L’échelle de notation est un élément central dans l’élaboration et dans le pilotage d’un processus d’évaluation formative. Voici une analyse de la question synthétisée à partir du livre de Raphaël Pasquini (2021).

(Photographie : ives57)
Répartition des résultats sur une courbe de Gauss
L’échelle de notation va servir à juger la production d’un élève par le biais d’échelles de points et de barèmes. Ceux-ci serviront d’élément médiateur que l’évaluateur utilise pour apprécier les niveaux d’acquisition des élèves.
Ces éléments jouent un rôle particulièrement important dans le cadre d’une notation normative qui se fonde sur une échelle discriminante pour départager qui réussit et qui échoue à une épreuve.
De nombreux travaux démontrent qu’une proportion conséquente d’enseignants construisent leurs notes en référence à une norme extérieure à l’apprentissage de l’élève.
Deux éléments symboliques à ce titre sont la moyenne et la distribution des points obtenus par l’ensemble des élèves dans une épreuve.
Un élève est classé à partir de ses résultats propres par comparaison avec les résultats de ses camarades. Ainsi, il fera partie symboliquement des bons élèves, des élèves moyens ou des élèves faibles en fonction de ces éléments.
Nous pouvons alors parler d’évaluation normative ou de notation normative, car elle aboutit à la mise en évidence des différences entre les individus. Cette démarche s’inscrit sans une visée de comparaison sociale et correspond à des démarches de sélection et de compétition.
À partir de ces mêmes éléments de référence, un enseignant est considéré comme plus efficace lorsqu’il améliore la moyenne de ses élèves et en diminue la variance (la distribution).
L’évaluation normative tendra à répartir les notes des élèves sur une courbe de Gauss dont les deux parties sont symétriques par rapport à la moyenne arithmétique des résultats. De nombreux facteurs vont toutefois interférer : le nombre réduit d’élèves, leurs caractéristiques propres ou la construction de l’évaluation.
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Interprétation normative de la distribution des résultats en courbe de Gauss
Si l’on considère qu’une tendance naturelle à la distribution des notes est de s’approcher d’une courbe de Gauss, deux questions se posent :
- Comment influencer la courbe de Gauss ?
- Comment interpréter la courbe de Gauss ?
Pour la question de l’influence de la courbe de Gauss, elle fait partie de l’objet des recherches en efficacité de l’enseignement. Globalement nous allons viser à augmenter la moyenne et à diminuer la variance.
Pour la question de l’interprétation, la problématique est simple. Tout porte sur l’endroit de la courbe où nous allons placer une droite verticale qui déterminera à droite la situation de réussite et à gauche la situation d’échec.
Il existe deux approches qui fonctionnent comme des pôles et que les enseignants vont souvent être amenés à combiner.
Le premier pôle consiste à déterminer l’échelle de notation au moment où est conçue l’épreuve, c’est-à-dire en amont de sa passation et de la correction des copies. Elle sera respectée à la lettre pour la correction.
Dans ce cas, les seuils des notes ont été posés en référence à des éléments contextuels comme :
- Les objectifs d’apprentissage
- L’enseignement dispensé
- Les activités d’apprentissages
- Les opportunités d’évaluation formative offertes aux élèves
- La difficulté des tâches incluses.
Dans cette situation, le résultat de chaque élève sera considéré comme indépendant de celui de ses camarades et déterminera seul sa réussite ou son échec face à l’échelle de notation.
Toutefois, nous pouvons avancer que l’échelle de notation devient potentiellement destructrice lorsqu’elle est exploitée sans qu’elle ait de lien explicite avec l’apprentissage. Le problème est dès lors moins l’existence de la note que la manière dont elle est construite.
Le second pôle consiste à construire l’échelle de notation consécutivement à la correction de l’épreuve ou dans le cadre de celle-ci.
Dans ce cas de figure, ce sont la moyenne des élèves et la distribution de leurs résultats qui vont contribuer à définir les seuils des notes. Dans cette perspective, l’enseignant possède une marge pour déterminer son taux de réussite qui peut être plus élevé ou plus faible que celui issu d’une échelle de notation conçue en amont. Il va tâcher de faire correspondre les résultats à ses attentes.
Entre ces pôles, des situations intermédiaires existent et un enseignant peut modifier lors de la correction une échelle de notation conçue en amont.
La subjectivité de l’enseignant joue un rôle important avec ce second pôle. Le danger est qu’un élève peut réussir ou rater en fonction de l’enseignant qui l’évalue et en fonction du niveau de la classe dans laquelle il se trouve.
Un élève d’un niveau donné sera favorisé dans sa note par une classe plus faible et par un évaluateur moins exigeant. Il sera défavorisé par une classe plus forte ou un évaluateur plus exigeant.
Certains élèves échouent non pas uniquement en raison de leurs insuffisances, mais surtout parce que le groupe auquel ils appartiennent produit une moyenne de scores plus élevée que leur propre résultat. Une autre possibilité est que l’enseignant place un niveau d’exigence plus élevé au niveau de l’évaluation sommative notée.
Une évaluation va accroitre sa dimension normative lorsqu’elle met davantage en évidence les écarts des individus relativement à la norme que leurs acquisitions réelles (Crahay, 2007).
L’autre logique néfaste de l’évaluation normative est qu’elle vise à mettre toujours des élèves en échec, quel que soit le niveau des performances du groupe classe. En effet, bon nombre d’enseignants croient à la pertinence de comparer les élèves entre eux pour avoir établir des notes justes. Certaines pratiques de notation apparaissent dès lors comme discriminantes.
La voie à privilégier est que le fait qu’une équipe d’enseignants donnant le même cours construise une échelle en amont de la passation de l’épreuve. Cette démarche annule cette perspective normative et rend la construction de la note plus cohérente.
Des enjeux pour l’élaboration d’échelles de notation
Il y a un bénéfice évident à former et à accompagner les enseignants pour qu’ils s’approprient la
complexité des pratiques de notation.
Il faut sortir de la logique où il s’agit de savoir à quel pourcentage de points mettre les différentes notes pour les combiner ou quelle moyenne accepter pour une réussite ou une dispense.
Il est bien davantage pertinent de déterminer ce que l’élève est censé maîtriser dans l’épreuve pour obtenir telle ou telle note.
Pour y parvenir, trois éléments doivent être pris en comparaison :
- Les enseignants détiennent l’expertise des pratiques d’enseignement et des processus d’apprentissage. Il doit en être de même des pratiques d’évaluation sommative notée. C’est le jugement professionnel de l’enseignant qui doit lui permettre de créer des échelles spécifiques.
- Il est possible de construire une échelle de notation en amont de la passation d’une épreuve :
- Pour autant que :
- Les élèves aient eu suffisamment de temps d’apprentissage
- Les conditions de la démarche d’évaluation soient transparentes.
- Ce travail :
- Est idéalement réalisé en équipe
- Conjugue la planification des leçons avec l’élaboration des épreuves
- Définit les apprentissages essentiels.
- Une construction de note référée à l’apprentissage et à haute valeur informative est possible à condition :
- De formuler des objectifs d’apprentissage
- De construire des tâches significatives
- D’élaborer des critères d’évaluation.
L’objet de l’évaluation sommative notée (Mottier Lopez et Laveault, 2008) est de situer l’élève par rapport à ses apprentissages plutôt que par rapport à ses pairs. Nous devons passer de l’évaluation normative à l’évaluation critériée.
Bibliographie
Pasquini, R. (2021). Quand la note devient constructive. Évaluer pour certifier et soutenir les apprentissages. Presses de l’Université Laval. http://hdl.handle.net/20.500.12162/4900
Crahay, M. (2007). Peut-on lutter contre l’échec scolaire ? De Boeck.
Mottier Lopez, L. et Laveault, D. (2008). L’évaluation des apprentissages en contexte scolaire : développements, enjeux et controverses. Mesure et Évaluation en éducation, 31(3), 5-34. https ://doi.org/10.7202/1024962ar
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