(Photographie : Tolo Parra)
Les limites d’une gestion répressive de la discipline
Dès lors, l’autorité de l’enseignant était acquise et reconnue. Depuis, avec l’obligation scolaire et l’importance accrue d’arriver au terme des études secondaires avec un diplôme à la clé, la forme traditionnelle de l’autorité est contestée.
De 1 à 7 pour cent des élèves (Alberta Education, 2008) sont susceptibles d’avoir un comportement à risque et nécessitent un soutien continu et des interventions personnalisées soutenues.
Les difficultés de comportement de certains élèves peuvent nuire à leur apprentissage et avoir un effet général négatif sur l’enseignement et le climat de l’école. Tous n’arrivent pas bien disposés à apprendre. Certains élèves peuvent ne pas avoir appris ce qu’est un comportement social acceptable et rencontrer des difficultés à se conformer aux attentes scolaires.
Avec un système répressif, l’école se retrouve à exclure, à sélectionner les élèves, à éliminer les élèves plus perturbateurs, moins capables ou moins motivés.
La punition est axée sur ce qu’il ne faut pas faire. Elle n’enseigne pas les comportements souhaités. Elle peut endommager les relations. Elle entrave l’apprentissage et est susceptible de conduire au décrochage d’élèves qui finissent par abandonner l’école sans diplôme. Or beaucoup d’élèves ne connaissent pas la bonne façon de se comporter, de s’investir scolairement.
Il y a un double déficit de stratégies auquel une discipline répressive, qui va souvent de pair avec un enseignement sélectif, ne répond pas.
Tout cela pousse plus d’élèves vers des difficultés scolaires et comportementales.
L’enseignant qui suppose que la punition, de même que l’échec scolaire, mettra un terme au comportement problématique et aux difficultés d’apprentissage se leurre.
Dérives d’une gestion répressive de la discipline en école
1. Recours accru aux pratiques d’exclusion
- Les problèmes de comportement ont augmenté, tout comme les pratiques d’exclusion telles que la détention, la suspension de l’école et le rendement à domicile.
- Des élèves changent d’établissement.
- L’absentéisme scolaire est en hausse.
2. Surcharge de travail administratif
- L’école a un taux élevé de comportements problématiques et de renvois au bureau de la direction.
- Le traitement de toutes les infractions graves et des exclusions va demander plus de temps aux directions d’école, au détriment d’autres priorités.
- L’efficacité du leadership pédagogique est entravée par la discipline des élèves.
3. La santé physique et le bien-être mental de divers enseignants sont affectés
- Un enseignant peut se retrouver confronté très régulièrement à de l’indiscipline, conséquente, même si elle reste de niveau mineur (bavardages, manque de savoir-vivre) ou à des comportements plus difficiles et épisodiques de certains élèves.
- Cette situation est susceptible de générer un stress qui s’accumule au fil des années.
- Ce stress peut se traduire par des problèmes de santé, un mal-être, de l’absentéisme (burnout), un changement de profession ou d’établissement scolaire.
- L’efficacité et le moral des enseignants en souffrent. Le sentiment de frustration augmente, car on exige davantage des enseignants dans des conditions difficiles.
- Des études montrent que parmi les nouveaux enseignants qui quittent la profession au cours des premières années, la gestion de la discipline est souvent citée comme étant la principale cause de leur départ.
4. Une baisse générale de la qualité de l’expérience éducative se manifeste à l’échelle de l’établissement par
:- Des pertes cumulatives de temps liées à l’indiscipline
- Une réduction de l’efficacité de l’enseignement prodigué
- Une diminution de la motivation, de l’engagement et de l’apprentissage de tous les élèves.
5. Une diminution des résultats et une augmentation des échecs pour l’établissement
- Les incivilités constituent une menace pour l’apprentissage scolaire. Cela se traduit par des chutes importantes et cumulatives dans les résultats d’élèves.
- Les élèves ayant des problèmes de discipline sont clairement à risque d’échec scolaire. Ils risquent plus que d’autres de s’exclure par eux-mêmes d’un apprentissage efficace.
- Les objectifs scolaires ne sont pas atteints au niveau de l’école, de la classe ou de l’élève.
6. Des effets négatifs sur les résultats futurs dans la vie de certains élèves
- Les besoins de certains élèves ne sont plus plus satisfaits à l’école et ils courent à l’échec. Ils finissent par choisir leurs filières par défaut et par élimination, non par choix.
- En absence de système pour les prendre en charge préventivement, certains élèves peuvent par accumulation de faits de gravité graduée, se retrouver exclus du système scolaire. Ils déploient un comportement difficile qui s’accentue, pour lequel des démarches personnalisées ne sont pas enclenchées (pas d’enquête sur la fonction du comportement).
- D’autres élèves vont développer des comportements antisociaux plus graves qui vont se traduire par des difficultés dans leur vie future. Certains peuvent connaître à terme, la délinquance juvénile, l’isolement social, une diminution du taux d’emploi et du revenu et des problèmes juridiques et de santé mentale plus fréquents.
7. Certains comportements perturbateurs manifestés par des élèves peuvent être le signe de problèmes ignorés et liés à
:- Des difficultés scolaires (prérequis absents ou trouble de l’apprentissage), un mal-être général ou un besoin de reconnaissance non satisfait.
- Des difficultés sociales, émotionnelles, familiales, extérieures à l’école.
- Des difficultés comportementales non diagnostiquées.
8. La gestion de classe pose un défi professionnel constant à l’expertise des enseignants
- Ceux-ci doivent fournir des efforts répétés et rester sur le qui-vive.
- Ils sont forcés à limiter l’étendue des dispositifs pédagogiques qu’ils pourraient mettre en place dans de meilleures conditions.
9. Un environnement scolaire non inclusif
- Le climat d’indiscipline en classe favorise le décrochage scolaire de certains élèves. Ceux-ci échappent l’école ou passent entre les mailles du filet.
- Trop occupé à gérer les problèmes de comportements, l’enseignant risque de ne plus avoir de disponibilité pour ses élèves en difficulté d’apprentissage.
- Une tendance durable à la démotivation tend à s’installer et alimente chez certains une expérience négative de l’éducation qui se traduit en une spirale de l’échec.
10. Un obstacle à une expérience scolaire positive pour les enfants ayant un trouble identifié
- Une gestion déficiente de la discipline affecte leurs capacités sociales, émotionnelles ou comportementales et, par conséquent, leur capacité d’apprentissage.
- Ils ne peuvent bénéficier de l’accompagnement qui leur est nécessaire pour une intégration et un parcours scolaire optimal.
11. Les initiatives d’amélioration des écoles sont entravées
- Lorsque les problèmes de discipline ont des répercussions sur le climat scolaire, les enseignants, les directions, les parents et les élèves sont touchés.
- L’énergie investie en vain et l’épuisement généré font que ces écoles ont une longue histoire d’efforts inachevés pour améliorer l’enseignement, l’évaluation et les résultats scolaires des élèves.
12. La réputation de l’école et le climat interne peuvent s’en ressentir
- Le plan actuel de gestion du comportement ne permet pas de gérer les comportements problématiques de façon uniforme.
- Le personnel scolaire est insatisfait de la façon dont les comportements problématiques sont gérés. Certains élèves semblent détourner les limites du système et bénéficier d’une forme d’impunité.
- De nombreux parents et les membres de la communauté ne sont pas satisfaits du climat qui règne à l’école où ils sont préoccupés par la fréquence des incidents.
La gestion de la discipline dans une école est une question d’organisation pratique et contribue à mettre en place les conditions nécessaires à l’enseignement et à l’apprentissage. Elle permet de rencontrer les attentes éducatives des enseignants et des élèves.
Elle pose également une série de questions en matière de valeurs, d’éthique et de justice sociale. Nous ne pouvons les ignorer. Nombre de facteurs ci-dessus, s’ils se traduisent par des déficiences coûteuses en matière d’apprentissage, posent également des questions de justice sociale et d’équité pour certains des élèves, les plus vulnérables du système éducatif.
Un établissement scolaire doit nécessairement intégrer les deux dimensions, « pratique » et « éthique », dans la gestion scolaire de la discipline, chacun des intervenants ayant une responsabilité indissociable aux deux niveaux.
Mise à jour le 29/01/2024
Bibliographie
David Armstrong, Understanding Child & Adolescent Behaviour in the Classroom, pp 3–4, Cambridge, 2016
Missouri Schoolwide Positive Behavior Support, Tier 1, Team Workbook, 2018–2019
Direction de l’éducation française, Alberta. (2008). Renforcer le comportement positif dans les écoles albertaines. Une méthode appliquée à l’échelle de l’école. Edmonton : Alberta Education. Consulté à l’adresse https://education.alberta.ca/media/482222/renforcerecole.pdf
Missouri Schoolwide Positive Behavior Support, Tier 1, Team Workbook, 2018–2019
Direction de l’éducation française, Alberta. (2008). Renforcer le comportement positif dans les écoles albertaines. Une méthode appliquée à l’échelle de l’école. Edmonton : Alberta Education. Consulté à l’adresse https://education.alberta.ca/media/482222/renforcerecole.pdf
0 comments:
Enregistrer un commentaire