mercredi 28 juillet 2021

Évaluation formative en sciences : mise en œuvre des interactions en classe

La gestion des interactions en classe est essentielle dans le cadre d’un enseignement explicite et s’enrichit encore lorsqu’elle est couplée à des démarches appartenant au modèle de l’évaluation formative.

(Photographie : Karl Heinz Stock Hatso)




Rôle d’un questionnement formatif en classe


Par le biais d’un questionnement formatif en classe, l’enseignant vise à recueillir des preuves de l’apprentissage et des éléments de diagnostic qui portent sur la qualité de la compréhension de ses élèves. 

L’objectif n’est pas seulement de découvrir ce que les élèves savent, mais aussi ce qu’ils ne connaissent pas. Peut-être plus important encore, il s’agit de déterminer ce qu’ils comprennent en partie seulement et là où ils se trompent. 

L’enjeu ne concerne pas seulement l’enseignant, mais aussi l’élève. Par le biais d’un questionnement formatif, l’enseignant vise à aider ses élèves à prendre conscience du chemin déjà parcouru et de celui qu’il reste à parcourir. 

Rentrer dans une démarche d’évaluation formative consiste à multiplier les occasions en classe de faire réfléchir, élaborer et raisonner les élèves au départ de leurs connaissances. Une fois le niveau de compréhension identifié, nous pouvons mieux leur proposer des pistes concrètes dans lesquelles s’investir et s’améliorer. L’enseignant guide ensuite ses élèves pour qu’ils améliorent leurs connaissances partielles, dépassent leurs difficultés et corrigent leurs erreurs. Les cartes sont autant entre les mains de l’enseignant que dans celles de l’élève.




Augmenter le temps de réflexion des élèves en classe durant les interactions


Les questions riches de sens que nous leur proposons vont susciter de la réflexion et de l’élaboration. Le processus dès lors nécessite suffisamment de temps pour que les élèves puissent fournir un traitement cognitif afin de générer une réponse adéquate. 

Parfois pour améliorer simplement la qualité des interventions d’élèves en classe, il suffit de leur laisser un peu plus de temps pour élaborer et préparer leurs réponses orales. Pour cela, l’enseignant augmente le temps d’attente. C’est le temps entre le moment où un enseignant pose une question et celui où il demande à un élève pris au hasard de répondre. 

Souvent, un enseignant va laisser un temps de réflexion trop court. L’élève n’aura pas le temps de pleinement élaborer sa réponse. De plus, l’élève désigné est souvent censé délivrer sa réponse au moment même où il est désigné. Cela peut le pousser à concevoir des réponses courtes qui vont droit au but, mais qui n’explorent ou ne stimulent que peu le raisonnement scientifique. 

Paul Black et Christine Harrison (2004) ont étudié la question dans des classes de sciences du secondaire. Ils ont accompagné des enseignants pour mettre en œuvre une approche d’évaluation formative.

Ils ont expérimenté une augmentation du temps d’attente jusqu’à environ 3-5 secondes lorsqu’une question est posée, plutôt que désigner un élève dans la foulée du moment où la question est énoncée. Ils ont constaté que cela avait des effets remarquables sur l’implication de leurs élèves dans les discussions en classe : 

  • Les réponses devenaient plus longues et plus développées qu’auparavant
  • Davantage d’élèves semblaient plus aptes à répondre
  • Moins d’élèves refusaient ou s’estimaient incapables de répondre
  • Les élèves deviennent plus susceptibles de s’investir, de compléter les réponses de leurs condisciples ou de poser des questions par rapport à celles-ci lorsqu’ils ne comprenaient pas le raisonnement.
  • Les réponses deviennent plus riches, plus détaillées et contenaient plus d’exemples.

Pourtant, l’effet n’est pas général, même lorsque le temps d’attente est augmenté, certains élèves peuvent continuer à hésiter ou résister à donner des réponses. 

Pour contourner cette difficulté, essayer d’inciter davantage d’élèves à répondre. Un certain nombre de pratiques existent. Elles correspondent également à celles de la vérification de la compréhension en enseignement explicite et à différentes pratiques stimulant l’engagement des élèves déjà détaillées dans d’autres articles. 




Mettre en œuvre des interactions entre pairs


L’enjeu est de créer une culture de classe où les élèves sentent qu’ils peuvent révéler leur état de compréhension actuelle et être aidés à mieux comprendre et à progresser. C’est un ingrédient essentiel de l’évaluation formative dans la classe. 

Les interactions entre pairs jouent un rôle clé dans la création d’un tel environnement de soutien mutuel. La possibilité de discuter de ses conceptions avec son voisin aide les élèves. Cela leur permet d’articuler et de vérifier la pertinence de leurs réponses avant de la communiquer éventuellement publiquement à l’ensemble de la classe et à l’enseignant. La discussion entre pairs lors de la pratique autonome ou en fin de pratique guidée permet de faire remonter à la surface les idées et réflexions propres de l’élève.

Les réponses des élèves peuvent être mieux construites et plus fouillées grâce à cette activité par paire. Si une réponse est incorrecte ou incomplète, elle sera moins risquée pour la personne qui a proposé cette réponse, car c’est la décision de la paire d’élèves et non la responsabilité d’un individu seul. 

Pour la mettre en œuvre, l’enseignant place les élèves par deux. Lorsqu’il pose une question, les élèves notent chacun leurs réponses sur papier. Puis il y a un temps de mise en commun ou chaque élève explique à tour de rôle sa réponse à son voisin. Ensuite, l’enseignant désigne l’élève qui va répondre oralement. Si sa réponse nécessite un développement, l’enseignant peut projeter les notes de l’élève sur un visualiseur de manière à ce qu’elles soient visibles pour tous les élèves.

La même démarche peut également se dérouler avec trois ou quatre élèves au lieu de deux.




Encourager une discussion ouverte lors des interaction en classe


Nombre d’élèves peuvent éprouver une certaine réticence à s’engager à répondre à une question parce qu’ils craignent de révéler leurs insuffisances à l’enseignant et à leurs pairs. 

Le rôle de l’enseignant, lorsqu’il pose des questions formatives, est de pouvoir fournir un étayage et une orientation qui encouragent leurs élèves à essayer de répondre et aussi à écouter attentivement les réponses de leurs pairs.

Parfois, les questions peuvent être utilisées pour encourager les élèves à réfléchir à la fois sur ce qu’ils pensent et sur ce qu’ils ont entendu des autres. C’est une étape essentielle pour façonner la compréhension.

Pour maintenir l’attention et l’engagement, l’idée est de rebondir d’une réponse donnée par un élève vers un autre élève par une question de suivi. Nous lui demandons de compléter une réponse, de la rectifier, de la justifier ou de la reformuler.

La démarche n’est pas simple à mettre en œuvre et demande une pratique délibérée et une préparation de la part de l’enseignant. Nous devons développer notre capacité à rebondir d’une question vers une autre. 

Nous devons également surveiller notre communication non verbale et verbale. Les élèves tendent à se tourner vers l’enseignant lorsqu’ils donnent leurs réponses. Ils observent son attitude, son expression faciale, son langage corporel et écoutent son commentaire pour évaluer la validité de leur réponse. 

Il est important de repérer les conceptions erronées des élèves et de corriger leurs erreurs de procédures. Cependant, nous devons pouvoir nous montrer patients et attendre que les différentes idées et pensées soient révélées avant de commencer à corriger et à freiner le sens de la discussion. Pour pouvoir fournir un retour d’information utile vers l’élève, il faut comprendre la source de ses confusions ou la nature des erreurs. Les erreurs en classes sont précieuses, car grâce à notre expertise, elles nous permettent de leur indiquer la voie à suivre pour progresser. Si nos élèves ne donnent en classe que des réponses correctes quelque part ce temps de travail en commun pourrait être mieux utilisé. De même si les élèves font trop d’erreurs, il faut peut-être reprendre le modelage et la pratique guidée.

Si nous intervenons à la première imprécision et au premier blanc de l’élève, toutes les difficultés et leur nature exacte ne seront pas parfaitement diagnostiquées. De plus, l’élève risque d’avoir ensuite trop peu l’opportunité de réfléchir à la fois à ce qu’explique l’enseignant et en même temps qu’à ce qu’il avait entamé d’élaborer lui-même la réponse. 

L’enseignant doit permettre à la discussion de suivre son cours, les apprentissages doivent s’élaborer et se constituer en classe au rythme de la progression des élèves. L’enseignant doit guider et étayer, mais ne doit pas mener, ni ne juger trop directement les réponses de ses élèves. L’idée est de débusquer l’incompréhension et d’y remédier chez le plus grand nombre d’élèves en parallèle. Si l’enseignant se retrouve à devoir prendre la main trop souvent, c’est que le modelage et la pratique guidée n’ont pas été concluants pour les élèves concernés.




L'importance de la rétroaction face à la notation dans le cadre de l’évaluation formative


La rétroaction des enseignants est un élément essentiel de l’évaluation de l’apprentissage et une partie cruciale des démarches liées à l’évaluation formative. Elle peut être fournie oralement ou par écrit. 

La partie écrite concerne les évaluations formatives que les élèves vont faire en classe ou les travaux qu’ils vont faire à domicile et que l’enseignant va vérifier. Le retour d’information qu’il va leur donner participe également aux interactions en classe. 

L’usage de notes chiffrées qui est typique de l’évaluation sommative n’est pas optimal lorsqu’elle est évaluative. Les notes n’ont pas réellement leur place dans le cadre de l’évaluation formative pour les raisons suivantes :

  • Avec une note, les élèves ne reçoivent pas de conseils sur la manière d’améliorer leur travail de manière spécifique.
  • Les notes mettent l’accent sur la concurrence et le classement entre élèves et non sur l’amélioration personnelle. En cela, elles découragent l’apprentissage collaboratif.
  • Les notes démotivent les élèves en difficulté et ne posent aucun défi aux meilleurs.

Selon le bilan qu’en tire la recherche (Butler, 1987), dans le cadre d’une évaluation formative, le double usage de notes chiffrées accompagnées de commentaires est une perte de temps pour l’enseignant. Dans cette situation, régulièrement les élèves se concentrent uniquement sur les notes et ne jettent qu’un regard distrait vers les commentaires de l’enseignant qui pourraient les aider à s’améliorer. 

Une rétroaction efficace apprend aux élèves où ils en sont et où ils doivent aller ensuite. L’accent est à mettre sur des pistes concrètes d’amélioration. 

Cependant, l’usage de commentaires écrits détaillés et personnalisés pour chaque élève représente un coût énorme en temps de travail pour l’enseignant. Celui-ci a tendance à préférer la brièveté et à se rapporter à l’évaluation des résultats plutôt qu’à leur amélioration. Par exemple : « Excellent », « Détaille plus ton raisonnement », « Un bel effort », « Écris des phrases complètes », « Dessine des schémas plus grands ». Le problème est que de tels commentaires sont peu utiles.

Des commentaires utiles, rédigés toutes les deux ou trois semaines, ont plus d’impact qu’une note chiffrée ou des commentaires brefs et génériques sur chaque production formative.

Les commentaires écrits restent le moyen le plus courant pour l’enseignant d’avoir un dialogue avec tous les élèves de la classe. Mais les commentaires prennent beaucoup de temps à rédiger, mais ils valent la peine d’être faits. 

Des alternatives existent, c’est notamment la pratique de la rétroaction à la classe entière :



Mis à jour le 28/02/2023


Bibliographie


Paul Black and Christine Harrison, Science inside the black box—Assessment for learning in the science classroom, GL Assessment, London, 2004

Butler, R. (1987). Task-involving and ego-involving properties of evaluation: Effects of different feedback conditions on motivational perceptions, interest, and performance. Journal of Educational Psychology, 79(4), 474–482. https://doi.org/10.1037/0022-0663.79.4.474

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