraire des informations spécifiques du texte et leur fournissent des indications qu’ils peuvent utiliser pour formuler une réponse ou un commentaire. Elle évite qu’ils ne s’enferment tête baissée dans leur travail et les aident à prendre du recul sur leur production. Cela leur permet de mieux extraire et trouver du sens dans leur travail et faciliter l’effort et la persistance face aux blocages qui peuvent survenir au cours de l’apprentissage et de la réalisation de la tâche.


Mis à jour le 14/10/2023

Bibliographie


Andre J. Martin, Using load reduction instruction (LRI) to boost motivation and engagement. Leicester : British Psychological Society, 2016

Rosenshine, B.V. (2009). The empirical support for direct instruction. In S. Tobias & T.M. Duffy (Eds). Constructivist instruction: Success or failure? New York: Routledge. 

Black, P., Harrison, C. & Lee, C. (2004). Working inside the black box: Assessment for learning in the classroom. Granada Learning. doi.org/10.1177/003172170408600105 

Adams, G. & Engelmann, S. (1996). Research on Direct Instruction: 25 years beyond DISTAR. Seattle, WA: Educational Achievement Systems. 

Black, P. & Wiliam, D. (2004). The formative purpose: Assessment must first promote learning. Yearbook of the National Society for the Study of Education, 103, 20–50. 

Wiliam, D. (2011). Embedded formative assessment. Bloomington. IN: Solution Tree Press. 

Hattie, J. (2012). Visible learning for teachers. London and New York: Routledge.

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