« Lorsque la récitation commence, les souvenirs et les suppositions supplantent la réflexion »
Nystrand et coll. (1997, p. 6)
(Photographie : Felix Odell)
L’importance d’intégrer en profondeur un dialogue formatif au cours de l’enseignement
Les pratiques d’enseignement en classe peuvent n’accorder que peu d’attention à la qualité du dialogue et des interactions entre élèves et enseignant. Les interactions peuvent être nombreuses, mais les réponses des élèves peuvent n’être que courtes, peu profondes et peu élaborées.
Toutefois, le dialogue est une composante ancrée et importante des pratiques liées à l’évaluation formative et à la vérification de la compréhension. Il nous permet de soutenir en classe, de manière effective, un apprentissage plus ambitieux.
Toutefois, l’intention d’engager les élèves dans un tel apprentissage utile ne suffit pas. L’enseignant doit pouvoir entamer, susciter, mener et guider efficacement le dialogue autour de l’apprentissage.
Dans ses démarches, l’enseignant devrait s’employer à :
- Solliciter de contributions fréquentes et régulières de la part de tous ses élèves, et ce sous différentes formes que ce soit orales ou écrites.
- Interagir d’une manière qui cherche à utiliser, à valoriser et à rebondir à partir des contributions des élèves, même lorsque celles-ci paraissent bancales ou bizarres tout en étant apportées de bonne foi par ses élèves.
- Mener la discussion de telle sorte que les progrès soient perçus comme étant de la responsabilité des élèves, dans une part progressivement croissante. Parallèlement, il s’assure que ces progrès restent dans la droite ligne des objectifs d’apprentissage en cours. Peu à peu, les élèves doivent prendre la responsabilité des apprentissages et cela doit s’entendre dans la qualité et la structure plus poussée de leurs réponses.
- Interpréter le retour d’information délivré par ces interactions en le reliant à l’apprentissage antérieur et en l’entrouvrant vers les étapes ultérieures.
Des indicateurs clés de la qualité d’un dialogue formatif peuvent se manifester par :
- L’utilisation par les élèves de termes tels que « je pense », « parce que », « par conséquent », « serait », « il me semble » ou encore « devrait ».
- Le fait que les contributions des élèves traduisent une forme d’élaboration et d’hypothèses, qui prennent la forme de phrases longues et fouillées, plutôt que de mots simples ou uniques et d’expressions expédiées.
Ces indicateurs témoignent du fait que les élèves osent s’engager dans un raisonnement et posent des déductions en utilisant de nouvelles connaissances. Il ne s’agit plus d’une simple restitution de contenus. Tout cela demande l’établissement d’un climat de confiance en classe où chacun assume de relever des attentes élevées concernant les apprentissages.
Éviter les impasses et les échanges improductifs dans le cadre d’un dialogue formatif
Lors de l’enseignement, quand nous nous engageons dans un dialogue formatif, nous sommes susceptibles de tomber dans divers pièges face à certaines réponses inadéquates ou approximatives d’élèves. Leurs réponses peuvent à certains moments nous décontenancer et nous rendre inefficaces :
- Nous pouvons estimer par exemple que ce n’est pas ce à quoi nous nous attendions et dans la foulée, que décomposer la confusion, corriger et réexpliquer va nous prendre trop de temps. Nous coupons court alors au dialogue, ignorons l’échange et passons à la suite.
- Nous pouvons avoir tendance à régresser vers la récitation et la répétition du contexte théorique. Nous pouvons adopter une tentative bien intentionnée de remettre les choses en ordre de manière catégorique. Dans ce cas, nous abandonnons le dialogue. Nous renonçons à diagnostiquer, à analyser puis à résoudre la source de l’erreur.
- Nous pouvons spontanément reformuler la réponse imparfaite d’un élève de manière à la rendre correcte sans explorer les antécédents et causes de son erreur.
- Nous pouvons nous contenter de remercier un élève qui donne une réponse approximative ou presque complète pour clore le dialogue. Cet élément de satisfaction partielle empêche des questions de rebonds ou de justification qui pourraient approfondir la compréhension et le raisonnement des élèves.
Dans ces exemples de situation, nous n’appuyons pas sur le potentiel d’une réponse et nous n’exprimons pas d’attentes élevées envers les élèves.
Le côté inefficace de ces démarches est qu’en ne mettant pas au défi les élèves, nous manquons certaines opportunités d’apprentissage pour eux. Parfois, des défauts dans la conception même et la présentation des activités d’apprentissage que nous proposons à nos élèves rendront tout cela inévitable.
Il existe pourtant des alternatives. Par exemple, plutôt que de couper court ou de donner la bonne réponse, certaines autres réactions seront plus utiles pour développer l’apprentissage et poursuivre utilement le dialogue :
- Comment as-tu pensé à cela ?
- Comment as-tu construit ta réponse ?
- Comment aurais-tu pu le faire autrement ?
La nature synchrone ou asynchrone de l’évaluation formative
L’évaluation sommative implique une analyse ultérieure du résultat par l’élève. L’enseignant récupère la production de l’élève, l’analyse et établit un résultat pour l’élève qui sera mobilisé dans un processus plus large de certification. Ce traitement de l’information est par conséquent essentiellement asynchrone, l’élève n’en ayant qu’un retour ultérieur, après traitement.
Ce n’est pas forcément le cas pour l’évaluation formative qui peut être synchrone ou asynchrone dans son traitement pour l’enseignant et dans son retour pour l’élève :
- L’évaluation formative est synchrone quand elle se déroule pleinement en classe dans le cadre de la vérification de la compréhension ou d’un dialogue formatif :
- L’enseignant pose des questions à ses élèves sous forme écrite ou orale.
- Les élèves réfléchissent dans la foulée à une réponse qui peut être :
- Orale : directement élaborée de manière orale ou par le biais de notes écrites lues en classe.
- Écrite : partagée par une ardoise effaçable ou un visualiseur.
- La mise en commun des réponses en classe suscite un dialogue entre l’enseignant et ses élèves (ou entre élèves, dans le cadre du Think-pair-share) qui est au cœur de l’évaluation formative.
- Le caractère synchrone vient du déroulement en direct du processus de réflexion et d’interactions, dans le cadre de discussions de groupe, ou grâce à l’évaluation par les pairs.
- Ce caractère synchrone aboutit à générer une rétroaction immédiate.
- L’évaluation formative est asynchrone lorsqu’elle passe par des formats écrits plus longs et plus fouillés :
- L’enseignant soumet ses élèves à une tâche complexe, à une série de questions intégrées ou leur demande une production plus large.
- Le format est plus généralement écrit et peut prendre la forme d’un travail en classe, d’une évaluation formative ou d’un devoir à la maison. Les élèves peuvent éventuellement être amenés à coopérer.
- Le caractère asynchrone vient du fait que l’enseignant n’est pas capable de traiter l’information en direct. Cela mène à des possibilités de rétroaction formative supplémentaire différée après que l’enseignant ait pris le temps de les observer hors de la classe.
- Il retrouve par la suite ses élèves pour reprendre un dialogue informé. Son retour d’information peut être oral ou écrit, se faire à l’échelle de la classe où être individualisé.
De manière générale, l’évaluation formative synchrone est la plus courante et gagne à s’intégrer directement dans la trame du cours, ce qui permet de rendre l’enseignement adaptatif.
L’évaluation formative asynchrone doit être plus ciblée et s’intéresser à des compétences plus complexes ou à un ensemble plus vaste d’objectifs d’apprentissage. Plutôt que de rendre l’enseignement adaptatif, elle vise plutôt à aider les élèves à se préparer à la fonction sommative de l’évaluation et inclut surtout des tâches authentiques.
Une rétroaction comme étayage temporaire pour soutenir l’amélioration de l’apprentissage de l’autorégulation chez les élèves
Dans la perspective de la fonction formative de l’évaluation, la rétroaction a pour enjeu de faire progresser les élèves dans leurs apprentissages :
- Elle est axée sur l’amélioration des performances des élèves et leur offre des pistes qu’ils n’ont pas encore tentées en lien avec des objectifs d’apprentissage encore non maitrisés.
- Elle évite la formulation de jugements, comparaison normative ou de simples constats sur l’adéquation ou l’inadéquation de performances précédentes.
Il est important de se concentrer sur l’effet de la rétroaction plutôt que sur son intention :
- De quelle manière l’enseignant ajuste-t-il la suite de son cours en fonction de ce retour d’information pour mieux l’adapter à ses élèves ?
- De quelle manière les élèves s’engagent-ils dans de nouvelles démarches et dans la réalisation de nouvelles tâches d’une manière qu’ils n’auraient pas faite sans la rétroaction ?
- Quel est l’impact escompté de la rétroaction et comment nous assurer qu’elle aboutisse à des changements effectifs qui améliorent l’apprentissage ?
Dans la perspective de l’évaluation sommative, le retour d’information :
- Lorsqu’il se réduit à de notes, peut servir à focaliser l’attention sur la comparaison sociale avec d’autres élèves. Il peut également conduire malgré lui à la croyance que la capacité est fixe, plutôt que malléable.
- Lorsque la note se révèle constructive et se construit sur une grille critériée en lien avec des objectifs d’apprentissage, elle est riche en information. Dite constructive, elle éclaire l’enseignant et l’élève sur ce qui est maitrisé, sur l’écart et sur la manière de combler cet écart.
Dans tous les cas de figure, le retour d’information sous forme de commentaires sur la manière de s’améliorer en rapport avec les objectifs d’apprentissage est crucial. Il est plus susceptible d’envoyer le message que les capacités peuvent être améliorées. Par la suite, le retour d’information à plus de chances de pouvoir être mobilisé par l’élève comme un moyen de le guider vers cette amélioration.
Une dimension importance du rôle de l’enseignant est de fournir un étayage suffisant aux élèves de manière à ce que la rétroaction soit prise en compte. Idéalement, les élèves devraient s’en saisir de manière autonome. En réalité, cette responsabilisation n’est pas toujours suffisante et un accompagnement, un cadre assuré par l’enseignant sont souvent nécessaires.
Idéalement, nous devons aider nos élèves à développer une compréhension claire du niveau de performances qu’ils sont censés atteindre. L’enjeu à long terme est qu’ils deviennent peu à peu plus autonomes dans leur capacité à juger de la qualité de ce qu’ils produisent. Cela leur permet de mieux réguler leur travail pendant l’acte de production ou d’autoévaluation.
De multiples inférences et tensions potentielles dans l’interprétation des résultats de l’évaluation
La distinction entre évaluation formative et sommative peut se comprendre sur la base des types d’inférences qui sont générées sur les résultats des élèves.
Une évaluation peut être conçue à la fois pour servir les deux objectifs sommatif et formatif. Cependant, lorsque la priorité est donnée plus particulièrement à un des deux objectifs, la conception de l’évaluation est susceptible d’être influencée. Potentiellement, elle peut moins bien servir l’autre objectif.
Les productions, les tâches complexes et les différentes réponses aux questions soumises aux élèves, durant et à la fin d’une phase d’un programme d’apprentissage, peuvent servir à toute une série d’objectifs. Il peut s’agir de générer :
- Une fonction formative : de conseils aux enseignants, aux élèves ou à leurs parents sur les décisions à prendre concernant les choix de futures filières ou la réussite de l’année scolaire.
- Une fonction sommative : l’enregistrement des résultats de chaque élève pour l’apprentissage concerné
- Une fonction de pilotage éducatif : un retour général d’information pour enseignants et pour les écoles sur l’efficacité de l’enseignement, et pour leurs élèves sur la qualité de leur investissement.
Dans le cadre de l’évaluation formative, la note n’est pas un enjeu, c’est la qualité de l’information qui compte :
- Qu’est-ce qui est actuellement maîtrisé ?
- Qu’est-ce qui ne l’est pas, et pourquoi ?
- Comment procéder maintenant pour résoudre les écarts constatés ?
Dans le cadre de l’évaluation sommative, l’objectif de l’enseignant est d’aboutir à l’estimation d’un apprentissage. Quels objectifs d’apprentissage sont maîtrisés et lesquels ne le sont pas ? Celui-ci prend la forme d’une note à plus ou moins haute valeur informative. Globalement, elle établit un niveau de réussite pour l’élève selon une échelle prédéfinie qui permet de déterminer si son apprentissage répond pleinement aux attentes ou non.
Ces fonctions, tout en étant manifestement sommatives, peuvent avoir une valeur formative si l’élève peut encore améliorer ses résultats. Elles peuvent également avoir une fonction de pilotage éducatif :
- Elles peuvent informer les enseignants et les écoles sur des changements et des améliorations susceptibles d’être nécessaires dans la planification et la mise en œuvre de l’enseignement. Celles-ci s’adressent aux élèves des classes concernées ou à d’autres élèves à l’avenir.
- Elles peuvent informer les élèves en les informant sur les forces et les faiblesses de leurs apprentissages d’une manière qui pourrait les aider à réorienter leurs énergies dans leurs investissements scolaires futurs.
De même, ces différences peuvent conduire à des tensions entre les pratiques formatives, sommatives et de pilotage.
Lorsque l’évaluation sommative devient subordonnée à la responsabilisation des écoles ou des enseignants, la situation peut encore empirer. La responsabilisation risque toujours d’ignorer ses effets secondaires sur l’apprentissage et donc de saper l’objectif même d’amélioration de la scolarité qu’elle prétend servir.
Les enseignants soucieux de la quantification de leur responsabilité peuvent en arriver à prioriser la préparation aux évaluations à celles d’apprentissages durables et profonds. L’objectif des enseignants peut devenir de faire réussir un maximum d’élèves, en visant des performances plutôt que se soutenir l’apprentissage durable de tous.
Les processus qui mesurent la responsabilisation des enseignants des établissements scolaires doivent éviter de se tirer une balle dans le pied. Il faut que dans les priorités de la conception de l’évaluation, la responsabilisation de l’enseignant vienne après l’apprentissage qui demeure la condition et l’objectif premier.
Établir une synergie entre les fonctions sommative et formative de l’évaluation
Dans la réalité concrète des classes, il peut et doit y avoir une synergie entre évaluation sommative et formative. Le temps n’est pas extensible et il s’agit de maximiser les apprentissages.
Cette action coordonnée des fonctions formative et sommative vient du fait qu’elles concourent toutes deux à la maitrise des objectifs d’apprentissage dans le cadre d’un alignement curriculaire.
Dans la mesure où des apprentissages durables sont visés, un continuum entre évaluation formative et évaluation sommative s’impose. Dans le cours du processus d’enseignement, il s’agit autant :
- De documenter les performances et leur progression pour en établir la maitrise et un apprentissage durable
- De déterminer ce qu’il s’agit de faire ensuite pour combler les écarts détectés de performance et d’apprentissage.
- La fonction formative informelle :
- Par le biais des processus de vérification de la compréhension en classe, permet un enseignement adaptatif.
- Par le biais d’opportunité de récupération (quiz, devoirs, pratique autonome distribuée et entremêlée), permet d’œuvrer à la consolidation des connaissances.
- La fonction formative formelle offre une vision plus globale sur l’apprentissage, et permet de préparer la fonction sommative.
- Des évaluations à portée sommative peuvent garder une fonction formative aussi longtemps que les contenus seront évalués à nouveau et que les résultats obtenus ne sont pas définitifs.
Si une telle imbrication entre les fonctions formative et sommative doit être considérée comme saine et naturelle, pour autant elle n’est pas simple à concevoir. Cette conception dépend de la matière, du temps disponible et des caractéristiques des élèves. Elle doit se concevoir comme un objet de travail collaboratif entre enseignants d’une même discipline.
Pour surmonter toute tension possible entre le formatif et le sommatif, il faut prêter attention à trois éléments :
- Les enseignants doivent être rendus responsables uniquement des déterminants de leur travail sur lesquels ils ont un contrôle. Si des principes communs et un cadre général sont nécessaires à l’échelle d’une école, une souplesse doit exister dans leur mise en œuvre contextuelle et cohérente au sein d’une matière. Il existe en effet de multiples manières de mettre en œuvre la fonction formative.
- Les instruments d’évaluation utilisés à des fins sommatives devraient eux-mêmes être conçus de manière à favoriser l’apprentissage. Autant que possible, ils devraient pouvoir remplir une fonction formative tant qu’il ne s’agit pas de la dernière évaluation sur des contenus donnés. Dans tous les cas, ils ne devraient pas être conçus d’une manière susceptible de nuire à l’apprentissage. Ils doivent répondre à une logique d’évaluation soutien d’apprentissage et non à celle d’une évaluation sanction. Un élève doit pouvoir améliorer ses résultats jusqu’à la dernière évaluation sur des contenus donnés.
- Les enseignants doivent assumer la responsabilité de servir des objectifs sommatifs formels. Ils doivent jouer un rôle actif dans l’exercice de cette responsabilité et ces démarches doivent se faire de manière collaborative dans chaque matière donnée. L’alignement curriculaire doit également exister entre les différents enseignants qui donnent un même cours.
Comprendre les limites inhérentes à l’évaluation sous forme d’examens généraux ou officiels en fin de parcours
La forme traditionnelle de l’évaluation qui repose sur l’organisation d’une session d’examen générale ou officielle en fin de parcours n’évalue pas toutes les dimensions de la compétence linguistique liée aux contenus couverts.
La compétence linguistique comprend l’expression orale et la compréhension orale ainsi que la lecture et l’écriture. Seules ces deux dernières sont généralement évaluées.
Les défenseurs de la forme traditionnelle de l’évaluation soulignent que les mesures de la performance en lecture et en écriture sont de bonnes approximations de la performance en expression orale et en compréhension orale. Cependant, cette corrélation n’est susceptible de se maintenir que si les enseignants continuent à développer avec leurs élèves tous les aspects de la compétence linguistique.
Lorsque les enjeux d’amélioration des résultats sont élevés, les enseignants et les élèves sont incités à se concentrer sur la lecture et l’écriture. Cela se fait au détriment de l’expression orale et de la compréhension orale. Avec le temps, les performances en lecture et en écriture ne seront plus un bon indicateur des performances en expression orale et en compréhension orale des élèves. Dès lors, l’utilisation de l’évaluation peut avoir des conséquences sociales.
Étant donné les pressions inévitables des évaluations à enjeux élevés sur le travail des enseignants, la priorité peut ne plus être donnée à de bonnes pratiques d’apprentissage. En effet, beaucoup d’entre elles ne produisent pas les résultats à court terme qui amélioreront les performances des élèves lors de ces évaluations à enjeux élevés. Elles s’inscrivent plutôt dans une perspective à long terme d’améliorations durables.
L’enseignant a un rôle important à jouer dans l’évaluation. Certains aspects de l’apprentissage sont importants, mais ne peuvent être évalués de manière adéquate par des tests externes formels en bout de parcours. Ces aspects requièrent le jugement humain pour intégrer les nombreux éléments des comportements de performance qui sont nécessaires pour traiter des tâches d’évaluation authentiques.
Là est la difficulté de tout système d’évaluation à grande échelle qui repose uniquement sur des tests écrits formels, établis par des organismes extérieurs à l’école en fin de parcours. Cette démarche est en réalité incompatible avec les normes choisies par la plupart des systèmes éducatifs comme résultats d’apprentissage souhaités pour leurs élèves.
Renforcer la fiabilité des évaluations sommatives par la collaboration des enseignants
Il existe un risque avec le pilotage de l’évaluation sommative, c’est de laisser à chaque enseignant d’une discipline la pleine liberté de déterminer les résultats de ses élèves.
Dans un contexte de responsabilisation, cela reviendrait à laisser entrer le loup dans la bergerie. Les élèves pourraient être soumis à des situations très différentes. Ils pourraient réussir chez un collègue et rater chez un autre avec le même niveau d’apprentissage :
- Dans ce type de contexte, les enseignants peuvent être tentés d’exagérer les résultats de leurs élèves s’il est dans leur intérêt de le faire pour la mesure de leur propre responsabilité.
- De même dans un contexte de conformité, un enseignant peut faire correspondre ses résultats à une courbe normale : quelques pleines réussites, beaucoup de résultats moyens et quelques échecs. Le fait de n’avoir que des réussites peut parfois être considéré comme un signe d’exigences basses.
Dans un sens, nous pouvons faire confiance aux enseignants pour résister à cette tentation. Toutefois, il est souvent reconnu qu’il est impossible d’assurer la cohérence des jugements des enseignants sur leurs élèves s’ils sont ou s’ils se sentent eux-mêmes jugés en parallèle dans le processus.
En dehors de cela, différents enseignants qui donnent le même cours en parallèle et de manière indépendante ne vont pas évaluer les mêmes niveaux de compétences chez leurs élèves, ce qui est également un manque de fiabilité.
Un cadre de collaboration en vue de soutenir l’alignement curriculaire et une mise en commun des évaluations sommatives s’impose et peut servir de garde-fou.
Différentes caractéristiques principales des évaluations sommatives partagées concourent également à leur fiabilité :
- La validité de chaque tâche incluse dans un processus d’évaluation sommative doit être justifiée par rapport aux objectifs d’apprentissage qu’elle est censée évaluer.
- Le cadre, les conditions d’enseignement et le soutien dont disposent les élèves pour arriver à la maitrise des différentes composantes de l’évaluation sommative doivent être cohérents avec le niveau d’apprentissage attendu.
- La manière dont chaque domaine de matière est échantillonné à la fois par ses composants séparés et par une approche d’ensemble doit être représentative et équilibrée, d’une version de l’évaluation à l’autre.
- Les critères de réussite sur lesquels tous les évaluateurs doivent travailler possèdent une spécification claire des attentes.
- Une exigence de comparabilité des résultats au sein d’une ou de plusieurs écoles nécessite des procédures de modération au sein d’une même école et entre écoles pour vérifier la concordance des évaluateurs.
En intégrant ces divers principes, les enseignants sont capables de contribuer positivement aux objectifs sommatifs de l’évaluation. De cette manière, un système principalement conçu et utilisé pour servir des objectifs sommatifs peut en fait également soutenir l’apprentissage, car il répond à des implications préalables à travers l’alignement curriculaire.
L’impact positif du travail collaboratif des enseignants sur la qualité de l’évaluation
Le développement des aptitudes et des procédures liées à une évaluation de qualité nécessite pour les enseignants à la fois une formation et un accompagnement sur la durée. Les enseignants doivent pouvoir développer cette confiance et cette compétence dans leurs évaluations formatives et sommatives.
La collaboration permet la modération et une plus grande uniformisation des pratiques chez les enseignants :
- Elle a de nombreux effets précieux sur le travail des enseignants.
- Elle contribue à garantir la rigueur, la cohérence et la confiance dans l’approche de l’évaluation.
- Elle peut avoir un impact sur les résultats des élèves de leurs classes.
Les élèves peuvent s’impliquer positivement dans des tâches dont ils savent que les résultats feront partie d’une évaluation sommative représentative de leurs apprentissages. C’est d’autant plus le cas qu’ils se sentent épaulés antérieurement pour y arriver par des démarches d’évaluation formative.
Un travail collaboratif entre enseignants sur les questions de l’évaluation à la fois formative et sommative les encouragera à avoir des conversations concernant la qualité de l’enseignement prodigué et de l’apprentissage des élèves.
Des enseignants peuvent être chargés de produire des évaluations sommatives fiables et comparables à l’échelle d’une école ou éventuellement de plusieurs écoles. Dans ce cas, ils seront amenés à se réunir régulièrement pour discuter des objectifs, des procédures et des preuves acceptées. Ces réunions qui donnent lieu à ce type de discussions collégiales qui peuvent constituer un élément précieux du développement professionnel des enseignants.
Mis à jour le 25/12/2023
Bibliographie
Paul Black & Dylan Wiliam (2018): Classroom assessment and pedagogy, Assessment in Education: Principles, Policy & Practice, DOI: 10.1080/0969594X.2018.1441807
Nystrand, M., Gamoran, A., Kachur, R., & Prendergast, C. (1997). Opening dialogue: Understanding the dynamics of learning and teaching in the English classroom. New York, NY: Teachers College Press.
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