
(Photographie : Nikolai Jan Preuschoff)
L’importance d’un langage commun sur les pratiques et les stratégies
Les pratiques d’enseignement et les stratégies d’apprentissage sont cruciales dans une optique d’efficacité. Pour ces deux aspects, il est utile que les enseignants disposent d’un langage commun avec une certaine granularité. Cela permet de déboucher sur des étapes d’action spécifiques pour en parler, pour les pratiquer et pour les enseigner.
Nous disposons dès lors d’un cadre de référence pour vérifier la fidélité, célébrer l’impact, explorer les défis et identifier les solutions. Les enseignants n’ont plus à réinventer, tâtonner et adapter leurs pratiques et approches en permanence.
À l’échelle d’une école, cela permet d’atteindre plus de cohérence, une précision et une profondeur dans les échanges professionnels. L’accent est mis sur la manière dont les pratiques sont mises en œuvre, plutôt que sur la définition de ce qu’elles devraient être.
Une école a besoin d’un cadre de référence, de quelque chose de raisonnablement étendu et stable pour que chaque conversation soit renforcée et nourrisse la compréhension commune. C’est d’autant plus nécessaire, lorsque nous souhaitons mettre en place un cadre d’accompagnement pédagogique et visons une cohérence à l’échelle de l’établissement.
Un langage précis, clair et explicite, permet d’encadrer les étapes de l’action dans l’accompagnement pédagogique. La fidélité de mise en œuvre devient par-là évaluable.
L’importance d’un cadre dans un contexte
Le fait que l’accompagnement au sujet de techniques efficaces prédéfinies contribue au développement professionnel des enseignants n’est pas une déclaration complètement consensuelle.
Un point de vue opposé est de rétorquer qu’un processus d’accompagnement pédagogique doit s’inscrire dans le contexte de chaque enseignant, dans sa réalité, en respect avec sa liberté pédagogique. Il s’agirait de tenir compte de ses objectifs, de ses élèves et de son programme d’études. Cela résulterait en la construction d’actions autour des problèmes spécifiques rencontrés par quasiment chaque enseignant.
Dans cette perspective, un ensemble d’idées prédéterminées et de pratiques efficaces communes peut sembler mal adapté. C’est l’idée que nous ne pouvons pas nous contenter d’imposer une solution fixe, en l’adaptant à la situation. Dès lors, la notion de recherche d’une fidélité à une technique prédéfinir peut sembler étrangère ou inappropriée. Les personnes sont des individus ; les contextes sont uniques.
Cependant, les recherches sur l’enseignement efficaces ont mis en évidence des pratiques spécifiques. Au fil du temps, nous pouvons constater que nous explorons souvent des questions similaires avec différentes personnes accompagnées dans différents contextes. La connaissance des solutions possibles dans d’autres situations alimentera plus sûrement le processus d’accompagnement pédagogique.
Dès lors, il semble raisonnable de suggérer compte tenu des fondamentaux du système cognitif humain qu’une part importante de l’art d’un enseignant performant comporte des facettes génériques. Celles-ci prennent la forme de techniques mises en évidence et bien définies qui suivent des chemins communs avec des étapes identifiables.
Ce n’est pas que les techniques soient imposées, c’est que les problèmes des enseignants sont en fait très courants. L’idée est de ne pas devoir réinventer des idées chaque fois comme si elles étaient totalement uniques. Nous pouvons utiliser des techniques définies comme un cadre pour comprendre et communiquer les problèmes et les solutions dès le départ, peut-être de manière préventive. Dès lors, la fidélité à la technique devient utile, pour développer la maîtrise et obtenir l’impact escompté.
Nous avons des dispositions pour décrire la même réalité avec des points de vue différents, mais nous pouvons tendre vers la même finalité.
L’idée de fidélité à une technique apparait dès lors comme un élément fonctionnel.
Diffuser des techniques d’enseignement efficace dans une équipe ou dans une école
Les problèmes identifiés d’apprentissage des élèves, d’enseignement des contenus ou de gestion de classe sont souvent les mêmes entre les enseignants d’une équipe ou d’une école entière.
Il y a un sentiment de cohérence, de motivation et de volonté d’aller ensemble de l’avant dans la création d’une compréhension commune autour des techniques définies qui sont une réponse directe aux problèmes partagés.
Dans la résolution d’un problème partagé, les différents enseignants font invariablement office de novices à un moment donné. Un accompagnement pédagogique fondé sur une technique clairement définie fournit un étayage et une structure utile pour avancer ensemble. Les étapes ne sont pas des règles rigides, mais offrent une orientation, un mécanisme et un objectif. Le fait d’avoir une technique préétablie à laquelle se référer facilite énormément l’apprentissage professionnel.
Dans un premier temps, la technique est expliquée et justifiée en ce qui concerne ses mécanismes sous-jacents et sa cohérence avec la culture de l’école.
Il s’agit alors de s’assurer que tout le monde comprend pourquoi la technique fonctionne et quand elle peut être utile, par le biais d’une formation où la démonstration est faite et où la pratique est testée.
Ensuite, dans les situations de coaching d’équipe, une discussion est menée sur l’utilisation efficace de la technique étape par étape. L’accent est alors mis sur la fidélité de la mise en œuvre de la technique.
Dans la suite du processus, au fur et à mesure d’autres techniques sont intégrées. Il s’agit de savoir comment et quand combiner et passer d’une technique à l’autre et de s’assurer qu’elles sont utilisées à bon escient.
La démarche est plus cohérente et viable si ces techniques sont bien comprises par toutes les parties. Chaque technique doit être comprise isolément, mais elles ont plus d’impact lorsqu’elles sont combinées.
Il importe d’être absolument explicites sur le fait que la fidélité à une technique est un moyen de parvenir à une fin. Elle fait partie du chemin vers la maîtrise et l’expertise. Dans un second temps, elle peut être adaptée aux besoins en ajoutant des détails pertinents pour notre classe, le cadre et le contenu que nous enseignons.
En procédant de cette manière, les enseignants parviennent plus rapidement à résoudre efficacement un problème d’apprentissage qu’en repartant à zéro chaque fois et en concevant de nouvelles actions. Les routines et les outils adéquats préexistent souvent déjà. Il suffit de bien les sélectionner, de s’en saisir, de s’y former et de les combiner en fonction des circonstances.
L’entretien de rétroaction dans le cadre du coaching pédagogique
Par rapport à la mise en œuvre de certaines pratiques et stratégies, certains enseignants peuvent rencontrer des difficultés et bénéficier d’un coaching pédagogique. Typiquement dans ce cadre, un coach ou un accompagnateur pédagogique qui peut être un collègue expérimenté vient observer en classe. Par la suite, le coach va donner une rétroaction.
Bambrick-Santoyo et Peiser (2012) proposent six étapes pour une rétroaction efficace dans le cadre d’une réunion en face-à-face après une observation en classe. Voici leur modèle.
Étape 1 : L’éloge
- Il s’agit de commencer en mettant en évidence ce qui est positif en lien avec un objectif fixé de mise en œuvre d’une pratique ou stratégie donnée.
- Il est précisé en quoi l’objectif est atteint en énonçant les actions positives concrètes que l’enseignant a prises.
- Les questions suivantes peuvent être posées :
- Qu’est-ce qui t’a permis de réussir ?
- Qu’as-tu ressenti ?
Étape 2 : Le sondage
- La coach poursuit avec une question ciblée :
- Quel est l’objectif de _______ [un certain domaine d’enseignement] ?
- Quel était ton objectif pour ________ [l’activité, la leçon] ?
Étape 3 : L’identification du problème et de la mesure à prendre
- Le problème qui a émergé à l’étape du sondage est précisé et une piste de solution est mise en évidence.
- La progression doit se faire vers l’étape de l’action concrète.
- Pour faciliter cette étape, nous pouvons compléter d’un étayage si nécessaire :
- Niveau 1 (tout se passe à l’initiative de l’enseignant) :
- L’enseignant identifie lui-même le problème :
- Nous acquiesçons et nous demandons quelle serait alors la meilleure mesure à prendre pour résoudre ce problème.
- Niveau 2 (plus de soutien) :
- Nous posons des questions d’étayage : par exemple, comment par tes actions ont dans le cours as-tu tenté d’atteindre ce but/objectif ?
- Niveau 3 (davantage de conseils de la part du coach) :
- Présentation des données de la classe :
- Te souviens-tu de ce qui s’est passé en classe lorsque ___ ? [L’enseignant identifie alors ce qui s’est passé]
- Qu’est-ce que cela a fait à la classe/à l’apprentissage ?
- Niveau 4 (dirigé par le coach ; uniquement lorsque les autres niveaux échouent) :
- Énoncer directement le problème : [nous indiquons ce que nous avons observé et quelle mesure sera nécessaire pour résoudre le problème].
Étape 4 : La pratique
- Pratique — Jeu de rôle/simulation de la manière dont il est possible d’améliorer la problématique lors du cours observé :
- Essayons cela. (Passer immédiatement au jeu de rôle.)
- Reprenons la leçon et essayons d’appliquer ceci.
- Je suis ton élève. Je dis/fais ____. Comment réagissez-vous ?
- Niveau 4 : modéliser pour l’enseignant, puis lui demander de s’exercer.
Étape 5 : La planification
- Planifier — concevoir/réviser les plans de cours à venir pour mettre en œuvre cette action : par exemple, quel serait le moment idéal pour mettre en œuvre cette action dans tes prochaines leçons ?
- [L’enseignant travaille seul ou suit les étapes suivantes] : Inscrivons les étapes dans un [plan de cours, feuille de travail/activité, liste de contrôle, etc.]
Étape 6 : Le calendrier de suivi
- Fixer un calendrier de suivi :
- Quel serait le meilleur moment pour observer ta mise en œuvre ?
- Niveaux 3-4 : Je viendrai tel jour (proche) pour observer cette technique.
- Éléments à planifier :
- Quand l’enseignant aura-t-il terminé le plan de cours et le matériel révisés ?
- Quand le coach ou le responsable observera-t-il l’enseignant ?
- Quand l’enseignant ira observer un exemple de mise en œuvre l’étape d’action par un autre enseignant ?
- Quand aura lieu la prochaine réunion de mise au point ?
Cette approche a l’avantage d’être très cadrée, claire, facile à appliquer et à mettre en œuvre à l’échelle de l’école. Elle est efficace et flexible. Elle permet aux accompagnateurs pédagogiques de travailler avec les enseignants concernés de tout le spectre de l’expertise et de la capacité d’autodétermination.
Si l’approche est à la base conçue pour le coaching individuel, elle fonctionne très bien pour les paires, les groupes et les équipes entières.
L’importance de l’appropriation des objectifs d’apprentissage professionnel
Comme tout autre apprentissage bénéficiant d’un enseignement explicite, l’apprentissage professionnel gagne à s’accompagner du partage d’objectifs d’apprentissage et de critères de réussite. De même, il doit se penser dans le cadre d’un transfert de responsabilité de l’accompagnateur pédagogique vers l’enseignant formé.
Dès lors, l’évaluation de la mise en œuvre d’une technique en situation de classe, une compétence que les enseignants doivent développer, c’est la capacité à identifier où les choses fonctionnent ou ne fonctionnent pas. Cela permet de procéder ensuite à des ajustements en temps réel.
Au-delà d’une technique spécifique ou d’un objectif d’apprentissage sur lequel nous travaillons en ce moment, l’objectif plus large est de développer la capacité d’un enseignant à évaluer la situation de manière intégrée.
Atteindre ce stade permet d’avoir plus d’impact que d’amener simplement les enseignants à perfectionner une technique en particulier. Dès lors, il est essentiel de garder cet objectif à l’esprit. Nous posons des questions qui amènent l’enseignant à exercer personnellement une plus grande partie du diagnostic avant que l’observateur ne le fasse et délivre son retour d’information.
Dès lors, dans ce cadre, il est important de voir comment l’enseignant a interprété la situation avant de formuler notre contribution en tant qu’observateur, d’une manière qui lui soit utile.
Proposer des choix avec assertivité sans être directif
Dans le cadre du coaching pédagogique et plus spécifiquement du retour d’observation, les observateurs peuvent osciller entre deux extrêmes :
- Être directif en disant essentiellement aux enseignants ce qu’ils devaient faire sans les engager dans un dialogue. Si nous commençons par dire aux enseignants où ils se sont trompés et ce qu’ils doivent faire, nous risquons de compromettre leur processus d’évaluation de la situation.
- Éviter tout apport direct ce qui peut avoir comme conséquence que la situation n’évolue que peu.
Il faut par conséquent trouver un juste milieu. Si notre jugement professionnel nous indique que notre contribution les aidera à prendre de meilleures décisions, nous devons être confiants et partager nos idées.
L’astuce consiste à présenter assertivement nos idées comme des options parmi lesquelles l’enseignant peut choisir, et non comme des règles qu’il doit suivre. Nous faisons des suggestions, mais c’est l’enseignant qui fait le choix.
Nous ne pouvons obliger un enseignant à adopter des idées qu’il n’accepte pas. Alternativement, nous pouvons les accompagner dans leur voyage. Nous adaptons l’approche à la personne ou à l’équipe que nous accompagnons aussi bien que nous le pouvons.
Privilégier une approche systémique à une approche organique
L’approche organique part dans une optique de souplesse et entend s’adapter aux besoins des enseignants en tant qu’individus et d’un programme ouvert. La difficulté de l’approche organique est qu’elle s’essouffle généralement lorsque l’on tente de mettre en place un système général, car elle finit par ne reposer que sur les compétences spécifiques de quelques personnes clés.
L’approche systémique part d’un modèle de référence, des protocoles, des scripts et des démarches que les enseignants et les accompagnateurs utilisent ensuite comme plateforme à adapter en fonction de leur contexte. L’approche systémique fait démarrer les gens, puis évolue toujours vers quelque chose de plus subtil et de plus organique une fois que les gens ont pris le coup de main. Une approche systémique répond à l’attente des enseignants envers plus de structure, de prévisibilité et d’étayage. De plus, les approches systémiques ont une probabilité plus élevée d’être supportées par des données probantes.
Mis à jour le 11/02/2025
Bibliographie
Tom Sherrington, 2023, 10 Lessons learned about instructional coaching within a CPD programme
https://teacherhead.com/2023/05/14/10-lessons-learned-about-instructional-coaching-within-a-cpd-programme/
Tom Sherrington, 2023, Framing Action Steps in Coaching: Fidelity to the technique – and all that jazz. https://teacherhead.com/2023/04/30/framing-action-steps-in-coaching-fidelity-to-the-technique-and-all-that-jazz/
Bambrick-Santoyo, P., & Peiser, B. M. (2012). Leverage leadership: A practical guide to building exceptional schools. San Francisco : Jossey-Bass.
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