samedi 9 mai 2020

Apprentissage en profondeur, mémoire sémantique et organisation des connaissances

Un enjeu important de l’enseignement est que les élèves puissent emmener de nouvelles connaissances et compétences apprises durablement avec eux. Ils s’en servent par la suite dans leur vie professionnelle ou leur vie personnelle pour faire face à différentes situations, habituelles ou nouvelles.

(Photographie : Elise Kirk)



Le risque d’un apprentissage superficiel


Un constat


Généralement, nous évaluons, nous interrogeons nos élèves sur des connaissances récentes, sur des compétences auxquelles nous venons de les entrainer durant les quelques semaines ou mois précédents.

Nos élèves apprennent régulièrement pour la plupart, car de manière générale, ils veulent réussir. Ils sont globalement consciencieux, mais ils ont à jongler entre différentes priorités en permanence. Ils n’ont pas que notre cours, ils n’ont pas que l’école qui occupe leurs pensées. Ils sont autant que possible attentifs lors de nos cours, ils font leurs devoirs dans les temps en jonglant entre leurs priorités. Ils préparent les évaluations et les examens en privilégiant régulièrement le sprint de la dernière ligne droite à la course de fond.

Lorsque nous les évaluons, nos élèves répondent avec plus d’aisance lorsque les questions sont posées de manière familière. Au plus, nous éloignons les énoncés et les tâches demandées de celles préalablement vues en classe, au plus leur résultat chute.



Un apprentissage plus superficiel que nous le souhaiterions


Tout se passe parfois comme si une part non négligeable d’élèves disposaient de réponses toutes faites. À partir de celles-ci, ils chercheraient des questions qui y correspondent, plutôt que de s’investir dans le processus inverse de construction ou d’élaboration de réponses inédites.

Si la question est non familière, ils risquent l’impasse. Ils peuvent s’arrêter à des détails de surface pour l’apparier à une réponse qui finalement ne correspond pas toujours forcément.

Les élèves peuvent répondre à des questions simples et misent sur les questions de ce type. Ils peuvent se retrouver incapables de mobiliser les mêmes connaissances dans le cadre de questions plus complexes.

Cela laisse supposer un apprentissage superficiel pour l’enseignant et de grandes difficultés à transférer les connaissances pour les élèves.

La problématique a déjà été entamée dans le cadre de deux articles :

Le présent article propose d’approfondir la question.




L’importance d’un apprentissage profond


L’apprentissage profond, la flexibilité, la généralisation des connaissances et la capacité de transfert des compétences qui en découle sont une finalité souvent formulée et de toute façon hautement souhaitable.

Le meilleur chemin pour y parvenir est d’accentuer l’importance de l’acquisition de connaissances et s’assurer de leur compréhension en travaillant sur leur application à l’aide d’exemples, de contre-exemples et d’analogies.

Une fois ces connaissances solidement installées dans la mémoire à long terme, il s’agit de les mobiliser au fur et à mesure dans une plus large gamme de contextes à travers la pratique. Cette voie est la plus sure pour assurer un transfert proche.

À travers ce processus de récupération, l’enseignant confronte ses élèves à un questionnement élaboré. De même, il les familiarise aux formats, à la complexité et au style des questions d’évaluation.

Cette capacité de transfert est en fait liée à la fluidité, à une complexité accrue, à une diversité des contextes et aux connexions des schémas cognitifs et réseaux sémantiques développés par les élèves. Cela leur demande beaucoup de questionnements élaborés et de réflexion pour créer des liens avec leurs connaissances préalables et les consolider.



Importance de la mémoire déclarative


Lorsqu’une nouvelle connaissance est pour la première fois acquise, elle est dite inflexible. Elle est complètement liée au contexte dans lequel elle vient d’être acquise.

Dans un premier temps, les élèves ne pourront se souvenir d’elle que dans le cadre de ce contexte initial. Dans leur mémoire à long terme, cette nouvelle connaissance n’est solidement arrimée qu’à ce contexte et il est très incertain de la récupérer au départ par une autre voie. Les connaissances inflexibles sont inévitables, c’est l’étape naturelle de l’acquisition d’une nouvelle connaissance.

Ces connaissances verbales sont gérées par la mémoire déclarative, elle-même subdivisée en mémoire épisodique et mémoire sémantique.

Il existe deux principaux types de mémoires factuelles :
  • La mémoire épisodique est la mémoire d’événements spécifiques. C’est par exemple en chimie, des expériences montrant des phénomènes exothermiques qui ont eu lieu dans le contexte de la classe.
  • La mémoire sémantique est la mémoire de concepts généraux. C’est par exemple en chimie, ce que signifie un phénomène exothermique et les conditions qui le permettent. Au bout d’un certain temps, l’élève ne se souvient plus où ou quand il a spécifiquement appris ces concepts.

Voir article : Importance, fonctions et caractéristiques de la mémoire à long terme dans le cadre de l’apprentissage et de l’enseignement

Le danger est qu’une première phase contextualisée de l’apprentissage va stocker ces connaissances dans le contexte de la mémoire épisodique qui est par nature plus inflexible et liée à la mémoire personnelle d’un individu. L’enjeu en matière d’apprentissage est plutôt qu’elle appartienne à la mémoire sémantique. Il faudra l’y transférer dans le cadre des processus d’enseignement et d’apprentissage.

L’enjeu de la mémoire sémantique est que nous pouvons y accéder sans référence au contexte dans lequel les connaissances ont été initialement apprises, ce qui est souhaitable.



Passer de la mémoire épisodique à la mémoire sémantique


D’une certaine manière, pour rendre des connaissances flexibles, plus générales et donc transférables, il faut que nous cessions d’y accéder uniquement à travers le contexte parfois anecdotique de leur apprentissage initial.

C’est-à-dire qu’il n’est pas idéal que les élèves se rappellent et utilisent uniquement comme porte d’accès le souvenir de leur enseignant leur expliquant tel contenu, à tel moment et dans tel contexte. Il n’est pas idéal à terme qu’ils récupèrent l’information pour de telles raisons particulières et contextualisées. Ils peuvent s’en souvenir parce qu’elle se trouve à tel endroit dans leurs notes de cours, entre tel et tel élément ou parce qu’ils l’ont initialement étudiée lors d’un trajet en train par exemple.

De même, il n’est pas forcément idéal qu’indéfiniment, l’accès à une information se fasse via une astuce mnémotechnique qui soit complètement déconnectée des connaissances en tant que telles.

En résumé, nous devons éviter que nos élèves se souviennent de certaines connaissances grâce à un souvenir épisodique, c’est-à-dire à un événement spécifique.

Le principe d’un réseau sémantique est que l’information ne soit plus accédée par son contexte d’apprentissage, mais principalement par son sens. Elle est retrouvée par association d’idées, à travers des liens cohérents et signifiants avec d’autres connaissances préalables.

L’enjeu est que les élèves apprenant à récupérer une connaissance pour sa valeur propre, à partir d’éléments du contexte où elle fait sens. Être obligé de passer par le contexte étroit de l’apprentissage est limitant, peu utile et peu durable.

Pour autant, il ne s’agit pas de diaboliser la mémoire épisodique. Elle est souvent la porte d’entrée et une bonne porte d’entrée pour rendre une connaissance rapidement accessible, mais nous ne pouvons pas nous arrêter là, car elle est définitivement inflexible et statique par nature.

La première étape peut être que la nouvelle connaissance est acquise dans la mémoire épisodique des élèves, dans le contexte de son apprentissage initial. Nous devons ensuite aider nos élèves à y accéder sans référence à la manière dont ils l’ont apprise, afin de rendre les connaissances plus flexibles.

La seule solution est de les faire la récupérer dans différents contextes, de manière de plus en plus déconnectée du contexte d’origine et de plus en plus en rapport avec le sens large et profond de cette connaissance.

Dès lors, il s’agit de varier les approches, les situations et les contextes qui déclenchent pour les élèves la récupération et le traitement de l’information. Faire réfléchir les élèves en fonction de différents indices et leur faire élaborer autour des connaissances dans divers contextes et de différentes manières augmente considérablement les chances qu’ils transfèrent leurs connaissances dans de nouvelles situations. Il s’agit également d’espacer cette pratique au fil du temps pour que ces connaissances viennent correctement s’intégrer entre d’autres et se discriminer face à elles.

L’idée est aussi que progressivement chaque question augmente en complexité, s’éloigne du contexte d’origine ou soit légèrement plus difficile que la précédente. Chaque question enrichit la connaissance de nouveaux indices de récupération dans des situations où elle est pertinente. La difficulté de la tâche vient souvent du fait que les élèves doivent retrouver les connaissances en l’absence de leurs indices contextuels initiaux.

Varier les contextes augmente pour les élèves le nombre d’indices de récupération, ce qui renforce et approfondit leurs apprentissages au fil du temps.



La mémoire sémantique demande de se détacher du contexte


Ce passage de la mémoire épisodique vers la mémoire sémantique est corroboré par d’autres recherches comme Steve Masson (2020) en fait l’écho dans le domaine des neurosciences.

Lorsque nous apprenons quelque chose, un certain contexte, le fait que des neurones qui s’activent ensemble se connectent ensemble, comme l’énonce la loi de Hebb, peut aussi avoir un effet négatif sur le transfert des apprentissages.

Les neurones de contexte auront tendance à se connecter aux neurones de l’apprentissage à réaliser.

Prenons par exemple le fait d’apprendre l’addition, une procédure donnée comme la résolution d’un problème stœchiométrique ou d’une équation du second degré. Le fait que cela se déroule, en classe, à un certain endroit, avec un certain type d’éclairage, dans un certain état émotif et avec un état d’esprit n’est pas neutre. Cela rendra plus probable la réactivation des connaissances apprises dans ce même contexte.

En effet, parfois, pour se souvenir d’une information oubliée, il suffit de penser au contexte dans lequel nous l’avons apprise.

Steve Masson fait l’écho d’une étude remarquable de Godden et Baddeley (1975) :
  • Ces chercheurs avaient demandé à des participants d’apprendre une liste de mots dans deux environnements nettement différents : sous l’eau et sur la terre ferme. 
  • Leurs résultats ont montré qu’il est plus facile de se rappeler des mots appris sous l’eau lorsque nous sommes ensuite sous l’eau plutôt que sur la terre ferme.
  • Inversement, il est plus facile de se souvenir des mots appris sur la terre ferme lorsque nous sommes sur la terre ferme plutôt que sous l’eau.
Nous pouvons en conclure qu’il est plus facile de réactiver les connaissances apprises si nous ne trouvons dans le même contexte que celui dans lequel l’apprentissage a été réalisé.

Il s’agit d’un problème qui porte en lui-même sa propre solution. Le transfert nécessite de décontextualiser les apprentissages de conditions environnementales elles-mêmes où ils ont été originellement acquis.



Structuration de la mémoire sémantique


Les informations que nous enseignons à nos élèves sont en relation les unes avec les autres. C’est ce que la théorie de la charge cognitive décrit comme l’interactivité des éléments.


Un apprentissage approfondi impose que les élèves développent une bonne organisation, structuration et hiérarchisation des informations qu’ils acquièrent dans un domaine, ce qui en favorise leur maitrise dans différents contextes, à partir d’entrées et d’indices différents.

La mémoire à long terme fonctionne par des regroupements d’ensembles cohérents et connectés d’informations que nous appelons chunks. Le développement de ces chunks facilite le rappel, la mobilisation et l’utilisation de ces connaissances.

La notion d’expertise dans un domaine est liée à la quantité de connaissances dans ce domaine, mais également à leur qualité. Cette qualité tient à la façon dont les connaissances sont organisées, structurées, accessibles et fonctionnelles sous forme de chunks dans la mémoire à long terme.



L’importance des schémas cognitifs pour l’apprentissage


Les théories traditionnelles de l’apprentissage supposent que nous apprenons des détails sous forme d’épisodes spécifiques, lorsque nous observons des phénomènes particuliers.

Par exemple, nous pouvons étudier des phénomènes dans un cours de chimie de manière indépendante, les uns des autres. Nous les mobilisons au fil du temps et à force, nous nous constituons un schéma général qui reprend et intègre diverses caractéristiques interreliées des phénomènes chimiques et de leurs différents types.

Les théories de l’apprentissage fondées sur les apports de sciences cognitives vont moins mettre l’évidence sur l’acquisition de connaissances singulières, mais vont plutôt mettre l’accent sur la structuration, l’organisation et la hiérarchisation des connaissances. Dans cette perspective, la notion de schéma (cognitif) est essentielle.

Les modèles mentaux ou schémas cognitifs : 
  • Ils nous aident à comprendre et à retenir plus facilement de nouvelles informations et de nouvelles idées. 
  • Ils offrent une structure permettant de vérifier, de relier et de mettre en perspective les connaissances de différentes manières. 
  • Ils favorisent la création de liens avec nos connaissances préalables.
  • Ils favorisent l’élaboration qui prend la forme d’une réflexion facilitant l’intégration et la mémorisation de nouvelles connaissances.
Les schémas (cognitifs) constituent des grilles de lectures qui favorisent la compréhension et le traitement de nouvelles informations. Le développement de schémas dans un domaine et la voie de développement de l’expertise.

Les schémas vont permettre aux élèves d’appliquer leurs connaissances pour répondre à des questions avec précision. Ils vont leur permettre d’aborder plus efficacement la résolution de problèmes ou la réalisation de tâches complexes par l’étude de problèmes résolus, qui soutiennent le développement de schémas.

La première étape de résolution d’un problème sera toujours de comprendre son énoncé, les données, le contexte et ce qui est attendu. Les schémas offrent des grilles d’analyse et d’interprétation qui permettent d’accéder à la structure sous-jacente d’un problème ou d’une tâche complexe. L’atteindre permet d’entamer sa résolution. L’obtention d’un modèle mental par le développement de schémas cognitifs rend les élèves capables de mettre leurs connaissances en pratique.



Préparer le terrain pour le développement de schémas lors de la conception pédagogique


Le développement de schémas cognitifs performants est une condition incontournable à un apprentissage en profondeur et durable. La question est de voir en tant qu’enseignant comment aider à soutenir leur développement.

L’enseignement explicite en classe dans une matière doit soutenir le développement de ces schémas. Il repose par conséquent sur une conception pédagogique adaptée à cet effet.

La première étape est de faire prendre conscience aux élèves de l’existence de ces schémas et de leur nature incontournable. Connaitre leur importance et les considérer comme des structures à développer est fondamental. En effet, le choix des stratégies employées par les élèves eux-mêmes dans le cadre de leur apprentissage autonome peut avoir un impact indéniable. Cela constitue le support d’arrière-plan d’une démarche métacognitive qui peut favoriser l’autorégulation de l’apprentissage.

Un danger pour l’enseignant ou pour l’élève est d’accorder plus d’attention au contenu des connaissances transmises qu’à leur organisation. Il faut prendre conscience que l’organisation des connaissances n’est pas un processus naturel, elle est propre au contenu et au domaine.

Il est donc crucial, en tant qu’enseignant, de savoir à quoi ressemble un modèle mental utile dans le domaine de matière particulier que nous allons enseigner. Il faut identifier les structures et les connexions qui aident les élèves à donner un sens à leur apprentissage, les présenter et les enseigner. À ce titre, la mobilisation et l’usage d’organisateur graphique et de cartes conceptuelles à travers la phase d’enseignement sont cruciaux.



Structurer la conception pédagogique dans une logique d’intégration des connaissances


Lorsque nous préparons l’enseignement d’une matière, nous passons par une phase de conception pédagogique en déterminant l’ordre par lequel nous allons passer.

Les structures d’organisation les plus adéquates sont en règle générale intrinsèques aux caractéristiques, aux principes et à la logique de la matière concernée.

Il s’agit de ne pas réinventer la roue. Il n’y a au final que peu d’intérêt à s’investir dans une démarche innovante qui a pour simple ambition de rendre les contenus plus attrayants pour les élèves (classe inversée, démarche de projets, classe puzzle, etc.). Non seulement nous risquons de ne générer qu’un intérêt situationnel fugace, mais également nous pouvons passer à côté de certaines étapes essentielles dans la logique de la construction des apprentissages. 

Identiquement, il est également peu probable que le développement d’un sketchnote ou d’une carte mentale de manière spontanée puisse être réellement ce qu’il y a de plus pertinent à faire. Tout le long de la progression, les élèves ont besoin d’un étayage et d’un niveau de défi qui se concentre sur la prochaine étape utile pour leurs apprentissages.

Il est autrement plus utile de sélectionner et de privilégier des modèles experts disponibles dans la littérature et de s’en servir en tant qu’organisateurs graphiques et comme supports d’étayage dans les différentes phases du cours.

Ce que les élèves devront maitriser au terme des apprentissages, précisé dans les objectifs d’apprentissage, doit guider la manière dont nous planifions, dans une logique d’alignement curriculaire. En ligne de mire, nous devons conserver la structure profonde souhaitée et transmettre une vision intégrée des contenus.

Souvent, l’enseignant utilise ces structures de manière tacite, implicite, sans s’en rendre compte. Si un schéma global des contenus qu’il va enseigner est évident pour lui, il ne l’est jamais d’emblée pour les élèves. Les élèves ne peuvent pas organiser ce qu’ils ne connaissent pas. C’est un processus long que l’enseignant doit soutenir dès le départ.

Il est donc indispensable de rendre explicites les structures organisationnelles intrinsèques à la matière, de les enseigner et de faire un suivi de leur apprentissage.

Selon Frederick Reif, les enseignants devraient essayer de développer explicitement, puis d’élargir progressivement, une structure de connaissances bien organisée que les élèves peuvent utiliser activement. Cette structure doit être présentée directement puis complexifiée au fur et à mesure. De cette manière, les connaissances d’un élève peuvent être bien organisées à chaque étape et peuvent être progressivement réorganisées au fur et à mesure de l’acquisition de nouvelles connaissances. 

Cela réduit le risque de surcharge cognitive, car les élèves acquièrent de nouvelles connaissances petit à petit et peuvent leur donner un sens en établissant des liens entre les choses qu’ils vont apprendre. Les informations contenues dans un organisateur graphique doivent contenir les réponses à des questions simples du type « pourquoi » et « comment » et peuvent être organisées ou classées en groupes. 



Organiser graphiquement des contenus


La capacité à catégoriser est une connaissance biologique primaire pour l’être humain. Il s’agit d’une compétence innée que nous manifestons d’emblée et qui n’a pas besoin d’être enseignée, qui se réalise sans difficulté.

Dans le cadre des structures d’information que nous proposons aux élèves pour favoriser l’apprentissage, l’idée est d’organiser les connaissances pour en faciliter le traitement.

Comme le développe Frederick Reif (Applying Cognitive Science to Education, 2010), il existe quatre formes typiques d’organisation des connaissances : le réseau, la hiérarchie, le désordre et la liste.



(source : Oliver Caviglioli)

Frederick Reif (2010) suggère que, des quatre formes d’organisation des connaissances, la hiérarchie est la plus utile. En effet, elle nous permet de mobiliser notre compétence biologique primaire de catégorisation des connaissances. La disposition en hiérarchie est typique des cartes conceptuelles.

La hiérarchie nous permet de visualiser les idées à différentes échelles et d’exploiter à merveille notre capacité à catégoriser.

Intuitivement, nous pourrions penser que les réseaux seraient une forme utile pour l’apprentissage. En effet, ils peuvent être très précis. Ils nous permettent de visualiser tous les liens qui existent entre des éléments et des concepts. 

Il y a deux défauts à cela : 
  • L’exhaustivité des liens sur une représentation graphique a toutes les chances de saturer notre mémoire de travail et rendre le traitement difficile. L’avantage d’une hiérarchie est que l’on peut se focaliser sur une partie, prendre du recul pour avoir une vision d’ensemble et se focaliser sur une autre partie de la hiérarchie. Le réseau qui part dans tous les sens rend ce processus plus difficile.
  • De plus, le risque des réseaux est d’être idiosyncratique, d’une telle manière que nous pouvons en faire des lectures différentes. De même, lorsque différentes personnes réalisent une carte mentale sur un sujet, la dimension personnelle fait que nous pouvons aboutir à des résultats très différents.


Selon Frederick Reif, les réseaux sont assez inefficaces parce que chacun d’entre eux doit être reconnu et identifié pour être récupéré comme un conglomérat individuel. Chaque réseau est susceptible d’avoir une architecture qui lui est propre.

À la différence, les hiérarchies sont des diagrammes en arbre qui sont de nature beaucoup plus générique. Qu’ils soient représentés de haut en bas ou de manière radiale, leur structure respecte le même principe. Il est dès lors plus facile à mémoriser. Il peut s’élaborer ou être récupéré de manière déductive, de haut en bas, ou de manière inductive de bas en haut, du centre vers la périphérie ou l’inverse. Les hiérarchies forment des ensembles de savoirs emboîtés et regroupés. 

D’après Wright (2007), une structure hiérarchique mémorable ne devrait pas comporter plus de trois niveaux. Cela correspond bien à l’idée d’une mémoire de travail capable de gérer 4 +/- 1 éléments nouveaux. Lorsqu’un apprenant considère trois niveaux de hiérarchie qui sont neufs pour lui, il garde ainsi un espace de stockage pour considérer un quatrième élément en fonction de cette hiérarchie.

Nous pouvons nous interroger sur la préférence des hiérarchies face aux réseaux. Si les hiérarchies sont moins complexes et exploitent assez simplement la notion de catégorisation, les réseaux ne sont pas d’emblée à rejeter s’ils sont exploités intelligemment et avec parcimonie.

La question se pose dans la nature des liens que met en scène un réseau. Parfois, un réseau peut permettre de simplifier une structuration hiérarchisée.

Par exemple, nous pouvons d’un côté imaginer une hiérarchie de plantes qui les classes en annuelles, bisannuelles et vivaces. De l’autre côté, nous pouvons considérer une seconde hiérarchie de plantes qui les classe en comestibles, condimentaires et non comestibles.

Les deux hiérarchies sont susceptibles d’être regroupées en un seul réseau, qui par exemple utiliserait un code couleur en guide de lien pour classer les plantes en fonction de leur utilisation.

Dans ce cas précis, un réseau permettrait d’économiser une hiérarchie sans forcément perdre beaucoup en lisibilité. Le croisement des informations pourrait de même ajouter une valeur ajoutée.

Le réseau peut être ainsi utilisé dans des situations où intentionnellement il évite de devoir partager notre attention entre deux hiérarchies.




Mise à jour le 06/11/2024

Bibliographie


Harry Fletcher-Wood, 2019, Deep learning? Planning for knowledge transfer: Responsive Teaching update https://improvingteaching.co.uk/2019/10/20/deep-learning-planning-for-knowledge-transfer-responsive-teaching-update/

Harry Fletcher-Wood, 2019, Deep learning (2): structuring and organising knowledge—responsive teaching update, https://improvingteaching.co.uk/2019/12/01/deep-learning-2-structuring-and-organising-knowledge-responsive-teaching-update/

Reif, F. (2010). Applying Cognitive Science to Education: Thinking and Learning in Scientific and Other Complex Domains. Bradford.

Wright, A. (2007). Glut: Mastering information through the ages. Ithaca: Cornell University Press.

Steve Masson, Activer ses neurones, 2020, Odile Jacob

Godden, D. R., & Baddeley, A. D. (1975). Context-dependent memory in two natural environments: On land and underwater. British Journal of Psychology, 66(3), 325–331. https://doi.org/10.1111/j.2044-8295.1975.tb01468.x

Oliver Cavilioli, Dual Coding to Organise Ideas, 2020, https://youtu.be/vsKBWsW2Unw

Jonathan Firth, How to Learn: Effective study and revision methods for any course, 2018, Arboretum Books

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