vendredi 11 juillet 2025

Le réapprentissage successif, une stratégie efficace pour des apprentissages durables

Au fur et à mesure que les élèves passent de l’école primaire et secondaire au collège, on s’attend de plus en plus à ce qu’ils apprennent des informations fondamentales par eux-mêmes et en dehors de la classe. 


(Photographie : phlegmaphoto)



Le défi d’un apprentissage durable en autonomie


En effet, la quantité de contenus tend à augmenter avec le niveau scolaire, sans augmentation concomitante du temps que les élèves passent en classe. Le temps de classe qui peut être consacré à l’apprentissage d’une unité donnée d’informations fondamentales diminue nécessairement.

En résumé, l’une des principales raisons pour lesquelles l’apprentissage est difficile dans la pratique est le facteur limitant du temps disponible. Les apprenants ont généralement relativement un temps réduit à consacrer à l’apprentissage d’un grand nombre d’informations qu’ils doivent retenir pendant longtemps. 

Le faire efficacement est un challenge et impose une certaine autorégulation de l’apprentissage. Le temps est limité. L’objectif est d’apprendre l’information suffisamment bien pour la retenir au fil du temps. Les enseignants ont un rôle à jouer pour apprendre aux élèves à réguler efficacement leur propre apprentissage en dehors de la classe.

La meilleure piste à explorer est celle du réapprentissage successif, une stratégie très efficace pour obtenir un apprentissage durable. 



Considérer un facteur d’échelle pour les contenus de l’apprentissage autonome


Si nous considérons des connaissances singulières et isolées, l’apprentissage est facile. Imaginons que la seule chose qu’un élève doive apprendre est que « house » est le mot anglais pour « maison ». Pour retenir cette information, il lui suffit de la répéter en boucle dans sa tête (« house signifie maison, house signifie maison… ») jusqu’à ce que la mémorisation ait lieu. 

Cependant, ce qui fonctionne à l’échelle singulière ne fonctionne plus quand les connaissances s’accumulent et que leur degré d’interactivité des éléments augmente.

Considérer l’apprentissage comme facile, selon cet exemple, est le fait qui rend l’apprentissage difficile dans la pratique. Garder simultanément des centaines et des milliers d’informations à l’esprit est impossible.

Les connaissances, ou tout du moins celles qui sont essentielles doivent par conséquent être apprises selon un processus à la fois différent et spécifique. Il doit pouvoir être suffisamment efficace pour que ces connaissances soient consultables ultérieurement dans la mémoire à long terme. Nous voulons pouvoir garantir un accès fiable ultérieur à partir de la mémoire à long terme.

Ce processus ne peut être celui d’une étude par cœur où nous ânonnons les connaissances en boucle jusqu’à ce qu’elles soient fixées. Le résultat serait peu durable et surtout il est superficiel et ne correspond pas à des situations où un niveau supérieur de réflexion et de compréhension est nécessaire.



L’alternative impraticable d’aller cherche des informations en ligne 


Face aux difficultés de mémorisation, les élèves pourraient consulter dès que le besoin se fait sentir des manuels de référence disponibles à porter de main, faire une recherche en ligne ou interroger une IA. 

Cependant, à mesure que la quantité d’informations à apprendre augmente, cette stratégie devient rapidement impraticable. Dans de nombreuses situations, elle peut interférer avec la compréhension de niveau supérieur et l’esprit critique. Toute information nouvelle et non mémorisée doit être prise en charge par la mémoire de travail dont les capacités sont limitées. 

Une manière de saisir cette difficulté est de s’imaginer un livre dans une langue étrangère inconnue. Nous nous retrouvons à devoir rechercher la traduction de la plupart des mots dans un dictionnaire, ce qui est un processus. Cela risque de ne développer chez nous qu’une compréhension superficielle du contenu.

On pourrait rétorquer qu’avec les traducteurs automatiques, le problème disparait, mais une analogie plus parlante pourrait être la situation où nous nous retrouvons à lire un article de recherche dans un domaine en dehors de notre champ d’expertise. Si nous n’avons pas les connaissances de base nécessaires, nous avons peu de chances de comprendre l’article, même si nous pouvons chercher la signification des termes et concepts clés dans un dictionnaire ou sur le Web. 

De la même manière, un élève qui manque de connaissances préalables et qui n’a pas réussi à apprendre les concepts fondamentaux d’un domaine sera en difficulté. Il aura probablement du mal à s’engager dans la compréhension, l’intégration et l’application des concepts avancés de ce domaine. 

Dès lors, la plupart des informations de base que les élèves rencontrent dans leurs cours doivent être relativement bien apprises, c’est-à-dire facilement accessibles à partir de la mémoire à long terme, pour être utiles.



Former les élèves à apprendre durablement de grandes quantités d’informations en un temps limité


Nous nous attendons à ce que nos élèves parviennent à apprendre durablement de grandes quantités de matière en un temps limité, par eux-mêmes, en dehors des cours.

Dans quelle mesure sont-ils réellement équipés pour atteindre cet objectif ? 

Un nombre considérable de recherches en psychologie cognitive et en sciences de l’éducation indique que les élèves ne sont souvent pas particulièrement efficaces pour réguler leur propre apprentissage. Les élèves ont souvent des idées fausses sur les stratégies et les horaires d’étude qui sont efficaces. 

Des recherches ont montré que les étudiants sous-utilisent et sous-estiment souvent l’efficacité des bonnes stratégies d’apprentissage et, malheureusement, qu’ils surutilisent des stratégies relativement médiocres et surestiment leur efficacité (Bjork, Dunlosky et Kornell, 2013). 

Les enseignants soutiennent l’apprentissage du contenu par les élèves en classe. Un autre rôle essentiel qu’ils peuvent jouer consiste à enseigner aux élèves comment réguler efficacement leur propre apprentissage du contenu en dehors de la classe afin de parvenir à un apprentissage durable et efficace. 

En ce qui concerne les stratégies et les planifications de l’étude qui sont particulièrement efficaces pour promouvoir un apprentissage durable, plus d’un siècle de recherche désigne deux gagnants incontestables. Ce sont l’espacement et la pratique de récupération (Dunlosky, Rawson, Marsh, Nathan et Willingham, 2013). 

De nombreuses recherches ont montré que lorsque les sessions d’étude sont espacées plutôt que massées, la rétention à long terme est considérablement améliorée. L’espacement concerne le moment où le temps est passé, et non ce à quoi ce temps est consacré. 

En ce qui concerne ce à quoi les élèves devraient consacrer leur temps, la pratique de récupération est dans de nombreux contextes la stratégie la plus efficace connue à ce jour pour produire un apprentissage durable. La pratique de récupération a l’avantage supplémentaire d’être une stratégie que les élèves peuvent facilement employer par eux-mêmes, via des flashcards. 

Le bon usage des flashcards consiste à cacher la réponse et à lire la question : 
  1. L’élève commence par tenter de récupérer les informations cibles dans la mémoire à long terme.
  2. L’élève vérifie sa réponse. En cas de réponse incomplète ou erronée, il réétudie la bonne réponse et s’entraîne à nouveau à la récupérer.
La combinaison de la pratique de récupération et de l’espacement est ce que nous appelons le réapprentissage successif. Le réapprentissage successif est particulièrement efficace si nous le comparons au bachotage qui consiste à tout étudier durant une seule période prolongée avant une évaluation. 

Il semble évident que nous pouvons recommander en toute confiance aux élèves d’inclure l’espacement et l’autodiagnostic dans leur apprentissage autonome sous la forme d’un réapprentissage successif. 

Le problème est que le simple fait de le recommander aux élèves n’est probablement pas suffisant. De là émerge l’importance d’un enseignement explicite des stratégies d’apprentissage autonome.



La question du nombre de répétitions dans le réapprentissage successif


Là où la recherche n’aboutit pas à une réponse précise, concerne le nombre de répétitions optimal dans le réapprentissage successif, car le temps disponible est lui-même un facteur limitant.

Deux conclusions évidentes s’imposent : 
  1. Les avantages de l’effet de test sur la mémorisation à long terme sont plus importants après des réponses correctes qu’après des réponses incorrectes dans le cadre d’une pratique de récupération (Kang, Pashler, Cepeda, Rohrer, Carpenter et Mozer, 2011). Dès lors, les élèves ont tout intérêt à continuer à s’entraîner jusqu’à ce qu’ils puissent rappeler correctement chaque élément au minimum une fois.
  2. Le fait de récupérer correctement un élément une fois ne suffit pas pour une mémorisation à long terme (Vaughn & Rawson, 2011). Dès lors, récupérer une information correctement une seule fois ne suffit pas pour un apprentissage durable.
Les élèves ont par conséquent intérêt à s’engager dans le réapprentissage successif un certain nombre de fois. Ils peuvent s’arrêter juste au moment où elle va se traduire par une perte de temps en rapport avec l’objectif de maitrise visé. 



Le principe du réapprentissage successif 


La notion de réapprentissage successif comme combinaison particulièrement efficace de l’espacement et de l’autodiagnostic vient de Bahrick (1979).

Le processus est le suivant :
  1. Au cours de l’apprentissage initial, l’élève s’engage dans une pratique de récupération. Lorsqu’une réponse ne peut être récupérée, il la réétudie. Il poursuit jusqu’à ce que tous les éléments puissent être rappelés correctement en mémoire à partir des questions. 
  2. Au cours d’une ou de plusieurs séances ultérieures espacées, l’élève procède à une pratique de récupération supplémentaire avec réapprentissage en cas de besoin, à chaque fois jusqu’à ce que tous les éléments soient récupérés de mémoire avec succès.
  3. Il est également recommandé d’espacer les essais de pratique pour un élément donné non récupéré au sein de chaque session. Par exemple, si un élément n’a pas été récupéré initialement, mais a dû être réappris, il ne faut pas chercher à la récupérer de suite, mais revenir plus tard durant la session vers celui-ci.
  4. Au cours de chaque séance de pratique, l’ordre des éléments récupérés doit être changé de manière aléatoire.
Les flashcards constituent un outil simple et fonctionnel pour s’engager dans un réapprentissage successif
  1. Les élèves disposent au départ d’une pile de flashcards bifaces. Sur le recto de chaque flashcard est indiquée une question. Sur son verso se trouve une réponse.
  2. Pour chaque flashcard, les élèves utilisent la question comme un indice pour essayer de se souvenir de la réponse.
  3. Après avoir essayé de se souvenir, ils retournent la carte pour comparer la réponse qu’ils avaient trouvée avec la bonne réponse au verso. 
  4. Si leur réponse était fausse, ils étudient à nouveau la bonne réponse et mettent la flashcard au fond de la pile pour réessayer plus tard. 
  5. Si leur réponse est correcte, ils la retirent de la pile pour le reste de la session. 
  6. Une fois que toutes les cartes ont été retirées de la pile, la session de récupération s’arrête.
  7. Le réapprentissage successif implique que les élèves reprennent la pile un ou plusieurs jours suivants (et pas nécessairement consécutifs, mais en augmentant les délais progressivement parallèlement à l’amélioration de l’apprentissage) en reprenant le processus. Lors de chaque reprise, les cartes sont mélangées.
La décision de l’éloignement de deux sessions dépend du taux de réussite de la première récupération lors de la première des deux sessions. Lorsqu’il est élevé, le délai peut être augmenté. Lorsqu’il est faible, le délai peut être maintenu ou raccourci.

Lors de la session d’apprentissage initiale, une seule récupération est généralement suffisante, peut-être deux pour être sûr (voir trois pour assurer un surapprentissage), mais tout ce qui est plus que cela est susceptible d’être une perte de temps. Cela reste vrai tant que les élèves s’engagent dans un réapprentissage lors de sessions ultérieures. Si les élèves ne peuvent ou ne veulent pas s’engager dans des sessions de réapprentissage après la session d’apprentissage initiale, il est recommandé qu’ils s’exercent à un niveau plus élevé pendant l’apprentissage initial.

Trois ou quatre sessions de réapprentissage permettent d’obtenir des gains significatifs en matière de mémorisation à long terme pour un coût minime en matière de temps. Des sessions supplémentaires peuvent être ajoutées en fonction des besoins. L’avantage de sessions de réapprentissage supplémentaires pourrait être minime si le niveau de récupération est élevé après 3 ou 4 sessions.



Bibliographie


Daniel Willingham, Outsmart your brain, 2023, Gallery Books

Bahrick, H. P., & Hall, L. K. (1979). Maintenance of knowledge: Questions about memory we forgot to ask. Journal of Experimental Psychology: General, 108, 296-308. 

Bjork, R. A., Dunlosky, J., & Kornell, N. (2013). Self-regulated learning: Beliefs, techniques, and illusions. Annual Review of Psychology, 64, 417-444. 

Dunlosky, J., Rawson, K. A., Marsh, E. J., Nathan, M. J., & Willingham, D. T. (2013). Improving students’ learning with effective learning techniques: Promising directions from cognitive and educational psychology. Psychological Science in the Public Interest, 14, 4-58. 

Kang, S. H. K., Pashler, H., Cepeda, N. J., Rohrer, D., Carpenter, S. K., & Mozer, M. C. (2011). Does incorrect guessing impair fact learning? Journal of Educational Psychology, 103, 48-59. 

Vaughn, K. E., & Rawson, K. A. (2011). Diagnosing criterion level effects on memory: What aspects of memory are enhanced by repeated retrieval? Psychological Science, 22, 1127-1131.

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