Un élève absent d’un cours, que ce soit justifié ou injustifié n’apprend pas. C’est un problème, car peu importe l’efficacité de l’enseignement en classe, il n’en bénéficie pas. Une exploration de la question inspirée par Tom Bennett (2021).
(Photographie : plains-flora)
Le piège de l’absentéisme
Si un élève n’apprend pas parce qu’il n’est pas en classe, il prend du retard sur l’acquisition des objectifs d’apprentissage. Cela augmente potentiellement l’anxiété qu’il peut ressentir et son retard dans la matière, et par conséquent sa difficulté à profiter de sa présence au cours de manière générale.
Ces facteurs augmentent la probabilité que l’élève décroche, perde son attention, se laisse distraire ou perturbe le cours. Le risque devient de répéter plus facilement l’absence. La répétition de l’absence peut également devenir une habitude, d’autant plus qu’elle devient ancrée.
Le piège se renforce lorsque certains enseignants commencent à considérer l’absence d’un élève qui s’est mal comporté comme un soulagement qui permet d’enseigner plus facilement avec le reste de la classe.
Ce n’est pas une solution, car les absences des élèves sont avant tout une aggravation de difficultés. Un élève assidu qui s’absente un jour ou deux, pour des raisons entièrement justifiées, ne posera pas de difficulté s’il bénéficie de notes en ligne pour se mettre en ordre et d’un temps de remédiation pour que l’enseignant puisse répondre à ses questions. Un élève difficile ou moins doué sera encore plus distancé, sur le plan scolaire et social, par la même perte. Il sera moins susceptible de se mettre en ordre, de demander un temps de remédiation et d’en tirer un bénéfice équivalent.
Toute absence doit être considérée comme une difficulté à résoudre proactivement. Il est utile de savoir pourquoi l’élève a manqué le cours. Pour cette raison, il est utile de prendre note des absences et d’en assurer un suivi ultérieur.
Garder une trace des absences permet de réaliser les difficultés potentielles dans lesquelles se retrouve l’élève concerné en ce qui concerne les apprentissages du cours.
Une absence légitime est acceptable, mais il reste important que le nécessaire soit fait pour remédier à la perte d’apprentissage.
Tout élève absent a besoin de sentir quand il revient, qu’il est nécessaire qu’il récupère les apprentissages qu’il a manqué. Il doit également sentir qu’il compte et qu’on a remarqué son absence et qu’on se préoccupe de lui. S’il en arrive à penser que son absence passe inaperçue, voir est souhaitée, cela peut avoir un impact négatif conséquent sur son attitude vis-à-vis de l’apprentissage. Cette croyance influencera le fait qu’il prenne ou non la peine d’être toujours présent ou de se remettre complètement en ordre à son retour.
Éviter les failles dans le système scolaire
Les écoles sont susceptibles d’avoir des zones dans lesquelles les élèves peuvent passer inaperçus. Certains élèves peuvent réaliser qu’ils peuvent sécher certains cours sans que l’enseignant ou personne ne leur dise rien ou ne leur demande des comptes. Ils peuvent se permettre parfois également d’arriver avec une ou deux minutes de retard régulièrement au cours sans que l’enseignant assure un suivi et établisse des conséquences.
Le remède à cela est d’insister sur une politique de toute l’école qui exige des notes ou des laissez-passer pour toute absence aux cours, qui doivent être présentés spontanément ou sur demande. Sans aucune exception. Si ce système ne présente qu’une seule faille, il est inutile, car des élèves sont susceptibles de s’y engouffrer.
De même, il faut que chaque enseignant se sente suffisamment concerné pour vérifier ce qu’il se passe lorsqu’il croise un élève en dehors d’une classe sans justificatif lors d’une heure de cours. Il faut également que chaque enseignant fasse le suivi si un élève n’est pas présent au cours ou s’y présente en retard.
S’il n’y a pas d’explications valables à l’absence d’un élève au cours, il faut faire un suivi. Une communication doit être adressée aux parents, l’éducateur référent ou tout autre responsable du suivi des absences doit être averti. Toute occurrence doit être tirée au clair pour que l’élève ne puisse pas apprendre à mentir, à s’en tirer et à développer de mauvaises habitudes.
Lorsque l’heure de cours suit un temps de pause et que l’enseignant va chercher ses élèves dans les rangs, il est utile que les élèves précèdent l’enseignant sur le chemin de la classe. Cela lui permet de vérifier que tous les élèves sont là. De plus, tout élève qui suit l’enseignant n’était pas dans le rang, était donc en retard et doit se voir communiquer une arrivée tardive au cours.
Si les élèves savent qu’un enseignant est absent et qu’un collègue reprend l’heure de cours, c’est à ce moment-là que nombre d’entre eux tenteront l’esquive pour sécher le cours. Il faut donc préparer l’absence.
Un travail intéressant et réalisable en autonomie doit être dispensé. Il faut s’assurer que l’enseignant qui surveille la classe prenne bien les présences. Assurer ensuite le suivi des absences éventuelles et celui des travaux non faits correctement durant l’heure de cours considérée. En anticipant et en laissant le moins d’angles morts possible, nous ne laissons pas la possibilité aux élèves d’esquiver la réalisation des tâches demandées.
Comprendre les raisons des absences et des retards injustifiés
Si les absences d’un élève sont injustifiées, il est utile d’en déterminer les raisons. Souvent, la raison commune est d’échapper au travail scolaire, à un cours ou à un enseignant jugé rébarbatif ou de prolonger le temps passé à discuter avec des amis.
Ces motifs peuvent être traités avec des approches usuelles. Un rappel à l’ordre sur l’importance d’assister au cours, une communication vers les parents, une sanction, voire un suivi plus strict doivent normalement bien fonctionner.
Il se peut que les raisons soient totalement différentes, du harcèlement, un problème de santé mentale, une dépendance, un mal-être physique, une anxiété, etc. Des absences injustifiées peuvent être le sommet de l’iceberg et une prémisse à un décrochage plus sérieux.
L’absentéisme scolaire est à prendre au sérieux dès ses premiers signes. Si des doutes émergent, il est utile de les communiquer aux personnes responsables de tels suivis au sein de l’école. Leur expérience permettra de discerner si la situation est réellement problématique et s’il est utile d’agir.
L’impact des retards et leur caractère perturbateur
Au moins un élève passe de temps en classe, au moins l’enseignement a d’impact. Il est important pour un élève d’être présent en classe, car c’est là où tout se passe.
Les retards réduisent le temps consacré à l’apprentissage. Les élèves absents échappent à des éléments d’information et à des consignes importantes qui les aideraient à accéder au reste de la leçon. Par conséquent, les retards amenuisent la quantité du temps restant passé en classe par ses élèves.
Le retard est un mauvais comportement. Il ne s’agit pas d’un problème insignifiant, mais d’une perturbation mineure qui nuit à l’éducation de l’élève concerné et à cette des autres, car elle impacte le déroulement du cours. Il peut y avoir de bonnes raisons d’être en retard, mais il peut ne pas en avoir de valable et il faut insister sur la nécessité d’être à l’heure.
La prévention des retards
Il importe d’enseigner explicitement aux élèves l’importance d’être à l’heure. Pour beaucoup d’élèves, il n’est pas évident de comprendre pourquoi quelques minutes comptent ou s’il y a un quelconque préjudice pour qui que ce soit. Il importe de faire comprendre à tous que c’est néfaste pour tout le monde.
Nous devons apprendre aux élèves ce que signifie la ponctualité, et quelles sont ses caractéristiques. De même, nous devons définir avec précision ce que signifie être en retard dans le cadre scolaire. Le terme « en retard » étant subjectif, il y a lieu de tracer une limite exacte sinon les élèves exploiteront ce flou, délibérément ou innocemment.
Une fois ces termes définis, il s’agit de leur apprendre à être à l’heure pour chaque cours à l’école. Il s’agit notamment de discuter :
- Que faut-il faire pour rassembler ses affaires et quitter la leçon précédente à temps ?
- Quels sont les comportements à éviter qu’adoptent les élèves qui sont en retard entre les cours ?
- À quels moments aller aux toilettes selon la politique de l’école ?
- Quand aller chercher ou remettre des affaires dans son casier ?
- Quels sont les itinéraires à suivre pour aller d’un local à l’autre à l’école ?
- Que faut-il avoir fait trois minutes avant la fin de la pause ?
- Etc.
Plus ces questions sont abordées et enseignées comme des habitudes, plus il est probable que les élèves considèreront la ponctualité comme importante, réalisable et pertinente sur le plan personnel.
Gérer les arrivées tardives
Il est important d’avoir réfléchi et décidé de la manière de traiter les arrivées tardives.
La difficulté principale du traitement des arrivées tardives par l’enseignant est liée au fait que quand l’élève arrive, le cours a commencé et que l’enseignant est occupé à autre chose. Il ne peut tout arrêter pour prendre le temps de gérer individuellement les arrivées tardives.
Par conséquent, le meilleur système consiste à externaliser la gestion des retards. Si un élève arrive directement en classe en retard, nous lui refusons l’entrée. Il doit aller se rendre à un bureau d’accueil pour signaler son retard et recevoir un billet de retard qui lui permet de rejoindre le cours. L’accumulation des retards se traduit par des temps à récupérer en retenue à l’école.
Dès lors, dès qu’un élève arrive en retard avec un billet de retard qui lui permet de rejoindre le cours, il suffit de lui demander de s’asseoir en silence. Il doit alors respecter l’attente comportementale le concernant et commencer le mieux possible à suivre le cours en dérangeant le moins possible sa poursuite.
Cette externalisation a l’avantage de maintenir le rythme du cours. Cependant, si un poids est donné aux retards à l’extérieur des cours, il convient également de faire un suivi à l’intérieur du cours pour éviter qu’ils apparaissent normaux pour les élèves, en rapport avec le cours.
Dès lors, il importe de veiller à assurer une conversation à la fin du cours ou après celui-ci, au sujet de leur retard. Si le retard en tant que tel est sanctionné par une conséquence, celle-ci doit s’accompagner d’un travail sur le cours afin de dissuader les élèves d’être en retard à l’avenir. Des opportunités d’apprentissage perdues sont à récupérer. L’élève doit s’attendre à devoir fournir un travail au cours et à devoir le compenser en cas de retards.
Toutefois, il importe également d’entendre leur justification de ce retard qui peut être légitime et par conséquent dispense d’une sanction.
Dans tous les cas, il ne faut pas que l’arrivée de l’élève dérange le cours et que son traitement soit géré d’emblée. Il ne faut pas non plus nourrir le besoin d’attention de certains élèves. C’est amusant pour la classe et cela peut mettre en valeur l’élève, mais ce n’est jamais une bonne option. Ce faisant, nous attirons l’attention de toute la classe sur le mauvais comportement d’un seul élève. Cela crée un public pour l’élève, ce qui peut avoir un effet négatif sur la qualité de sa réaction ou sur l’évolution de son comportement.
Assurer un continuum d’actions dissuasives contre les retards
Lorsqu’un élève arrive en retard, il peut être tentant de réagir spontanément sur un ton sarcastique ou humoristique. C’est risqué et déconseillé à plus d’un titre.
En agissant de la sorte, nous donnons de l’attention, même négative à l’élève. Nous laissons trop de place aux émotions. Cela peut distraire les élèves du message que nous voulons faire passer.
Notre sens de l’humour n’est pas nécessairement le leur et les interprétations qu’ils en font peuvent être contraires à nos intentions. De plus, ils peuvent avoir l’impression que nous nous moquons d’eux ou que nous abusons de notre autorité institutionnelle.
Il est également possible qu’ils réagissent négativement et nous nous trouvons alors confrontés à un comportement de plus haut niveau, que la classe surveillera de près, et qui sera plus compliqué à gérer.
Dès lors, il vaut mieux garder la neutralité et mettre en œuvre un continuum d’actions. Nous devons faire en sorte qu’il soit plus facile pour l’élève d’arriver à l’heure et de s’engager dans le cours, que d’arriver en retard et de trainer à s’engager dans le cours. De plus, nous devons minimiser toute perte de temps supplémentaire en classe.
Dès lors, les points suivants gagnent à être respectés :
- Minimiser les perturbations en évitant toute interaction susceptible de devenir confrontation, de perturber ou d’interrompre temporairement la poursuite du cours.
- Permettre à l’élève d’entrer discrètement d’une manière ou d’une autre et de s’engager dans le cours.
- Reconnaitre le retard de manière minimale, mais en s’assurant qu’il est noté publiquement.
- Assurer toujours un suivi à la fin du cours.
- N’accepter que les excuses les plus sérieuses. Accepter des raisons insignifiantes envoie comme message aux élèves que la ponctualité est secondaire.
- Demander toujours une preuve de cette excuse, même si nous pouvons faire confiance à l’élève concerné.
- Faire en sorte que les élèves rattrapent le temps perdu et attribuer les sanctions prévues lorsqu’elles s’appliquent.
En fonctionnant de la sorte, nous indiquons aux élèves que les retards sont inacceptables.
Souvent, les retards sont dus à des raisons évidentes : paresse, bavardage, pauses toilettes prolongées — pour lesquelles une vigilance doit également être assurée —, procrastination ou évitement des cours. C’est une raison de plus pour faire de la ponctualité une norme.
Il importe également d’être attentif au contexte extérieur à la classe. S’il y a un doute, il est important de prévoir un espace pour une enquête, même légère, afin que ces problèmes puissent être découverts et traités.
Bibliographie
Tom Bennett, The Running the Room companion, John Catt, 2021
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