Il existe un parallélisme intéressant entre l’utilisation des incitations dans l’analyse appliquée du comportement et l’usage des stratégies d’étayage et de désétayage dans un enseignement efficace.
(Photographie : Andulka)
Le stimulus discriminant
Un stimulus discriminant est associé à un renforcement ou à une punition. Il exerce un contrôle sur une forme particulière de comportement.
La présence du stimulus discriminant signale qu'un certain type de conséquence (renforcement ou punition) devient plus probable. Il représente un signal, un indicateur qui prédit la probabilité d'une conséquence spécifique si un comportement particulier est émis en sa présence. Il ne provoque pas directement le comportement, mais il augmente la probabilité que le comportement se produise.
Le sujet apprend à faire la distinction entre des stimuli et suscite un comportement spécifique plus fréquemment ou moins fréquemment uniquement en présence de ce stimulus discriminant.
Pour un conducteur, le feu vert est un stimulus discriminant qui signale que le fait d'appuyer sur l'accélérateur (comportement) a une forte probabilité d'être suivi d'une conséquence positive (avancer, arriver à destination). Le feu rouge, à l'inverse, est un stimulus discriminant qui signale qu'appuyer sur l'accélérateur est susceptible d'entraîner une conséquence négative (accident, contravention).
Les stimuli discriminants sont essentiels pour l'apprentissage et l'adaptation. Ils permettent aux organismes d'anticiper les conséquences de leurs actions et d'ajuster leur comportement en conséquence.
La notion d’incitation
L'incitation est une stratégie pédagogique utile qui est souvent utilisée en combinaison avec d'autres stratégies d'enseignement.
Les incitations ou invites sont des stimuli antécédents qui sont ajoutés au stimulus discriminant. Ils augmentent la probabilité qu'un apprenant adopte le comportement souhaité en réponse au stimulus discriminant (Alberto & Troutman, 2013).
Les clés d'une incitation efficace sont les suivantes :
- Nous devons choisir une incitation d’un bon niveau, ni trop forte ni trop faible, pour permettre à l'apprenant de réussir sans se détourner du stimulus discriminant.
- Nous devons estomper les incitations aussi rapidement que possible pour que l'apprenant ne réponde qu'au stimulus discriminant.
La notion d’incitation est proche de celle de l’étayage en enseignement explicite. Elle correspond à une aide temporaire qui soutient l’apprenant dans l’expression d’un comportement particulier qui correspond à un apprentissage.
Nous devons choisir une bonne incitation qui va effectivement soutenir l’élève dans la réalisation du comportement mais que nous pourrons rapidement retirer par la suite pour laisser l’élèves l’exécuter seul et sans aide.
Sélectionner le type et le niveau d’incitation
Il existe différents types d'incitations (Alberto & Troutman, 2013 ; Cooper et al., 2007). Nous devons choisir la meilleure invite en fonction :
- Du type de compétence :
- Par exemple, un guidage physique peut être nécessaire pour enseigner une activité physique mais ne devrait pas être nécessaire pour apprendre à un élève à intégrer une fonction en mathématiques.
- Des besoins et préférences de l'apprenant :
- Par exemple, certains élèves répondront aux incitations verbales, d'autres préféreront ou réussiront mieux avec des incitations visuelles et d'autres encore auront besoin d'un guidage physique.
- Pour chaque type d'incitation, il existe souvent différents niveaux d'incitation. Nous devons choisir le niveau le plus faible possible pour garantir la réussite de l'apprenant.
En d'autres termes, si un apprenant peut réussir avec une indication, il n'est pas nécessaire de fournir des instructions complètes étape par étape et cela peut même ralentir les progrès de l'apprenant vers l'autonomie.
Les incitations verbales
Les incitations verbales comprennent tout énoncé verbal ajouté au stimulus discriminant pour augmenter la probabilité qu'un apprenant réponde à ce stimulus discriminant.
Les incitations verbales sont des rappels de ce que l'apprenant doit faire lorsqu'il rencontre une situation, une activité, une instruction ou un autre type de stimulus particulier.
Les incitations verbales peuvent inclure :
- Des règles : par exemple, « dans notre classe, nous sommes respectueux »
- Des énoncés verbaux directs ou des instructions : par exemple « Pour faire preuve de respect en classe, veuillez lever la main et attendre qu'on vous donne la parole »
- Des énoncés verbaux indirects ou des indices : par exemple, « Rappelez-vous comment avoir mon attention quand vous avez une question ».
Nous devons garder à l’esprit que nous souhaitons que l'apprenant finisse par démontrer la compétence ou la connaissance sans avoir besoin d'un rappel. Par conséquent, nous devons choisir l'incitation verbale la plus légère possible pour permettre à l'apprenant de réussir.
Les incitations visuelles
Les incitations visuelles comprennent toute aide visuelle (qu’elle soit picturale ou textuelle) ajoutée au stimulus discriminant pour augmenter la probabilité que l'apprenant réponde avec succès. Les aides visuelles peuvent inclure des affiches, des séquences d'images et des exemples de problèmes résolus sur une feuille de cours pour illustrer le format correct des réponses.
Beaucoup de murs en classe comportent des affiches avec des incitations visuelles liées au comportement ou spécifique à des rappels de certaines règles propres à certaines matières.
Bien que les incitations aides visuelles puissent être fournies à l'ensemble de la classe, nous pouvons en créer et en donner de manière personnalisée pour les élèves qui ont besoin de rappels supplémentaires pour réussir. Par exemple, un élève peut avoir besoin d'une aide supplémentaire pour l'aider à suivre.
Quel que soit le type d'incitation visuelle, notre objectif est de faire en sorte que les apprenants réagissent au stimulus discriminant qui se produit naturellement. Par conséquent, nous voudrons également un plan pour retirer progressivement ou alléger les incitations visuelles afin que nos élèves soient capables de se comporter comme attendu en leur absence.
Les incitations gestuelles
Les incitations gestuelles comprennent tout mouvement ou geste. C’est par exemple, un hochement de tête, un pouce levé, faire une coche sur la feuille d’un élève à côté d’une bonne réponse). Elles sont fournies en plus du stimulus discriminant pour augmenter la probabilité que l'apprenant réponde de façon appropriée.
Les incitations gestuelles ne vont pas jusqu'à la démonstration complète (c'est-à-dire le modelage) de l'ensemble du comportement attendu. Par exemple, lorsqu'un enseignant accompagne des élèves dans le couloir, il peut lever un doigt en marchant sans l’amener devant ses lèvres. Ce signe de silence mais qui ne s’exprime pas jusqu’au bout fonctionne comme une incitation gestuelle si les élèves sont plus susceptibles de marcher calmement (comportement) dans le couloir, ce qui est le stimulus discriminant.
Comme toutes les autres incitations, les gestes doivent être estompés pour que les élèves sachent comment réagir de manière appropriée en leur absence.
Les incitations de modelage
Il y a modélisation ou modelage lorsqu'un expert démontre l'intégralité du comportement attendu.
Par exemple, un enseignant peut montrer (modéliser) comment résoudre un problème mathématique complexe (stimulus discriminant) avant de confier aux élèves des problèmes à résoudre (comportement) en petits groupes.
Un directeur d'école peut demander à quelques élèves plus âgés de montrer (modéliser) aux nouveaux élèves de première année comment être respectueux (comportement) dans différents contexte scolaires.
La recherche a démontré que les modèles qui sont compétents, qui paraissent « cool » et comparables à l'apprenant ou aux apprenants peuvent être les plus efficaces.
En fait, la recherche a montré que l'auto-modélisation vidéo, qui maximise ces trois caractéristiques en éditant des vidéos de l'apprenant (" cool " et comparable) adoptant avec succès le comportement souhaité (compétent), produit les effets souhaités pour de nombreux groupes d'apprenants (Alberto & Troutman, 2013).
Pour être efficaces, les modèles doivent
(1) Démontrer l'habileté correctement (c.-à-d. être compétents)
(2) Avoir du prestige social aux yeux de l'apprenant (c.-à-d. être cool)
(3) Être semblables ou comparables à l'apprenant, bien que la similitude entre le modèle et l'apprenant puisse ne pas être essentielle au succès de la modélisation (MacDuff et coll., 2001).
Le guidage physique
Lorsqu'il fournit un guidage physique, ou des incitations gestuelles, un enseignant aide physiquement un apprenant à progresser dans une compétence afin d'augmenter la probabilité que l'apprenant réponde avec succès à un stimulus discriminant.
Par exemple, lorsqu'il apprend à un jeune élève à utiliser correctement des ciseaux, l'enseignant peut placer sa main sur la main de l'élève pour le guider lors des premières coupes.
Cependant, nous ne devons pas confondre le guidage physique avec la contention physique qui qui vise à restreindre les mouvements ou à diminuer un comportement problématique. Par exemple, un enseignant qui tient les mains d'un élève pour l'empêcher de se frapper utilise une contention physique, et non un guidage physique.
Comme tous les autres messages d'incitation, le guidage physique doit s'estomper le plus rapidement possible afin de s'assurer que l'apprenant réagit au stimulus discriminant en l'absence d'incitation.
Une approche d’apprentissage sans erreur dans l’étayage
Lorsque nous utilisons des incitations, il importe de les estomper afin de s'assurer que l'apprenant peut répondre avec succès au stimulus discriminant sans elles.
Nous devons éviter une situation dans laquelle l'apprenant devient dépendant des incitations.
Pour utiliser efficacement les incitations, nous devons planifier notre hiérarchie ou notre série d’incitations que nous utiliserons pendant vos procédures d'enseignement et pendant le désétayage.
En général, notre objectif est de commencer par le niveau d'incitation requis pour que l'apprenant réponde avec succès (c'est-à-dire avec peu ou pas d'erreurs) au stimulus discriminant. Nous passons alors progressivement mais efficacement à des incitations moins intensives jusqu'à ce que l'apprenant réponde avec succès de manière autonome. L'objectif est d'aller du plus au moins d'incitations.
En commençant par l'incitation la plus intensive nécessaire pour réussir, l'incitation du plus au moins minimise la probabilité qu'un apprenant fasse des erreurs. En d'autres termes, nous diminuons progressivement l'aide fournie à l'apprenant pour qu'il puisse exécuter la compétence.
L'incitation du plus au moins peut prendre diverses formes :
- Pour les incitation verbales ou visuelles qui s'estompent, nous pouvons diminuer progressivement les informations fournies par l'incitation. Nous pouvons fournir de moins en moins de détails dans nos incitations verbales ou visuelles, en supprimant d'abord les informations dont on se souvient facilement afin que l'apprenant progresse vers l'autonomie.
- Lors de l'atténuation des invites visuelles, nous pouvons également utiliser l'atténuation du stimulus, qui commence généralement par l'exagération d'un aspect du stimulus (par exemple, l'augmentation de l'intensité de la couleur, l'augmentation du contraste entre les stimuli), puis l'atténuation progressive de l'aspect exagéré jusqu'à ce que le stimulus soit le stimulus discriminant naturel.
- Une autre approche est le modelage du stimulus, dans lequel le matériel pédagogique est progressivement modifié jusqu'à ce que l'apprenant réponde de manière autonome au stimulus souhaité. Les stimuli se rapprochent progressivement du stimulus discriminant, jusqu'à ce que l'apprenant réponde au stimulus discriminant en l'absence d'incitations supplémentaires.
- Pour diminuer le guidage physique, nous pouvons utiliser une procédure appelée guidage graduel dans laquelle nous diminuons progressivement :
- Soit le niveau de pression fourni dans le guidage physique jusqu'à ce que nous ne fassions que " suivre " l'apprenant.
- Soit la proximité du soutien fourni. Nous éloignons progressivement notre ou nos mains de la partie du corps visée. Par exemple, nous passons de la main sur la main à la main sur l’avant-bras, puis le coude, puis l’épaule, pour finalement supprimer tout soutien.
Quelle que soit la forme, la fonction de ce type de diminution de l’étayage est de minimiser les erreurs en s’assurant que l’apprenant reçoit le niveau d’encouragement nécessaire pour réussir dès le départ. Par conséquent, on parle souvent d’une approche d’apprentissage sans erreur.
Une approche d’apprentissage qui tient compte du niveau actuel dans l’étayage
Dans certaines circonstances, nous pouvons nous assurer que nous ne fournissons pas une incitation trop intrusive. Nous pouvons augmenter progressivement le niveau d’incitation jusqu’à ce que l’apprenant réponde, en fournissant une incitation du moins au plus.
Nous présentons le stimulus discriminant et nous introduisons progressivement des incitations de plus en plus intenses, selon les besoins, jusqu’à ce que l’apprenant réponde avec succès. Bien que cette approche puisse être associée à un plus grand nombre d’occasions pour l’apprenant de faire des erreurs, elle peut également être plus efficace.
La méthode du moins au plus permet de s’assurer que l’apprenant ne reçoit pas d’instructions inutiles qui retardent l’apprentissage ou la progression vers l’autonomie. Par conséquent, cette approche peut être bien adaptée pour évaluer le niveau de performance actuel d’un apprenant.
Utilisation du délai avec les stratégies de désétayage
Nous pouvons utiliser un délai pour donner à l’apprenant une chance de répondre au stimulus discriminant naturel avant de fournir la première invite planifiée.
Le délai peut être constant (par exemple, 5 secondes chaque fois) ou progressif (c’est-à-dire qu’il augmente au fur et à mesure que l’élève acquiert de la fluidité.
La méthode du plus au moins d’incitations avec délai peut maximiser les avantages de toutes les stratégies d’atténuation des incitations. Elle peut entraîner le moins d’erreurs possible tout en donnant à l’apprenant une chance de répondre de façon autonome, en évitant le recours excessif à des incitations inutiles pendant de longues périodes.
Exemple : imaginons que nous voulons apprendre à un élève à reconnaître des formes géométriques.
- Nous montrons à l’élève l’image d’un pentagone et nous lui disons « De quelle forme s’agit-il ? » [stimulus discriminant].
- Nous attendons 5 secondes.
- Si l’élève n’a pas répondu dans les 5 secondes, nous délivrons l’incitation la plus intrusive. C’est, par exemple, une incitation verbale : « Un pentagone est une forme avec cinq côtés égaux et cinq angles égaux. Ceci est un pentagone. Quand je vous demande quelle forme, j’attends que tu me dises que c’est un pentagone. »).
- L’élève répond qu’il s’agit d’un pentagone.
- Un peu plus tard, l’image d’un pentagone revient.
- Nous attendons 5 secondes.
- Si l’élève n’a pas répondu dans les 5 secondes, nous présentons le niveau d’incitation suivant. C’est, par exemple, une incitation verbale contenant moins d’informations : « Cette forme a cinq côtés égaux et cinq angles égaux. Quelle forme a cinq côtés égaux et cinq angles égaux ? ».
- L’élève répond qu’il s’agit d’un pentagone.
- Un peu plus tard, l’image d’un pentagone revient.
- Nous attendons 5 secondes.
- Si l’élève n’a pas répondu dans les 5 secondes, nous présentons le niveau d’incitation suivant. C’est, par exemple, une incitation verbale indirecte : « Compte les côtés ! ».
Nous répétons ce processus en continuant d’estomper les incitations et en utilisant le délai après chaque présentation du stimulus discriminant jusqu’à ce que l’élève y réponde immédiatement.
L’incitation est un moyen efficace d’augmenter la probabilité qu’un apprenant réponde efficacement à un stimulus discriminant en ajoutant initialement, puis en atténuant efficacement, des stimuli supplémentaires (verbaux, visuels, gestuels, de modélisation ou physiques). En parallèle et au fur et à mesure, l’apprenant augmente son autonomie en répondant avec succès au stimulus discriminant.
Mis à jour le 13/02/2025
Bibliographie
Brandi Simonsen & Diane Myers, Classwide positive behavior interventions and supports, Guilford, 2015
Alberto, P. A., & Troutman, A. C. (2013). Applied behavior analysis for teachers (9th ed.). Upper Saddle River, NJ: Pearson Education.
Cooper, J. O., Heron, T. E., & Heward, W. L. (2007). Applied behavior analysis (2nd ed.). Upper Saddle River, NJ: Prentice Hall.
MacDuff, G. S., Krantz, P. J., & McClannahan, L. E. (2001). Prompts and prompt fading strategies for people with autism. In C. Maurice, G. Green, & R. M. Foxx (Eds.), Making a difference: Behavioral intervention for autism (pp. 37–50). Austin, TX: PRO-ED.
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