samedi 12 décembre 2020

Mémoire et théorie de la trace floue

La théorie de la trace floue est une théorie de la pensée et de la mémoire élaborée par Charles Brainerd et Valerie Reyna (1995). Nous allons ici nous intéresser à ses implications pour la mémoire et l’apprentissage.
 
(Photographie : Takashi Yoshikawa)




La théorie de la trace floue se présente comme une alternative au modèle de la mémoire sémantique et épisodique.



Mémoire verbatim et mémoire essentielle dans le cadre de la théorie de la trace floue


La théorie de la trace floue postule deux types de processus en mémoire :
  • La mémoire verbatim 
  • La mémoire essentielle 

Selon la théorie de la trace floue :
  • La mémoire verbatim correspond à des traces littérales :
    • Les traces littérales représentent les détails de surface des stimuli. 
    • Leur récupération est caractérisée par la réintégration mentale des caractéristiques contextuelles d’un événement passé. 
  • La mémoire essentielle correspond caractéristiques sémantiques d’un événement : 
    • Les caractéristiques sémantiques représentent le sens général, le thème des stimuli plutôt que de ses détails de surface. 
    • La récupération des traces essentielles n’implique pas de réintégration mentale des caractéristiques contextuelles d’un événement passé.
 


Principe du stockage parallèle dans le cadre de la théorie de la trace floue


La théorie de la trace floue est souvent appelée théorie de la mémoire à double processus. Charles Brainerd et Valerie Reyna postulent qu’au lieu de considérer que la mémoire sémantique serait une sorte de version moyenne de plusieurs mémoires épisodiques, les deux traces seraient constituées simultanément. 

Selon le principe du stockage parallèle des traces verbatim et essentielles dans la théorie de la trace floue, les caractéristiques verbatim et essentielles de l’élément cible seraient encodées et stockées simultanément par des voies distinctes.

Par exemple, supposons qu’une personne se voit présenter un temps donné le mot Pomme : 

Les caractéristiques verbatim de l’élément cible sont par exemple :
  • Le mot était pomme
  • Il était présenté en rouge
  • Il était imprimé en gras et en italique
  • Toutes les lettres sauf la première étaient présentées en minuscules
Les caractéristiques essentielles de l’élément cible sont par exemple :
  • Le mot était une sorte de fruit
À l’opposé, selon le principe du stockage en série propre au modèle de la mémoire sémantique et épisodique, les caractéristiques sémantiques essentielles de la cible (le mot était un type de fruit) seraient dérivées de ses caractéristiques épisodiques. Par conséquent, la formation des traces sémantiques dépendrait du codage et du stockage des traces épisodiques. 

Les recherches suggèrent que l’encodage et le stockage des traces essentielles ne dépendent pas des traces verbatim. Plusieurs études ont convergé vers la conclusion que la signification des éléments cibles est encodée indépendamment de l’encodage de la forme de surface des mêmes éléments, et même avant celui-ci.




Principe de la récupération dissociée dans le cadre de la théorie de la trace floue


Comme pour le principe du stockage parallèle, la récupération des traces verbatim et essentielles se fait également par des voies dissociées. 

Selon le principe de la récupération dissociée, les deux processus de récupération sont indépendants l’un de l’autre. 

Par conséquent, ce principe permet aux processus de recherche de traces verbatim et essentielles d’être influencés de manière différenciée par des facteurs tels que le type d’indices de recherche et la disponibilité de chaque forme de représentation. 

Cette double trace peut être interprétée à l’aide du principe de spécificité de codage de Tulving
  • Les éléments qui ont été effectivement présentés dans le passé sont de meilleurs indices pour les traces verbatim que les éléments qui ne l’ont pas été. 
  • Les éléments qui n’ont pas été présentés dans le passé, mais qui conservent la signification des éléments présentés sont généralement de meilleurs indices pour les traces essentielles. 
Si les processus verbatim et essentiels sont dépendants, alors les facteurs qui affectent un processus affecteraient également l’autre dans la même direction. 

Plusieurs expériences montrent des taux d’oubli différentiels entre la mémoire des détails de surface et la mémoire de la signification des événements passés. Ces observations favorisent la notion de récupération dissociée des traces verbatim et essentielles. Avec le temps, les verbatims deviennent inaccessibles plus rapidement que les grandes lignes représentées par la mémoire essentielle.



Implications de la théorie de la trace floue pour le surapprentissage de la terminologie et du vocabulaire


Lorsque nous suivons un cours ou lisons un article sur un sujet spécifique, il y a de grandes chances qu’une semaine plus tard, nous nous souvenions encore des idées générales (essence), mais plus des termes techniques (verbatim). Nous avons tendance à nous souvenir de l’essentiel. 

Les mots et la terminologie spécifiques sont souvent assez arbitraires, et difficiles à relier à d’autres souvenirs significatifs. Ils risquent de ne laisser qu’une trace épisodique/verbatim.

En pratique, cela signifie que les détails et la terminologie devraient être révisés et consolidés régulièrement plus tôt que d’autres types d’apprentissage comme les idées générales. 

Un accent particulier doit être mis sur la terminologie et le vocabulaire et pas uniquement sur le sens véhiculé par l’enseignant, car ceux-ci nécessitent des efforts particuliers centrés sur de détails pour être mémorisés. Ce fonctionnement implique leur intégration dans le cadre du surapprentissage en pratique distribuée.


Mis à jour le 18/04/2023

Bibliographie


Jonathan Firth, How to Learn: Effective study and revision methods for any course, 2018, Arboretum Books

Fuzzy-trace theory, https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Fuzzy-trace_theory&oldid=985444518 (last visited Nov. 8, 2020).

Reyna, V. F.; Brainerd, C. J. (1995). “Fuzzy-trace theory: An interim synthesis”. Learning and Individual Differences. 7 (1): 1–75. doi:10.1016/1041-6080 (95)90031-4.

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