Le terme de mémoire est générique. Il recouvre de nombreuses composantes et fonctions différentes. Il est utile de les distinguer et de comprendre leurs rôles.
Tout ne se résume pas à la mémorisation de connaissances fondamentales en mémoire à long terme. De nombreux éléments et expériences contribuent à l’expérience scolaire d’un élève, qu’il s’agisse de pièces de théâtre, de sorties scolaires, de journées sportives ou d’autres événements et activités mémorables.

(Photographie : Katie Fenske)
Distinguer mémoire épisodique et mémoire sémantique
Dès lors, une première distinction utile est celle qui sépare la mémoire épisodique et la mémoire sémantique. Cette distinction a été mise en évidence par le psychologue cognitif Endel Tulving (1983).
La mémoire sémantique fait référence à la connaissance du monde. Lors de la planification, de l’enseignement et de la mise en œuvre d’un programme riche en connaissances, la mémoire sémantique est l’élément central.
La mémoire épisodique fait référence à la capacité de se souvenir d’événements spécifiques de la vie qui tendent à être liés à des émotions marquantes.
Endel Tulving (1983) a d’abord décrit la mémoire épisodique comme un enregistrement de l’expérience d’une personne qui contient des informations datées dans le temps et des relations spatio-temporelles.
Une caractéristique de la mémoire épisodique que Tulving (2002) a développée par la suite est qu’elle permet à un agent d’imaginer qu’il voyage dans le temps. Nous revivons certains aspects de l’épisode original, par exemple en vous souvenant d’une sensation spécifique de l’époque. Une mémoire épisodique forte peut nous permettre de nous souvenir de variables telles que l’endroit où nous étions, ce que nous faisions, comment nous nous sentions ou avec qui nous étions.
Les souvenirs sémantiques et épisodiques diffèrent, mais les souvenirs peuvent être les deux à la fois. L’objectif principal de l’éducation est de construire une mémoire sémantique forte, de transmettre à la génération suivante les connaissances accumulées au fil des siècles.
Distinguer mémoire procédurale et mémoire déclarative
Une distinction fondamentale sépare les mémoires procédurale et déclarative :
- La mémoire procédurale est la capacité de se rappeler comment faire quelque chose :
- Les enfants développent une mémoire procédurale dès leur plus jeune âge, notamment lorsqu’ils apprennent à marcher, à parler et, plus tard, à lire et à écrire.
- La plupart des mémoires procédurales vont atteindre le stade de l’automaticité. L’automaticité consiste à savoir comment faire quelque chose si bien qu’il n’est pas nécessaire de s’arrêter et de réfléchir à chaque étape du processus, celui-ci se déroulant de manière fluide et sans effort.
- La mémoire procédurale est importante en classe. Une fois que les élèves sont familiarisés avec des activités ou des compétences spécifiques, le processus devient automatique. Cela libère la mémoire de travail, qui peut alors être utilisée pour se concentrer sur le contenu ou les questions plutôt que sur la manière d’accomplir une tâche.
- La mémoire procédurale est dite implicite.
- La mémoire déclarative s’oppose à la mémoire procédurale, car un effort conscient est nécessaire pour rappeler l’information de la mémoire à long terme :
- Cette mémoire explicite est liée au rappel de souvenirs épisodiques ou de faits sémantiques. Par exemple, la nomenclature en chimie ou les tables de multiplication sont un exemple typique de connaissance sémantique.
La disponibilité, l’organisation et l’intégration des connaissances, en mémoire à long terme
Sans la présence massive de connaissances stockées en mémoire à long terme, nous serions incapables de fonctionner.
Toutes nos actions sont guidées par nos connaissances en mémoire à long terme. Pour une grande part, nous nous fondons sur des automatismes, des habitudes et des modèles mentaux (schémas).
Nous stockons dans notre mémoire à long terme bien plus d’informations que nous ne pourrons jamais activer à un moment donné. Nous ne sommes pas conscients de tout ce que nous connaissons. Ces connaissances ne manifestent leur présence que lorsque nous sommes capables de les récupérer et de les mobiliser.
Cette forme d’ignorance est également une forme de protection. Nous ne pouvons pas non plus être submergés par tous les souvenirs que nous avons stockés.
Ce qui nous sauve est notre capacité à organiser et à récupérer les informations pertinentes en cas de nécessité. La qualité du processus est variable et il est impacté par l’oubli.
La compréhension de la mémoire de travail et de la mémoire à long terme, de leur structuration, de leurs limites et de leurs mécanismes est absolument essentielle pour tout enseignant.
Un de ses mécanismes essentiels est la récupération. Elle est le processus de rappel des informations apprises dans la mémoire à long terme, avec peu ou pas de soutien.
Chaque fois qu’un souvenir est rappelé de la mémoire à long terme, il est modifié et renforcé.
La récupération en mémoire à long terme peut être un défi et une difficulté. Il s’agit d’une stratégie d’enseignement et d’apprentissage efficace pour les élèves de tous âges, qui mérite d’être adoptée et largement exploitée. Elle favorise l’organisation et l’intégration des connaissances au sein de schémas de la mémoire à long terme.
La nature de la pratique de récupération
La pratique de récupération est une stratégie fondée sur des données probantes qui soutient et améliore l’apprentissage. Elle peut être assimilable à une stratégie d’évaluation formative dans sa mise en œuvre pour soutenir l’apprentissage.
Elle est souvent associée à la révision et à la préparation à des évaluations sommatives. C’est essentiellement une stratégie à utiliser avec tous les catégories d’apprenants, quel que soit leur âge. Elle a sa place du primaire jusque dans l’apprentissage en cours de carrière.
Une caractéristique de la pratique de récupération est qu’elle est postérieure à un épisode d’enseignement et d’apprentissage. Elle réactive une mémoire cible ou une trace cible en mémoire à long terme qui peut recouvrir des faits, du vocabulaire, des idées, des concepts, d’expériences, des règles ou des procédures.
Pour des élèves plus jeunes, il est important d’être explicite sur l’identification de la trace cible. Sans cela, ils peuvent se rappeler des informations générales, vagues, approximatives ou non pertinentes sans s’en rendre compte. Pour des élèves plus âgés, le fait d’être progressivement précis est bénéfique, car il peut renforcer des schémas cognitifs déjà plus développés et intégrés. Si des indices sont utiles au départ, par la suite, cet étayage gagne à être réduit.
Une autre caractéristique des traces cibles est que lorsque nous nous engageons dans leur récupération, nous avons généralement une idée de ce que nous cherchons (Baddeley, Anderson et Eysenck, 2009). Dès lors, en tant qu’enseignants, nous devons aider les élèves à trouver ces traces cibles, et nous pouvons le faire en examinant attentivement les questions que nous posons et les tâches de récupération que nous concevons. Il importe qu’elles contiennent des indices de récupération suffisamment explicites pour les élèves.
Baddeley, Anderson et Eysenck (2009) définissent la récupération comme le processus de récupération d’un souvenir cible sur la base d’un ou de plusieurs indices, qui permet ensuite de prendre conscience de cette cible.
Le ticket de sortie, un outil de récupération et d’évaluation formative
À l’origine, les tickets de sortie étaient utilisés en classe pour vérifier l’apprentissage à la fin d’un cours. Cette utilisation a évolué parallèlement à la compréhension de la distinction entre une performance à la fin d’un cours et un apprentissage durable.
Un ticket de sortie pertinent consiste généralement en trois à cinq questions rapides ou exercices simples auxquels les élèves répondent à la fin d’une leçon.
Les tickets de sortie doivent être courts, clairs et concis. Les questions à choix multiples et à réponse courte sont idéales. L’objectif est d’évaluer la compréhension des principaux points de la leçon, sur les éléments essentiels qui deviendront plus tard les mémoires cibles. Si l’information n’a pas besoin d’être rappelée à l’avenir ou si elle n’aide pas à la compréhension, elle ne devrait pas figurer sur un ticket de sortie.
L’enseignant récupère les tickets de sortie lorsque les élèves sortent de classe. En quelques minutes, il les parcourt, il les scanne visuellement et les vérifie. Ils peuvent fournir des données et des informations utiles aux enseignants en matière de vérification de la compréhension, dans une optique d’évaluation formative et de contribution à un enseignement adaptatif.
À ce stade de la leçon et du processus d’apprentissage, les performances sont examinées, car il ne s’est pas écoulé suffisamment de temps pour vérifier l’apprentissage à long terme et la mémorisation. La vérification de la compréhension devrait être un élément constant dans une leçon et pas seulement à la fin avec un ticket de sortie. Un ticket de sortie est simplement une façon de globaliser le processus à la fin d’un cours pour se projeter dans le suivant.
L’utilisation de tickets de sortie à la fin d’une leçon permet de vérifier la compréhension, car les conceptions erronées et les malentendus peuvent y être mis en évidence. Cela peut informer et guider l’enseignant dans sa planification future, en lui permettant de voir s’il doit passer à autre chose ou s’il est nécessaire de revenir sur certains contenus de la leçon.
Cette méthode d’évaluation formative est utile, mais ne doit pas être confondue avec l’apprentissage à long terme. Les tickets de sortie à la fin d’une leçon ne peuvent pas dire ou montrer aux enseignants si l’information a été réellement transférée dans la mémoire à long terme. Pour ce faire, il est nécessaire de revenir sur les questions ou les problèmes à une date ultérieure pour découvrir ce dont les élèves peuvent ou ne peuvent pas se souvenir.
Si les tickets de sortie sont impropres pour mesurer l’apprentissage, ils peuvent être remplacés à cet escient par un quiz d’entrée. Un quiz d’entrée de cours permet de mieux vérifier la compréhension et l’apprentissage à long terme. Il consiste en une tâche ou en quelques questions ou exercices à faire maintenant au début d’une leçon afin de se concentrer sur l’entraînement à la récupération. Les mêmes questions et problèmes peuvent être posés (ou adaptés) pour que les élèves y répondent de mémoire.
Le quiz d’entrée permet aux élèves de se rappeler des informations des leçons précédentes, le ticket de sortie est utilisé pour évaluer l’apprentissage à long terme. Le moment où nous posons les questions aux élèves est essentiel. Le timing des questions et des tâches déterminera si l’accent est mis sur la performance ou l’apprentissage.
La plupart des tâches à effectuer en classe peuvent être utilisées ou adaptées pour mesurer les performances ou l’apprentissage.
Bibliographie
Kate Jones, Retrieval Practice Primary : A guide for primary teachers and leaders, Hachette, 2022
Tulving, Endel (1983). Elements of episodic memory. Oxford [Oxfordshire] : Clarendon Press. ISBN 0-19-852102-2. OCLC 8552850.
Tulving, Endel (2002). "Episodic Memory: From Mind to Brain". Annual Review of Psychology. 53 (1): 1–25. doi:10.1146/annurev.psych.53.100901.135114. ISSN 0066-4308. PMID 11752477. S2CID 399748.
Baddeley, A., Anderson, M. C. and Eysenck, M. (2009). Memory. Hove, England: Psychology Press. Page 258.
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