mercredi 29 décembre 2021

Le soutien au comportement positif, une intervention systémique et contextuelle

Dans le cadre des travaux menés sur les conditions d’amélioration du climat scolaire, des chercheurs invitent les écoles à coupler des approches systémiques et contextuelles.

(Photographie : Ogino Taro)


Parmi les différentes approches qui existent, le soutien au comportement positif bénéficie d’une reconnaissance de plus en plus large de la part de la recherche quant à son efficacité.




Deux atouts principaux du soutien au comportement positif


Le premier avantage du soutien au comportement positif est de mettre en œuvre et en synergie un ensemble d’interventions aux effets probants à l’échelle d’un établissement. Le soutien au comportement positif est une approche systémique permettant d’installer un cadre structurant et d’offrir des lignes directrices à de nombreuses actions menées en école.

Le second avantage du soutien au comportement positif est qu’il ne s’agit pas d’un dispositif rigide répondant à des prescriptions figées. Il correspond plutôt à un ensemble de stratégies et de procédures malléables qui viennent s’adapter au contexte local (en matière de public scolaire, d’implantation géographique, de culture et de valeurs d’un établissement).

Toutefois, sa mise en œuvre est complexe, elle demande accompagnement et expertise. Elle peut également être analysée comme un processus de diffusion de l’innovation. Le respect de sa complexité fonctionne comme une garantie du succès de sa mise en œuvre.



Le phénomène de diffusion de l’innovation


Le processus de diffusion de l’innovation a été décrit par Everett M. Rogers (2003). 

Elle part du principe qu’il ne suffit pas d’apporter la preuve qu’une approche éducative ou une pratique d’enseignement est plus efficace pour qu’elle soit naturellement diffusée et adoptée dans de nombreuses écoles.

La mesure dans laquelle la diffusion et l’adoption se produiront dépend d’une foule de développements, de paramètres et de facteurs connexes. 

L’ensemble de ce processus est connu sous le nom de diffusion ou de transfert de technologie. Ce concept peut faire référence à la propagation de nouvelles idées, de technologies, de produits manufacturés, de programme de prévention, de traitement ou de pratiques fondés sur des preuves.

L’élaboration et la conception d’interventions éducatives efficaces ne sont que la première étape vers l’amélioration effective et l’obtention d’un impact à large échelle. Transférer des programmes efficaces dans des contextes réels et les y maintenir est un processus compliqué et à long terme qui exige de traiter efficacement les phases progressives et complexes de la diffusion des programmes. 

Ces phases comprennent :
  • La diffusion : elle concerne l’accès, la qualité et la disponibilité de l’information sur l’existence et la valeur d’un programme fournie aux adoptants potentiels.
  • L’adoption : elle rend compte de la décision d’une organisation ou d’un groupe local de tester le nouveau programme
  • La mise en œuvre : elle concerne le degré de qualité de la mise en œuvre du programme pendant la période d’essai
  • La durabilité : elle représente le maintien et la fidélité au programme au fil du temps.
Pour que de nombreuses personnes puissent bénéficier du programme d’intervention, l’opération ne peut pas être unitaire. Chaque étape du processus, de la diffusion à la durabilité doit être réussie dans chacun des différents établissements.

Ce dernier élément est crucial, car il existe un écueil très bien documenté. La recherche indique que la diffusion d’interventions efficaces produit généralement des rendements décroissants à mesure que le processus se déroule et s’étend. 

Pour diverses raisons, les informations sur les interventions efficaces peuvent ne pas parvenir à de nombreux établissements. Lorsqu’elles le font, seuls certains membres d’un établissement peuvent être motivés pour essayer quelque chose de nouveau. 

De nombreux programmes d’interventions innovants rencontrent des problèmes de mise en œuvre qui diminuent l’impact. 

De plus, un nombre relativement peu élevé d’interventions sont maintenues dans le temps, indépendamment du succès obtenu pendant une période de démonstration.



L’importance de la fidélité de la mise en œuvre


La qualité de la mise œuvre et de son suivi influence grandement les résultats des interventions. Une mise en œuvre efficace et rigoureuse est invariablement associée à de meilleurs résultats.

Les programmes qui incluent une démarche de surveillance de leur propre mise en œuvre obtiennent des effets plus importants que les programmes qui n’assurent pas ce suivi. 

Un suivi précoce de la mise en œuvre peut permettre d’identifier des problèmes dans l’application du programme qui peuvent être corrigés rapidement pour garantir de meilleurs résultats. 

Une évaluation du processus de mise en œuvre est nécessaire et indispensable pour assurer la validité interne et externe des interventions. 

L’interprétation précise des résultats d’un statut actuel dépend de la connaissance des aspects de l’intervention qui ont été mis en œuvre et de la qualité de cette dernière : 
  • Des résultats négatifs peuvent survenir si le programme n’est pas correctement mis en œuvre
  • Un impact positif peut être obtenu grâce à une mise en œuvre qui dans la pratique, est très différente de ce qui était initialement prévu. 
Dans les deux cas, il est impossible de porter un jugement valable sur la valeur du programme initial, sur la preuve de l’impact. Les données de mise en œuvre sont également importantes pour tester la théorie qui sous-tend une innovation, c’est-à-dire la preuve du mécanisme.

Le niveau de mise en œuvre atteint est un déterminant important des résultats du programme. Une bonne mise en œuvre augmente non seulement les chances de succès du programme en termes statistiques, mais peut également conduire à des avantages. 



L’adaptabilité de la mise en œuvre


La fidélité est la mesure dans laquelle l’innovation correspond au programme initialement prévu. L’adaptation fait référence aux changements apportés au programme original pendant sa mise en œuvre. Certains changements peuvent n’avoir que des conséquences mineures tandis que d’autres peuvent hypothéquer les bénéfices d’une intervention.

Les facteurs contextuels doivent être pris en compte lorsqu’une nouvelle intervention est mise en œuvre dans l’environnement réel d’une école.

Ces échanges se produisent dans les deux sens. Dans le cadre de la recherche translationnelle en éducation, il est clairement établi que les chercheurs peuvent apprendre de l’expertise contextualisée des enseignants, sur la manière d’améliorer leurs interventions. Cela exige qu’ils échangent, comprennent et évaluent ce qui se passe durant la mise en œuvre. 

Dans certains cas, des adaptations réfléchies peuvent améliorer les résultats, alors que dans d’autres cas, les changements peuvent nuire au succès du programme. Par conséquent, il est essentiel de surveiller les types d’adaptations qui se produisent au lieu de les traiter d’emblée comme des échecs de la mise en œuvre ou comme des détails. 

Dans tous les cas, c’est à la recherche qu’il revient de déterminer :
  • Les composantes essentielles du programme qui doivent être privilégiées en matière de fidélité et de surveillance de leur mise en œuvre.
  • Les composantes moins centrales du programme qui peuvent être modifiées pour assurer un bon ajustement écologique.
Toutes les composantes d’un programme d’intervention ne vont pas avoir la même contribution en matière d’impact :
  • Certaines caractéristiques des programmes doivent être exécutées avec fidélité et d’autres peuvent être modifiées pour s’adapter aux conditions locales.
  • Certaines de ces composantes peuvent reposer assez fortement sur les caractéristiques du contexte plus que sur celles de l’intervention. C’est par exemple la capacité des enseignants participants à établir de bonnes relations avec leurs élèves et à communiquer des attentes élevées. 



Équilibre entre fidélité et adaptation


L’adaptation peut jouer dans la mise en œuvre d’un programme.

Il y a un équilibre à trouver entre deux positions apparemment opposées :
  • Les programmes d’intervention doivent être mis en œuvre avec une fidélité maximale 
  • L’adaptation doit être autorisée ou encouragée pour répondre aux besoins du contexte et aux particularités locales.
Nous pouvons à ce titre poser quelques considérations :
  • Un niveau élevé de fidélité est possible dans des circonstances entièrement favorables qui ne sont pas toujours celles rencontrées sur le terrain et qui incluent une adhésion totale du personnel concerné.
  • Certaines interventions sont plus propices à être mises en œuvre avec fidélité parce qu’elles sont très structurées et qu’elles sont accompagnées de manuels ou de plans détaillés. De nombreuses interventions ne présentent pas ces caractéristiques. 
  • Des niveaux plus élevés de fidélité sont significativement liés à de meilleurs résultats des programmes d’intervention en matière d’impact. Cependant, les niveaux de fidélité associés n’atteignent pas 100 %, ce qui laisse de la place pour que l’adaptation puisse jouer un rôle dans l’effet rencontré. Toutefois, il n’est pas réaliste de s’attendre à une mise en œuvre parfaite ou quasi parfaite. Des résultats positifs ont souvent été obtenus avec des niveaux autour de 60 %. Peu d’études montrent des mises en œuvre atteignant des niveaux de fidélité supérieurs à 80 %. 

Les intentions liées à la fidélité et l’adaptation coïncident fréquemment. Elles peuvent être toutes les deux importantes pour l’obtention de résultats. 



Prise de décision partagée dans le cadre de la fidélité de la mise en œuvre


L’adaptabilité du programme suggère qu’une meilleure mise en œuvre se produit lorsque les intervenants peuvent apporter quelques ajustements au programme.

C’est ici que nous pouvons introduire la notion de prise de décision partagée qui est à la fois un facteur d’adhésion et un facteur favorable à la mise en œuvre et à l’impact.

La prise de décision partagée recouvre tant l’engagement que la participation de la communauté éducative et la collaboration de ses membres pour l’appropriation et l’adaptation locale des mesures à décliner. 

Différentes études montrent que les adaptations peuvent améliorer les résultats des programmes. Les personnes responsables de la mise en œuvre doivent bien connaitre à la fois le programme et la communauté dans laquelle elle est mise en œuvre. Ils devraient être ainsi en mesure d’adapter les programmes pour le rendre plus efficace dans un contexte spécifique sans toucher à ses ingrédients actifs, essentiels à son efficacité.

La prise de décision partagée correspond à la participation de la communauté et à sa collaboration dans certains choix et développements locaux. 

Les pratiques organisationnelles de prises de décision partagées sont d’importants prédicteurs de la viabilité d’un dispositif. 

Elles incluent : 
  • L’établissement de relations de collaboration horizontales entre les participants.
  • Le partage des responsabilités et de l’exécution des tâches
  • La recherche de consensus en cas de difficultés, de désaccords ou d’impasse. 
La prise de décision partagée améliore la mise en œuvre :
  • L’autonomisation des membres de la communauté peut être un moyen efficace de résoudre les problèmes locaux. 
  • La prise de décision partagée permet aux individus d’exercer un certain contrôle sur les services locaux et reconnaît l’importance d’adapter la prestation des programmes aux besoins, aux préférences et aux normes culturelles locales. 
  • Elle facilite l’appropriation d’un programme par une communauté.
  • De plus, la participation de la communauté augmente la probabilité que les programmes efficaces soient maintenus.

Dans le cadre de sa mise en œuvre, le soutien au comportement positif répond à cette double dimension de la fidélité et de l’adaptation.



Engagement collectif et adhésion au soutien au comportement positif


Lorsqu’un établissement envisage de s’engager dans la mise en œuvre du soutien au comportement positif, il s’engage dans une étape préalable. Elle correspond à la présentation du projet, de son ampleur, de ses objectifs et de ses principes, au personnel de l’établissement concerné (enseignants, éducateurs, direction et membres du personnel technique) et à répondre à leurs questions.

Le but est d’obtenir leur adhésion pour s’engager ou non dans le processus. Un vote doit être organisé. Un taux minimum de 80 % des membres du personnel est nécessaire afin d’assurer une mise en œuvre cohérente. Lorsque ce niveau d’adhésion n’est pas atteint, il représente une entrave de taille aux efforts déployés par leurs collègues enclins à s’engager (Sugai & Horner, 2002). 



Comité de pilotage SCP


Lorsqu’un établissement s’engage dans la démarche, un comité de pilotage représentatif des membres de la communauté éducative est constitué.  

Des réunions fréquentes de ce dernier sont programmées pour soutenir, participer et guider le développement et la mise en œuvre du projet. L’appui d’un accompagnateur extérieur (formé à la démarche et familier avec les approches théoriques sous- jacentes) est nécessaire pour guider ces réflexions. 

Parallèlement aux réflexions collectives suscitées, le dispositif prévoit des formations, le développement d’outils et la mise en œuvre de divers processus dans une démarche de prise de décision partagée.

Différentes démarches de questionnement doivent être menées en consultation avec les différents intervenants. Elles contribuent à l’adaptation du soutien au comportement positif au contexte local : Quels sont les comportements attendus dans notre établissement ? 
  • Quand et comment enseignons-nous et communiquons-nous à leur sujet avec les élèves ? 
  • Sur quelle base fondons-nous ces comportements (valeurs, contexte, missions, etc.) ?
  • Quelle place est faite au renforcement positif du comportement des élèves ?
  • Quels comportements jugeons-nous inappropriés ? 
  • Quelles réponses apporter face à un comportement inapproprié ? Comment en gérer le suivi ?
  • Quel accompagnement peut être offert aux élèves adoptant fréquemment des comportements inappropriés ?
  • Comment récolter des données pour évaluer le climat scolaire au fil du temps ?




Bénéfices potentiels du soutien au comportement positif en école


Selon le Missouri SWPBIS (2019), les écoles qui ont mis en œuvre des approches positives, proactives et pédagogiques de la discipline telles que mises en œuvre dans le cadre du soutien au comportement positif connaissent des résultats nombreux et variés, intentionnels ou non. 

Beaucoup d’entre elles constatent une diminution de la fréquence et de la gravité des problèmes de discipline. Elles constatent également des changements dans la culture et le climat qui découlent de l’unification du personnel et du travail collaboratif. 

Voici quelques impacts possibles de la mise en œuvre : 
  • Amélioration de la fréquentation scolaire et de la ponctualité.
  • Réduction des comportements liés au retard
  • Diminution des exclusions de classe, des demandes d’intervention interne ou des appels à une aide externe.
  • Augmentation du temps de participation et de l’engagement des élèves
  • Relations harmonieuses dans l’équipe éducative et avec la direction.
  • Réduction des bagarres entre élèves
  • Amélioration des résultats scolaires
  • Amélioration des compétences d’interaction sociales avec les pairs
  • Augmentation de la participation des élèves aux cours et aux activités scolaires
  • Augmentation de la ponctualité des devoirs à domicile
  • Amélioration de l’estime de soi et de la capacité à prendre des décisions (autonomie)
  • Plus grande satisfaction des élèves vis-à-vis de l’école
  • Augmentation du soutien des parents
  • Diminution des exclusions et renvois
  • Diminution du nombre d’abandons scolaires
  • Augmentation du taux d’obtention de diplôme
  • Meilleure assiduité des enseignants
  • Augmentation des déclarations positives du personnel sur les étudiants
  • Diminution du stress signalé par le personnel
  • Contacts positifs plus fréquents avec les parents




Mis à jour le 13/05/2023

Bibliographie


Durlak, J. A., & DuPre, E. P. (2008). Implementation matters: A review of research on the influence of implementation on program outcomes and the factors affecting implementation. American journal of community psychology, 41 (3–4), 327–350. 

Rogers, E. M. (2003). Diffusion of innovations (5th ed.). New York: Free Press. 

Sugai, G., & Horner, R. (2002). The evolution of discipline practices: School-wide positive behavior supports. Child & Family Behavior Therapy, 24 (1–2), 23–50.

Kubiszewski, V. (2018). L’approche du « Soutien au Comportement Positif » : Description, apports théoriques et planification de l’étude de son déploiement (Rapport intermédiaire). Besançon : Université Bourgogne Franche-Comté. 

Missouri Schoolwide Positive Behavior Support, Tier 1, Team Workbook, 2018–2019

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