Les étapes successives de la reconnaissance, de la compréhension et du stockage de l'information
Le modèle à 4 niveaux (reconnaitre, comprendre, appliquer et maîtriser) de construction des représentations de l’apprentissage en mémoire à long terme a été proposé par Efrat Furst :
- Voir article : Un modèle de construction des représentations de l’apprentissage en mémoire à long terme
Au stade de la reconnaissance, un élève auquel nous venons d’enseigner un concept est capable de le reconnaitre.
Lorsque l’élève peut l’expliquer en matière de concepts déjà connus et de leurs relations, le concept est potentiellement compris. L’établissement de la compréhension est un processus créateur de sens.
Il est établi que toute information entrante doit être traitée de manière significative dans la mémoire de travail, afin de devenir une connaissance qui est stockée dans la mémoire à long terme.
La création de de nouvelles connaissances en mémoire
Sur la base des connaissances scientifiques actuelles (Tonegawa et coll., 2015) :
- Des groupes de neurones à activité synchrone dans le cerveau servent de support à la mémoire et au comportement.
- Le comportement et les interactions dans l’environnement remodèlent à leur tour ces représentations neuronales.
- Ces représentations neuronales influencent potentiellement la mémoire et le comportement futurs.
Lorsque nous faisons l’expérience de quelque chose de nouveau, l’information entre dans le cerveau par des processus de sensation et de perception et donne lieu à une activité neuronale.
Parallèlement, les schémas en lien et déjà existants sont activés lorsque nous tentons de déchiffrer la nouvelle expérience en fonction des connaissances déjà stockées en mémoire à long terme.
Potentiellement, à la suite de l’expérience d’apprentissage, une nouvelle représentation d’un nouveau concept sera formée, ainsi que de nouvelles connexions aux informations préexistantes.
Le processus de consolidation
La consolidation est le processus biologique cognitif par lequel de nouvelles associations ou connexions se créent entre éléments de connaissance.
À l’échelle neuronale, la consolidation implique la création de nouvelles synapses et le renforcement d’autres synapses déjà existantes, à la suite de leur activation en temps réel. La consolidation est l’essence même de la plasticité neurale. Elle symbolise notre capacité à créer de nouveaux souvenirs et de nouvelles connexions tout au long de notre vie, à la suite de chaque expérience.
Dans cette perspective, l’objectif de l’enseignement est de soutenir un traitement profond ou significatif de l’information qui pourrait potentiellement promouvoir la consolidation de nouvelles informations au sein du réseau d’informations existantes.
Trois composants principaux interviennent dans la modélisation du processus de consolidation :
- Le nouveau concept
- Les connaissances existantes à associer au nouveau concept
- Les associations significatives entre eux
Ces trois éléments doivent être actifs en même temps au moment de l’apprentissage dans le cerveau de chaque élève. En effet, nous savons que le processus de consolidation dépend de l’activation. Seuls les neurones actifs ou les représentations actives ensemble sont candidats à la consolidation et à la stabilisation, ce qui correspond à la règle de Hebb. Si deux neurones sont activés ensemble au même moment et de manière répétée, leur connexion sera renforcée. L’activation de l’un par l’autre sera par la suite facilitée.
Nous pouvons considérer les connaissances nouvelles et existantes comme des représentations, ou des modèles neuronaux uniques. Les connexions significatives sont les liens qui se forment entre elles et qui seront à l’origine des associations futures.
La consolidation, un processus créateur de sens
- Quels phénomènes orientent la création de nouvelles connexions ou le renforcement de connexions existantes ?
- Pourquoi une connexion donnée est-elle efficace et une autre ne l’est pas ?
- Pourquoi certaines connexions durent-elles alors que d’autres ne le font pas ?
Le processus de consolidation est concomitant à la compréhension. Il est dès lors créateur de sens.
Un nouveau concept devient significatif et porteur de sens lorsqu’il permet à l’élève de réagir efficacement d’un point de vue cognitif. De cette manière, un nouveau concept est intégré dans le réseau existant de manière à soutenir une action ou une décision potentielle et ses conséquences.
Un nouveau concept devient significatif lorsqu’il est effectivement intégré dans un processus du type :
- Perception d’un stimulus
- Traitement du stimulus
- Génération d’une réponse
- Réception d’un retour d’information positif
- Traitement du retour d’information en relation avec la réponse
Par exemple :
- Un enfant apprend pour la première fois le mot balle
- Il crée une association avec l’objet déjà familier.
- Un parent lui demande d’aller chercher la balle parmi ses jouets.
- L’enfant va chercher la balle.
- Son parent le félicite.
L’enfant atteint le niveau de compréhension qui lui permet d’identifier ce qu’est une balle. Le nouveau concept peut maintenant être utilisé pour exécuter dans l’avenir avec succès une action comportant l’usage d’une balle.
Au niveau de base de l’apprentissage, une signification concrète est attachée à un concept dénué de sens. Il peut s’agir de la dénomination d’un objet, d’une personne ou d’une action par exemple.
La signification repose sur la capacité à utiliser le nouveau concept pour communiquer ou agir efficacement, ce qui s’accompagne généralement d’un retour d’information positif. Ce retour d’information positif est reçu d’une autre personne ou par de la simple constatation personnelle d’un accomplissement.
Une utilisation récurrente réussie renforce les associations au sein du réseau et le concept devient plus solide.
Par conséquent, nous pouvons conclure que la signification de bas niveau repose sur des expériences concrètes.
En ce qui concerne des concepts abstraits ou plus généraux, de multiples concepts concrets bien établis servent d’exemples. Le concept abstrait est perçu comme l’élément commun unique entre les différents exemples.
Dès lors, l’atteinte de la compréhension à un niveau supérieur ou abstrait dépend de façon critique de la familiarité et de l’expérience avec les niveaux inférieurs plus concrets.
D’une compréhension superficielle à profonde, un processus
La compréhension superficielle amène un élève à un apprentissage par cœur. Par contre, une compréhension en profondeur lui permet de faire des liens pertinents avec des connaissances antérieures et d’élaborer autour d’un concept nouvellement appris.
Un apprentissage par cœur permet à l’élève de réciter des connaissances comme « 4 x 3 = 12 ». Un élève qui est capable de réciter cette relation n’est pas considéré comme démontrant une compréhension profonde de la multiplication.
Cette formulation à un niveau de base permet toutefois une communication efficace dans un contexte spécifique. Si lors d’un test de mathématiques reconnait l’énoncé, « 4 x 3 =… » il peut donner la réponse, 12.
Pour créer un niveau de compréhension plus élevé, des exemples concrets supplémentaires sont nécessaires. L’élève doit être capable de répondre à des questions plus sophistiquées où il n’y a pas d’emblée de reconnaissance de la règle.
Par exemple, Romane a trois paniers, elle place quatre balles dans chacun. Combien de balles Romane a-t-elle utilisées ?
En ajoutant des exemples plus familiers et concrets pour démontrer la signification du concept, nous pouvons établir un niveau de signification plus élevé pour le concept de multiplication.
En tant que concept de niveau supérieur, il sera utile dans un nombre croissant de contextes et de situations. Cet établissement de la compréhension du concept est progressif. Il démarre dans le modelage et se poursuit dans la pratique guidée puis autonome. En tant qu’enseignants, nous devons offrir de multiples occasions distribuées de pratiques réussies, car elles sont la base d’un apprentissage profond et durable.
De fait, la compréhension est un processus progressif dont la mémorisation par cœur peut être une étape à un moment donné. Il y a une progression de niveaux de compréhension inférieurs vers des niveaux supérieurs.
La compréhension (à chaque niveau) est démontrée par les actions possibles qui sont réalisées sur la base des connaissances de base disponibles et sur les liens significatifs qui ont été explicitement appris et pratiqués.
La construction d'une compréhension à long terme
La profondeur des niveaux de compréhension, de superficiel à profond, a des conséquences sur la rétention à long terme. Des niveaux de signification supplémentaires et plus élevés rendent les informations plus utiles dans un nombre croissant de situations. Chaque fois qu’elles sont utilisées, elles sont également mises en pratique et renforcées.
Par conséquent, s’efforcer d’atteindre des niveaux de compréhension plus élevés est sans équivoque un objectif d’enseignement important. Il passe à travers la création de diverses possibilités de pratique de complexité croissante.
Toutefois, un niveau de compréhension plus bas ne doit pas être écarté. Au contraire, il doit être considéré comme une étape importante et fondamentale sur la voie de l’atteinte d’un niveau de compréhension plus élevé. Ne pas en tenir compte peut avoir des conséquences désastreuses pour l’apprentissage. Cette dimension à elle seule peut expliquer l’intérêt d’une démarche d’enseignement explicite plutôt que d’une pédagogie de la découverte pour les novices que sont principalement nos élèves.
Une représentation des connaissances et de la compréhension en mémoire
L’acquisition de connaissances et l’établissement de la compréhension sont les deux faces inséparables d’une même réalité :
- La connaissance est l’ensemble des concepts représentés dans le cerveau
- La compréhension représente les connexions que forment les concepts entre eux.
- Dès lors, la connaissance et la compréhension sont dépendantes l’une de l’autre.
Les nouvelles connaissances sont construites sur la base des connaissances précédentes et elles doivent être reliées par des connexions significatives.
Le processus de construction de la connaissance peut être décrit comme la construction d’une pyramide : un nouvel élément orange de connaissance vient se placer au sommet de la structure existante grise de la connaissance.
Il ne se place pas n’importe comment, mais doit être correctement aligné ce qui symbolise la création de connexions porteuses de sens et de compréhension.
Au fur et à mesure que de plus en plus d’informations sont acquises de manière significative, de plus en plus de pyramides et de grandes pyramides sont créées. Elles créent des opportunités pour un nombre croissant d’apprentissages de plus haut niveau.
Des pyramides entières ne peuvent pas être « importées » dans le cerveau, mais plutôt construites progressivement et avec effort sur la base existante et à partir de modèles.
L’idée clé est qu’au fur et à mesure, une pyramide entière devient une simple brique pour une nouvelle pyramide.
La structure finale dépend de la qualité des couches existantes et du placement correct des nouvelles connaissances.
Si des connaissances antérieures sont manquantes ou si elles ne sont pas alignées, la construction de la pyramide devient beaucoup plus difficile. Il n’y a pas d’autre solution que de s’attaquer à ces lacunes.
De nouveaux apprentissages deviennent impossibles à atteindre de manière significative sans les structures de connaissances de niveau inférieur qui les soutiennent.
L’enseignement de connaissances larges et approfondies de manière significative est un objectif crucial de l’éducation, peu importe leur disponibilité aisée à travers un moteur de recherches.
Si l’élève ne dispose pas de ces informations dans sa mémoire de travail, il n’arrivera pas au stade d’une réelle compréhension en profondeur et durable.
La richesse de l’information ne peut profiter aux élèves que si elle est effectivement apprise et pratiquée et devient leur connaissance personnelle.
Implications pour l’enseignement
Nous devons prendre en compte les nouvelles informations, les connaissances antérieures et les liens significatifs :
1 — L'importance des connaissances antérieures
Cette modélisation permet de comprendre ce qui se passe en classe lorsque nous voulons avancer malgré tout dans une matière en y ajoutant de nouveaux niveaux de complexité alors que certains élèves ne comprennent toujours pas ce qui précède.
Dans le meilleur des cas, ils peuvent atteindre un niveau de compréhension superficiel, mais cela ne suffit pas. Les connaissances acquises ne seront pas comprises complètement. Peu connectées, elles seront peu utiles et peu durables.
En agissant de la sorte, nous creusons les écarts. Concrètement, ces élèves en difficulté perdent leur temps, car ils ne reçoivent pas l’enseignement qui leur serait utile. Ce dont ils ont besoin c’est d’une évaluation diagnostique ciblée qui décèle précisément quels sont leurs manques de connaissances préalables.
La voie de la compréhension comprend ces trois éléments clés : les nouvelles informations, les connaissances préalables et les liens significatifs. Si les connaissances préalables manquent à l’appel, les deux autres composantes ne seront pas suffisantes pour la consolidation et n’aboutiront pas à une compréhension suffisante.
Si des connaissances préalables ne sont pas disponibles, il n’y a pas d’autre moyen que de les enseigner. Il vaut mieux consacrer du temps à enseigner les bases qu’à essayer d’enseigner le nouveau sans elles. De plus, les informations préalables pertinentes doivent être activées au moment de l’apprentissage.
Une évaluation diagnostique d’entrée sur les connaissances requises servirait de pratique de récupération efficace et de préparation à un nouvel apprentissage,
2 — L'introduction des nouvelles connaissances
3 — L'importance de la création de liens explicites et significatifs entre connaissances antérieures et nouvelles connaissances
Nous devons créer des liens explicites et significatifs entre les connaissances antérieures et le nouveau concept. Les connexions sont comprises sur la base de connexions déjà connues. Nous utilisons des exemples concrets familiers et bien fondés qui représentent bien le type de connexion que nous cherchons à faire apprendre.
Exemples :
- L’illustration des pyramides comme analogie est un exemple concret des relations entre les concepts abstraits de connaissance et de compréhension.
- Des objets réels (par exemple, des doigts, des blocs) sont des exemples de concepts numériques.
- Les matrices d’objets réels sont des exemples pour le concept de multiplication.
- Les modèles visuels ou physiques aident à expliquer des concepts scientifiques comme l’ADN, les liaisons chimiques, les forces, les courants, etc.
La nature des liaisons dans l’exemple doit être mise en évidence de manière explicite et distincte pour garantir une association appropriée avec le concept et pour éviter les erreurs d’attribution à d’autres caractéristiques du modèle.
L’analogie et la démonstration peuvent attirer l’attention par sa nature concrète, mais sans garantir que le sens soit réellement capture par l’élève. Il est important de s’assurer que l’accent est mis explicitement sur la nature abstraite de la connexion, sur la signification voulue. Cela peut être fait en posant des questions après la démonstration.
Mis à jour le 27/12/2023
Bibliographie
Tonegawa, S., Liu, X., Ramirez, S., & Redondo, R. (2015). Memory engram cells have come of age. Neuron, 87(5), 918–931.
Efrat Furst, 2020, Understanding “Understanding”n Learning in the brain, 2020 https://sites.google.com/view/efratfurst/understanding-understanding
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