Nous avons exploré l’approche Initiation-Réponse-Feedback liée au questionnement en classe dans un précédent article. Nous abordons maintenant sa mise en œuvre concrète dans le cadre d’un enseignement explicite en classe.
Débuter par des questions de récupération fermées sur le vocabulaire, les règles et le formalisme
Un bon enseignement est toujours appuyé sur des techniques de questionnement efficaces.
Dans un premier temps, à l’entame d’une nouvelle matière, au début de la pratique, l’enjeu est de faciliter les réponses des élèves.
Des modèles ou réponses prévisibles sont nécessaires, par exemple pour établir un sous-ensemble de vocabulaire ou une utilisation particulière de procédures. Peu importe le cours considéré, à partir du moment où des nouveaux savoirs et savoir-faire sont introduits, le processus est utile afin de stimuler l’encodage et le surapprentissage par la récupération pour soutenir le développement des automatismes.
Ce dispositif permet à l’enseignant, à ce stade, permet par exemple d’établir de bonnes habitudes de prononciation ou de renforcer le genre des noms et des adjectifs dans un cours de langues. Il permet l’usage précis d’un langage académique dans un cours de mathématiques et de sciences.
Si nous nous plaçons dans le cadre d’une démarche d’enseignement explicite, nous parlons ici des procédures de vérification de la compréhension telles que nous les trouvons au stade du modelage et au début de la pratique guidée. Nous nous assurons que les élèves assimilent le vocabulaire et les règles que nous allons par la suite exploiter dans des cadres applicatifs plus complexes.
Choisir intentionnellement ou aléatoirement les élèves qui répondent
Un écueil à cette pratique qu’il faudra dépasser est que spontanément, dans la plupart des classes, dès que l’enseignant pose une question, ce sont les élèves qui décident de participer en levant la main. L’enseignant sélectionne alors l’un d’eux.
Dans une conjoncture, certains élèves choisissent de participer, se portent volontaires pour répondre à chaque question, ils sont engagés cognitivement. D’autres tentent d’éviter le regard de l’enseignant afin de ne pas être sollicités. Ils tendent à ne pas s’impliquer cognitivement. Ils suivent, ils prennent note des réponses, mais n’y réfléchissent pas.
La principale inquiétude est que l’apprentissage et les compétences des élèves en classe sont essentiellement accrus par leur participation à une discussion active et le traitement cognitif qui l’accompagne.
Malheureusement, les élèves ont tendance à choisir pour eux-mêmes des environnements qui correspondent à leur niveau préféré de fonctionnement cognitif.
De fait, les élèves qui participent activement à de telles interactions en classe augmentent en fait leurs capacités cognitives, tandis que ceux qui cherchent à éviter la participation se privent de cette opportunité. L’effet Mathieu entre en scène. L’écart entre élèves s’accroît, car les meilleurs profitent de chaque opportunité pour progresser et ceux plus faibles se déconnectent et stagnent.
Le fait de laisser les élèves décider de participer ou non accroît l’écart de résultats entre les élèves les moins performants et les plus performants. Il est donc essentiel que les enseignants proposent des stratégies permettant aux élèves de participer à leur niveau lorsqu’ils manquent de confiance en eux.
Une solution simple est d’adopter la règle suivante : « Pas de mains levées, sauf pour poser une question ». Les élèves sont autorisés à lever la main pour poser une question à l’enseignant, mais si l’enseignant a posé une question, c’est lui qui choisit qui appeler pour obtenir une réponse.
Bien sûr, il y a des moments où une telle règle n’est pas utile, par exemple, si l’enseignant veut savoir si certains membres de la classe ont une réponse différente de celle donnée par un élève particulier. Il reste des moments où il est bénéfique que les élèves puisent lever le doigt pour répondre. Un autre exemple est celui des questions de dépassement.
L’utilisation de la règle « Pas de mains levées sauf pour poser une question » augmente considérablement l’engagement des élèves et peut être utilisée pour une grande variété de questions.
Il n’est pas possible pour un enseignant de choisir des élèves au hasard, car il est victime de biais conscients ou inconscients.
Par exemple, le désir de maintenir le rythme du cours semble conduire un enseignant à choisir, inconsciemment, des élèves susceptibles de donner la bonne réponse. Il est donc utile de provoquer le hasard avec des bâtonnets ou des petites cartes où sont écrits les noms des élèves, afin de choisir les élèves vraiment au hasard. Il est bien sûr essentiel de remplacer les noms lorsqu’ils sont tirés, car sinon l’élève choisi saura qu’il est tiré d’affaire pour un petit moment et peut se mettre en pause.
Ce qui est important dans ce type d’échange, c’est que la réponse de l’élève « Je ne sais pas » ne doit pas être une option pour un élève. Parfois, la réponse « Je ne sais pas » d’un élève peut être due non pas à un manque de connaissances, mais à un manque de volonté de participer.
L’enseignant pose une autre question à un autre élève pour lui donner du répit et du temps de recherche puis revient vers lui. Si l’élève n’y arrive pas alors l’enseignant réexplique ou lui propose une remédiation.
Lorsque l’élève ne répond pas par crainte de se tromper, nous pouvons réagir en lui disant : « Oui, mais si tu savais, que dirais-tu ? ». Souvent, les élèves vont donner des réponses sensées mêmes si imparfaites. Le double avantage pour l’enseignant est que premièrement l’élève s’est investi. Deuxièmement, en retour l’enseignant dispose d’un meilleur retour d’information pour diagnostiquer la difficulté de l’élève et décider la suite de l’enseignement.
Le point crucial à ces situations est que lorsqu’un élève résiste à la discussion, l’enseignant continue à insister sur le fait que tous les élèves doivent participer de manière à instaurer une culture de la participation.
Passer ensuite aux questions qui monopolisent de l'élaboration et de la réflexion
Le risque des questions de récupération et de formalisme est qu’elles permettent un questionnement rapide. Ce dernier devient routinier sur la longueur même lorsque les élèves sont choisis au hasard. Il peut rapidement se transformer en une répétition de formules standards qui dispensent de devoir vraiment réfléchir.
De tels échanges peuvent paraître très impressionnants et sont des manifestations de performances. Malheureusement, la performance dans ces conditions ne signifie pas qu’il y ait un apprentissage utile ou durable. Ces échanges rapides n’ont rien à voir avec l’apprentissage. Ils accélèrent certes le rappel du vocabulaire familier, mais ces effets s’atrophient assez rapidement. La quantité de nouveaux apprentissages qui a lieu pendant ces échanges est négligeable, car il est impossible de réfléchir à une telle vitesse et les élèves se reposent sur des automatismes superficiels et rapidement oubliés.
Une fois que le vocabulaire ou la procédure standard semblent maîtrisés, il est rapidement temps d’injecter de l’élaboration.
Le véritable rythme des cours consiste à s’assurer que la plus grande partie possible du temps disponible est consacrée à des activités qui génèrent un apprentissage significatif et durable. Cela signifie qu’il faut prévoir plus de temps pour la réflexion et moins de temps pour de simples réaction et répétitions.
Si nous n’offrons pas de défis cognitifs, si nous ne demandons pas aux élèves de réfléchir, il est peu probable qu’ils prennent réellement le cours au sérieux et qu’ils apprennent en classe.
Répartir la charge cognitive dans les interactions en classe en impliquant plus d'élèves
Dans le déroulement du questionnement et du dialogue en classe, l’enseignant est à la fois le moteur et le goulet d’étranglement. Il y a le risque que l’enseignant fournisse une trop grande part du travail intellectuel effectué en classe, qu’il donne les questions et les réponses.
Même lorsque l’enseignant choisit des élèves au hasard et leur laisse le temps de répondre, les échanges en classe peuvent ressembler à une série d’échanges individuels. Nous pourrions les décrire comme une partie de ping-pong en série avec chaque fois l’enseignant faisant face à un seul élève. D’emblée, l’enseignant prend en charge 50 % de la charge cognitive, l’autre moitié étant répartie entre tous les élèves.
Pour permettre au discours de la classe de s’appuyer sur les contributions de plus d’élèves, les enseignants peuvent explorer une variété de techniques différentes. Par exemple, l’enseignant pose une question à un élève, choisi au hasard. Puis il choisit un deuxième au hasard pour évaluer la réponse, et peut-être un troisième, toujours au hasard, pour expliquer pourquoi la réponse est correcte ou incorrecte, ou embrayer sur un développement.
Ce type de dialogue en classe est beaucoup plus exigeant pour l’enseignant et demande à la fois une expertise et une pratique délibérée. L’enseignant doit écouter attentivement les réponses des élèves, en recherchant les possibilités de divergence, d’expansion et de créativité, tant dans la question que dans la réponse.
De fait, dans les classes les plus efficaces, l’enseignant devient davantage un chef d’orchestre qu’un soliste vedette dans un environnement stimulant. Il fait intervenir les contributions de différents élèves dans la discussion. Il développe par ce biais une plus grande autonomie des élèves dans le sens où ils doivent rester attentifs, écouter, réfléchir et pouvoir réagir et répondre dans la foulée.
Les enjeux d'une vérification de la compréhension qui évolue au fil du temps en classe
Bien que nous puissions interroger les élèves à la volée, en improvisant nos questions sur le moment, ces démarches ne sont pas optimales et le questionnement risque de se révéler pauvre. C’est la planification minutieuse d’un éventail de questions possibles qui permet un dialogue réussi en classe. Nous devons préparer minutieusement le terrain.
L’enseignant commence par des questions de base, plutôt fermées et de récupération. Il passe ensuite à des questions plus ouvertes, qui demandent plus d’élaboration. Il utilise pour cela diverses techniques y compris des quiz. À travers ce processus, diverses stratégies sont développées, enseignées et pratiques.
Les élèves apprennent à répondre de manière appropriée, avec un étayage minutieux de la part de l’enseignant. L’ensemble de la séquence fournit aux élèves des occasions de combiner des éléments de connaissance nouveaux et antérieurs, permettant à l’enseignant d’évaluer la qualité du nouvel apprentissage et du précédent.
Mise à jour 03/03/2023
Bibliographie
Jones, Jane & Wiliam, Dylan. (2007). Modern foreign languages inside the black box: assessment for learning in the modern foreign languages classroom.
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