dimanche 23 octobre 2022

Liens entre l’enseignement explicite, la découverte guidée et la valeur des tâches scolaires

Nous avons présenté dans deux articles l’approche LRI (Load Reduction Instruction) qui combine enseignement explicite et découverte guidée, et la roue de la motivation et de l’engagement. Cette dernière propose un modèle de synthèse de théories majeures concernant la motivation. Tous deux sont le fruit de la conception d’Andrew W. Martin.

(Photographie : Peter Brown)



L’objet de cet article est de continuer la découverte de ses travaux en rapportant son analyse nuancée de la manière dont les deux éléments sont liés. Nous prenons chaque fois un facteur clé de la motivation ou de l’engagement. Nous analysons comment il peut être lié aux éléments de l’approche LRI (Load Reduction Instruction) qui combine enseignement explicite et découverte guidée.

Ces liens proposés par Andrew Martin sont indicatifs et suggestifs, et non prescriptifs ou définitifs. 

Le facteur traité dans cet article est celui de la valorisation des apprentissages scolaires, en lien avec la théorie de la valeur d’espérance (EVT, Expectancy-Value Theory)



La valeur des tâches scolaires


La valeur des tâches scolaires est la mesure dans laquelle les élèves pensent que ce qu’ils apprennent à l’école est utile, pertinent, significatif, important et lié à leur vie actuelle ou future. Cette valorisation repose également sur la perception de la pertinence, de l’importance et de l’utilité personnelles de ces matières.

La valeur des tâches scolaires se développe davantage grâce aux liens que les élèves peuvent établir entre l’apprentissage antérieur et l’apprentissage actuel. De même interviennent des liens entre l’apprentissage et des questions plus vastes, qui dépassent le cadre scolaire et ont une importance et une pertinence plus larges.


Trois éléments de la LRI (Load Reduction Instruction) qui combine enseignement explicite et découverte guidée ont le potentiel de promouvoir ces processus motivationnels et les rendements en matière d’apprentissage qui y sont liés :
  • L’intégration significative des contenus
  • L’organisation thématique de l’information
  • Le principe de personnalisation



L’intégration significative des contenus


L’intégration significative des contenus représente l’action de l’enseignant qui intègre l’objectif d’une tâche d’apprentissage à un problème significatif. L’intégration significative des contenus est une stratégie qui peut être utilisée pour promouvoir les liens entre les différentes facettes de la tâche d’apprentissage et lui donner du sens. 

Plus les élèves voient de liens entre les tâches d’apprentissage et les objectifs d’apprentissage, plus ils se sentent concernés par les contenus ou la tâche d’apprentissage.

Par exemple, la ponctuation est souvent enseignée indépendamment de la révision par les élèves de leurs propres rédactions et des tâches d’évaluation. Dans ce cas, l’occasion de développer un sentiment de pertinence par rapport à la ponctuation est perdue.

L’intégration pourrait consister à présenter aux élèves une liste de vérification explicite sur la ponctuation en accompagnement de leurs propres rédactions et des tâches d’évaluation. Ce serait par exemple, mettre une majuscule au début d’une phrase, terminer les questions par un point d’interrogation, etc. Ainsi, un soutien structuré et étayé pour la ponctuation est intégré à l’activité de rédaction de l’élève, ce qui augmente la pertinence perçue et la signification personnelle associée à l’activité de ponctuation. 

D’autres listes de vérification peuvent également être introduites pour favoriser l’adoption de routines qui renforcent la mobilisation de stratégies et soutiennent le développement de l’autorégulation.

Ce que prône l’intégration significative des contenus est d’une certaine manière l’inverse de certaines approches liées aux principes de préenseignement et au principe de segmentation. 

La question de savoir si les éléments doivent être isolés ou intégrés, c’est-à-dire quel principe doit primer dans la conception pédagogique, dépend des ressources disponibles en mémoire de travail.

Segmenter et préenseigner permet d’isoler des éléments pour favoriser leur apprentissage initial. Au-delà de l’apprentissage initial s’impose la question de la profondeur, des liens et de la mobilisation dans une variété de contexte et à ce titre l’intégration significative devient primordiale. 

Les ressources en mémoire de travail dépendent à leur tour des niveaux de connaissance. Cette situation souligne encore l’importance du préenseignement quand il s’avère nécessaire. De même, un manque de segmentation peut saturer la mémoire de travail des élèves et rendre leurs apprentissages difficiles et aléatoires.

En tant que principe général, l’intégration significative des contenus permet aux élèves de mieux apprécier la valeur de l’apprentissage à travers les liens importants entre les différents éléments. Elle est à introduire de manière équilibrée en tenant compte des ressources en mémoire de travail. Trop miser sur l’authenticité et sur des situations complexes et réalistes d’entrées pourrait être contreproductif. 



L’organisation thématique de l’information


Le principe du préenseignement et l’intégration significative des contenus sont axés sur les liens entre des éléments spécifiques de la matière enseignée. Ils sont donc axés sur des connexions relativement locales et proches :
  • Un élève peut comprendre et apprendre une nouvelle matière d’autant mieux qu’il possède les prérequis en lien avec celle-ci.
  • Un élève saisira mieux les enjeux et le sens de nouveaux apprentissages s’il a une vue claire de leur utilité et des contextes dans lesquels les mobiliser.

La valeur des tâches scolaires et des apprentissages peut également être renforcée en établissant des liens avec de grandes idées universelles et des questions plus générales de portée parfois mondiale. 

En reliant l’école à des questions et des phénomènes plus larges et dépassant le cade scolaire, l’école se situe de manière plus significative dans un schéma plus large, ce qui renforce encore sa pertinence perçue. Cela peut impliquer un enseignement par l’identification et le lien avec une grande idée universelle ou des enjeux importants.

En biologie, par exemple, l’utilisation du thème portant sur le système immunitaire permet d’enseigner de nombreuses connaissances pour améliorer la compréhension des enjeux mondiaux. Ceux-ci sont liés à la vaccination, à l’hygiène, aux pandémies et aux maladies nosocomiales par exemple.

En physique, l’étude de l’énergie permet d’aborder les problématiques mondiales liées aux politiques énergétiques, à la gestion des déchets, des ressources naturelles et au réchauffement climatique.

Une manière concrète d’investir et d’explorer ces approches dans le cadre d’un enseignement explicite est de faire usage d’organisateurs graphiques ou de cartes conceptuelles. Au-delà de leur soutien à l’apprentissage, ces supports peuvent également être utiles pour faire le lien avec les grands thèmes et les grandes idées qui relient de manière plus significative la matière scolaire au monde en général.

Les organisateurs graphiques et les cartes conceptuelles présentent les différents segments d’une manière et les associent entre eux et avec des connaissances préalables ou des applications pratiques. Les organisateurs graphiques et les cartes conceptuelles peuvent rendre plus clair et plus mémorable le lien entre le contenu pédagogique, les idées centrales d’une matière et un cadre d’application plus universel. 

Cette idée d’une organisation thématique des contenus met en évidence l’importance des idées centrales en tant que fil conducteur. Les idées centrales sont à la base d’une organisation efficace du matériel pédagogique. Elles donnent de la valeur à des tâches scolaires qui sans cela pourraient sembler un peu vaines. En cela, lorsqu’elles sont bien instrumentalisées, elles peuvent favoriser la motivation et l’apprentissage en leur donnant plus de valeur.

En dehors de cela, l’intégration et la structuration des contenus sont également utiles pour le stockage et le traitement de la mémoire de travail et de la mémoire à long terme.

L’organisation thématique de l’information permet d’établir des liens explicites entre le contenu scolaire et des thèmes plus larges et potentiellement universels. Ces liens permettent aux élèves de mieux apprécier l’école et le travail scolaire.

Comme pour l’intégration significative des contenus, l’organisation thématique de l’information prône des approches opposées aux principes de préenseignement ou de segmentation. 

Ici également, la primauté d’un principe face à l’autre se juge en fonction des ressources disponibles en mémoire de travail. Elle se fonde sur l’expertise de l’enseignant face à sa matière et à l’apprentissage de ses élèves.

Si la limitation de la mémoire de travail est problématique et le risque de surcharge cognitive est prépondérant, alors les principes de préenseignement et de segmentation deviennent prioritaires. En toute logique, cette primauté est temporaire et plus loin dans la phase d’apprentissage, ils peuvent laisser de l’espace à l’intégration significative des contenus et à l’organisation thématique de l’information.



Le principe de personnalisation 


La pertinence personnelle est un élément central de la valeur donnée aux apprentissages scolaires.

Les contenus et les connaissances peuvent être présentés d’une manière qui attire davantage l’apprenant dans l’activité et favorise la signification personnelle et la connexion avec les contenus, contextes et informations. 

Selon le principe de personnalisation, les apprenants qui reçoivent des informations de manière plus personnalisée apprendront davantage que ceux qui reçoivent des informations de manière plus détachée, objective et inutilement formelle. 

Ainsi, des instructions telles que « Votre objectif dans cette tâche est de… » conduisent à un apprentissage plus significatif que des instructions telles que « L’objectif de cette tâche est de… ». 

Une méta-analyse soutient ce principe (Ginns, Martin & Marsh, 2013). Ginns et ses collaborateurs (2013) constatent que la personnalisation de la matière et des tâches est associée à la convivialité perçue, à un traitement cognitif efficace et à une mémorisation et un transfert significatif. C’est par exemple le passage de la troisième personne à la première ou deuxième personne.

De même, des études expérimentales ont également montré l’impact positif sur l’apprentissage et la motivation de l’inclusion de faits personnellement pertinents dans l’enseignement.


Mis à jour le 08/10/2023

Bibliographie


Andre J. Martin, Using load reduction instruction (LRI) to boost motivation and engagement. Leicester: British Psychological Society, 2016

Ginns, P., Martin, A.J., & Marsh, H.W. (2013). Designing instructional text in a conversational style: A meta-analysis. Educational Psychology Review, 25, 445–472. DOI 10.1007/s10648-013-9228-0. 

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