(Photographie : Hanne Hvattum)
Les décideurs politiques, les enseignants et les parents dans le monde entier veulent que les élèves comprennent et soient capables d’appliquer leurs connaissances en numératie, en littératie et en sciences.
Si l’amélioration des résultats scolaires est souvent au centre des attentions, dans la réalité, elle s’avère souvent insaisissable. Certains systèmes éducatifs de par le monde font de grands progrès, mais beaucoup reculent ou piétinent malgré de nombreux efforts consentis.
Deux conclusions principales de l’enquête PISA 2015 sur l’enseignement des sciences
Mona Mourshed et ses collègues (2017) ont réalisé une analyse des données PISA. Depuis 2000, l’OCDE teste régulièrement des jeunes de 15 ans du monde entier sur les mathématiques, la lecture ou les sciences. L’évaluation en 2015 avait porté sur plus d’un demi-million d’élèves dans 72 pays.
Deux constatations se sont révélées cohérentes dans leur analyse à travers les cinq régions du monde :
- L’état d’esprit des élèves, comme la motivation et la croyance en soi, a un impact plus important que tout autre facteur sur les performances des élèves en sciences. L’impact est deux fois plus important que celui du milieu socio-économique.
- Les élèves qui obtiennent les meilleurs résultats en sciences reçoivent un enseignement dirigé par l’enseignant dans la plupart ou la totalité des cours, ainsi qu’un enseignement basé sur l’investigation dans certains cours.
L’impact de l’état d’esprit des élèves sur leurs résultats en sciences
Les attitudes et les croyances des élèves, que nous pouvons résumer à leur état d’esprit, influencent leurs résultats scolaires.
Les chercheurs ont analysé les données PISA pour en faire émerger les 100 variables les plus prédictives sur plus de 1 000.
Elles ont été classées en cinq catégories :
- L’environnement familial
- Les ressources
- Le leadership de l’école
- Les enseignants et l’enseignement
- Les comportements des élèves et leur état d’esprit.
L’état d’esprit a été séparé en deux composantes :
- L’orientation thématique qui fait référence aux attitudes des élèves à l’égard de la science en tant que discipline (car c’était l’objectif de l’enquête PISA 2015).
- L’état d’esprit général qui fait référence au sentiment d’appartenance, à la motivation et aux attentes de réussite des élèves.
Il est apparu que l’état d’esprit des élèves est deux fois plus prédictif des résultats des élèves lors de l’enquête PISA 2015 que ne l’est leur environnement familial. Ce résultat et son ampleur sont cohérents dans les cinq régions, ce qui en amplifie l’importance.
Plusieurs variables de l’état d’esprit sont apparues comme hautement prédictives de la performance dans les résultats PISA en 2015.
- Une augmentation de 12 à 15 % des résultats correspond à la capacité de manifester de la motivation dans l’investissement journalier. Cela se traduit notamment par le fait de se préparer pour les cours en revoyant, de faire plus que ce qui est attendu et en travaillant avec tous les efforts nécessaires pour maîtriser les contenus.
- Une augmentation de 1 à 8 % pour les élèves qui se disent très motivés à vouloir être les meilleurs ou à obtenir les meilleures notes.
D’autres facteurs positifs sont :
- Le fait de croire que les sciences enseignées à l’école seront utiles pour leur carrière professionnelle et leur vie future.
- Le sentiment d’appartenance.
- Une faible anxiété face aux tests.
Tous ces états d’esprit ont eu un impact statistiquement significatif sur le score, même en tenant compte du statut socio-économique, du type d’école et du lieu.
Pour les élèves des écoles dont les résultats moyens aux tests sont faibles, un état d’esprit de motivation bien calibré équivaut à un saut dans un quartile socio-économique supérieur.
Dans les écoles peu performantes, les élèves du quartile socio-économique le plus bas qui ont un bon état d’esprit obtiennent de meilleurs résultats que ceux du quartile le plus élevé qui n’ont pas un bon état d’esprit. Ce résultat est constant dans toutes les régions.
L’état d’esprit ne compense pas toutes les disparités économiques et sociales. Être riche plutôt que pauvre reste un grand avantage éducatif. Mais l’effet de l’état d’esprit est très important, en particulier pour ceux qui vivent dans les conditions les plus difficiles.
Les conclusions de PISA 2015 sur l'apprentissage des filles en sciences
Comment les données PISA permettent d’expliquer le déficit de filles qui embrassent des carrières dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM) ?
Dans l’ensemble, il n’y a pas d’écart significatif entre les résultats des filles et des garçons. Toutefois, les filles et les garçons ont des attentes très différentes quant aux futures carrières scientifiques :
- Les garçons sont plus de deux fois plus susceptibles que les filles de s’attendre à travailler comme ingénieurs, scientifiques ou architectes.
- Les filles sont plus de trois fois plus susceptibles de s’attendre à travailler dans les professions de la santé.
Les filles sont légèrement plus susceptibles que les garçons d’avoir une bonne motivation et de croire que leur apprentissage scientifique scolaire sera utile à l’avenir.
Cependant, les filles sont également plus susceptibles d’avoir des niveaux élevés d’anxiété face aux évaluations et sont moins susceptibles de dire qu’elles trouvent du plaisir dans l’étude des sciences.
Il semblerait que l’anxiété plus élevée des filles annule en fait leur meilleur niveau de motivation et se répercute sur les choix qu’elles font plus tard dans la vie.
Cependant, il existe de nettes différences régionales. Dans la région qui comprend l’Afrique du Nord (MENA), les filles ont un état d’esprit plus positif sur plusieurs dimensions. Cela se retrouve sur divers aspects de la motivation ainsi que dans un sentiment d’appartenance et de plaisir dans les sciences. À l’opposé, en Amérique du Nord, les filles sont beaucoup plus susceptibles de manifester de l’anxiété face au travail scolaire et aux tests que les garçons.
Il apparait que les filles possèdent les éléments de base, en matière de résultats scolaires et de motivation positive, pour les carrières STEM. Si l’on intervenait pour réduire leur sentiment d’anxiété et accroître leur plaisir de la science, il pourrait bien en résulter un plus grand nombre de femmes s’orientant vers les STEM.
La valeur ajoutée d’ un enseignement explicite en sciences par rapport à la démarche d’investigation ou aux TIC
Face à la démarche d'investigation
Les élèves qui bénéficient d’un mélange d’enseignement dirigé par l’enseignant et d’enseignement fondé sur la recherche obtiennent les meilleurs résultats.
Il existe deux types dominants de pratiques d’enseignement :
- Le premier est l’enseignement dirigé par l’enseignant, dans lequel l’enseignant explique et démontre les idées, examine les questions et dirige les discussions en classe. Il est conceptualisé par l’enseignement explicite.
- Le second est l’apprentissage par l’investigation, dans lequel les élèves jouent un rôle plus important dans leur propre apprentissage, par exemple en élaborant leurs propres hypothèses et expériences. Il est conceptualisé par des approches liées au constructivisme et à la pédagogie de projet (par exemple promue par La main à la pâte).
Dans les cinq régions du monde, les scores PISA étaient généralement plus élevés lorsque l’enseignement était dirigé par l’enseignement, c’est-à-dire explicite. Plus l’apprentissage par l’investigation était utilisé, plus les résultats moyens de PISA devenaient faibles.
Face aux TIC
Les avantages d’un enseignement explicite ont également été constatés dans une analyse du rôle des technologies de l’information et de la communication (TIC) en classe. Le déploiement des TIC auprès des enseignants, plutôt qu’auprès des élèves, donne les meilleurs résultats.
Par exemple, l’ajout d’un projecteur de données dans une classe d’Amérique latine a 30 fois plus d’impact sur les résultats des élèves que l’ajout d’ordinateurs dans cette même classe.
De même, le fait de fournir aux élèves des lecteurs de livres électroniques, des tablettes et des ordinateurs portables a un impact négatif sur les résultats aux tests PISA.
La priorité d’ un enseignement explicite dans le cours de sciences
L’accent sur un enseignement efficace et explicite est essentiel, tant pour la technologie que pour l’apprentissage des sciences.
Étant donné le fort soutien des milieux éducatifs à la démarche d’investigation, ces résultats semblent contre-intuitifs. Mona Mourshed et ses collègues (2017) proposent deux hypothèses :
- Les élèves ne peuvent pas progresser vers des méthodes basées sur l’apprentissage par l’investigation sans une base solide de connaissances préalables, acquises grâce à un enseignement explicite.
- L’apprentissage par l’investigation est intrinsèquement plus difficile à mettre en œuvre, et les enseignants qui s’y essaient sans formation ni soutiens suffisants auront du mal à l’assurer correctement.
Dans presque toutes les régions, le fait d’expliquer comment une idée scientifique peut être reliée à un impact positif sur les scores obtenus lorsque cela est réalisé dans certaines, la plupart ou même toutes les leçons.
Combiner enseignement explicite et découverte guidée dans le cours de sciences
Dans toutes les régions du monde, des niveaux élevés d’apprentissage par la démarche d’investigation sans une base suffisante d’enseignement explicite entraînent des résultats inférieurs pour les élèves.
Les systèmes scolaires doivent faire preuve de prudence dans la promotion des pratiques d’apprentissage par l’investigation. L’usage de certaines de ces approches se traduit invariablement en un impact négatif sur les résultats moyens des élèves dans presque toutes les régions, même lorsqu’elles ne sont appliquées que dans certaines leçons.
Ces pratiques à proscrire en ce qui concerne l’apprentissage en sciences consistent à demander aux élèves :
- De concevoir leurs propres expériences.
- D’effectuer des recherches pour tester des idées
- D’organiser un débat en classe sur leurs recherches
- Ou d’argumenter sur des questions scientifiques.
Toutefois, les pratiques basées sur l’investigation peuvent apporter des avantages autres que l’amélioration des résultats des élèves en sciences. L’expérience d’un l’apprentissage par l’investigation accroît le plaisir ressenti par les élèves à l’égard des sciences de façon nettement plus importante que ne le fait un enseignement explicite. Toutefois, l’enseignement explicite présente également une corrélation positive avec un plus grand plaisir ressenti à l’égard des sciences, sans toutefois avoir un impact aussi élevé.
Cette dimension reste importante, car la passion pour un sujet est liée à une plus grande persévérance dans l’étude. L’apprentissage par l’investigation a un impact positif similaire sur la conviction des élèves que les sciences sont utiles pour leur future carrière.
Dans les régions développées, le fait de demander aux élèves de passer du temps en laboratoire à réaliser des expériences pratiques et à en tirer des conclusions peut dans certaines conditions avoir un impact positif important. Celui-ci ne se révèle que lorsqu’il est réalisé dans certaines leçons. Mais cela a un impact négatif lorsque c’est fait trop souvent, probablement en raison de l’éviction d’autres activités.
Dans l’ensemble, cette analyse suggère que les systèmes éducatifs devraient s’efforcer d’équilibrer les méthodes basées sur l’investigation en assurant une part suffisante à un enseignement explicite des sciences.
Pour que l’enseignement en sciences soit efficace, nous devons nous assurer que les enseignants sont capables d’expliquer clairement les concepts scientifiques. De plus, les élèves doivent déjà maîtriser suffisamment le contenu pour pouvoir tirer bénéfice d’un apprentissage par l’investigation.
Ce résultat est en phase avec l’idée de combiner l’enseignement explicite et la découverte guidée telle que prônée par le modèle LRI.
Dans cette perspective, les meilleurs résultats sont obtenus lorsque les deux styles d’enseignement fonctionnent ensemble. La meilleure solution consiste à privilégier un enseignement explicite dans la plupart ou la quasi-totalité des leçons dans un premier temps, et de la découverte guidée dans certaines leçons dans un second temps. Les bénéfices d’une telle approche se vérifient dans les cinq régions de l’enquête PISA 2015.
Mis à jour le 28/07/2023
Bibliographie
Mona Mourshed, Marc Krawitz and Emma Dorn, 2017, How to improve student educational outcomes: New insights from data analytics
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