(photographie : Alida Gyory)
Le paradoxe est qu’une large part des individus du groupe aurait à titre personnel ou individuel pris une tout autre décision.
Lorsqu’aucun des individus n’aurait pris la décision, ce qui est un cas extrême, nous pouvons parler de paradoxe d’Abilene. La décision collective prise peut ne satisfaire personne. Elle ne résulte pas d’une concertation. Elle n’inclut pas une réelle prise en compte des besoins de chaque individu.
Ce phénomène a été mis en évidence par le sociologue Jerry B. Harvey ("The Abilene Paradox and Other Meditations on Management", Jossey-Bass, 1988) dont voici un extrait l'illustrant :
Dans de telles situations, la pensée, qu’elle soit individuelle ou collective, est paralysée par des mécanismes nocifs liés à la dynamique de groupe :
Malgré les dangers de la pensée de groupe, deux têtes valent souvent mieux qu’une. La diversités opinions et précieuse et l'établissement de débats constructifs permet d'avancer ensemble d'autant plus que les décisions vont concerner tout le monde. Aucun d’entre nous n’est aussi intelligent que nous tous. L'intelligence et l'expertise collectives sont un atout pour le fonctionnement d'organisations telles que des établissements scolaires.
https://en.wikipedia.org/wiki/Groupthink
Ashman, G — Ouroboros (2016)
Ciccarelli, Saundra K. & White, Noland J. —Psychology (5th edition) (2018)
Feldman, Robert S — Essentials of Understanding Psychology (2015)
Myers David G. & Dewall Nathan—Psychology (11th edition) (2015)
« Par une chaude après-midi de visite à Coleman, au Texas, la famille joue confortablement aux dominos sous un porche, jusqu'à ce que le beau-père suggèrent qu'ils aillent faire un tour à Abilene (à 80 kilomètres) pour dîner. La femme dit : "Ça a l'air d'être une bonne idée." Le mari, bien qu'il ait des réserves parce que le trajet est long et chaud, pense que ses préférences ne doivent pas être en opposition avec le groupe et dit : "Ça me semble bien. J'espère juste que ta mère veut y aller." La belle-mère dit alors : "Bien sûr que je veux y aller. Je ne suis pas allée à Abilene depuis longtemps."Le trajet est torride, poussiéreux et long. Quand ils arrivent à la cafétéria, la nourriture est aussi mauvaise que la route. Ils rentrent chez eux quatre heures plus tard, épuisés.L'un d'eux dit malhonnêtement : "C'était un super voyage, n'est-ce pas ?" La belle-mère dit qu'en fait, elle aurait préféré rester à la maison, mais elle a accepté puisque les trois autres étaient si enthousiastes. Le mari dit : "Je n'étais pas ravi de faire ce que nous faisions. Je n'y suis allé que pour vous satisfaire." La femme dit : "J'y suis allée pour te faire plaisir. J'ai été folle de vouloir sortir dans la chaleur comme ça." Le beau-père dit alors qu'il l'a suggéré seulement parce qu'il pensait que les autres pourraient s'ennuyer.Le groupe s'assoit en arrière, perplexe qu'ils aient décidé ensemble de faire un voyage qu'aucun d'eux ne voulait. Ils auraient préféré s'asseoir confortablement, mais ne l'ont pas admis alors qu'ils avaient encore le temps de profiter de l'après-midi. »
Processus de la pensée de groupe
Dans de telles situations, la pensée, qu’elle soit individuelle ou collective, est paralysée par des mécanismes nocifs liés à la dynamique de groupe :
- Les membres du groupe ont tendance à rechercher prioritairement une forme d’accord global plutôt qu’à appréhender de manière rationnelle la situation. Les membres du groupe accordent plus d’importance au maintien de la cohésion du groupe qu’à l’évaluation réaliste du problème analysé.
- Les groupes peuvent limiter les pistes de réflexions et les solutions envisagées à quelques-unes seulement. Ils vont passer relativement peu de temps à envisager des solutions alternatives ou de rechange, une fois que la conduite du groupe semble pencher en faveur d’une solution particulière.
- Différentes portes se ferment où ne sont jamais ouvertes et envisagées dans le processus. A ce titre, les membres du groupe peuvent complètement ignorer des éléments d'information qui remettent en question l’élaboration d’un consensus et la rationalité de la prise de décision qui y mène.
- A ce stade, une part non négligeable du groupe va estimer erronément que ses propres préférences sont mises en minorité par le groupe. Ces participants vont estimer qu'il est inutile ou vain d’exprimer des objections ce qui va accentuer le phénomène.
- Chaque membre du groupe essaye de conformer son opinion à ce qu’il croit être le consensus du groupe, en vue d’aboutir à un accord global. Cela a pour conséquence d’évacuer plus ou moins fortement certaines questions pourtant légitimes. Est-ce bien réaliste ? Est-ce une bonne solution ? Est-ce que je la souhaite vraiment ?
- Les membres du groupe ont également tendance à poser des attributions erronées et à avoir des opinions stéréotypées sur ceux qui pourraient ne pas être d’accord avec les opinions émergeantes du groupe. Cela amène les membres concernés à estimer que ceux qui s’opposent au consensus émergeant du groupe n’ont pas d’opinions valables ou constructives.
- Une pression de norme se met en route avec la volonté d'avancer. Elles sous-entend que les membres individuels adhèrent et se conforment à l’opinion émergeante mais biaisée du groupe. Ce phénomène incite ceux qui ne sont pas d’accord à ne plus s’exprimer sur le sujet.
- Progressivement, chaque membre du groupe qui ressent le besoin d'avancer, se rassure en se persuadant qu'une forme de compromis est atteinte. Il y a la conviction que chacun a dû faire un effort et consentir des concessions pour aboutir à une solution acceptée de commun accord mais qui en réalité ne correspond pas aux attentes de la majorité.
- Ce processus est alimentée par l’excès de confiance. Les membres du groupe se rassurent mutuellement. Ils peuvent en venir à penser que le groupe ne peut pas faire de mal, qu’il est moralement et éthiquement intègre, qu'il a la capacité de poser de bons choix qui fonctionneront. Ill y a une forme d'illusion sur l’invulnérabilité à l'erreur et aux mauvaises décisions. Puisqu'elle est décide et négocié en groupe la décision devrait être nécessairement bonne.
- Ce phénomène est susceptible d'être renforcé par une polarisation du groupe qui peut aboutir à des prises de position collectives plus extrêmes que celles des individus formant le groupe pris isolément auraient décidées.
Comment éviter le phénomène de pensée de groupe ?
- Le responsable de l'animation et de la gestion du groupe s'assure que les diverses opinions et hypothèses soient accueillies sans censure, incluant toutes les critiques argumentées.
- Il favorise l'établissement d'un débat ouvert. Il incite chaque participant à identifier les problèmes potentiels en jouant l’avocat du diable. Il garde une certaine neutralité et une ouverture à la pluralité des idées.
- Il insiste et met en lumière l'idée que la présence de groupes diversifiés, représentatifs de différentes sensibilités favorise nécessairement des solutions plus créatives, plus nuancées et mieux susceptibles de répondre à la complexité du contexte. Bien que nous pensions habituellement à la conformité dans le cadre de nos relations professionnelles individuelles avec nos collègues, dans certains cas, les pressions de conformité dans les groupes peuvent avoir des effets désastreux avec des conséquences à long terme pour tout le monde.
- Le responsable de l'animation s'assure de la sollicitation de l’opinion de personnes extérieures au groupe et de leurs conseils éventuels, d'autant plus qu'elles sont dépositaires d'une certaine expertise dans le domaine considéré.
- Si la nécessité d'un vote s'impose, celui-ci devrait se faire nécessairement sous forme d'un scrutin secret plutôt que par vote à main levée.
- Le responsable de l'animation rend responsable chaque membre du groupe des décisions prises par le groupe et leur demande de les assumer personnellement.
Malgré les dangers de la pensée de groupe, deux têtes valent souvent mieux qu’une. La diversités opinions et précieuse et l'établissement de débats constructifs permet d'avancer ensemble d'autant plus que les décisions vont concerner tout le monde. Aucun d’entre nous n’est aussi intelligent que nous tous. L'intelligence et l'expertise collectives sont un atout pour le fonctionnement d'organisations telles que des établissements scolaires.
Mise à jour le 07/10/21
Bibliographie
https://en.wikipedia.org/wiki/Groupthink
Ashman, G — Ouroboros (2016)
Ciccarelli, Saundra K. & White, Noland J. —Psychology (5th edition) (2018)
Feldman, Robert S — Essentials of Understanding Psychology (2015)
Myers David G. & Dewall Nathan—Psychology (11th edition) (2015)
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