dimanche 1 août 2021

Évaluation formative et expression orale : pratiques de questionnement en classe

La maîtrise de l’oral est à juste titre considérée, tant par les enseignants que par les élèves, comme l’objectif ultime de tout apprenant dans un cours de langue moderne étrangère. Elle n’en demeure pas moins importante dans n’importe quelle matière.

(Photographie : Michael Roggemann)



L’importance de l’oralité dans chaque matière


L’expression orale est considérée comme la preuve qu’une personne est capable de maîtriser une langue ou un contenu spécifique, puisqu’elle se traduit en une communication réelle et significative qui en est la preuve tacite. 

Nous attendons un élève qu’il puisse dans une certaine mesure penser et communiquer comme un scientifique, comme un historien, un géographe ou un mathématicien. Chaque fois, la maîtrise de la langue est essentielle.

Le développement du langage et de sa compréhension dans chaque branche nécessite des interactions sociales. Dans un contexte éducatif, la prise de parole est une compétence complexe à développer. 




Connaitre le vocabulaire et savoir quand et comment l’utiliser


Le principal objectif pédagogique de la prise de parole est d’échanger des informations déjà connues et de vérifier les connaissances des élèves. 

Face à cela, en particulier dans l’enseignement secondaire, le danger peut venir de trop s’appuyer sur la structure et la précision du langage, quelle que soit la matière. Cela peut traduire par des cours basées essentiellement sur des échanges formels fortement basés sur une syntaxe ou un vocabulaire précis. 

Les enseignants qui se concentrent trop sur la forme au détriment du contenu imposent trop de rigueur sur la structure. Ils peuvent négliger la composante linguistique et la profondeur de la réflexion qui sont cruciales et peuvent être le véritable vecteur du premier point. 

Dans le cadre d’un cours de langues, l’objectif principal d’un apprentissage dans des contextes significatifs pourrait alors ne pas être atteignable. 

Dans le cours de sciences ou de mathématiques, un élève peut très bien apprendre à utiliser une procédure de manière superficielle, sans réellement comprendre pourquoi et quand l’utiliser. Même s’il se révèle performant, ce sera peine perdue, car il ne saura pas quand la mobiliser en contexte informel et ne le fera pas.

Dans les deux cas, les transferts de connaissances et leur durabilité deviennent purement hypothétiques.




L’approche Initiation-Réponse-Feedback


L’approche Initiation-Réponse-Feedback (IRF) est une technique permettant d’assurer une communication significative dans un cours de langue. Mais le concept autour de ce modèle d’interaction n’est pas spécifique à un cours de langue et peut s’exporter dans n’importe quelle matière. Ce modèle d’interaction répond à la nécessité de promouvoir le développement de la langue.

Initiation-Réponse-Feedback est un modèle d’interaction qui a été identifié comme potentiellement commun dans les conversations en classe :

  • L’enseignant ouvre l’échange par une question (I)
  • Cette question suscite la réponse (R) de l’élève
  • L’enseignant offre une rétroaction (F) à la réponse de l’élève. 

La séquence IRF permet de comprendre et d’analyser la nature particulière de l’interaction en classe. 

Ce schéma d’interaction était généralement représenté par trois types d’échange basiques : 

1) Des séquences de questions-réponses (comme décrit dans l’exemple ci-dessus) :

  • Enseignant : (I) Quelle est la capitale de l’Équateur ? 
  • Élève (désigné) : (R) Quito.
  • Enseignant : (F) Bonne réponse ! 


2) Des élèves répondant aux directives de l’enseignant

  • L’enseignant : (I) Alors, maintenant ouvrons le manuel.
  • Élève (levant le doigt) : (R) À la page 96 ?
  • Enseignant : (F) Oui, c’est ça !


3) Des élèves réagissant par des questions à l’enseignant donner des informations.

  • Enseignant : (I) Dans le passé, les gens croyaient à tort que la Terre était plate. 
  • Élève (levant le doigt) : (R) Plate ?
  • Enseignant : (F) Exactement !




Questions de récupération ou d’élaboration dans le cadre de l’approche Initiation-Réponse-Feedback


Nous pouvons faire une distinction entre deux types de questions suscitant la réponse des élèves : 

Les questions de récupération pour lesquelles la réponse attendue est préalablement connue de l’enseignant. Elle se trouve telle quelle dans le cours ou est une application directe d’une procédure. Les questions de récupération sont les plus courantes. 

Exemple A : 

  • Enseignant : (I) Quand l’Amérique a-t-elle été découverte ?
  • Élève : (R) En 149.
  • Enseignant : (F) Correct !


Exemple A : 

  • Enseignant : (I) Quelle est la masse molaire de l’acide sulfurique ?
  • Élève : (R) 98 g/mol.
  • Enseignant : (F) Correct !


Les questions élaboratives ou référentielles :

  • Elles recherchent des informations partiellement connues par l’enseignant.
  • Elles sont généralement considérées comme des opportunités d’interactions authentiques, comme lors de demandes de justification, de développements ou d’échanges d’opinions. 
  • Elles donnent des occasions d’utiliser la langue cible ou le langage académique de la matière de différentes manières.
  • Elles ont tendance à déclencher des réponses plus complexes et plus longues de la part des élèves, ce qui permet une communication plus authentique. 

Les questions de récupération ou référentielles sont considérées d’ordre inférieur, ne nécessitant que le rappel ou l’application d’une règle simple.

Les questions d’élaboration sont considérées d’ordre supérieur, elles nécessitent le développement d’un raisonnement.

Par exemple, des questions comme « le verbe être est-il régulier ? » ou « Le sodium est-il un métal ? » sont des questions de récupération et donc des questions d’ordre inférieur pour la plupart des élèves. Soit, nous connaissons la réponse, soit nous ne la connaissons pas.

En revanche, la question « Qu’est-ce que cela signifie pour un verbe d’être irrégulier ? » « Qu’est-ce qui permettrait de classer le sodium parmi les métaux ? » sont des questions d’élaboration. Elle demande aux élèves de réfléchir, de récupérer des informations dans la mémoire à long terme et de les traiter pour y répondre. 

Les questions d’élaboration sont les plus intéressantes et les plus en lien avec un apprentissage réel. Cependant, les questions de récupération restent utiles, du moins dans un premier temps. Il n’est pas possible pour les élèves de répondre à une question d’élaboration s’ils ne connaissent pas au départ les connaissances à manipuler. Commencer par des questions de récupération permet de s’assurer de ce point dans un premier temps. 




La dimension discurvise de la rétroaction dans l’approche Initiation-Réponse-Feedback


L’IRF peut être modifié de sorte que l’enseignant ne soit pas le seul chargé d’amorcer et de clôturer l’échange.

Dans ce cas, la rétroaction (F) de l’enseignant relance l’échange. La communication linguistique orale est exploitée puisque les élèves et l’enseignant continuent à échanger dans le cadre de la matière en utilisant le vocabulaire adéquat tout au long de la discussion.

La rétroaction joue un rôle assez important dans ce schéma d’interaction. Elle remplit deux fonctions principales dans les interactions en classe : 

  • Un rôle évaluatif : 
    • Il est typique des questions de récupération, il fournit des informations sur la performance des apprenants afin qu’ils puissent constater si leur réponse a besoin d’être modifiée ou non. 
    • Ce type de questions ne conduit généralement pas à une véritable communication.
  • Un rôle discursif : 
    • Il est typique des questions élaboratives, il vise à partir des contributions des élèves et à les incorporer dans le flux du discours de la classe.
    • Les interactions permettent de soutenir et de développer le dialogue entre l’enseignant et ses élèves.
    • La rétroaction discursive pourrait encourager la participation des apprenants et un engagement plus soutenu des élèves, car il se concentre sur le contenu plutôt que sur la forme. 


Exemple de rétroaction discursive :

  • Enseignant : À votre avis, quelle est la ressource naturelle la plus importante ?
  • Étudiant A : À mon avis, l’eau. 
  • Enseignant : Je suis d’accord. Pourquoi ? 
  • Étudiant B : Eh bien, sans eau, on ne peut pas cuisiner, prendre une douche, laver ses vêtements. Nous buvons de l’eau tous les jours. R
  • Enseignant : Ce sont des raisons valables, mais qu’est-ce que nous pourrions dire de la disponibilité de telles ressources ?
  • Étudiant C, etc.


La rétroaction discursive permet qu’un mouvement de suivi se produise. Cela implique que les enseignants posent des questions métacognitives, qui engagent tous les enseignants dans des interactions étendues qui capturent leur attention et les font réfléchir.




Soutenir l’engagement des élèves par l’approche Initiation-Réponse-Feedback


L’approche IRF permet à l’enseignant d’avoir une meilleure gestion de la classe en stimulant l’attention et l’engagement de ses élèves. Lorsque les enseignants sont chargés de l’amorçage dans un dialogue d’élaboration, ils contrôlent qui peut parler et quand (idéalement selon un processus aléatoire), pendant combien de temps et sur quel sujet. Les enseignants décident quand susciter une réponse ou non. 

Les enseignants confirment même leur pouvoir lorsqu’ils fournissent une évaluation experte et formative de la réponse des élèves les guidant sur la manière de s’améliorer.

Un inconvénient possible est qu’à travers l’approche IRF, la parole de l’enseignant soit maximisée par rapport à celle des élèves. En effet, pour chaque énonciation faite par un élève (R), les enseignants en font généralement d’une à deux (I, F) en fonction des relances. 

De plus, une tendance des enseignants à contrôler et à amorcer les échanges peut conduire à des réponses mécaniques, voire monotones, de la part des élèves et donc potentiellement peu authentiques. Des approches IRF étroitement structurées laissent peu d’espace aux apprenants pour développer leurs idées ou s’engager dans des formes de conversation étendues. Le thème des échanges et le niveau d’exigences doivent bien être pilotés par l’enseignant de telle manière qu’ils représentent des défis ni trop faciles, ni trop difficiles pour les élèves.

De plus dans de tels processus, les élèves doivent être incités à des contributions spontanées personnelles. Ils peuvent demander la parole pour apporter un complément d’information ou poser une question de compréhension quand ils en ressentent le bulletin. L’enseignant gagne à distribuer du renforcement positif et une rétroaction adéquate pour développer ce type de culture en classe.



Mis à jour le 02/04/202'4


Bibliographie


Jones, Jane & Wiliam, Dylan. (2007). Modern foreign languages inside the black box: assessment for learning in the modern foreign languages classroom.

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