Le principe du surapprentissage consiste à poursuivre la pratique autonome et la mobilisation des connaissances par les élèves jusqu’au développement chez eux d’une aisance et d’une fluidité qui correspondent à l’établissement d’automatismes.
Les enjeux du surapprentissage
Pour l’atteindre, il s’agit en quelque sorte de continuer à pratiquer une matière au-delà du point où les connaissances sont comprises et maitrisées.
À partir de ce moment-là, un élève explique un concept ou va résoudre un exercice sans éprouver de difficulté et sans grand effort, le tout avec un risque d’erreur faible.
Dans de nombreuses matières, il est souhaitable que des élèves disposent de certaines connaissances sur le bout des doigts. Il peut s’agir de la nomenclature en chimie, de l’ultrastructure cellulaire en biologie ou de différentes formules et règles de base en physique et en mathématiques. Une connaissance évidente de ce type correspond aux tables de multiplication. L’acquisition de ces automatismes favorisera l’apprentissage de nouvelles connaissances, car leur mobilisation et leur activation en mémoire à long terme diminuera la charge sur la mémoire de travail de contenus plus complexes les incluant.
Le principe du surapprentissage
Pour atteindre le niveau de surapprentissage, il s’agit pour les élèves de réaliser une série d’exercices ou de tâches qui vont en fin de compte présenter un certain caractère répétitif. Par exemple sur une série de dix exercices, après en avoir accompli cinq, nous pouvons avoir la sensation de comprendre le concept en jeu ou l’application des règles.
Nous pouvons souhaiter arrêter à ce moment-là n’ayant pas l’impression que poursuivre peut représenter un bénéfice d’apprentissage, mais en même temps les terminer devient facile.
Terminer la seconde moitié des exercices, ce qui ne présentera aucune difficulté est souvent considéré comme un surapprentissage.
Traditionnellement, en tant qu’enseignants, nous tendons à considérer intuitivement qu’il peut être utile que dans la foulée, les élèves fassent les cinq exercices suivants. L’apprentissage serait en quelque sorte renforcé, comme le fait d’installer un automatisme, de le répéter et de le renforcer à la manière d’un réflexe conditionnel. Nous voulons en effet être certains qu’il continue à se manifester à l’avenir.
Dans le cadre de la stratégie de surapprentissage, un élève maitrise d’abord une compétence et continue ensuite immédiatement à la pratiquer plusieurs fois dans la foulée. Toute étude, toute pratique ultérieure immédiate de cette compétence correspond à l’exécution d’une stratégie de surapprentissage.
Le surapprentissage est particulièrement fréquent dans l’enseignement des mathématiques dont les manuels présentent régulièrement de longues listes d’exercices similaires.
Nous pouvons nous interroger sur l’utilité réelle de cette pratique du surapprentissage, sur les enjeux de la poursuite d’une pratique au moment où un niveau de performance propre à la maitrise est atteint en classe. Est-ce qu’un bénéfice pour l’apprentissage est réellement généré ou s’agit-il simplement d’une performance temporaire ? Comment se situe-t-il par rapport à la pratique distribuée qui suggère plutôt d’étaler la réalisation d’exercices similaires dans le temps ?
Combiner surapprentissage et pratique distribuée
Doug Rohrer et Kelli Taylor (2006) ont comparé les effets du surapprentissage et de la pratique distribuée sur la rétention des connaissances en mathématiques auprès de 216 étudiants universitaires
Ils ont enseigné aux étudiants un concept mathématique. Ensuite, ils leur ont donné une série de tâches pratiques à réaliser pour lesquelles les conditions de surapprentissage et de pratique distribuée ont été explorées. Ces étudiants ont passé un test sur le sujet une ou quatre semaines plus tard.
Dans leur première expérience, le premier groupe réalisait les 10 problèmes mathématiques abstraits de pratique durant une session ce qui correspond à une situation de surapprentissage. Le second groupe réalisait cinq des dix problèmes durant une première session. Les cinq problèmes suivants étaient réalisés lors d’une seconde session organisée une semaine plus tard ce qui correspond à une situation de pratique distribuée.
Lors d’un test effectué une semaine plus tard, aucun effet sur les résultats n’a été constaté. La condition du surapprentissage et celle de la pratique distribuée semblent équivalentes. Par contre lors d’une évaluation quatre semaines plus tard, la condition de pratique distribuée a pratiquement doublé les résultats obtenus par la condition de surapprentissage. La pratique distribuée semble ainsi avoir un impact à long terme bien plus conséquent que le simple surapprentissage.
Cette constatation suggère que les avantages de la pratique distribuée s’étendent aux problèmes mathématiques abstraits. D’autres recherches avaient déjà montré précédemment un effet similaire pour des tâches de restitution de connaissances.
Dans une seconde expérience, Doug Rohrer et Kelli Taylor ont isolé la variable surapprentissage. Ils ont placé les étudiants dans deux conditions :
- Dans la première condition, les étudiants ont résolu 3 problèmes du même type en une seule session.
- Dans la seconde session, les élèves ont résolu 9 problèmes du même type en une seule session.
Les deux groupes ont été testés une et quatre semaines plus tard. Cette différence n’a pratiquement eu aucun effet sur le résultat de ces tests. Le groupe des 9 problèmes avait travaillé trois fois plus longtemps et n’avait absolument rien gagné de ses efforts.
Cette expérience réalisée par Doug Rohrer et Kelli Taylor (2006) montre que l’effort consacré à des problèmes supplémentaires, qui est une situation de surapprentissage, peut n’apporter aucun bénéfice observable aux apprenants.
Ce résultat se retrouve en contradiction avec l’idée du surapprentissage qui consiste à poursuivre la pratique au-delà du point de maitrise afin de stimuler la rétention à long terme. Cet effet n’a pas été constaté. Par contre, un effet très net de la pratique distribuée a été observé quatre semaines plus tard, ce qui est conforme avec l’effet d’espacement.
Les résultats des deux expériences suggèrent que la pratique du surapprentissage ne présente aucun intérêt pour l’apprentissage des mathématiques, par contre la distribution de la pratique dans le temps est efficace et souhaitable.
Éviter de réduire le surapprentissage au bachotage
Une manière d’interpréter l’échec du surapprentissage alors qu’intuitivement nous avons la sensation qu’il devrait fonctionner, est de tracer un parallèle avec le bachotage.
Les bénéfices du surapprentissage sur la rétention ultérieure pourraient ne pas être durables puisqu’ils s’apparentent à du bachotage. Or le bachotage ne crée lui aussi que des performances à court terme. Dès lors si le surapprentissage peut être une méthode efficace d’étude pour une rétention à court terme, il peut n’avoir qu’un effet faible et dérisoire sur les performances ultérieures.
Prenons la situation ou un enseignant a effectué le modelage et une pratique guidée pour un ensemble de connaissances spécifiques. Il faut ensuite pratiquer ses élèves de façon autonome. La réalisation de la première et de la deuxième tâche complexe par ses élèves peut avoir un impact positif net sur leur apprentissage. Ils les réalisent avec un taux élevé de succès. Cette pratique autonome va entrainer un apprentissage et une forte augmentation des résultats d’un test ultérieur à échéance proche.
Cependant, à partir de ce moment-là, la réalisation de chaque tâche complexe supplémentaire sous forme de pratique autonome dans la foulée des deux premières, ne va plus apporter qu’un gain d’apprentissage de plus en plus faible. Jusqu’à ce que, finalement, toute pratique supplémentaire n’apporte plus qu’un bénéfice insignifiant en matière d’apprentissage. En effet, dès que tout devient simple pour les élèves, ils passent en pilotage automatique et n’ont plus besoin de réfléchir. Il n’y a dès lors plus d’apprentissage supplémentaire.
Distinguer le surapprentissage des compétences cognitives et motrices
Un autre élément peut prêter à confusion face au surapprentissage. Le surapprentissage semble présenter des avantages à court terme pour les compétences cognitives et motrices.
Cependant, il existe des preuves que la rétention pour les activités physiques ne diminue pas avec le temps comme la rétention pour les tâches cognitives (Driskell et coll., 1992). C’est-à-dire que le surapprentissage a un effet durable pour l’activité physique et dans notre vie, nous en avons fait l’expérience. Nous avons tendance à faire une analogie erronée avec un apprentissage cognitif pour lequel elle n’est pas vérifiée.
Optimiser l’usage du surapprentissage en classe
Lorsque nous modelons puis faisons pratiquer les élèves, à un moment, ils vont résoudre correctement plusieurs problèmes du même type ou réaliser plusieurs tâches complexes similaires avec succès.
Les conclusions sur le surapprentissage suggèrent qu’ils ont alors peu à gagner en continuant à travailler davantage de la même manière au cours d’une même session. Pour un apprentissage à long terme, le surapprentissage n’est pas une utilisation efficace du temps par l’élève, que ce soit en classe ou à domicile.
Concrètement, un enseignant devrait stopper la pratique dès que la majorité de ses élèves montrent une maitrise d’un type de tâche donné. Toutefois, il ne s’agit pas de tomber dans la position extrême opposée selon laquelle les élèves ne devraient se voir attribuer qu’un seul problème de chaque type dans une session donnée. Un léger surapprentissage peut être utile, déjà pour s’assurer que la majorité des élèves y arrivent.
Les exercices non faits et le temps récupéré de la sorte gagnent à être répartis dans une pratique distribuée. Ils peuvent se retrouver dans plusieurs devoirs ultérieurs ou quiz réalisés en classe. En travaillant de cette manière, l’enseignant n’augmente pas le temps de travail de l’élève, ni le nombre de devoirs ou le nombre de tâches complexes réalisées. L’apprentissage réalisé par les élèves s’en trouve amélioré.
Lorsque les élèves vont se consacrer à la réalisation distribuée dans le temps de problèmes tirés des cours et chapitres précédents, ils récolteront les bénéfices de la pratique distribuée. Cela se traduira par une difficulté supplémentaire pour eux qui générera un apprentissage. Nous nous trouvons dans la logique des difficultés désirables de Bjork & Bjork.
Malheureusement, la plupart des manuels de mathématiques sont purement séquentiels. Ils rassemblent des exercices similaires appartenant chaque fois au même domaine dans des chapitres spécifiques. Ils n’offrent guère d’entremêlement et de distribution par la suite. Dans leur conception, ils favorisent malheureusement les pratiques du surapprentissage et le bachotage. Des problèmes du même type sont rarement inclus dans les chapitres suivants. Tout cela rend difficile la mise en place de la pratique distribuée, à la fois pour l’enseignant et ses élèves, ce qui est de nature à minimiser la rétention à long terme.
Lorsque l’on adopte un format de pratique distribuée, chaque leçon est suivie par un nombre habituel de problèmes de pratique, mais seuls quelques-uns de ces problèmes se rapportent à la leçon immédiatement précédente. Ils sont en nombre suffisant pour que les élèves rencontrent le succès et une bonne performance dans leur réalisation.
D’autres problèmes du même type apparaitront ensuite, dans des séances de pratique autonome ultérieure, dans des quiz, des devoirs ou des évaluations formatives. Si la maitrise des élèves se maintient aisément, les intervalles de distribution augmentent en parallèle.
En bref, le nombre de tâches complexes, exercices et problèmes relatifs à un sujet donné ne devrait pas être plus élevé que celui des manuels de mathématiques typiques. Cependant, leur distribution dans le temps devrait être accrue, dynamisée et finement pilotée.
Mis à jour le 14/04/2023
Bibliographie
Jonathan Firth, How to Learn: Effective study and revision methods for any course, 2018, Arboretum Books
Rohrer, D., & Taylor, K. (2006). The effects of overlearning and distributed practice on the retention of mathematics knowledge. Applied Cognitive Psychology, 20, 1209–1224.
Driskell, J. E., Willis, R. P., & Copper (1992). Effect of overlearning on retention, Journal of Applied Psychology, 77 (5), 615–622.
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