Comment l’analyse appliquée du comportement permet-elle de modéliser et d’expliquer l’apprentissage d’un comportement par le biais d’un enseignement explicite (d’après Simonsen, 2015) ?
(Photographie : Marina Caneve)
Apprendre est assimilable à un contrôle de stimulus ou d’antécédent
Lorsque nous considérons les différentes compétences, les concepts et les types de connaissances que nous enseignons en classe, nous pouvons réaliser l’importance du comportement.
La plupart de nos actions ont pour objet d’enseigner aux élèves à répondre de manière appropriée dans les conditions où se présentent des stimuli donnés. L’objectif est que l’apprenant adopte le comportement correct ou approprié en présence de conditions de stimulus particulières.
Lors de l’évaluation, nous voulons vérifier que l’élève traite correctement l’information et nous ne pouvons le vérifier qu’à travers son comportement ou sa performance. Nous n’avons pas d’accès direct à son apprentissage.
Par conséquent, l’objectif d’une grande partie de notre enseignement est d’établir le contrôle autonome du stimulus par l’élève. Le contrôle du stimulus s’appuie sur notre reconnaissance des trois types d’antécédents :
- Le stimulus discriminant (Sd) :
- Il signale la disponibilité d’un renforcement si une réponse est émise. Il indique qu’un certain comportement aura une conséquence positive.
- Par exemple, un feu vert est un stimulus discriminant qui signale que traverser la rue est susceptible d’être suivi par la sécurité (un renforcement).
- Le stimulus delta (SΔ) :
- Il signale l’absence de renforcement après une réponse. Il indique qu’un comportement n’aura pas de conséquence positive.
- Par exemple, si un distributeur automatique est hors service, si nous introduisons notre carte bancaire pour retirer de l’argent et appuyons sur les boutons (la réponse), nous n’obtiendrons pas d’argent (pas de renforcement).
- Le stimulus discriminant pour la punition (Sdp)
- Il signale que si une réponse est émise, elle sera suivie d’une punition.
- Par exemple, si nous dépassons la vitesse autorisée et que nous passons à côté d’un radar qui nous flashe, nous obtiendrons une contravention.
Établir le contrôle du stimulus pour l’apprentissage du comportement
L’établissement du contrôle des stimuli se fait en deux étapes fondamentales.
- Nous établissons le lien entre le stimulus spécifique (stimulus discriminant) et la réponse appropriée. Nous établissons l’ABC du comportement. ABC est l’acronyme pour Antécédent, Behaviour (comportement) et Conséquence.
- Par exemple, imaginons un enfant à qui nous montrons une flashcard avec la lettre A (stimulus discriminant). Nous lui demandons de reconnaitre et nommer la lettre. « A » est la réponse appropriée.
- Nous entraînons ensuite l’enfant à la discrimination. Nous devons nous assurer que la réponse appropriée est sous le contrôle unique des caractéristiques pertinentes du stimulus discriminant.
- Nous voulons maintenant nous assurer que l’enfant répond à la lettre sur la flashcard et qu’il ne dit pas simplement « A » quand on lui présente n’importe quelle carte flash. Par exemple, il ne doit pas dire A pour des cartes avec les lettres B à Z.
Établir l’ABC du comportement
La première étape pour établir le contrôle du stimulus consiste à enseigner explicitement à l’apprenant la réponse appropriée (R1) en présence du stimulus désiré (stimulus discriminant Sd).
Si nous prenons un contexte d’aptitudes sociales, nous souhaitons par exemple que nos élèves soient respectueux pendant une variété de tâches routinères en classe. Pour atteindre cet objectif, nous pouvons définir l’expression du respect (R1). Nous montrons à quoi il ressemble dans le contexte de l’enseignement en classe qui représente le stimulus discriminant.
En règle générale, dans un cours typique, le respect peut consister à s’asseoir calmement, à écouter l’enseignant et à interagir lorsque l’autorisation est donnée par l’enseignant.
Pour soutenir l’apprentissage des comportements en lien avec le respect, nous pouvons mettre en place un système de rétroaction positive spécifique et de renforcement positif à l’échelle de la classe. Notre but est d’augmenter la probabilité future des comportements de respect adoptés par les élèves en classe. Une manière de procéder est d’introduire des systèmes de contingences de groupe.
Par exemple, si les élèves adoptent tous un comportement respectueux pendant le cours, ils pourraient utiliser des minutes supplémentaires à la fin du cours pour commencer leurs devoirs. Dans le cas contraire, le cours se prolongera jusqu’à la fin.
De cette manière, nous construisons un ABC avec un stimulus discriminant, un comportement approprié et une conséquence positive. Cette contingence à trois termes permet de soutenir l’adoption d’un comportement respectueux dans cette routine de classe.
De même en mathématiques, nous pouvons vouloir que lorsque nous demandons à des élèves de résoudre une équation du second degré, ils utilisent la méthode du discriminant.
Un autre exemple peut être le fait d’enseigner à un enfant comment traverser une rue à un passage pour piétons équipé d’un feu.
La réponse appropriée (R1) est que l’enfant traverse la rue de manière sûre et efficace en direction du signal vert pour piétons situé de l’autre côté de la route. Ainsi, il reste dans les limites du passage pour piétons.
Le stimulus discriminant pour cette réponse est le passage au vert. L’apprenant s’engage dans la rue (comportement approprié) lorsque le feu est vert (stimulus discriminant), nous le félicitions. En le renforçant, nous voulons augmenter la probabilité que l’enfant traverse la rue lorsque le signal passe au vert. Le renforcement positif ne l’est véritablement que si le comportement approprié augmente.
Entraîner à la discrimination
Construire la chaîne entre stimuli discriminant, la réponse souhaitée et le renforcement positif est essentiel. Cependant, nous devons également nous engager dans un entraînement à la discrimination pour nous assurer :
- L’apprenant répond de manière appropriée au stimulus discriminant, et seulement à ce stimulus discriminant.
- L’apprenant répond avec la réponse souhaitée et seulement celle-ci.
Un premier exemple est que nous pouvons avoir enseigné à vos élèves qu’un comportement respectueux consiste à s’asseoir et à écouter tranquillement pendant que des instructions sont données par l’enseignant, ce qui constitue un stimulus discriminant.
Cependant, nous voulons également que les élèves sachent que la réponse souhaitée peut ne pas être appropriée pour différentes routines de classe et que d’autres réponses ne devraient pas être utilisées dans cette routine de classe.
Par exemple, parler avec ses camarades peut être approprié dans un travail de groupe, mais pas lorsque l’enseignant donne des instructions. La formation à la discrimination est essentielle pour que les élèves sachent quels comportements sont requis dans quelles circonstances.
Un deuxième exemple consiste à avoir enseigné aux élèves à utiliser la méthode du discriminant pour déterminer les racines d’une équation du second degré. Nous voulons qu’ils utilisent spécifiquement cette méthode à cet effet et pas une autre, mais qu’ils ne l’utilisent pas non plus pour trouver les racines d’une équation du premier ou du troisième degré.
Comme troisième exemple, considérons à nouveau le scénario consistant à apprendre à un apprenant à traverser la rue. Nous devons également assurer que l’apprenant sait qu’il doit traverser uniquement en présence du stimulus discriminant (feu vert). Nous devons enseigner explicitement que le fait de traverser en présence d’un feu rouge est dangereux. Nous devons également enseigner à l’apprenant qu’il ne doit pas prêter attention à d’autres stimuli non pertinents qui n’ont pas de rapport direct avec la situation. C’est par exemple, ce qu’on appelle un stimulus delta : des oiseaux qui volent, d’autres personnes qui traversent la rue en courant lorsque le signal est rouge, un chien qui aboie ou encore le fait de voir quelqu’un qu’ils connaissent de l’autre côté de la rue. De plus, nous voudrons vous assurer que l’apprenant ne s’engage pas dans une réponse différente (par exemple, sortir du passage piéton ou s’arrêter au milieu de la rue) en présence du stimulus discriminant (feu vert). Cette situation pourrait être tout aussi dangereuse.
Nous voudrons fournir suffisamment de pratique avec chaque type potentiel d’antécédent : (stimulus discriminant (feu vert), stimulus delta, stimulus discriminant – (feu rouge)). Nous voulons avoir des données pour confirmer que l’apprenant est capable de répondre de manière appropriée en présence du stimulus discriminant spécifique, et non en présence du stimulus discriminant.
Sans cet entraînement à la discrimination, nous ne pouvons pas être sûrs que la chaîne appropriée du comportement se produit. Nous ne pouvons pas savoir si le contrôle du stimulus est établi ou non.
Programmation de la généralisation du stimulus et de la réponse
Nous voulons souvent que les apprenants répondent de la même manière à un groupe de stimuli qui partagent une ou plusieurs caractéristiques pertinentes (appelé classe de stimuli), plutôt qu’à un stimulus discriminant spécifique.
Par exemple, nous voulons que les apprenants soient capables d’identifier différentes races de chien comme des membres de la catégorie « chien », même si chaque animal a des caractéristiques différentes.
Par exemple, nous voulons que les élèves soient capables d’identifier une fonction du second degré dans différentes formes et différentes situations.
Une réponse similaire à travers une classe de stimuli est appelée généralisation des stimuli (Alberto & Troutman, 2013 ; Cooper et coll., 2007).
Pour en revenir à l’exemple de la traversée de la rue, nous voulons probablement que les apprenants réagissent à la classe de signaux pour piétons (différents types de feux) de la même façon.
Pour favoriser la généralisation des stimuli, nous devons utiliser suffisamment d’exemples. Ceux-ci doivent illustrer la similitude entre les stimuli inclus dans la classe en ce qui concerne les caractéristiques pertinentes. Ils doivent mettre en évidence l’éventail des différences entre les stimuli de la classe en ce qui concerne les caractéristiques non pertinentes.
De plus, nous devons utiliser des contre-exemples pour montrer les limites de la classe de stimuli afin de nous assurer que les apprenants comprennent parfaitement la classe à laquelle ils doivent généraliser leur réponse.
De plus, les apprenants doivent parfois adapter leurs réponses pour répondre à certaines des caractéristiques uniques des membres de la classe de stimulus. En d’autres termes, ils doivent modifier ou ajuster leurs réponses en adoptant un comportement différent. Celui-ci a la même fonction que la réponse initiale (c’est-à-dire une réponse qui est membre de la même classe de réponses). Ce processus est appelé généralisation ou adaptation de la réponse.
Par exemple, si nous prenons les équations du second degré. Nous voulons que les élèves puissent les repérer et calculer leurs racines avec la méthode du discriminant. Parfois, cette méthode n’est pas applicable d’emblée et l’équation du second degré nécessitera certaines opérations mathématiques préalables avant de pouvoir être mobilisée. Nous devons sensibiliser les élèves à ces diverses situations.
Nous devons ensuite vérifier si les élèves ont généralisé l’utilisation de leur compétence à d’autres classes de stimulus et de réponses. La sélection et l’utilisation d’exemples de formation représentatifs pour promouvoir la généralisation des stimuli ou des réponses sont également connues sous le nom de programmation de cas généraux.
Considérons le contexte des compétences sociales abordé précédemment. Il se peut que nous souhaitions que les élèves adoptent un comportement respectueux au cours de diverses routines scolaires (par exemple, l’enseignement dirigé par l’enseignant, lors d’une sortie, lors d’une assemblée).
Cependant, nous avons également reconnu que les mêmes comportements respectueux ne seraient pas appropriés dans tous les contextes. Ce serait le cas par exemple dans un travail de groupe, dans le réfectoire scolaire, dans un autocar lors d’une sortie ou dans le cours de récréation.
Par conséquent, nous voulons :
- Enseigner l’éventail des conditions de stimulus dans lesquelles un comportement respectueux est attendu.
- Enseigner les variations de réponse qui composent la classe de réponse du comportement respectueux. Il peut y avoir des nuances dans le comportement attendu entre deux lieux différents.
- Évaluer si nos élèves peuvent généraliser à d’autres contextes dans lesquels un comportement respectueux est attendu, en adaptant leur comportement respectueux au nouveau contexte.
Une vue d’ensemble sur l’établissement du contrôle du stimulus
L’établissement du contrôle du stimulus est le processus consistant à construire une chaîne ABC, dans laquelle le stimulus discriminant provoque la réponse appropriée en :
- Enseignant explicitement et en renforçant systématiquement la réponse appropriée en présence du stimulus discriminant.
- Utilisant l’entraînement à la discrimination pour s’assurer que :
- La réponse appropriée ne se produit pas en présence de stimuli inappropriés (c’est-à-dire des stimuli qui ne font pas partie de la chaîne ABC). Ces stimuli ne sont pas membres de la même classe de stimulus que le stimulus discriminant, y compris le stimulus delta et le stimulus discriminant.
- Les réponses non désirées (c’est-à-dire les réponses qui ne sont pas membres de la classe de réponse de R1) ne se produisent pas en présence du stimulus discriminant.
- Établir un contrôle du stimulus entre une classe de stimuli (y compris les stimuli fonctionnellement liés au stimulus discriminant) et une classe de réponses qui ont la même fonction que R1. Dans ce cas, nous utiliserions les mêmes procédures (formation à la séquence ABC et formation à la discrimination), mais nous les appliquerions à une gamme d’exemples en utilisant la programmation de cas généraux.
Dans chaque cas, le contrôle du stimulus n’est possible que lorsque la ou les réponses font partie du répertoire de l’apprenant. En d’autres termes, nous ne pouvons construire la chaîne ABC qu’avec des comportements qui ont déjà été appris.
Mis à jour le 08/03/2025
Bibliographie
Brandi Simonsen & Diane Myers, Classwide positive behavior interventions and supports, Guilford, 2015
Alberto, P. A., & Troutman, A. C. (2013). Applied behavior analysis for teachers (9th ed.). Upper Saddle River, NJ : Pearson Education.
Cooper, J. O., Heron, T. E., & Heward, W. L. (2007). Applied behavior analysis (2nd ed.). Upper Saddle River, NJ : Prentice Hall.
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