vendredi 11 avril 2025

Nature et complexité d’une culture d’école

Poursuite de l’exploration de l’excellent livre de Ruth Ashbee (2024) sur la gestion d’une école.

(Photographie : imnotcursed)



Nous pouvons influencer une culture d’école, mais pas la contrôler


Nous pourrions avoir tendance à penser qu’une direction d’école a le pouvoir d’établir ou de définir une culture à travers sa vision et ses actions concrètes. 

Le personnel suivrait alors cette culture, de la même manière que la direction peut fixer les horaires des journées scolaires, les dates de formation du personnel ou d’autres processus organisationnels. 

Cette vision de la culture scolaire est beaucoup trop simpliste. Elle aura très peu de chances de réussir. En effet, il existe pour la culture de multiples couches de complexité. Celles-ci se manifestent tant au niveau de l’individu qu’à celui du groupe et sont en interaction permanente. La culture émerge de ces innombrables interactions.

Dès lors, nous devons admettre que pour la culture d’une école, nous ne pouvons pas avoir un modèle simple de cause à effet. La culture n’est pas une politique ou une prescription. Elle n’est pas imposable. Nous ne pouvons pas la contrôler.

Toutefois, nous pouvons l’influencer ou la façonner. Il est possible de prendre des mesures pour renforcer une culture positive auprès du personnel d’une école. 



Appréhender la complexité de la culture d’une école


La culture du personnel au sein d’une école correspond à la manière dont le personnel ressent son travail et la manière avec laquelle il s’y engage. 

Pour un individu donné, la culture existe à la fois mentalement, en son monde intérieur, et extérieurement dans ses actions.

Les domaines intérieurs et extérieurs sont liés et se nourrissent mutuellement au fil du temps : 
  • Ce que nous savons, pensons et croyons influence ce que nous faisons.
  • Ce que nous faisons influence ce que nous savons, pensons et croyons.
De plus, un individu donné sera influencé par ses interactions avec d’autres personnes, ainsi qu’avec les politiques scolaires, les structures, les pratiques et l’environnement physique de l’organisation.

De plus, la culture du personnel existe à la fois au niveau de l’individu et du groupe. La direction dans son approche de la culture ne s’intéresse pas seulement aux expériences d’un seul individu, mais également à la situation globale pour l’ensemble du personnel :
  • Qu’est-ce que cela fait de travailler au sein de l’école pour tout le monde ? 
  • Quelles sont les façons de faire de chacun ? 
  • Quels sont les points communs et les différences ?
Cette culture qui prévaut à l’échelle du groupe approxime mieux la notion de culture du personnel.  

Le terme de culture n’a pas de référence précise dans la réalité. Il représente une sorte de moyenne, de tendance générale et de variance. Il existe un risque à ignorer sa plus ou moins grande variabilité. 

Nous avons souvent des pensées, des croyances, des expériences internes complexes, voire contradictoires, etc. De même, il arrive souvent que nous n’agissions pas de manière cohérente avec nos pensées.

Tous les éléments s’influencent mutuellement. Le groupe est constitué d’individus qui 
  • Interagissent les uns avec les autres
  • Sont affectés par les actions des autres
  • Mettent à jour leurs expériences internes 
  • Intègrent ces expériences dans leurs actions en cours.



La notion de monde interne personnel face à la culture du personnel


Chaque personne au sein d’une organisation est un individu qui a son propre mode de fonctionnement, ses connaissances, ses spécificités, ses expériences propres, et en fin de compte son propre monde interne. Ces mondes internes sont vastes, personnels et variés à l’échelle d’un établissement.

Ces mondes intérieurs intègrent les souvenirs des expériences vécues tout au long de la vie de l’individu, ses croyances, ses habitudes, ses connaissances et son sens de l’identité.

Nous ne pouvons jamais connaître les moindres détails du monde intérieur d’un individu, car nous n’avons pas d’accès direct. Ils sont cachés, se manifestent en partie et de différentes manières à travers les comportements, les attitudes et le ressenti des personnes. Ils ne sont jamais totalement ou même majoritairement visibles. 

Tous les domaines qui constituent le monde interne d’un individu sont fortement liés et variables. Nous avons tendance à tirer des conclusions hâtives pour des expériences que nous vivons directement ou dont nous prenons connaissance indirectement. Nos croyances colorent ces conclusions et sont influencées par elles. 

Toutefois, les mondes internes ne sont pas figés. Ils sont susceptibles d’évoluer au fil du temps. Certains de ces changements sont dus à l’implication et à la participation d’une personne dans l’organisation et aux interactions qui en font partie.

Tous les éléments du monde intérieur d’un individu contribuent à son expérience individuelle de la culture. Le point d’intérêt est que les interactions dans lesquelles est impliqué un individu vont en retour affecter son monde interne.

Le défi est de créer les conditions permettant aux membres du personnel de développer de manière authentique les domaines qui fondent une bonne culture dans leurs propres mondes internes. 



L'importance de la communication dans une bonne culture du personnel


Nous faisons l’expérience du monde par le biais d’interprétations. Bien qu’il puisse exister une réalité objective, personne n’a de lien direct ni d’accès total avec elle. Nous recevons des informations par l’intermédiaire de nos sens, nous les combinons avec ce que nous savons, croyons et attendons. Nous leur donnons un sens.

Nous ne pouvons pas copier et coller ces idées, nous ne pouvons pas contrôler ce que pensent les personnes. C’est à travers des interactions réussies que les caractéristiques du monde interne qui comptent pour une bonne culture d’école peuvent être façonnées. 

Tout passe par la communication. D’après Chris Mowles (2022) : 
Il n’y a rien d’inévitable ou de déterministe dans la communication avec l’autre, quelle que soit la clarté du message que nous pensons transmettre. Lorsque nous communiquons, aucune partie n’a le monopole du sens ; le sens réside dans le geste et la réponse, qui sont pris ensemble. Nous pouvons être plus ou moins maîtres de la situation ou avoir une idée claire du sens que nous voulons transmettre, mais nous ne serons pas sûrs de ce qui a été communiqué tant que nous n’aurons pas fait l’expérience de la réponse. Nous avons tous des histoires de vie différentes et le même message peut susciter en nous une variété de réponses différentes, en fonction de cette expérience. 

Par exemple, un cadre supérieur invitant son personnel à s’unir autour d’un avenir positif et radieux pour l’entreprise peut susciter le cynisme de tous les employés qui ont déjà vécu des événements similaires, ou l’enthousiasme de ceux qui n’en ont pas connu. La signification de ce geste, qui consiste à inviter le personnel à se rassembler autour d’une représentation idéalisée de l’avenir, sera multiple en fonction de la manière dont le personnel l’a déjà vécu, du contexte, de son expérience antérieure, de la « vision », etc. Il n’y a pas de sens unique. Le manager, quant à lui, réagit aux gestes qu’il perçoit de la part du personnel avec lequel il est en contact, et qui se déroulent dans le temps. Un modèle émergent de création de sens naît entre tous ceux qui s’engagent à donner un sens à ce que signifie l’activité commune, qui n’est jamais en repos et n’est jamais achevée. L’une des façons d’envisager l’organisation est de la considérer comme une chaîne sans fin de gestes et de réponses.
Souvent, notre hypothèse naturelle est que lorsque nous disons ou faisons quelque chose, il n’y a qu’une seule signification, et c’est cette signification qui sera transmise à tout le monde. Comme le montre Mowles (2022), cette hypothèse est probablement erronée.

Admettre, intégrer et considérer qu’il n’y a pas qu’une seule signification est une manière cruciale d’aborder la question de la communication :
  • Elle nous permet de dépasser une approche biaisée et subjective « ils m’ont mal interprété » qui est avant tout une impasse.
  • Elle nous enjoint à adopter une approche plus réaliste et objective : « Ils ont pris une signification différente de celle que j’ai voulue ».
Cet état d’esprit est fondamental, car nous devons être capables de penser avec respect et sans jugement à tous nos collègues.


Mis à jour le 13/04/2025

Bibliographie


Ruth Ashbee, School staff culture, Routledge, 2024

Mowles, Chris. Complexity: A Key Idea for Business and Society. Routledge, 2022

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