Les techniques propres à l’évaluation formative peuvent venir s’insérer de manière optimale dans un enseignement explicite et le compléter.
Elles permettent d’introduire une forme de différenciation tout en continuant à travailler en classe complète. L’évaluation formative permet aux élèves de progresser ensemble tout en devenant une ressource pour leurs camarades et en prenant peu à peu la responsabilité de leurs apprentissages.
Cet article propose différentes pistes répondant à cette même logique dans la perspective d’interactions en classes soutenant la réflexion.
Laisser un temps d’attente pour la réflexion après avoir posé une question en classe
La plupart des enseignants trouvent qu’il peut être difficile, au début, d’accorder un temps d’attente adéquat pour permettre aux élèves de réfléchir à une question posée leur réponse sans perdre leur attention. Si nous laissons trop de temps, nous ne récolterons que des réponses superficielles.
Si nous laissons trop de temps aux élèves, une part d’entre eux va se déconcentrer, penser à autre chose. La raison est peut-être que nous ne mettons pas suffisamment les élèves au défi, et ne leur laissons par l’occasion de le relever.
Black et ses collègues (2003) ont constaté que lorsque les enseignants accordent plus de temps aux élèves pour développer et élaborer leurs réponses, les résultats sont les suivants :
- Les réponses deviennent plus longues qu’auparavant
- Plus d’élèves choisissent de répondre
- Moins d’élèves refusent de répondre
- Les élèves commentent ou complètent plus les réponses des autres élèves
- Plus d’explications alternatives ou d’exemples sont proposés.
Dans la même logique de temporisation, il peut être intéressant de proposer un partage par paire où les élèves échangent leurs réponses avec leurs voisins. L’enseignant choisit alors un élève au hasard qui partagera sa réponse avec toute la classe.
Apprendre et réfléchir prend du temps et nous devons mettre en œuvre le cadre qui permet aux élèves de s’y investir pleinement. Avancer à allure vivre en classe peut devenir un obstacle à un apprentissage en profondeur.
Favoriser l’obtention de réponses collectives en classe
Le fait de sélectionner des élèves pour répondre aux questions de manière aléatoire augmente le niveau d’engagement de l’ensemble de la classe, et élargit également les informations dont dispose l’enseignant sur les progrès de sa classe.
Cependant, le fait de n’interroger qu’un seul élève risque de frustrer de nombreux élèves qui souhaiteraient également partager leurs réponses.
De plus, en interrogeant qu’un seul élève, l’enseignant n’obtient toujours que des informations provenant d’un petit nombre d’élèves. Certaines incompréhensions ne sont pas révélées d’emblée. Afin d’élargir la base d’informations, nous pouvons opter pour des systèmes de réponse collectifs dans lesquels chaque élève est appelé à répondre simultanément.
Avec ce type de fonctionnement, les élèves sont moins confrontés au fait d’être interrogés par l’enseignant. Ils ont moins l’impression d’être seuls à ne pas avoir pu y répondre ou à avoir cette réponse-là. Il y aura statistiquement souvent plusieurs personnes qui auront la même réponse qu’eux et ils se sentiront moins isolés. Les élèves ne sont plus frustrés de ne pas pouvoir montrer leurs réponses, ils peuvent le faire à chaque fois ce qui a un effet entrainant.
Le cas des questions binaires
Le système est aisé à mettre en scène par des questions binaires où la réponse est « oui » ou « non » :
- L’enseignant pose une question et donne une proposition de réponse qui est soit bonne soit fausse. Il laisse ses élèves réfléchir quelques instants.
- Plutôt que de demander à un élève de répondre, l’enseignant peut demander à toute la classe de répondre. Les élèves lèvent le pouce vers le haut si la réponse est correcte et ils le baissent s’ils pensent qu’elle est incorrecte.
Cette technique présente deux avantages évidents :
- Le premier est que chaque élève est poussé à prendre position sur la question et à suivre. Il est immédiatement évident qu’un élève n’a pas exprimé son opinion.
- La deuxième est que l’enseignant a une bonne idée du niveau de compréhension de la classe :
- Si tout le monde répond correctement, l’enseignant peut passer rapidement à un autre sujet.
- Si personne ne répond correctement, l’enseignant doit réexpliquer le sujet.
- Si certains élèves ont répondu correctement et d’autres non, cela crée un moment propice à l’apprentissage. L’enseignant sait, dès le vote initial, qui a répondu correctement et qui ne l’a pas fait. Dès lors, il est en mesure d’orchestrer une discussion en classe beaucoup plus efficace. Il interroge alors plusieurs élèves :
- L’enseignant peut prendre au hasard un élève qui a validé la réponse et lui demander : « Tu penses que c’est correct. Pourquoi ? »
- L’enseignant se tourne vers un élève au hasard qui n’est pas d’accord et lui dit : « Tu as pensé que c’était incorrect. Pourquoi ? »
- En fonction des réponses, une discussion formative peut se dérouler pour explorer et développer la compréhension des élèves.
Le cas des questions à choix multiples
Lorsqu’il y a plus deux réponses possibles, il y a un certain nombre de possibilités. Lorsque la variété des réponses est prévisible, l’enseignant peut utiliser des jeux de cartes en classe, avec par exemple les lettres A, B, C, D, E, etc., ou des cartons de couleurs ou une application de type Plickers. Il peut également simplement demander aux élèves de lever le nombre de doigts correspondant à la bonne réponse (A = 1, B = 2, C = 3…).
Le cas des réponses courtes
Lorsque la variété des réponses n’est pas prévisible, les enseignants peuvent utiliser des ardoises effaçables que les élèves peuvent utiliser pour indiquer leurs réponses. L’enseignant peut demander à tous ses élèves de montrer leurs réponses en même temps, il en sélectionne certaines à qui il demande un partage, ce qui peut démarrer un dialogue formatif.
Le cas des réponses longues
Associer dialogue formatif et vérification de la compréhension en enseignement explicite
Les questions posées par l’enseignant en classe peuvent être utilisées pour encourager les élèves à exprimer et à développer leur raisonnement sur la matière en cours d’apprentissage. Leur réflexion peut porter sur leurs propres idées ou démarrer de celles exprimées par d’autres.
Dans le cadre du processus, l’attention des élèves peut ainsi être stimulée régulièrement ce qui se traduit par plus d’apprentissages effectifs en classe. Ces échanges et ces réflexions constituent une démarche essentielle pour développer la compréhension en classe à travers le questionnement.
Ces démarches fonctionnent potentiellement aussi bien dans un cours de langues que dans un cours de mathématiques. Elles s’appliquent dans chaque matière lorsque de nouvelles connaissances sont enseignées. Elles sont pertinentes aussi longtemps que le développement d’une compréhension en profondeur des connaissances est visé.
L’enseignant pose des questions de la manière suivante dans le cadre de la vérification de la compréhension :
- Il pose une question à toute la classe.
- Il laisse suffisamment de temps pour que tous ses élèves puissent réfléchir et il est attendu qu’il le fasse.
- L’enseignant active alors la stratégie think-pair-share et ses élèves s’échangent les réponses par praires. Il peut également mobiliser des ardoises effaçables si c’est pertinent.
- L’enseignant désigne alors au hasard ou intentionnellement un ou plusieurs élèves pour répondre. Il peut également utiliser un visualiseur pour projeter la réponse d’un élève si c’est pertinent.
- Si la réponse est incomplète :
- Je voudrais que vous réfléchissiez à la manière dont la réponse qui vient d’être partagée peut être améliorée (ou complétée ou approfondie).
- Je voudrais que vous réfléchissiez à ce qui peut être ajouté à la réponse qui vient d’être donnée.
- Si la réponse est erronée :
- Je voudrais que vous réfléchissiez si vous êtes-vous d’accord avec la réponse qui vient d’être donnée ? Dans ce cas, l’enseignant peut demander aux élèves de lever la main pour savoir s’ils sont d’accord ou non.
- Dans la foulée, il choisit un élève qui n’était pas d’accord. Il lui demande de donner une raison. Puis il donne la parole à un élève qui était d’accord pour donner son point de vue après écoute de l’avis. Le processus peut être répété.
Un élément essentiel pour le bon déroulement du processus est que les enseignants doivent faire preuve de patience. Ils doivent attendre que les différentes idées soient révélées avant de commencer à poser des questions de clarification, d’orienter les réponses ou de donner la bonne réponse eux-mêmes. L’enseignant fournit un étayage si nécessaire, mais en laissant à ses élèves le temps de développer leurs réponses au départ de là où ils en sont.
Le dialogue formatif implique une recherche de preuves de l’apprentissage des élèves et un retour d’information en direct qui fait réfléchir tous les élèves. Nous sommes profondément dans une démarche d’enseignement adaptatif dont tous les élèves peuvent profiter, qu’ils soient au stade de l’établissement de la compréhension ou de la récupération en mémoire.
Planifier des questions de complexité croissances lors de l’enseignement dans le cadre de la vérification de la compréhension
Les enseignants doivent prévoir des questions de complexité croissante et diversifiées, même s’il s’agit de démarrer de questions de récupération ou d’applications simples. Les réponses ne doivent pas pouvoir se limiter à un ou deux mots ou à des phrases basiques qui ne correspondent pas à un réel effort d’élaboration. Il faut être vigilant et prêt à demander de reformuler : « Redis-le-moi, mais redis-le-moi mieux ».
En planifiant et compilant soigneusement les questions avant le cours, les enseignants peuvent vérifier, de manière très significative et approfondie, la compréhension des élèves de leur classe en temps réel.
Le facteur du hasard dans le choix et les réponses collectives leur permettent d’aboutir à une représentativité statistique. Il peut adapter son enseignement pendant que les élèves sont encore devant lui, plutôt que d’attendre qu’une évaluation formative ait lieu pour prendre conscience des difficultés un ou deux cours plus tard.
Se servir de l’erreur comme d’une opportunité d’apprentissage
Nous pouvons craindre dans certains cas que des élèves empruntent les réponses des autres ou les récupèrent plutôt que de délivrer leur réflexion personnelle. Nous pouvons trouver des mesures pour diminuer ce risque et les en dissuader. Nous pouvons confronter les élèves qui changent visiblement leur vote ou leur réponse en leur demandant de se justifier.
Cependant, la meilleure marche à suivre est de dédramatiser l’erreur et d’en faire un motif positif d’apprentissage. Dès lors, assez rapidement, les élèves cessent de s’inquiéter des réponses des autres et se concentrent sur les leurs et sur leur propre apprentissage. Le fait de rencontrer un blocage est une occasion d’apprendre, à la condition que l’élève ait la résilience et l’ingéniosité nécessaires pour agir intelligemment dans une telle situation.
Activer les élèves en tant que ressources d’apprentissage pour leurs pairs
Lorsque les élèves s’entraident, cela permet à l’enseignant d’éviter de mettre en œuvre une différenciation des tâches d’apprentissage et de continuer à avancer en classe entière. En cela, l’évaluation formative s’affiche comme une alternative plus efficace que la différenciation.
Certains enseignants sont réticents à prendre le temps de permettre aux élèves de s’entraider, estimant que c’est soit inefficace, soit une démission face à leurs responsabilités. Leurs élèves en viennent eux aussi à penser que s’il leur est demandé d’aider les autres élèves de la classe, ils seront ralentis dans leur apprentissage. La pression constante exercée sur les enseignants pour qu’ils différencient et personnalisent l’apprentissage exacerbe cette situation.
Pourtant, les élèves ont un rôle vital à jouer en prenant la responsabilité de leur propre apprentissage et en soutenant celui de leurs pairs
Lorsque les élèves s’entraident, ce sont ceux qui donnent de l’aide qui en profitent le plus, car le fait d’expliquer quelque chose à quelqu’un d’autre oblige à approfondir sa réflexion. C’est l’apprentissage par l’enseignement.
La compréhension des élèves sera considérablement approfondie par l’expérience qu’ils auront acquise en aidant leurs camarades. De plus, ils auront moins de chances d’oublier ce qu’ils ont appris. Sans oublier que ceux qui reçoivent de l’aide profitent directement de ce retour d’information.
Stimuler les capacités d’autoévaluation des élèves
Favoriser l’entraide, le tutorat et l’évaluation par les pairs joue également un rôle important dans le développement de l’autoévaluation pour tous les élèves.
Les élèves peuvent trouver l’autoévaluation particulièrement difficile, même lorsque des critères de réussite clairs sont fournis. Cela s’explique par le fait que, pour de nombreux élèves, l’intériorisation des critères de réussite dans le contexte de leur propre travail est tout simplement trop chargée d’émotions. C’est la raison pour laquelle de nombreux élèves semblent réticents à vérifier leur propre travail.
En revanche, dans le cadre de l’évaluation par les pairs, ils doivent intérioriser les critères de réussite dans le contexte du travail d’une autre personne, ce qui est beaucoup moins chargé d’émotions.
Ils apprennent à reconnaître à la fois la qualité et les insuffisances d’une production. Ils apprennent comment discuter de leur travail les uns avec les autres et comment fournir un retour d’information d’une manière qui se concentre sur la tâche.
La discussion entre pairs permet à chaque élève de voir plus clairement les points forts et les points faibles de son propre travail et d’intérioriser les critères de réussite. Il devient plus susceptible ensuite de les appliquer à son propre travail. Cette pratique aide également les élèves à voir comment de petits changements, des ajouts ou des façons différentes d’aborder certaines parties du travail peuvent améliorer la qualité de ce dernier.
L’évaluation par les pairs fonctionne donc comme un tremplin vers l’autoévaluation. Elle facilite la détermination par un élève de ses propres difficultés.
Rendre les élèves peu à peu responsables de leur propre apprentissage
Le transfert de la responsabilité des apprentissages de l’enseignant vers chaque élève est l’objectif de l’évaluation formative comme elle est une finalité de l’enseignement explicite.
Nous voulons aider nos élèves à devenir propriétaires de leur propre apprentissage. Cela se révèle dans les faits une tâche particulièrement complexe.
Elle exige des élèves qu’ils soient capables de métacognition. De plus, ils doivent avoir une capacité à gérer les aspects émotionnels de l’apprentissage.
Le type de questions posées par l’enseignant, le fait de veiller à ce que la rétroaction favorise la réflexion plutôt que le classement, comme le recours à une pratique coopérative joue un rôle positif à cet égard.
L’utilisation systématique de tous ces éléments crée un environnement d’apprentissage dans lequel les élèves se concentrent sur leur développement personnel plutôt que sur la protection d’un sentiment de bien-être.
Pour devenir des apprenants autonomes, les élèves doivent comprendre clairement où ils veulent aller dans leur apprentissage, trouver des moyens d’établir où ils sont actuellement et, surtout, développer la détermination et la capacité d’y arriver. L’acquisition de ces capacités est un défi.
Mis à jour le 10/04/2024
Bibliographie
Jones, Jane & Wiliam, Dylan. (2007). Modern foreign languages inside the black box: assessment for learning in the modern foreign languages classroom.
Black, P., Harrison, C., Lee, C., Marshall, B. and Wiliam, D. (2003) Assessment for Learning: Putting it into Practice, Maidenhead: Open University Press
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