dimanche 16 juillet 2017

Avantages et limites aux travaux de groupe et séances de laboratoire en sciences

Voici quelques réflexions portant sur le sujet de l’implémentation du travail de groupe et pour les séances de laboratoire en sciences.


(photographie : Olivia Garner)



Occurrences des travaux de groupes dans un cours de sciences


S’il y a un cours où le travail de groupe s’inscrit dans une logique didactique propre, ce sont les sciences, pour deux raisons distinctes.

  • La quantité de matière est importante. Le cours de sciences regroupe de nombreux concepts en interrelation :
    • L’enseignant peut être tenté d’introduire de la variation dans ses pratiques pédagogiques. Certains thèmes peuvent recouvrir énormément de traitement d’information et peu de savoir-faire ou d’exercices. Plutôt que d’être en permanence dans un rapport frontal, l’enseignant peut dans un premier temps modeler les concepts centraux.
    • Il peut alors faire basculer ses élèves dans un format de travail de groupe ou d’apprentissage coopératif sur base de documents. Cette question a été traitée ici : Apprentissage coopératif.
    • Un travail de groupe en partie déporté sous forme de devoirs hors de la classe permet aussi de gagner du temps.
  • La réalisation de séances de laboratoire peut correspondre à une prescription des programmes imposée à l’enseignant. Ces séances de laboratoire imposent des limites en ce qui concerne : Le matériel indispensable à leur réalisation peut être fragile, couteux et en quantité limitée.
    • L’espace disponible pour l’installation des dispositifs expérimentaux peut être réduit.
    • Des raisons de fiabilité statistique demandent une certaine répétition des expériences pour obtenir des résultats utilisables dans un traitement mathématique ;
    • Une certaine simultanéité d’opérations et une prise de mesure rapide et précise qui en découle, imposées par le mode opératoire.



Compétences spécifiques et valeur ajoutée des séances de laboratoire en sciences


Compétences spécifiques


Le bon déroulement d’un laboratoire nécessite :
  • Un savoir-faire pratique : le développement d’une bonne maitrise technique en ce qui concerne les manipulations et une expérience préalable du matériel utilisé.
  • Des compétences en gestion de projet : les élèves doivent pouvoir suivre un protocole, prendre note des observations et des mesures à traiter par la suite. Ils apprennent à mettre les priorités, à déceler les étapes qui peuvent être des goulets d’étranglement. Ils collaborent, se partagent les tâches, apprennent à planifier et à gérer leur temps dans l’espace et dans le temps imparti.


Valeur ajoutée


Des séances de laboratoire :
  • L’aspect pratique domine. Il concerne l’utilisation d’une instrumentation scientifique, ses techniques et limitations propres.
  • La sensibilisation avec l’incertitude des mesures et la précision.
  • L’acquisition de connaissances tacites à travers un rapport concret avec des phénomènes scientifiques. Les expériences sont des exemples de l’objet d’étude lui-même, un rapport au réel qui complémente l’abstraction des concepts théoriques.
Des travaux de groupes :
  • Favoriser le travail d’équipe et les compétences liées à la collaboration.
  • Favoriser une multiplicité d’échanges sur un sujet en mobilisant de manière active l’attention et les contributions des participants.
  • Favoriser l’expression orale, l’usage d’un langage technique propre au domaine, le raisonnement et l’argumentation dans la défense de points de vue.



Limites propres aux séances de laboratoire 


Différentes difficultés liées aux séances de laboratoire peuvent apparaitre :
  • L’occasion de comprendre ou apprendre de nouveaux savoirs ou savoir-faire théoriques est limitée. Les exigences de la pratique ne laissent que peu de temps à ces dimensions. Ces concepts doivent donc être enseignés et pratiqués avant ou restructurés explicitement par la suite.
  • Une forme d’apprentissage par les pairs, car :
    • L’accent étant mis sur la performance liée à la pratique et au traitement des résultats, c’est la division du travail qui prime les échanges entre élèves.
    • Les élèves les plus performants dans un groupe prennent le leadership et effectuent la majorité des tâches cruciales laissant celles qui sont subalternes aux suiveurs, accentuant en cela leur désinvestissement et leur désintérêt.
    • Dans une même optique, un questionnement trop insistant d’un élève qui ne comprend pas ou a des lacunes par rapport aux exigences du mode opératoire sera perçu comme contre-productif. Lui donner des explications peut être postposé par les membres performants orientés vers la réalisation et la finalisation des tâches attribuées.
    • Les élèves non impliqués dans le cœur de l’action et auxquels sont attribués des rôles périphériques vont se démotiver. Ils vont naturellement avoir tendance à discuter d’autre chose tandis que les autres travaillent sur des parties qui leur échappent. C’est une manifestation concrète du concept de paresse sociale en psychologie sociale.



Pistes et limites pour les travaux de groupes


Limites propres aux travaux de groupe


Une recherche menée par Diehl et ses collègues (1987) a montré que :
  • La perspective d’une personne que sa contribution au groupe soit évaluée pour le groupe a tendance à amoindrir sa contribution.
  • Plus d’idées uniques sont générées par quatre personnes travaillant individuellement que par un groupe de quatre. Le phénomène s’amplifie avec la taille du groupe.
  • Un travail de groupe génèrera habituellement un résultat global moins pertinent que la somme des contributions isolées de chacun ses membres.
  • Le fait de travailler en groupe pousse à se reposer sur la contribution des autres et à s’économiser personnellement.

D’autres effets existent [voir cet article].


Pistes pour le travail de groupe


Différentes techniques permettent d’atténuer ces effets. Elles se basent sur une responsabilisation des différents membres du groupe pour atténuer ce phénomène :.
  1. Distribution des rôles
  2. Échéances et contraintes sur la production qui imposent un investissement conséquent et équivalent de chacun.
  3. Évaluation aléatoire d’un membre du groupe pour attribuer la note collective. Cela permet d’inciter à l’apprentissage coopératif. Nous fixons un objectif de groupe où chacun a une responsabilité individuelle potentiellement décisive. De fait, chacun doit être informé de l’ensemble du travail et réaliser le même apprentissage.
Il est profitable de mettre en place des conditions de travail coopératif [voir article].

Il n’y a pas de preuve qu’un travail collectif imposé parfois par des contraintes matérielles a un réel bénéfice par rapport à un équivalent individuel.

Il n’y a pas de garantie sur le fait qu’un membre du groupe ne sabotera pas — involontairement ou volontairement — le résultat global. Il est difficile d’évaluer la démarche de chaque élève et d’analyser les dynamiques relationnelles au sein du groupe.

Nous risquons de pénaliser certains participants ou en amener certains à se surinvestir pour s’assurer que d’autres n’entrainent pas des déficiences.

Une utilisation alternative du travail de groupe pourrait être de s’en servir comme d’un outil de remédiation, d’évaluation par les pairs et de différenciation selon la technique des feux tricolores :

À la suite d’un travail réalisé individuellement à la maison ou d’une évaluation formative en classe, les apprenants notent avec les couleurs verte, orange ou rouge leur propre confiance sur la réussite/compréhension du devoir. Vert indiquant que le travail n’a posé aucun problème, orange étant un avis nuancé et rouge, l’aveu de difficultés réelles.

En classe, les apprenants de couleur verte ou orange peuvent se regrouper ensemble pour s’évaluer et partager leur apprentissage par rapport au devoir. Les verts et les oranges sont répartis équitablement.

L’enseignant peut, de son côté, se concentrer sur les apprenants ayant inscrit la couleur rouge dans leur travail. Le risque de cette approche est d’introduire de la différenciation et une classe à plusieurs vitesses ce qui finit par se révéler défavorable aux élèves les plus faibles.

Le choix de passer par un travail de groupe n’est donc pas anodin et nécessite un rapport cout/bénéfice bien évalué avant de se lancer.



Gérer adéquatement une séance de laboratoire en sciences dans le cadre d’un enseignement explicite



Dans la perspective d’un enseignement explicite, il apparait que le moment le plus bénéfique pour réaliser une séance de laboratoire en sciences est à la fin d’une unité de matière et non au début. Les élèves peuvent alors appliquer dans le contexte d’une tâche complexe les connaissances qu’ils ont précédemment apprises.

Lorsque les séances de laboratoire offrent des protocoles prêts à l’emploi et sont complètement guidées par l’enseignant, avec des instructions et des objectifs clairs, nous nous trouvons dans une perspective de découverte guidée.

Par contre lorsque nous démarrons une nouvelle matière par une séance de laboratoire comme peut le prôner une pédagogie de la découverte, nous risquons de placer d’emblée les élèves dans une situation de surcharge cognitive. Celle-ci hypothèque tout apprentissage.

Les travaux pratiques ne doivent pas être simplement quelque chose que les élèves font comme simple application pratique illustrative pendant leur cours de sciences. Il faut un défi.

Ils ne doivent pas non plus correspondre à des projets ou à des activités de découverte où les élèves doivent construire leurs propres connaissances dans un contexte social. Nous ne devons pas nous attendre dans ces conditions à ce que les élèves développent leurs connaissances et leur compréhension scientifiques. Le résultat le plus probable que nous pouvons atteindre dans cette situation est de rendre les élèves plus habiles à utiliser les appareils scientifiques. 

L’objectif primordial des séances de laboratoire est d’aider les élèves à comprendre les concepts scientifiques et à étayer les explications qu’ils ont reçues en cours.

Les séances de laboratoire peuvent remplir un ou plusieurs des objectifs suivants : 
  1. Illustrer un concept scientifique. 
  2. Développer des compétences et des techniques (par exemple, utiliser un microscope ou effectuer un titrage). 
  3. Étudier les relations et tester des hypothèses (par exemple, comment l’augmentation de la température affecte-t-elle la vitesse d’une réaction chimique ?) 

Il est important de rester prudent. Si les élèves n’ont pas une connaissance suffisamment approfondie des concepts abordés, ils ne tireront pas grand profit d’un travail pratique le mettant en œuvre. Ils se contenteront de suivre une série d’instructions sans vraiment comprendre pourquoi ils le font. 

Les preuves suggèrent que les séances de laboratoire sont souvent étonnamment limitées en matière d’acquisition par les élèves d’une compréhension des idées scientifiques. Elles sont généralement efficaces pour apprendre aux élèves à faire ce qui est prévu avec des objets physiques. Elles sont beaucoup moins efficaces pour les amener à utiliser les idées scientifiques prévues pour guider leurs actions et réfléchir aux données qu’ils recueillent (Abrahams et Millar, 2008).

Si nous voulons utiliser les travaux pratiques pour intégrer et soutenir nos explications, nous devons nous assurer au préalable que nos élèves maitrisent les connaissances liées aux travaux pratiques. De cette manière, la séance de laboratoire possède un contexte clair pour soutenir l’apprentissage.

En résumé, deux éléments sont à prendre en compte :
  1. La complexité de la procédure expérimentale et les manipulations que les élèves doivent mettre en œuvre.
  2. La complexité des concepts scientifiques sous-jacents que les élèves doivent comprendre et traiter mentalement.
Si les niveaux de complexité des deux éléments sont trop élevés, parce que nous devons expliquer les deux, les élèves risquent d’être surchargés. Par conséquent, de n’acquérir qu’un degré limité d’apprentissage à partir de la séance de laboratoire. 

De même, si les niveaux de complexité des deux sont trop faibles, l’objectif de l’exercice est remis en question. 

L’astuce consiste à trouver le point idéal. C’est le principe de Boucles d’or où la complexité de la procédure pratique et des idées scientifiques explorées est adéquate pour représenter un défi pour les élèves, ni trop facile, ni trop difficile. 




Mise à jour le 03/03/2023



Bibliographie



Greg Ashman, Ouroboros, 2016

Blaise Joseph, Overcoming the Odds: A study of Australia’s top-performing disadvantaged schools Research Report 39 [RR39] [2019] www.cis.org.au.

Diehl, M., & Stroebe, W. [1987]. Productivity loss in brainstorming groups: Toward the solution of a riddle. Journal of personality and social psychology,53 [3], 497.

Ian Abrahams and Robin Millar, Does Practical Work Really Work? A Study of the Effectiveness of Practical Work as a Teaching and Learning Method in School Science, International Journal of Science Education 30(14) (2008): 1945–1969 at 1945. 

Allison Shaun, Tharby Andy. (2015). Making every lesson count. Crown House.

0 comments:

Enregistrer un commentaire