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Le rôle de la pédagogie dans l’enseignement efficace
La pédagogie englobe l’ensemble des approches, des méthodes, des théories, des idéologies et des pratiques utilisées pour enseigner. Elle prend en compte les aspects psychologiques, sociaux et culturels de l’apprentissage. Elle adopte une perspective large et aborde les processus d’enseignement et d’apprentissage dans leur ensemble.
L’enseignement efficace aborde une perspective plus ciblée dans le sens où il se concentre sur les résultats de l’apprentissage fixés par des objectifs d’apprentissage précis fondés sur des connaissances.
Dès lors, il met l’accent sur les stratégies et les pratiques qui ont prouvé leur efficacité pour favoriser l’apprentissage au détriment de pratiques et de stratégies moins efficaces. Il s’appuie sur des données probantes et des recherches pour identifier les meilleures pratiques d’enseignement.
Des divergences apparaissent du fait que la pédagogie peut développer des approches qui ne sont pas nécessairement efficaces pour tous les apprenants. De plus, l’évaluation de l’enseignement efficace se concentre sur les résultats d’apprentissage des élèves, tandis que l’évaluation de la pédagogie peut inclure des aspects plus généraux et holistiques tels que la satisfaction des élèves et l’engagement.
Toutefois, la pédagogie est essentielle pour un enseignement efficace, car elle est la pensée qui sous-tend les actions, les contenus et les décisions liées à l’enseignement en classe.
Chaque élément que nous planifions, chaque décision que nous prenons sur la manière d’enseigner en classe est soutenu par une réflexion pédagogique.
Nous pouvons soit le faire de manière implicite sans en prendre réellement conscience, soit rendre cette réflexion pédagogique explicite. La pédagogie elle-même a besoin d’être appuyée par des données probantes et d’aborder le contexte de la classe.
Dès lors, en premier lieu, la pédagogie doit considérer la gestion de classe. Comme le développe Lock (2017), l’enseignement et l’apprentissage ne sont pas dissociables de la gestion du comportement.
Un cadre de règles défini et précis permet une culture calme et utile, favorable à l’enseignement et à l’apprentissage. Avant de pouvoir parler de pédagogie, nous devons parler du climat de classe et de la culture de l’apprentissage qui doit exister pour l’enseignement.
Pas de pédagogie sans des objectifs s’apprentissage centrés sur des contenus
Comme l’a écrit Lee Shulman (1986), les compétences pédagogiques deviennent inutiles si elles sont dépourvues de contenu. Il n’est pas possible de penser pédagogiquement sans tenir compte du contenu à enseigner.
Comme l’a développé Lock (2017), trop de temps passé à sélectionner les méthodes d’enseignement peut empêcher en partie de se pencher sur le contenu de l’enseignement.
Il y a dans les programmes scolaires des objectifs d’apprentissage liés à des contenus qui sont ennuyeux, mais nécessaires afin que les élèves puissent mieux comprendre et agir de manière réfléchie plus tard dans leur vie. Les mathématiques en font partie. Les mathématiques sont une matière difficile à enseigner et qui peut être complexe à apprendre. La complexité vient des contenus de l’enseignement et non de la pédagogie qui l’accompagne.
Par exemple, une trop grande focalisation compréhensible sur le rôle central de l’élève dans l’éducation, comme acteur de ses apprentissages, peut conduire les enseignants à se concentrer sur la manière d’enseigner au détriment de la matière.
En fin de compte, la manière d’enseigner importe moins que ce que nous enseignons. Le « comment » devrait être guidé par le « quoi ». La plupart des dimensions de l’enseignement sont spécifiques à une matière et à une phase de celle-ci. Nous ne sommes pas des enseignants génériques, nous enseignons des contenus spécifiques.
Certaines matières, comme les mathématiques et la physique, sont cumulatives et possèdent des dépendances. Il faut connaitre a, b et c pour pouvoir accéder à d. Pour d’autres matières, ces dépendances sont moins essentielles ou moins contraignantes.
Dans cette perspective, E.D. Hirsch (Cultural Literacy, 1987) distingue ce qui sépare les bons lecteurs des mauvais lecteurs, une fois que l’on a dépassé la mécanique de l’enseignement et de la phonétique. Ce sont leurs connaissances de base. Hirsch parle des schémas de connaissances auxquels nous rattachons d’autres connaissances. La connaissance engendre la connaissance.
La détermination des contenus est une tâche dévolue à des spécialistes d’une discipline. Des spécialistes discutent de l’enchaînement des connaissances en mathématiques, de la différence entre les différentes formes de maîtrise et du bien-fondé de ce que l’on appelle le programme en spirale. La responsabilité de l’enseignant tient dans le succès de la mise en œuvre des apprentissages correspondants.
L’articulation entre contenus, enseignement et apprentissage
Selon Frederick Reif (2010), à l’école, dans une matière, l’élève part d’un état initial (Si) vers un état final (Sf).
Le passage de l’élève tel qu’il est au début (initial) à l’élève tel qu’il est à la fin (final) s’appelle l’apprentissage.

Cet apprentissage est le résultat d’un enseignement : d’un enseignant, d’un livre, d’un projet, peu importe.
La partie liée à l’enseignement est la partie la moins intéressante du processus. De même, la partie apprentissage du diagramme n’est pas la plus intéressante, car il s’agit simplement d’un transfert.
Ce qui est intéressant, ce n’est pas l’enseignement ou l’apprentissage, c’est la différence entre l’élève initial et l’élève final. Qu’a-t-il appris ? En quoi est-il différent aujourd’hui de ce qu’il était avant ?
L’enseignement et l’apprentissage sont importants, mais ce sont des outils, des processus qui sont subordonnés aux contenus du programme d’études. Nous devons en parler, mais uniquement dans la mesure où nous les optimisons pour dispenser le programme.
Comment les données probantes informent sur l’apprentissage
La difficulté du fait de se référer à des données probantes réside en partie dans l’étendue de ce qui peut être considéré comme une preuve. Cela demande de prendre en considération le niveau de preuve.
L’enseignement s’appuie sur des données issues des sciences de l’éducation, mais également sur les preuves de l’efficacité des sciences cognitives et comportementales, qui fournissent les principes qui sous-tendent un apprentissage efficace.
Dans quelle mesure l’enseignement et les enseignants peuvent-ils donc tirer des enseignements des domaines autres que l’éducation ?
Les données probantes offrent rarement une réponse absolue :
- En développant des connaissances en pédagogie éclairées par des données probantes, il est inapproprié de faire preuve d’arrogance quant aux bonnes stratégies à adopter en classe :
- Ces connaissances nous permettent de réfléchir à notre planification et à notre pratique sous un angle différent.
- Ces connaissances peuvent indiquer pourquoi ce que nous faisons fonctionne, ou pourquoi peut-être que cela ne fonctionne pas autant qu’espéré.
- Ces connaissances peuvent nous guider, mais elles donnent rarement une réponse tranchée à une question précise sur des stratégies en classe.
Les données probantes ne sont pas une solution miracle :
- Le contexte reste roi sur l’impact et la pertinence de la mise en œuvre d’une pratique ou d’un principe, soutenus par des données probantes.
- Il se peut que nous trouvions des études valides qui correspondent parfaitement à notre contexte, mais ce sera plus souvent l’exception que la règle.
- Les données probantes éclairent notre pratique, mais le transfert et l’adaptation liés à leur mise en œuvre restent de notre ressort.
Les données probantes ne proposent pas une seule façon d’enseigner.
- Elles peuvent confirmer que certaines approches pédagogiques sont plus efficaces que d’autres pour promouvoir l’apprentissage dans certains contextes bien définis, mais pas dans tous les contextes.
- Par exemple, les preuves de l’échec d’un enseignement minimalement guidé plaident en faveur d’un type d’enseignement où les cours sont guidés précisément par l’enseignant. Cependant, cette approche dirigée par l’enseignant peut varier considérablement dans sa mise en œuvre.
Au-delà de ces limites, nous devons nous saisir des informations que nous apportent les données probantes.
La difficulté de la prise de décision en contexte scolaire
Selon Cain (2019), la manière dont les enseignants peuvent prendre des décisions en mobilisant les données de la recherche manque de clarté.
Il a argumenté sur le fait que la recherche peut informer la prise de décision délimitée, la réflexion des enseignants et l’apprentissage organisationnel.
La scolarisation est nécessairement :
- Ouverte : elle interagit avec des contextes et des environnements sociétaux.
- Sémiotique : elle implique des interprétations et la création de sens
- Discursive : les réflexions sur les rencontres éducatives antérieures informent les rencontres futures.
L’enseignement remplit au moins trois fonctions :
- Contribuer au développement de chaque élève en tant qu’individu.
- Socialiser les élèves à des modes de pensée et d’action, vis-à-vis des disciplines éducatives et en matière de développement d’attitudes prosociales.
- Enseigner des corpus de connaissances, de compétences et de valeurs spécifiques à une matière qui qualifient les élèves pour assumer des rôles actifs dans la société.
Ces fonctions sont réalisées par le biais d’activités, y compris des cours programmés, et sont gérées par un personnel aux responsabilités diverses.
Des décisions sont prises :
- Quelle devrait être l’horaire de la journée scolaire ?
- Quand est-il opportun d’ignorer un comportement perturbateur mineur ou d’interrompre un cours pour y faire face ?
- Comment évaluer les élèves sur ce que nous leur enseignons ?
Ces décisions impliquent l’exercice d’un jugement professionnel pour naviguer entre des rapports de force et des intérêts parfois contradictoires.
L’intérêt de la mobilisation des données probantes dans un cadre scolaire
La recherche délivre des idées qui sont généralement plus solidement ancrées que les idées issues d’autres sources. Ces autres sources regroupent l’expérience personnelle des praticiens individuels ou des hypothèses et pratiques cumulées d’une profession, qui tendent toutes deux à ne pas être testées.
La recherche aspire à des normes de rigueur, qui sont formées, débattues et défendues par les chercheurs, les comités d’éthique, les systèmes d’évaluation par les pairs et les sociétés savantes.
La recherche peut contribuer à la prise de décisions délimitées :
- Ces décisions qui aboutissent à des résultats appartenant à des domaines spécifiques concernant, par exemple, la planification de l’année scolaire, l’utilisation des ressources, la gestion du comportement ou la politique d’évaluation.
- Dans ce type de décisions, de multiples sources de données sont intégrées dans des discussions qui débouchent sur des décisions et des actions à mettre en œuvre.
- Ces décisions délimitées impliquent ce que Kahneman (2011) appelle le système 2 ou la pensée lente. Elles sont souvent prises par les chefs d’établissement dans le cadre de leur fonction de direction et de gestion et peuvent avoir un impact sur le personnel enseignant et les élèves.
La recherche peut éclairer la réflexion des enseignants :
- Elle peut impacter la réflexion en action rapide et intuitive qui se produit pendant l’enseignement interactif, que Kahneman (2011) appelle la pensée du « système 1 ».
- Elle peut le faire en influençant préalablement les cadres conceptuels que les enseignants apportent à leur enseignement. Ceux-ci sont formés par la réflexion sur les expériences précédentes d’enseignement et d’être enseigné, et par les discours et les idées avec lesquels ils s’engagent dans leur vie professionnelle.
- Ces cadres comprennent les connaissances des enseignants sur les élèves, leurs croyances et leurs valeurs, ainsi que leur sens de l’identité et de la mission (Korthagen & Vasalos, 2005).
- La recherche peut influencer les cadres conceptuels des enseignants en suggérant des axes de réflexion et en les encourageant à remettre en question leurs modes de pensée et d’action établis.
- L’engagement dans la recherche peut encourager les enseignants à adopter une orientation de recherche pour leur propre pratique et à expérimenter de nouvelles idées dans le cadre d’une pratique délibérée. Cette démarche peut encourager la recherche de preuves de l’apprentissage des élèves et l’adoption d’une attitude critique à l’égard de ces preuves. Il peut également encourager les enseignants à réfléchir à leur orientation éthique vis-à-vis des élèves. Il ne s’agit pas de prendre de meilleures décisions individuelles, mais d’être un meilleur enseignant (plus clair, plus empathique, etc.).
La recherche peut améliorer la qualité du débat au sein d’une école :
- Elle peut améliorer l’école en tant qu’organisation apprenante.
- L’apprentissage organisationnel se produit lorsque les enseignants partagent, examinent et critiquent leur pratique, ainsi que les normes et les valeurs qui la sous-tendent.
- En travaillant et en discutant ensemble, les enseignants peuvent établir, maintenir, critiquer et modifier leurs objectifs, leurs règles formelles et informelles et leur compréhension commune des activités et des idées.
- La recherche peut fournir aux enseignants une plate-forme pour engager des conversations constructives et critiques. Contrairement à la politique publique en matière d’éducation, qui vise à façonner les actions des écoles de manière particulière, la recherche en éducation peut être utilisée pour offrir d’autres perspectives et ouvrir le débat.
- Il ne s’agit pas de mettre en œuvre « ce qui marche » dans leurs écoles, mais de mobiliser la recherche dans une perspective éducative à la fois plus large et plus ciblée.
Bibliographie
Peter Foster, What do new teachers need to know ?, David Fulton, 2023
Stuart Lock, 2017, Pedagogy is Overrated, https://mrlock.word-
press.com/2017/06/23/pedagogy-is-overrated/
Shulman, L. (1986). Those who understand: Knowledge growth in teaching. Educational Research, 15(2), 4–14.
E.D. Hirsch Jr., Cultural Literacy: What Every American Needs to Know, Vintage, 1988
Reif, F. (2010). Applying Cognitive Science to Education: Thinking and Learning in Scientific and Other Complex Domains. Bradford.
Cain, T. (2019). How research can inform teachers and teaching in schools. Bera blog. www.bera.ac.uk/blog/how-research-can-inform-teachers-and-teaching-in-schools (accessed 27/06/2022).
Kahneman, D. (2011). Thinking, fast and slow. Farrar, Straus and Giroux.
Korthagen, F. & Vasalos, A. (2005). Levels in reflection: Core reflection as a means to enhance professional growth. Teachers and Teaching, 11(1), 47–71.
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