dimanche 24 novembre 2019

Modelage en enseignement explicite : mode d’emploi

Les objectifs pédagogiques sont définis et traduits en attentes comportementales claires correspondantes à l’évaluation. Des explications claires ont été conçues. Avant de passer à la pratique guidée puis autonome, il est temps de procéder au modelage.

(Photographie : LALA LOVEY)



Constituants du modelage en enseignement explicite


Le modelage correspond au septième des seize éléments de l’enseignement explicite, tels qu’énoncés par Anita L. Archer et Charles A. Hughes (2011) :
  • Démonstration, étape par étape
  • Modelage de l’habileté
  • Clarté des processus de prise de décision nécessaires pour accomplir une tâche
  • Haut-parleur sur la pensée pendant l’exécution de l’habileté
  • Présentation aux élèves d’exemples de réussite ou de réalisations exemplaires de la compétence visée. 


Objectifs et cadre du modelage


Le rôle d’assurer la compréhension des explications par les élèves, avant de passer à la pratique guidée et à leur appropriation, est dévolu au modelage. Même si les explications fournies sont très claires, ce n’est souvent pas suffisant de les communiquer telles quelles. Elles ne vont pas nécessairement amener avec certitude toute une classe d’élèves à être prête à pratiquer sous la supervision de l’enseignant.

Si l’explication donne juste une définition, une règle ou un principe, le modelage la complète d’exemples en situation.

Le modelage vise à assurer, pour les élèves, une compréhension précise de l’explication et de sa traduction comportementale, conforme à l’objectif pédagogique correspondant. Le modelage vise à clarifier tous les aspects de l’explication. Il vise à éliminer toute ambiguïté qui pourrait venir se loger dans l’esprit des élèves lorsqu’ils sont confrontés pour la première fois à de nouvelles connaissances, notamment celle liée aux préconceptions erronées.

Le modelage s’emploie à garder sous contrôle les limites de la mémoire de travail des élèves, en matière de charge cognitive, de manière à ce que ce goulet d’étranglement reste compatible avec les apprentissages visés.

À ce titre, un point d’importance centrale lié au modelage est que nous visons à ce que nos élèves apprennent quelque chose de nouveau. Nous leur permettons d’entendre la réflexion de l’enseignant lorsqu’il s’engage dans le même processus.

En donnant dans un premier temps aux élèves une posture d’observateur, nous ménageons les ressources limitées de leur mémoire de travail, bien mieux que lorsque nous les poussons immédiatement à essayer de l’appliquer par leurs propres moyens.

Évidemment, il existe des situations où le contenu des explications est suffisamment simple. Nous pouvons directement passer à la pratique après une explication claire qui s’apparente à un modelage court. Mais ces situations sont rares et tous les élèves n’ont pas non plus la capacité de saisir le sens immédiatement.

De manière générale, beaucoup de procédures sont complexes et beaucoup de concepts sont nouveaux pour les élèves. Il est dès lors peu probable que les élèves comprennent tous par le simple biais d’une brève explication.

Il existe trois principes importants pour créer un modelage efficace :
  1. Montrer toutes les étapes à suivre et fournir des exemples uniques et suffisamment dissemblables
  2. Verbaliser la pensée en utilisant le je
  3. S’assurer de l’observation active des élèves



Modelage d’une procédure


Les élèves doivent comprendre le sens et les subtilités de tous les éléments inclus dans une explication énoncée clairement. Ils doivent pouvoir la pratiquer efficacement par la suite et aboutir à une intégration en mémoire à long terme qui favorisera l’automatisation.

Pour une procédure, cela signifie aborder tout ce qui est explicite dans l’explication, mais rendre visibles également toutes les décisions implicites qu’elle comprend. Cette démarche est un élément crucial du modelage.

L’explication de base se rapporte au résultat d’apprentissage, le modelage s’assure que tout le chemin pour y arriver est rendu disponible aux élèves.

Pour ce faire, nous utilisons généralement des problèmes résolus, des exemples détaillés ou des tâches complètement réalisées. Ces outils vont servir de support au modelage des démarches de résolutions en impliquant également certaines stratégies plus générales. Nous mettons en pratique de l’effet du problème résolu mis en évidence dans le cadre de la théorie de la charge cognitive (voir article).

Mais ce type d’outil n’est pas le seul disponible. Il gagne à être accompagné d’outils plus généraux comme des plans d’application détaillés qui offrent une structure et des repères de progression lors du déploiement des stratégies de résolution. Nous pouvons également promouvoir l’usage de listes de vérification ou d’organisateurs graphiques.

Pour structurer et organiser l’apprentissage de la procédure ou de la stratégie, nous modélisons toutes les étapes. Une manière de s’en assurer est d’utiliser ce type d’outil comme référence, au fur et à mesure de l’avancement. Nous donnons des supports pour assurer l’étayage auprès des élèves, pour leur permettre d’apprendre la stratégie de manière plus générale.

Ces outils introduits lors du modelage vont accompagner les élèves lors de la pratique pour la supporter et la faciliter. Les élèves s’en détacheront peu à peu au fur et à mesure que leurs compétences se développent et se consolident.

Structurer les étapes à l’aide d’une liste de vérification ou d’un descriptif des étapes attendues permet de s’assurer d’une bonne compréhension et d’une bonne mémorisation ultérieure. Nous répétons bien les éléments clés et insistons sur ces étapes afin d’aider les élèves à se guider et à acquérir des automatismes.

Il est recommandé de modéliser plusieurs fois l’utilisation d’une stratégie ou d’une procédure. Cela suppose d’élaborer en donnant de multiples exemples comme modèles (voir article).



Modelage de connaissances


Dans le cas des savoirs, de la définition de connaissances, le modelage passe par l’utilisation de multiples exemples et de contre-exemples qui vont aider l’élève à cerner et saisir le sens de la définition

Voici différents exemples que nous pourrions utiliser si nous voulons enseigner la notion d’interférence :
  1. (Exemple 1) Si vous êtes trop bruyants à la maison avec vos amis, vos parents risquent d’intervenir, car vous interférez avec le bon déroulement de leurs activités
  2. .
  3. (Exemple 2) Le déversement des boues de dragage dans les eaux australiennes par certaines entreprises a interféré avec l’équilibre écologique de l’écosystème de la Grande Barrière de Corail.
  4. (Contre-exemple) Si vous faites vos devoirs chez vous et que vous avez besoin de réfléchir longuement pour établir une réponse à un problème particulièrement corsé, il ne s’agit pas d’une interférence. 
  5. (Exemple 3) Si deux de vos amis commencent à se disputer et que vous les séparez et leur demandez de se calmer à ce moment-là vous interférez dans la poursuite de leurs échanges. 

Dans le cadre de contenus à haute interactivité, l’utilisation d’un organisateur graphique (voir article) ou d’une carte conceptuelle est pertinente. Ils aident à structurer des connaissances et supportent l’établissement des schémas cognitifs. Ce type de support améliore la compréhension et l’apprentissage des élèves.




Verbaliser la pensée


Pour les procédures, nous devons verbaliser tout le processus de réflexion, toutes les décisions, tout ce à quoi nous devons faire attention, à chaque étape.

Pour les connaissances, nous devons expliquer aux élèves pourquoi l’exemple correspond à ce qui leur a été enseigné. La même démarche est à réaliser pour les non-exemples.

L’enseignant verbalise sa pensée. Les élèves écoutent, répètent, comprennent, répondent à des questions simples, mais n’exécutent pas de tâches, d’exercices ou de problèmes pour l’instant.

L’idée ici est de faire une réflexion à haute voix, de rendre transparentes pour l’élève toutes les questions qu’il devra se poser durant la pratique.





S’assurer de l’observation active des élèves


Au stade du modelage, les élèves observent, mais ne pratiquent pas. Ce que nous cherchons c’est qu’ils comprennent, pas encore qu’ils pratiquent eux-mêmes. L’idée est que l’enseignant pratique et l’élève réfléchit activement.

L’enseignant maintient les élèves alertes. Il s’assure que les élèves le regardent avec attention. Il favorise leur engagement. Nous devons utiliser et privilégier des pratiques qui vont engager activement les élèves dans un traitement cognitif des contenus.

La technique de la vérification de la compréhension est le candidat idéal (voir articles sur le sujet). L’enseignant mobilise l’attention des élèves en les questionnant le long du processus de modelage, sur les contenus qu’il vient juste d’expliquer et en introduisant progressivement une pratique guidée.

L’idée d’un traitement cognitif du contenu est que les élèves gardent constamment en tête ce qui a été expliqué et fassent des allers-retours entre les différents éléments, renforçant et établissant les liens entre eux. Ce faisant, les élèves maintiennent leur capacité d’assimiler l’information et autant que possible, d’apprendre quelque chose.

Ainsi, lors d’un modelage, il est très important d’obtenir des réponses liées au contenu qui vient d’être enseigné. Par conséquent, il n’est pas opportun de poser des questions auxquelles nous n’avons pas encore répondu nous-mêmes.

Intuitivement, nous pourrions nous interroger sur le fait de poser des questions de restitution sur ce qui a été récemment expliqué. Sans impliquer un réel travail d’application ou de réflexion en profondeur, c’est un peu considérer les élèves comme des perroquets.

L’efficacité mise en évidence de cette approche du modelage montre que cela vaut plus que cela.
  • Premièrement, nous donnons aux élèves une autre occasion de répéter ce que l’enseignant a préalablement modelé. 
  • Deuxièmement, la répétition ne sera pas exactement conforme à ce qu’a dit l’enseignant. 
  • Troisièmement, nous offrons aux élèves une occasion de penser, de réutiliser et de se familiariser avec le vocabulaire et de s’en approprier le sens. 
  • Quatrièmement, du point de vue de la gestion de classe, c’est une approche particulièrement efficace pour maintenir l’attention des élèves. 

Si en tant qu’enseignants, nous souhaitons réellement savoir quelle proportion d’élèves a entendu parler de ce qui va être expliqué, ou en possède certaines notions, nous pouvons leur demander de lever la main. Cela permet d’en avoir l’information puis de procéder ensuite dans la foulée au modelage. Nous reconnaissons ainsi les élèves qui ont des connaissances préalables sur le sujet, puis nous donnons à tous un modelage qui permet à tous d’y accéder, de rafraichir leurs connaissances ou de corriger des erreurs de conceptions éventuelles.




Maximiser l’impact du modelage


Une crainte liée au modelage pourrait être qu’il est consommateur en temps donc non envisageable face à la multitude de contenus à voir. À l’opposé de celle-ci, tout dans la conception du modelage vise l’efficience :
  1. Des exemples uniques sans redondance sont essentiels à la compréhension des élèves. L’absence de redondance est une mise en pratique du principe de redondance dans le cadre de la théorie de la charge cognitive (voir article). 
  2. La multiplicité d’exemples correspond à une stratégie mise en évidence comme étant utile en psychologie cognitive pour maximiser l’apprentissage (voir article). 
  3. Une vérification de la compréhension continue accompagnée d’une rétroaction immédiate permet d’avancer au rythme de la progression d’un groupe d’élèves. Elle affine leur compréhension au fur et à mesure et remédie aux erreurs en direct. 
  4. Un rythme rapide et un maintien des élèves dans un processus de traitement cognitif du contenu enseigné permettent un climat de travail productif et efficace.
  5. Un respect des limitations de la mémoire de travail et du principe des schémas cognitifs en mémoire à long terme est au centre de tout processus de modelage.
  6. Le modelage est une parfaite mise en pratique de l’effet du problème résolu et du principe d’emprunt et de réorganisation qui sont des principes centraux de la théorie de la charge cognitive.



Mis à jour le 03/01/2024



Bibliographie


Devin Kearns, Modeling and Practicing to Help Students Reach Academic Goals, 2019, https://intensiveintervention.org/modeling-and-practicing-help-students-reach-academic-goals-explicit-instruction-course-module-5

Anita L. Archer and Charles A. Hughes, Explicit Instruction: Effective and Efficient Teaching, 2010, Guilford Press

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