Apprendre à apprendre, une expression creuse
Une expression générale comme « apprendre à apprendre » semble échapper à toute logique tout en restant un slogan commun, car elle fonctionne comme une boucle et ne précise pas ce que nous devrions apprendre à apprendre. Apprendre des méthodes ? Apprendre des attitudes ? Apprendre un état d’esprit ? C’est avant tout une injonction peu claire.
Si nous prenons en considération une compétence parmi d’autres, par exemple la résolution de problèmes. La résolution de problèmes est liée à des aptitudes qui sont elles-mêmes fonction des connaissances du contexte. Apprendre à résoudre des problèmes dans l’absolu est impossible, car la nature des problèmes à résoudre peut être fondamentalement différente selon les domaines avec des possibilités de transferts entre les deux très limitées.
De même, il est difficile d’être réellement créatif lorsque nous sommes novices dans un domaine, sans en connaître du moins des rudiments.
Un autre exemple est que l’esprit critique est difficilement transposable en dehors de quelques principes tellement généraux qu’ils sont peu utiles.
Certaines compétences de collaboration peuvent s’enseigner et vont prendre la forme de stratégies dépendant d’un cadre précis. Elles ne vont favoriser que peu les apprentissages.
Ces compétences générales sont régulièrement reprises avec quelques autres et cataloguées un peu facilement comme compétences du XXIe siècle. Comme pas mal d’innovations, elles ne sont que des récupérations d’idées déjà anciennes, qui n’ont jamais fait leurs preuves, ont fini par être oubliées, mais émergent à nouveau de manière cyclique, de décennie en décennie.
Nous pouvons remonter à Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), écrivain et philosophe des Lumières pour expliquer le qualificatif d’approche romantique, qui est parfois accolé à des approches progressistes telles que la pédagogie constructiviste ou la pédagogie de projet. Leurs racines se trouvent dans son roman « Émile ou de l’éducation » (1762) qui marque, avec le reste de son œuvre, le passage de l’idéologie des Lumières au culte romantique de la subjectivité.
Jean-Jacques Rousseau y traite de l’éducation de son héros éponyme, Émile. Émile, sous la direction d’un tuteur privé prénommé Jean-Jacques, se doit de devenir un « homme naturel ». Rousseau s’inspire de l’empirisme et soutient qu’Émile devrait préférentiellement apprendre par l’expérimentation et l’expérience personnelle. Rousseau cherche une forme d’éducation qui préserve la bonté naturelle innée des enfants avant qu’ils ne deviennent corrompus par le contact avec le monde.
Ainsi, le tuteur évite toute forme d’enseignement guidé et suit plutôt les intérêts et les penchants naturels d’Émile. L’objectif est de convaincre Émile qu’il a une liberté totale, qu’il n’a jamais à faire ce qu’il ne cherche pas à faire. Malgré tout, il manipule constamment les intérêts d’Émile en s’immisçant dans son environnement, en gérant soigneusement la mise en scène d’expériences « naturelles » dont Émile tire ses leçons. Le but est de produire le citoyen parfait.
Vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe, dans le sillage de Jean-Jacques Rousseau, les éducateurs progressistes ont cherché une nouvelle forme plus moderne de l’éducation. Celle-ci s’est insurgée contre le modèle transmissif de la pédagogie traditionnelle, centrée sur la répétition et le par cœur. Cette pédagogie traditionnelle ne laisserait que peu de place à la construction du sens. Une autre raison de cet échec serait la réaction face à une discipline stricte et punitive qui contrôle l’élève plus qu’elle lui donne de l’autonomie ou des occasions d’épanouissement personnel.
Ces éducateurs progressistes ont invoqué la vision de Rousseau d’une bonté naturelle des enfants et la valeur de l’apprentissage par l’expérience personnelle plutôt que par une figure d’autorité didactique. Il s’agissait d’une forme d’éducation moderne, « scientifique », qui se centre sur le sujet qu’est l’élève et considère chacun d’eux comme un individu unique. L’objectif était de marier les processus d’éducation aux inclinations naturelles de l’enfant. La démarche était utopique et sans fondements scientifiques.
John Dewey (1859-1952) est un psychologue et philosophe américain, contributeur majeur du courant pragmatiste. Il a également beaucoup écrit dans le domaine de la pédagogie. Il constitue une référence incontournable en matière d’éducation nouvelle.
Sa pédagogie, étroitement liée à un idéal démocratique, vise à donner aux élèves les moyens et le caractère nécessaires pour participer activement à la vie publique et sociale.
Pour lui, la participation des élèves est importante, il s’agit de créer des conditions obligeant l’enfant à participer activement à la construction personnalisée de ses propres problèmes. Il concourt à la mise en œuvre des méthodes qui lui permettront de les résoudre. La pédagogie de Dewey est en général considérée comme très exigeante pour l’enseignant. Pour Dewey, la fonction essentielle de l’école est d’aider l’enfant à acquérir du caractère, une somme d’habitudes et de vertus qui lui permettront de se réaliser pleinement.
Selon Dewey, « l’objectif n’est pas la connaissance ou l’information, mais la réalisation de soi. Posséder tout le monde de la connaissance et perdre son propre soi est un destin aussi terrible dans l’éducation que dans la religion. De plus, nous ne pouvons jamais faire entrer de l’extérieur dans l’enfant des matières qui lui sont destinées » (Dewey, The child and the curriculum, 1902).
Pour cela, il faut mobiliser au mieux le désir inné des enfants. Dewey se méfie d’une école basée sur la crainte et la rivalité, car elle fait perdre le sens de la communauté au profit de motivations individualistes. Si Dewey est classé au sein de l’éducation progressive, il n’appartient pas à l’école progressiste « romantique » centrée sur l’enfant et la réalisation du soi.
Grâce à Dewey, un mouvement a pris racine dans les instituts de formation des enseignants des États-Unis. Ce mouvement a rayonné dans le monde entier, inspirant d’autres philosophies éducatives similaires à mesure qu’il se répandait. Au départ, c’est à travers des écoles privées qu’ont eu lieu progressivement des expérimentations, avant d’être adoptées à des degrés divers dans les systèmes éducatifs publics.
« Cela explique un fait crucial concernant les performances des experts en général : il n’existe pas de compétence générale. On n’entraîne pas sa mémoire ; on l’entraîne pour des chaînes de chiffres ou pour des collections de mots ou de visages de personnes. Vous ne vous entraînez pas pour devenir un athlète ; vous vous entraînez pour devenir un gymnaste, un sprinter, un marathonien, un nageur ou un joueur de basket-ball. Vous ne vous entraînez pas pour devenir médecin ; vous vous entraînez pour devenir diagnosticien ou pathologiste ou neurochirurgien. Bien sûr, certaines personnes deviennent des experts de la mémoire globale ou des athlètes dans un certain nombre de sports ou des médecins avec un ensemble de compétences générales. Elles le font en s’entraînant dans un certain nombre de domaines différents. »Anders Ericsson and Robert Pool,
“Peak: Secrets from the New Science of Expertise”, 2017, First Mariner
Émile ou de l’éducation (Rousseau, 1762), une utopie qui mène à l’impasse
Nous pouvons remonter à Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), écrivain et philosophe des Lumières pour expliquer le qualificatif d’approche romantique, qui est parfois accolé à des approches progressistes telles que la pédagogie constructiviste ou la pédagogie de projet. Leurs racines se trouvent dans son roman « Émile ou de l’éducation » (1762) qui marque, avec le reste de son œuvre, le passage de l’idéologie des Lumières au culte romantique de la subjectivité.
Jean-Jacques Rousseau y traite de l’éducation de son héros éponyme, Émile. Émile, sous la direction d’un tuteur privé prénommé Jean-Jacques, se doit de devenir un « homme naturel ». Rousseau s’inspire de l’empirisme et soutient qu’Émile devrait préférentiellement apprendre par l’expérimentation et l’expérience personnelle. Rousseau cherche une forme d’éducation qui préserve la bonté naturelle innée des enfants avant qu’ils ne deviennent corrompus par le contact avec le monde.
Ainsi, le tuteur évite toute forme d’enseignement guidé et suit plutôt les intérêts et les penchants naturels d’Émile. L’objectif est de convaincre Émile qu’il a une liberté totale, qu’il n’a jamais à faire ce qu’il ne cherche pas à faire. Malgré tout, il manipule constamment les intérêts d’Émile en s’immisçant dans son environnement, en gérant soigneusement la mise en scène d’expériences « naturelles » dont Émile tire ses leçons. Le but est de produire le citoyen parfait.
Ces éducateurs progressistes ont invoqué la vision de Rousseau d’une bonté naturelle des enfants et la valeur de l’apprentissage par l’expérience personnelle plutôt que par une figure d’autorité didactique. Il s’agissait d’une forme d’éducation moderne, « scientifique », qui se centre sur le sujet qu’est l’élève et considère chacun d’eux comme un individu unique. L’objectif était de marier les processus d’éducation aux inclinations naturelles de l’enfant. La démarche était utopique et sans fondements scientifiques.
John Dewey, des intuitions à remettre dans la perspective des progrès en sciences cognitives
John Dewey (1859-1952) est un psychologue et philosophe américain, contributeur majeur du courant pragmatiste. Il a également beaucoup écrit dans le domaine de la pédagogie. Il constitue une référence incontournable en matière d’éducation nouvelle.
Sa pédagogie, étroitement liée à un idéal démocratique, vise à donner aux élèves les moyens et le caractère nécessaires pour participer activement à la vie publique et sociale.
Pour lui, la participation des élèves est importante, il s’agit de créer des conditions obligeant l’enfant à participer activement à la construction personnalisée de ses propres problèmes. Il concourt à la mise en œuvre des méthodes qui lui permettront de les résoudre. La pédagogie de Dewey est en général considérée comme très exigeante pour l’enseignant. Pour Dewey, la fonction essentielle de l’école est d’aider l’enfant à acquérir du caractère, une somme d’habitudes et de vertus qui lui permettront de se réaliser pleinement.
Selon Dewey, « l’objectif n’est pas la connaissance ou l’information, mais la réalisation de soi. Posséder tout le monde de la connaissance et perdre son propre soi est un destin aussi terrible dans l’éducation que dans la religion. De plus, nous ne pouvons jamais faire entrer de l’extérieur dans l’enfant des matières qui lui sont destinées » (Dewey, The child and the curriculum, 1902).
Grâce à Dewey, un mouvement a pris racine dans les instituts de formation des enseignants des États-Unis. Ce mouvement a rayonné dans le monde entier, inspirant d’autres philosophies éducatives similaires à mesure qu’il se répandait. Au départ, c’est à travers des écoles privées qu’ont eu lieu progressivement des expérimentations, avant d’être adoptées à des degrés divers dans les systèmes éducatifs publics.
Si certaines intuitions font sens, depuis l’époque où elles ont été formalisées la psychologie a énormément progressé et nous ne pouvons pas mettre de côté ses apports, qui obligent de nuancer fortement les idées de John Dewey
Ces approches pédagogiques progressistes ne sont pas liées à une sensibilité politique particulière ou typique.
Les éducateurs progressistes du début du XXe siècle ont souligné que l’apprentissage des connaissances, qu’ils réduisent toujours à l’apprentissage par cœur des faits, est ennuyeux et contre nature.
Dans les années 1950, la philosophie de l’éducation progressiste domine aux États-Unis, ce qui a commencé à susciter une sorte de contrecoup.
L’un des principaux champs de bataille est l’apprentissage de la lecture. Les progressistes avaient tendance à privilégier des méthodes d’enseignement de la lecture axées sur des mots entiers, voire des phrases, plutôt que de décomposer les mots en leurs composantes et de les relier à la sonorité du mot. C’est la méthode globale, le whole language à l’opposé d’une méthode syllabique. Un livre marquant contestant cette approche sort en 1955, il s’agit du « Why Johnny Can’t Read and What You Can Do About It » de Rudolf Flesch.
Malgré le fait qu’il représente la philosophie dominante, il est impossible de savoir combien d’enseignants ont pleinement souscrit au progressisme et appliqué ses méthodes. Des éléments de styles d’enseignement plus anciens ont perduré dans de nombreuses écoles, atténuant son impact.
E.D. Hirsch argumente sur le fait qu’une réforme progressiste des programmes scolaires a entraîné une baisse des performances scolaires des élèves en France dans son livre « Why knowledge matters » en 2016.
Comme l’écrit Greg Ashman (The truth about teaching, 2018), au mieux, le progressisme est ambivalent en ce qui concerne les matières traditionnelles, au pire, il est ouvertement hostile. Il cherche à les remplacer par des études plus proches de l’enfant, de son environnement immédiat et de ses intérêts.
Les postmodernistes du début du XXIe siècle contestent la validité des connaissances traditionnelles en les considérant comme une expression d’oppression blanche, masculine et hétéronormative. Ils mettent en avant les compétences du XXIe siècle.
Outre le fait que ces compétences du XXIe siècle sont en réalité de tous les temps (pour construire les pyramides d’Égypte ou les mégalithes de Stonehenge, il fallait ces compétences), nous ne pouvons nier qu’elles sont importantes. Une caractéristique d’une bonne éducation est qu’elle prépare les jeunes à participer à la société en tant que citoyens indépendants, autonomes, critiques et responsables. La question se situe principalement sur le fait de savoir comment enseigner ces compétences et sur la nature des preuves sur lesquelles se baser.
L’explosion des nouvelles technologies de l’information rend toutes les connaissances accessibles à portée de clavier. Elle peut amener à poser à nouveau un regard suspicieux porté sur la mémorisation de celles-ci en tant que principal objet de l’enseignement. Que faudrait-il enseigner dans les écoles, si on rejette les connaissances ? Les compétences du XXIe siècle, bien sûr. Le raccourci est rapide.
Le phénomène s’est traduit par la mise en avant, au détriment des connaissances pures, de la notion de compétences, notamment générales et de transfert. Parmi celles-ci, nous pouvons citer quelques évidences comme la « résolution de problèmes », « apprendre à apprendre » ou la « pensée critique ».
Ces compétences générales ont fait le pas de l’abstraction de la connaissance. Le contenu est considéré comme interchangeable dans le développement de ces compétences générales. Ce qui compte n’est pas ce qui est appris dans un domaine spécifique, ce qui est important c’est comment l’apprendre, comment exercer ces compétences, selon quelles démarches ? Ces dernières deviennent l’objet de l’enseignement.
Les pédagogues progressistes soutiennent que le développement de telles habiletés comme la pensée critique et la résolution de problèmes impliquent que les élèves apprennent à partir de leur expérience personnelle. Selon cette théorie, les élèves devraient mener leurs propres recherches et organiser leurs propres projets de recherche. Elle s’oppose à l’approche soi-disant démodée selon laquelle les enseignants se tiennent à l’avant de la classe, expliquent les contenus aux élèves, les guident et les soutiennent.
La recherche en psychologie cognitive et plus particulièrement en science de l’apprentissage, a montré que les compétences étaient avant tout spécifiques à un domaine et peu transférables. Nous pouvons résoudre des problèmes, nous montrer créatifs, exercer une réflexion critique dans un domaine précis uniquement si nous possédons suffisamment de connaissances qui sont spécifiques à celui-ci.
Voici quelques exemples de la difficulté :
Pour faire court (d’autres articles de ce blog l’explorent en longueur), il est simplement illusoire de vouloir enseigner des compétences génériques, des capacités autonomes, dissociées de la connaissance propre à la matière ciblée.
Si nous voulons utiliser la pensée critique en histoire, alors nous devons l’enseigner en histoire. Si nous voulons que les élèves aient une pensée critique en mathématiques, nous devons l’enseigner en mathématiques. Les compétences dites du XXIe siècle sont en fait des connaissances.
Une autre difficulté de l’approche progressive est qu’elle va à l’encontre du fonctionnement de la mémoire. Notamment en ce qui concerne les limites de la mémoire de travail, le principe des schémas cognitifs en mémoire à long terme ou la distinction entre connaissances primaires et connaissances secondaires.
La prise en compte de la cognition suggère que les novices, que sont les élèves, ont besoin d’apprendre de nouveaux concepts par de petites étapes discrètes. Ils ont besoin d’être guidés pour ne prêter attention qu’à quelques caractéristiques à la fois. C’est ce que propose un enseignement explicite et en fait l’efficacité.
Les approches qui favorisent une découverte par les élèves, la construction de connaissances et compétences dans le cadre d’un projet contextualisé, ne tiennent pas compte des limites cognitives des élèves. Cela pose de sérieux problèmes en matière de profondeur et de durabilité des apprentissages.
Néanmoins et malheureusement, ces approches restent dominantes dans la formation des enseignants.
Comme l’énonce Greg Ashman — et l’entièreté de ce blog s’inscrit dans la même direction —, le meilleur espoir que nous ayons actuellement est de voir le phénomène ResearchED continuer à prendre de l’ampleur et à essaimer.
L’idée est de voir se développer des communautés d’enseignants informés par la recherche, qui prennent des initiatives, démarrent des blogs, investissent Twitter, etc. Tom Bennett, le fondateur de ResearchED parle d’ailleurs de « grassroots revolution » qui vient de l’initiative d’enseignants.
En effet, à l’opposé, il est malheureusement illusoire de parier sur un changement rapide initié par une prise de conscience au sein des instances gérant les organisations scolaires ou dans les milieux universitaires.
Il suffit de se rappeler le bilan obtenu en 1977 à travers le projet de recherche Follow Through (voir article). L’efficacité supérieure d’une forme d’enseignement explicite (Direct Instruction) a été nettement établie face aux pédagogies qui privilégient un élève acteur. Depuis les données probantes n’ont fait que s’accumuler, mais sans produire un changement manifeste de perspective dans les milieux éducatifs.
Le changement s’il a lieu se fera à travers une prise de conscience des enseignants qui prendront part au débat, se saisiront des résultats de la recherche et les implémenteront avec succès dans leurs classes. Le professionnalisme des enseignants est plus que jamais nécessaire. Celui-ci doit être bâti sur une expertise informée par des données probantes. Développer les connaissances des enseignants, informer, s’informer, se former, lire la recherche, partager, échanger, communiquer est notre meilleur espoir de sortir d’impasses actuelles.
Comme le dit Dylan Wiliam, tous les enseignants n’ont pas les mêmes qualités et la qualité d’un enseignant est avant tout précieuse pour les élèves qui rencontrent des difficultés d’apprentissage.
Les pédagogies « actives » n’ont pas les moyens de leurs ambitions. Depuis le temps qu’elles sont promues en formation initiale des enseignants, elles ne se sont pas traduites en amélioration globale du résultat des élèves et ne se sont pas répandues à large échelle.
Au-delà même de leur inefficacité, elles sont inaccessibles à beaucoup d’enseignants. Elles demandent une connaissance poussée des domaines de matière considérés pour pouvoir accompagner et faciliter les inférences de tous les élèves et maintenir chacun d’eux dans sa zone proximale de développement avec un étayage personnalisé. Du coup, de nombreuses tentatives tournent au fiasco pour de nombreux élèves.
Absence de sensibilité politique associée de manière claire aux approches pédagogistes progressistes
Ces approches pédagogiques progressistes ne sont pas liées à une sensibilité politique particulière ou typique.
- Nous en trouvons un exemple à l’extrême droite. Dans les années 1930 en Italie, c’est le ministre de l’Éducation de Mussolini qui a poursuivi l’éducation progressiste, tandis qu’Antonio Gramsci, marxiste, en a fait une critique traditionaliste. L’accent est alors mis par le fait que certains enfants ne sont tout simplement pas faits pour l’apprentissage académique.
- Nous la trouvons tout aussi bien dans des mouvances de gauche avec une insistance contre un programme riche en connaissances. Il vaut mieux selon cette optique se concentrer uniquement sur un contenu intéressant et pertinent pour chaque enfant.
La résurgence des idées progressistes au XXIe siècle
Les éducateurs progressistes du début du XXe siècle ont souligné que l’apprentissage des connaissances, qu’ils réduisent toujours à l’apprentissage par cœur des faits, est ennuyeux et contre nature.
Dans les années 1950, la philosophie de l’éducation progressiste domine aux États-Unis, ce qui a commencé à susciter une sorte de contrecoup.
L’un des principaux champs de bataille est l’apprentissage de la lecture. Les progressistes avaient tendance à privilégier des méthodes d’enseignement de la lecture axées sur des mots entiers, voire des phrases, plutôt que de décomposer les mots en leurs composantes et de les relier à la sonorité du mot. C’est la méthode globale, le whole language à l’opposé d’une méthode syllabique. Un livre marquant contestant cette approche sort en 1955, il s’agit du « Why Johnny Can’t Read and What You Can Do About It » de Rudolf Flesch.
Malgré le fait qu’il représente la philosophie dominante, il est impossible de savoir combien d’enseignants ont pleinement souscrit au progressisme et appliqué ses méthodes. Des éléments de styles d’enseignement plus anciens ont perduré dans de nombreuses écoles, atténuant son impact.
E.D. Hirsch argumente sur le fait qu’une réforme progressiste des programmes scolaires a entraîné une baisse des performances scolaires des élèves en France dans son livre « Why knowledge matters » en 2016.
Comme l’écrit Greg Ashman (The truth about teaching, 2018), au mieux, le progressisme est ambivalent en ce qui concerne les matières traditionnelles, au pire, il est ouvertement hostile. Il cherche à les remplacer par des études plus proches de l’enfant, de son environnement immédiat et de ses intérêts.
L’objet de l’enseignement dans une perspective progressiste
Outre le fait que ces compétences du XXIe siècle sont en réalité de tous les temps (pour construire les pyramides d’Égypte ou les mégalithes de Stonehenge, il fallait ces compétences), nous ne pouvons nier qu’elles sont importantes. Une caractéristique d’une bonne éducation est qu’elle prépare les jeunes à participer à la société en tant que citoyens indépendants, autonomes, critiques et responsables. La question se situe principalement sur le fait de savoir comment enseigner ces compétences et sur la nature des preuves sur lesquelles se baser.
L’explosion des nouvelles technologies de l’information rend toutes les connaissances accessibles à portée de clavier. Elle peut amener à poser à nouveau un regard suspicieux porté sur la mémorisation de celles-ci en tant que principal objet de l’enseignement. Que faudrait-il enseigner dans les écoles, si on rejette les connaissances ? Les compétences du XXIe siècle, bien sûr. Le raccourci est rapide.
Le phénomène s’est traduit par la mise en avant, au détriment des connaissances pures, de la notion de compétences, notamment générales et de transfert. Parmi celles-ci, nous pouvons citer quelques évidences comme la « résolution de problèmes », « apprendre à apprendre » ou la « pensée critique ».
Ces compétences générales ont fait le pas de l’abstraction de la connaissance. Le contenu est considéré comme interchangeable dans le développement de ces compétences générales. Ce qui compte n’est pas ce qui est appris dans un domaine spécifique, ce qui est important c’est comment l’apprendre, comment exercer ces compétences, selon quelles démarches ? Ces dernières deviennent l’objet de l’enseignement.
Les pédagogues progressistes soutiennent que le développement de telles habiletés comme la pensée critique et la résolution de problèmes impliquent que les élèves apprennent à partir de leur expérience personnelle. Selon cette théorie, les élèves devraient mener leurs propres recherches et organiser leurs propres projets de recherche. Elle s’oppose à l’approche soi-disant démodée selon laquelle les enseignants se tiennent à l’avant de la classe, expliquent les contenus aux élèves, les guident et les soutiennent.
L’impasse d’un enseignement direct des compétences générales du XXIe siècle
La recherche en psychologie cognitive et plus particulièrement en science de l’apprentissage, a montré que les compétences étaient avant tout spécifiques à un domaine et peu transférables. Nous pouvons résoudre des problèmes, nous montrer créatifs, exercer une réflexion critique dans un domaine précis uniquement si nous possédons suffisamment de connaissances qui sont spécifiques à celui-ci.
Voici quelques exemples de la difficulté :
- Esprit critique : un élève qui analyse des sources historiques sur la Première Guerre mondiale en cours d’histoire n’est pas automatiquement capable de se faire une opinion critique sur le réchauffement climatique en cours de géographie. En effet, la capacité de réflexion critique est contextuelle et dépend de la connaissance du sujet en question.
- Stratégies de lecture : après avoir été formé aux stratégies de lecture, un élève ne peut pas comprendre automatiquement l’essence d’un texte. Pour cela, il a besoin d’une compréhension plus approfondie du contenu propre pour pouvoir les appliquer. Être capable de faire une synthèse d’un document lors d’un cours de français ne rend pas un élève apte à faire une synthèse pertinente en biologie sur le système immunitaire ou en mathématiques sur le calcul différentiel.
- Apprendre à apprendre : un élève qui a reçu une formation dédiée sur « apprendre à apprendre » et le fonctionnement de son cerveau (état d’esprit de développement ou plasticité) ne deviendra pas soudainement un meilleur élève. Des techniques d’apprentissage ont effectivement besoin que soient énoncés les principes théoriques. Surtout, elles doivent être pratiquées en situation avec accompagnement de l’élève pour qu’elles aient une chance de montrer leurs bénéfices et d’être adoptées par la suite.
- Résolution de problèmes : un élève qui apprend la programmation n’apprend pas automatiquement à mieux penser en matière de résolution générale de problèmes. Si nous apprenons la programmation, nous devenons meilleurs en programmation, pas meilleurs en résolution de problèmes en mathématiques ou en sciences.
Pour faire court (d’autres articles de ce blog l’explorent en longueur), il est simplement illusoire de vouloir enseigner des compétences génériques, des capacités autonomes, dissociées de la connaissance propre à la matière ciblée.
Si nous voulons utiliser la pensée critique en histoire, alors nous devons l’enseigner en histoire. Si nous voulons que les élèves aient une pensée critique en mathématiques, nous devons l’enseigner en mathématiques. Les compétences dites du XXIe siècle sont en fait des connaissances.
Une autre compétence du XXIe siècle, la créativité, n’est pas vraiment des compétences. Il s’agit d’un ensemble de compétences spécifiques à une discipline, qui nécessitent une grande quantité de connaissances sur le contenu.
L’élément clé pour préparer les étudiants à ce monde que nous ne pouvons pas prévoir est en fait le contenu que nous enseignons depuis de nombreuses années.
La prise en compte de la cognition suggère que les novices, que sont les élèves, ont besoin d’apprendre de nouveaux concepts par de petites étapes discrètes. Ils ont besoin d’être guidés pour ne prêter attention qu’à quelques caractéristiques à la fois. C’est ce que propose un enseignement explicite et en fait l’efficacité.
Les approches qui favorisent une découverte par les élèves, la construction de connaissances et compétences dans le cadre d’un projet contextualisé, ne tiennent pas compte des limites cognitives des élèves. Cela pose de sérieux problèmes en matière de profondeur et de durabilité des apprentissages.
Néanmoins et malheureusement, ces approches restent dominantes dans la formation des enseignants.
Cependant, comme le dit John Sweller (2019) :
Les solutions de rechange à la théorie de la charge cognitive, comme l’enseignement de la pensée critique, mettent souvent l’accent sur l’apprentissage de nouvelles stratégies de résolution de problèmes ou de réflexion. Malheureusement, il existe peu d’essais randomisés et contrôlés démontrant leur efficacité.
La théorie de la charge cognitive suppose, par exemple, que la pensée critique est biologiquement primaire et donc impossible à enseigner. Nous sommes tous capables de penser de manière critique si nous avons suffisamment de connaissances stockées dans la mémoire à long terme dans le domaine qui nous intéresse.
Une convergence des recherches en science cognitives et sur l’efficacité des pratiques enseignantes vers l’importance des connaissances dans le développement de compétences et la persistance de résistances fortes
.Comme l’énonce Greg Ashman — et l’entièreté de ce blog s’inscrit dans la même direction —, le meilleur espoir que nous ayons actuellement est de voir le phénomène ResearchED continuer à prendre de l’ampleur et à essaimer.
L’idée est de voir se développer des communautés d’enseignants informés par la recherche, qui prennent des initiatives, démarrent des blogs, investissent Twitter, etc. Tom Bennett, le fondateur de ResearchED parle d’ailleurs de « grassroots revolution » qui vient de l’initiative d’enseignants.
En effet, à l’opposé, il est malheureusement illusoire de parier sur un changement rapide initié par une prise de conscience au sein des instances gérant les organisations scolaires ou dans les milieux universitaires.
Il suffit de se rappeler le bilan obtenu en 1977 à travers le projet de recherche Follow Through (voir article). L’efficacité supérieure d’une forme d’enseignement explicite (Direct Instruction) a été nettement établie face aux pédagogies qui privilégient un élève acteur. Depuis les données probantes n’ont fait que s’accumuler, mais sans produire un changement manifeste de perspective dans les milieux éducatifs.
Le changement s’il a lieu se fera à travers une prise de conscience des enseignants qui prendront part au débat, se saisiront des résultats de la recherche et les implémenteront avec succès dans leurs classes. Le professionnalisme des enseignants est plus que jamais nécessaire. Celui-ci doit être bâti sur une expertise informée par des données probantes. Développer les connaissances des enseignants, informer, s’informer, se former, lire la recherche, partager, échanger, communiquer est notre meilleur espoir de sortir d’impasses actuelles.
Comme le dit Dylan Wiliam, tous les enseignants n’ont pas les mêmes qualités et la qualité d’un enseignant est avant tout précieuse pour les élèves qui rencontrent des difficultés d’apprentissage.
Les pédagogies « actives » n’ont pas les moyens de leurs ambitions. Depuis le temps qu’elles sont promues en formation initiale des enseignants, elles ne se sont pas traduites en amélioration globale du résultat des élèves et ne se sont pas répandues à large échelle.
Au-delà même de leur inefficacité, elles sont inaccessibles à beaucoup d’enseignants. Elles demandent une connaissance poussée des domaines de matière considérés pour pouvoir accompagner et faciliter les inférences de tous les élèves et maintenir chacun d’eux dans sa zone proximale de développement avec un étayage personnalisé. Du coup, de nombreuses tentatives tournent au fiasco pour de nombreux élèves.
De nombreux concepts sur lesquelles ces approches se fondent sont d’ailleurs remis en cause comme la zone proximale de développement ou le conflit cognitif.
Pour que ces approches puissent fonctionner, il faudrait à la fois uniquement des enseignants hors du commun et des élèves doués. Avec des élèves moins performants et des enseignants qui vont parfois privilégier l’attrayant au signifiant, ça ne marche pas. Beaucoup d’enseignants vont tenter de masquer les différences cognitives entre les élèves, ils vont introduire des dimensions ludiques, technologiques. Le grand perdant dans l’histoire est toujours l’apprentissage.
Le plus paradoxal pour moi, en tant qu’enseignant en sciences à l’origine, est que, s’il y a un domaine dans lequel l’entêtement est particulièrement développé, c’est celui des sciences. Il y a une tendance répétée à la confusion entre méthode apprentissage et démarche scientifique qui fait des dégâts (voir article).
Un exemple paradoxal est l’association « La Main à la pâte ». Elle est un bel exemple de perpétuation de ce mythe. Il s’agit d’une fondation française qui a pour objectif de développer un enseignement des sciences fondé sur l’investigation, à l’école primaire et au collège. Ils offrent donc des formations et font œuvre de prosélytisme pour des approches pédagogiques qui ne seront jamais efficaces. L’approche fonctionne probablement raisonnablement bien (selon le contenu) pour les élèves intelligents et motivés, mais elle ne fonctionne pas bien pour les élèves plus ordinaires et surtout pour les élèves en difficulté.
Récemment, dans l’enquête Pisa de l’OCDE, il a été constaté que plus les élèves s’engagent dans des approches d’apprentissage des sciences basées sur l’enquête, moins ils apprennent. La raison est qu’ils n’ont pas les concepts préalables nécessaires pour comprendre ce qu’ils découvrent. Dès lors, ils n’apprennent pas grand-chose de neuf en sciences.
Mais il y a de l’espoir. La plus belle alternative pour le cours de sciences est très certainement le mouvement CogSciSci qui a émergé en Angleterre. Elle prend une ampleur considérable et amène véritablement les sciences cognitives au service de l’enseignement des sciences.
Nous devenons créatifs dans un domaine où nous possédons déjà des connaissances et des stratégies. Nous ne pouvons « apprendre à apprendre » qu’en acquérant des stratégies dans un domaine spécifique. Par exemple, faire une synthèse en mathématiques n’a rien à voir avec le fait de rédiger une synthèse en histoire par exemple, les deux approches doivent être enseignées indépendamment. Nous développons des connaissances et des compétences scientifiques de façon plus efficace avec une démarche d’enseignement explicite qu’avec la démarche scientifique. Nous apprenons à résoudre des problèmes en observant des exemples de résolution.
Greg Ashman, The Tragedy of Australian Education, 2018, https://quillette.com/2018/06/11/tragedy-australian-education/
John Dewey. (2019, décembre 1). Wikipédia, l’encyclopédie libre. Page consultée le 9 h 43, décembre 1, 2019 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=John_Dewey&oldid=165013445.
John Sweller, I had an idea in the 1980s and to my surprise, it changed education around the world, 2019, https://theconversation.com/i-had-an-idea-in-the-1980s-and-to-my-surprise-it-changed-education-around-the-world-126519
Dylan Wiliam, 2018-06-11 Kunskapsskolan talk
Greg Ashman, The truth about teaching, 2018, SAGE
Tim Surma, Kristel Vanhoyweghen, Dominique Sluijsmans, Gino Camp, Daniel Muijs and Paul A. Kirschner, Wijze Lessen, 2019, Ten Brink
Pour que ces approches puissent fonctionner, il faudrait à la fois uniquement des enseignants hors du commun et des élèves doués. Avec des élèves moins performants et des enseignants qui vont parfois privilégier l’attrayant au signifiant, ça ne marche pas. Beaucoup d’enseignants vont tenter de masquer les différences cognitives entre les élèves, ils vont introduire des dimensions ludiques, technologiques. Le grand perdant dans l’histoire est toujours l’apprentissage.
Le plus paradoxal pour moi, en tant qu’enseignant en sciences à l’origine, est que, s’il y a un domaine dans lequel l’entêtement est particulièrement développé, c’est celui des sciences. Il y a une tendance répétée à la confusion entre méthode apprentissage et démarche scientifique qui fait des dégâts (voir article).
Un exemple paradoxal est l’association « La Main à la pâte ». Elle est un bel exemple de perpétuation de ce mythe. Il s’agit d’une fondation française qui a pour objectif de développer un enseignement des sciences fondé sur l’investigation, à l’école primaire et au collège. Ils offrent donc des formations et font œuvre de prosélytisme pour des approches pédagogiques qui ne seront jamais efficaces. L’approche fonctionne probablement raisonnablement bien (selon le contenu) pour les élèves intelligents et motivés, mais elle ne fonctionne pas bien pour les élèves plus ordinaires et surtout pour les élèves en difficulté.
Récemment, dans l’enquête Pisa de l’OCDE, il a été constaté que plus les élèves s’engagent dans des approches d’apprentissage des sciences basées sur l’enquête, moins ils apprennent. La raison est qu’ils n’ont pas les concepts préalables nécessaires pour comprendre ce qu’ils découvrent. Dès lors, ils n’apprennent pas grand-chose de neuf en sciences.
Mais il y a de l’espoir. La plus belle alternative pour le cours de sciences est très certainement le mouvement CogSciSci qui a émergé en Angleterre. Elle prend une ampleur considérable et amène véritablement les sciences cognitives au service de l’enseignement des sciences.
Nous devenons créatifs dans un domaine où nous possédons déjà des connaissances et des stratégies. Nous ne pouvons « apprendre à apprendre » qu’en acquérant des stratégies dans un domaine spécifique. Par exemple, faire une synthèse en mathématiques n’a rien à voir avec le fait de rédiger une synthèse en histoire par exemple, les deux approches doivent être enseignées indépendamment. Nous développons des connaissances et des compétences scientifiques de façon plus efficace avec une démarche d’enseignement explicite qu’avec la démarche scientifique. Nous apprenons à résoudre des problèmes en observant des exemples de résolution.
Mis à jour le 25/01/2024
Bibliographie
Greg Ashman, The Tragedy of Australian Education, 2018, https://quillette.com/2018/06/11/tragedy-australian-education/
John Dewey. (2019, décembre 1). Wikipédia, l’encyclopédie libre. Page consultée le 9 h 43, décembre 1, 2019 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=John_Dewey&oldid=165013445.
John Sweller, I had an idea in the 1980s and to my surprise, it changed education around the world, 2019, https://theconversation.com/i-had-an-idea-in-the-1980s-and-to-my-surprise-it-changed-education-around-the-world-126519
Dylan Wiliam, 2018-06-11 Kunskapsskolan talk
Greg Ashman, The truth about teaching, 2018, SAGE
Tim Surma, Kristel Vanhoyweghen, Dominique Sluijsmans, Gino Camp, Daniel Muijs and Paul A. Kirschner, Wijze Lessen, 2019, Ten Brink
Pourriez-vous svp expliquer davantage pourquoi selon vous il est absurde d'apprendre aux élèves comment apprendre. Est-il si inutile de leur parler des stratégies d'apprentissages les plus efficaces en lien avec ce que nous disent les sciences cognitives ?
RépondreSupprimerLa difficulté n'est pas d'apprendre des stratégies d'apprentissage (spécifiques, contextualisés, concrètes, entrainées, consolidées, renforcées, approfondies), mais d'apprendre à apprendre (concept, flou, général, déconnecté de la réalité à laquelle s'affronte les élèves dans leur difficultés du quotidien). Ce qui compte c'est d'apporter un réel changement qui se traduise pas des expériences positives de réussite pour les élèves, plus particulièrement ceux qui rencontrent le plus de difficultés d'ordre organisationnel. Des stratégies d'apprentissage spécifiques qui ne sont pas à la fois promues et arrimées solidement dans les pratiques de l'enseignant ont peu de chance d'être adoptées par les élèves comme elles sont généralemennt contre-intuitives. Concrètement, en tant qu'enseignant, je ne vois pas comment leur apprendre à apprendre, par contre je peux les inciter à utiliser des flashcards, distribuer les apprentissages et multiplier les occasions de récupération, etc., et je peux expliquer aussi pourquoi je le fais, pourquoi ça marche (et leur donner l'occasion de le constater par eux-mêmes) et pourquoi ils ont intérêt à s'en saisir. Je préfère la notion de science de l'apprentissage à celle de sciences cognitives dans ce cas, parce qu'on travaille au niveau de l'humain.
SupprimerA ma connaissance, la plupart des personnes qui utilisent l’expression ‘apprendre à apprendre’ l’utilise pour se référer à l’approche non prescriptive et non normative visant à aider les élèves à développer des stratégies d’apprentissage/des outils de travail dans un but d’auto-régulation (ce que vous faites également visiblement). En somme, si je vous comprends bien, vous n’aimez juste pas ces termes pour se référer à cette approche. Est-ce correct ?
RépondreSupprimerBonjour, je suis d'accord sur ce point. L'idée est d'être précis et pragmatique dans l'utilisation des termes. L'auto-régulation est possible à partir du moment où les stratégies d'apprentissage sont maitrisées et intégrées. Je pense qu'il faut avoir l'humilité d'admettre que l'on peut essayer de former à des stratégies d'apprentissage efficace, qui sont des techniques qui répondent à des paramètres modélisés. Ensuite, leur utilisation dépend des décisions personnelles de l'apprenant, des objectifs qu'il se fixe et des choix qu'il fait. On peut juste espérer qu'il fasse des choix plus éclairés.
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