Planifier ses apprentissages est une chose, mais au-delà, il reste deux aspects déterminants :
- Être capable de se souvenir d’effectuer les tâches aux moments préalablement décidés et le faire.
- S’être assuré de disposer de suffisamment de temps pour réaliser les tâches prévues.
Une synthèse sur la question sur base du livre de Daniel Willingham (Outsmart your brain, 2023).

(Photographie : Sarolta Marton)
Prendre en compte les limites de la mémoire prospective dans la planification de l’apprentissage autonome
Se souvenir de ce que nous devons faire correspond à la mémoire prospective :
- Nous formons l’intention de faire quelque chose dans le futur.
- Nous nous souvenons que nous devons le faire à un moment donné et le faisons.
- Nous nous souvenons plus tard de l’avoir fait.
Par exemple, nous savons que nous allons devoir faire le plein d’essence prochainement. Nous profiterons pour le faire dès que nous passons près d’une pompe à essence préventivement. Nous anticipons, plutôt que d’attendre l’alerte de la voiture et le fait de devoir nous rendre spécifiquement à la pompe à essence la plus proche.
Par exemple, dans le cadre d’un traitement, nous devons prendre des médicaments trois fois par jour. Nous pouvons nous rappeler de les prendre chaque fois au bon moment.
Cependant, se reposer sur notre mémoire prospective est risqué. La mémoire prospective peut échouer et elle est d’autant plus susceptible de la faire que nous avons beaucoup de choses auxquelles penser et beaucoup d’éléments différents à nous rappeler de faire. Certains oublis ne prêtent pas à conséquence. D’autres sont bien plus ennuyeux. Nous ne pouvons pleinement nous fier à notre mémoire.
Dès lors, il est utile de pouvoir utiliser des stratégies de compensation pour nous protéger des failles naturelles de notre mémoire prospective.
Nous pouvons utiliser des post-its, mettre une alarme sur notre téléphone ou utiliser un agenda. Ces stratégies doivent elles-mêmes être mobilisées et appliquées avec cohérence. Cependant, il reste difficile de se prémunir contre les défaillances de la mémoire prospective.
Toutefois, il existe un remède simple à décrire. Il faut adopter une planification à rebours. Nous devons prendre l’habitude de noter ce que l’on est censé faire et de vérifier régulièrement cette liste de choses à faire. Il est utile de développer de bonnes habitudes à ce sujet.
Éviter les erreurs liées à la planification
Le deuxième aspect de la planification consiste à évaluer la durée nécessaire pour l’activité prévue. Cependant, les individus sous-estiment constamment le temps qu’il leur faut pour faire les choses. C’est ce qu’on appelle l’erreur de planification.
Lorsque nous planifions un projet, nous sommes trop confiants dans notre capacité à trouver des solutions aux problèmes que nous rencontrons. De plus, nous avons tendance à ignorer complètement les différents problèmes potentiels si nous pensons que chacun d’eux a peu de chances de se produire.
Toutefois, si chaque problème potentiel pris isolément a relativement peu de chances de se produire, il y a également peu de chances qu’aucun d’entre eux ne se manifeste. Dès lors, ignorer chaque problème potentiel singulier se traduira par un manque de temps si rien n’est anticipé quant à leurs risques conjugués de se manifester.
Nous devons admettre que quoiqu’il arrive, nous commettrons une erreur de planification. Si nous ne l’anticipons pas, nous en serons victimes. Pour l’anticiper, il suffit d’allouer de manière anticipative plus de temps au travail que l’on ne pense en avoir besoin. Nous avons besoin d’une marge.
Une autre source d’erreur indirectement liée à la planification est le fait d’oublier notre planification. Même si nous prévoyons suffisamment de temps, si nous n’en contrôlons pas l’usage, nous n’allouerons pratiquement pas suffisamment de temps pour effectuer le travail prévu. Nous pouvons être victimes de distractions ou d’un mauvais pilotage de nos priorités.
Une solution pratique est la mise en place de bonnes habitudes de travail qui fonctionnent grâce à leur répétition. Ainsi, au lieu de planifier le temps de travail sur chaque projet, nous planifions de travailler pendant une durée constante chaque jour. Le temps passé effectivement à travailler s’il se maintient de jour en jour est une variable plus aisément contrôlable.
La dimension du sommeil dans la planification de l’apprentissage autonome
Les élèves et les étudiants ont régulièrement tendance à considérer leur temps de sommeil comme une variable d’ajustement lorsque des échéances se font pressantes. Il suffit en effet de dormir moins pour disposer d’un temps supplémentaire de travail.
Dans cette perspective, le sommeil est considéré comme une activité facultative ou tout au moins transférable. Le temps de sommeil sera rattrapable après l’échéance ou plus couramment pendant le weekend. De cette manière, il est fréquent que les apprenants fassent des expériences avec le sommeil qu’ils ne feraient pas avec d’autres besoins fondamentaux, comme la nourriture ou la respiration.
Pourtant, le sommeil a un effet très direct sur les performances cognitives :
- Le manque de sommeil rend la réflexion et l’attention plus difficiles le lendemain.
- Le manque de sommeil rend également l’humeur plus irrégulière.
Le manque de sommeil a également un effet néfaste sur l’apprentissage de la journée précédente. Il le fragilise en augmentant l’oubli et en diminuant la qualité de son intégration. L’impact se retrouve sur la qualité et la quantité de l’apprentissage qui sont toutes les deux moindres. Le processus par lequel nos apprentissages deviennent plus définitifs et plus résistants à l’oubli dépend directement de la quantité et de la qualité du sommeil. Ainsi, la perte de sommeil perturbe ce que nous avons appris avant le temps de sommeil réduit.
Gérer la durée du temps de sommeil
Selon les recommandations issues de la recherche médicale, les adolescents devraient dormir entre huit et dix heures par nuit et les adultes entre sept et neuf heures. Il apparait que moins de 50 % des personnes respectent ces temps de sommeil. La plupart des personnes ne dorment pas suffisamment parce qu’elles se couchent trop tard. Une difficulté vient du fait que souvent, on n’ait pas suffisamment sommeil au moment d’aller nous coucher.
Notre corps est sensible à deux signaux qui lui indiquent qu’il est temps de dormir :
- Certains signaux sont internes :
- L’horloge interne du corps qui est en lien avec la production d’une hormone appelée cortisol. Le cortisol est comme une alarme. Notre corps produit beaucoup de cortisol le matin et moins le soir.
- L’horloge interne est particulièrement visible lorsqu’elle est associée à un changement de fuseau horaire. Nous avons tendance à garder le rythme précédent.
- Pendant l’adolescence, les pics et les creux de la production de cortisol s’aplanissent quelque peu. Cela explique en partie pourquoi les adolescents n’ont pas sommeil la nuit et ont du mal à se réveiller le matin.
- Certains signaux sont externes :
- Notre corps est également attentif aux signaux émis dans le monde. Par exemple, si nous pouvons avoir une routine associée au sommeil, comme le fait de se brosser les dents, de se laver, de se changer pour la nuit, de tamiser les lumières ou de lire quelques minutes. Notre corps apprendra cette routine. Le déclenchement de l’endormissement s’en retrouve facilité.
Différents conseils concrets permettent de mieux dormir. Dormir davantage signifie essentiellement se coucher plus tôt. Nous pouvons modifier les signaux externes relativement facilement. Nos signaux internes ne se modifieront que dans un second temps en s’adaptant peu à peu aux signaux externes.
Pour modifier nos signaux externes, nous pouvons :
- Adopter une routine cohérente en nous créant un rituel avant le coucher. Il nous faudra du temps pour que notre corps l’apprenne, mais cela nous aidera à nous endormir plus rapidement. Un élément important de cette routine consiste à s’endormir à une heure fixe. Avec l’habitude, notre horloge interne s’y adaptera, de sorte que votre corps saura à quel moment il doit s’endormir.
- Éviter de regarder des écrans pendant une heure ou deux avant de dormir. La lumière d’un écran indique à votre cerveau qu’il est plus proche du milieu de la journée qu’il ne l’est en réalité, ce qui perturbe notre horloge interne. Lorsque quelqu’un a du mal à dormir, il a tendance à consulter son téléphone, car il n’arrive pas à dormir. L’effet inverse est au rendez-vous, il arrivera moins bien à s’endormir, car il regarde avec attention l’écran de son téléphone.
- Rester allongé permet de ne pas envoyer au corps des messages contradictoires. Si nous ne nous endormons pas après quelques minutes, il ne s’agit pas de se lever. Rester tranquillement allongé, les yeux fermés, permet déjà de se reposer et augmente la probabilité de l’endormissement.
- Respecter le timing du sommeil est important. Si nous nous sommes constamment couchés aux alentours de minuit, il devient improbable de l’endormir facilement à 22 h. Il est plus prudent d’y aller progressivement et d’y aller progressivement, quart d’heure par quart d’heure. Nous allons nous coucher un quart d’heure plus tôt et nous ne diminuons à nouveau d’un quart d’heure que lorsque nous nous endormons assez rapidement à cette heure-là.
- Faire une sieste en journée, si c’est envisageable, peut être une bonne option. C’est un bon moyen d’augmenter le temps de sommeil lorsqu’aller dormir plus tôt n’est pas envisageable. La difficulté de la sieste apparait lorsqu’elle se prolonge au-delà de vingt minutes. Nous pouvons alors tomber dans une phase de sommeil profond et il est difficile de récupérer facilement un état d’éveil complet par la suite avant un certain temps.
Bibliographie
Daniel Willingham, Outsmart your brain, 2023, Gallery Books
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